M. le président. Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur l'avenir de l'hôpital Avicenne, en Seine-Saint-Denis.
Celui-ci, a une double vocation : d'une part, répondre aux besoins de santé d'une population de 1,5 million d'habitants ; d'autre part, jouer son rôle de centre hospitalier universitaire en liaison avec l'Unité de formation et de recherche - UFR - Médecine de Bobigny, composante de l'université Paris-Nord - Villetaneuse.
Cet hôpital est localisé dans le nord-est parisien, nettement sous-équipé en établissements hospitaliers par rapport au reste de la région parisienne. Ancien hôpital franco-musulman, il n'a jamais bénéficié d'une modernisation et d'une remise à niveau à la hauteur des exigences voulues par l'Assistance publique pour ses hôpitaux parisiens.
Lié à l'UFR de médecine à Bobigny, l'hôpital Avicenne participe au développement de l'enseignement supérieur et de la recherche en Seine-Saint-Denis. Ces filières universitaires du domaine scientifique, sanitaire et social permettent la formation de près de 4 000 étudiants principalement originaires du département. Mais il n'a jamais bénéficié de création d'unité de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médical - INSERM - ou du Centre national de la recherche scientifique - CNRS. La création, il y a neuf ans, de l'Institut oncologique cellulaire moléculaire humaine - IOCMH - malgré les limites de sa forme associative, a permis de pallier cette absence.
Malgré les garanties antérieures et l'engagement financier du conseil général de la Seine-Saint-Denis, les récentes décisions de diminution importante de crédits auraient de très lourdes conséquences. Tout d'abord, elles remettraient en cause le projet de création d'un centre de cancérologie. Pourtant, le cancer est la première cause de mortalité en Seine-Saint-Denis et près d'un patient sur deux, pris en charge à Avicenne, relève d'une pathologie tumorale. Ensuite, elles accroîtraient le déséquilibre du secteur public par rapport au secteur privé. Enfin, en fragilisant la structure hospitalière, elles affaibliraient les conditions d'enseignement et de recherche de l'UFR, d'autant plus que l'IOCMH, financé par le seul secteur associatif, voit ses crédits diminuer et est lui-même menacé.
Cette situation entraîne un grand mécontentement de la part des personnels, des élus et de la population de Seine-Saint-Denis, qui souhaitent un véritable Centre hospitalier universitaire de qualité. D'où la nécessaire création d'un véritable centre de cancérologie tel qu'il était programmé dans le plan quinquennal 1996-2000, regroupant les activités déjà existantes, complétées par un centre de radiothérapie.
Afin de permettre à la Seine-Saint-Denis de bénéficier d'un CHU de haute qualité scientifique et médicale, elle lui demande d'intervenir afin que des crédits d'investissement soient débloqués et que l'autorisation d'implantation de radiothérapie soit accordée. (N° 452.)
La parole est Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, s'agissant de la question écrite posée début juillet sur les graves conséquences des restrictions budgétaires pour l'hôpital Avicenne, la réponse qui m'a été donnée ne peut me donner satisfaction.
Certes, il y est reconnu l'importance de cet établissement pour répondre aux besoins de la population. Il y est rappelé que cet hôpital doit développer ses activités de cancérologie et que celles-ci ont un caractère prioritaire.
Enfin, on y souligne qu'il convient d'être attentif aux moyens qui lui sont accordés.
Toutes ces orientations sont satisfaisantes et confortent le bien-fondé des analyses que nous défendons. Pour autant, le problème de fond n'est pas traité, il est même ignoré.
Ainsi, dans le « projet 2000 » de l'Assistance publique, il est écrit : « S'agissant de la cancérologie, l'Assistance publique a pris en considération la situation de la zone Est marquée par la faiblesse du nombre des établissements aptes à répondre aux besoins de la population. Elle a décidé de renforcer le rôle de cancérologie au sein de l'hôpital Avicenne dans une double vocation curative et préventive. »
Ces bonnes intentions sont fort malheureusement démenties par la réalité. Ainsi, en mars 1996, 150 millions de francs de crédits d'investissements étaient prévus pour Avicenne. Le centre de cancéro-hématologie pouvait donc être réalisé.
Deux mois plus tard, en mai, seulement 58 millions de francs étaient alloués, et le conseil d'administration de l'Assistance publique du 25 juin supprimait ce projet de son plan d'investissement pour la période 1996-2000.
Ainsi, dans un département où les décès par cancer s'élèvent à 2 800 par an, les crédits promis pour la création d'un centre de cancérologie ne sont pas accordés.
En plus de la remise en cause du projet cancéro-hématologie, il y a disparition du service de néphrologie et d'hémodialyse, et limitation de l'activité en cardiologie. Tout cela, pour des raisons de diminution de crédits.
La population du nord-est parisien doit pouvoir bénéficier d'une structure publique de référence dans laquelle prévention, dépistage, soins, enseignement, formation et recherche sont intimement liés.
Si tel n'était pas le cas, Avicenne ne pourrait plus jouer son rôle d'hôpital de secteur et universitaire. L'université Paris-Nord - Villetaneuse a, d'ailleurs, inscrit dans son projet scientifique le développement du pôle de Bobigny, en liaison avec Jean Verdier et René Muret, comme élément structurant de la politique de la santé publique en Seine-Saint-Denis, en liaison avec la politique de la ville et la lutte contre l'exclusion.
Pour cela, il est nécessaire de faire franchir à la recherche dans ce secteur une nouvelle étape par l'implantation d'unités du CNRS - Centre national de la recherche scientifique - et de l'INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale. Il serait regrettable que des équipes certes de taille réduite mais de grande qualité et reconnues sur le plan international ne soient pas confortées.
Si le projet de centre cancérologie-hématologie ne se réalise pas, c'est tout un pan de l'enseignement supérieur pour la médecine qui disparaît.
Cette situation grave a conduit à la création d'un comité de défense et de développement de l'hôpital Avicenne. Il regroupe infirmières, médecins, administratifs, professeurs de médecine, maires, parlementaires et conseillers généraux.
Ma question est simple : que pense faire concrètement M. Barrot pour que les engagements en crédits d'investissement soient respectés et que l'autorisation d'implantation de radiothérapie soit accordée ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser M. Barrot de ne pas pouvoir vous répondre personnellement.
Vous avez attiré l'attention du ministre du travail et des affaires sociales sur la nécessité de doter l'hôpital Avicenne de moyens suffisants, tant pour répondre aux besoins de la population, notamment dans les domaines de l'accueil et du traitement des urgences et de la cancérologie, que pour permettre d'assurer la fonction d'enseignement dans des conditions satisfaisantes.
L'hôpital Avicenne est un établissement que vous connaissez bien. Sa vocation, tant pour l'accueil et le traitement des urgences que pour la cancérologie, est abordée dans le « projet 2000 » de l'institution, qui a été adopté par son conseil d'administration le 25 juin 1996.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Sans crédits !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Madame le sénateur, le plan fixe tout de même les grandes orientations et le cadre dans lequel chaque établissement aura à mener son action au cours de la période.
Pour l'essentiel, il s'agit bien de renforcer la qualité des soins et d'améliorer la sécurité des patients, à travers l'adaptation de l'offre hospitalière par la recherche de complémentarités entre les différents établissements de l'AP-HP, Assistance publique - Hôpitaux de Paris, et par le développement du partenariat avec d'autres établissements environnants.
Les modalités de mise en oeuvre seront ensuite déterminées par les projets de chaque établissement. C'est ainsi qu'il est prévu, notamment, que l'hôpital Avicenne conforte et structure un pôle d'accueil et de traitement des urgences et développe des activités de cancérologie afin de mieux répondre aux besoins recensés dans le nord-est parisien.
Vous avez évoqué les problèmes financiers. MM. Jacques Barrot et Hervé Gaymard seront, bien évidemment, attentifs et très vigilants quant aux moyens qui seront accordés à l'établissement pour mettre en oeuvre ces projets, dont chacun s'accorde à reconnaître le caractère prioritaire.
Voilà les éléments de réponse que je pouvais vous apporter ce matin, madame le sénateur.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je suis heureuse d'apprendre, madame le ministre, que nous sommes assurés de toute l'attention et de toute la vigilance de deux membres éminents du Gouvernement. J'aurais cependant souhaité, vous le comprendrez, que vous puissiez nous donner des réponses plus concrètes, notamment à propos des millions de francs qui manquent.
En effet, nous constatons une concentration des moyens dans Paris intra-muros , ce qui nous gêne beaucoup en Seine-Saint-Denis, où nous disposons pourtant de chercheurs, de médecins et d'hospitalo-universitaires de grande valeur. Or, nous savons bien que si ce centre de cancérologie n'est pas créé, ils quitteront le département pour demander leur affectation dans des centres plus prestigieux leur permettant de mettre en valeur leurs grandes compétences.
Les cancérologues de la région parisienne eux-mêmes ont pris position officiellement pour affirmer que le centre de cancérologie d'Avicenne était une priorité.
Je vous l'ai déjà dit, mais j'insiste sur ce point : la non-autorisation du développement de ce centre, par exemple en matière de radiothérapie, aboutirait à la fragilisation de la faculté d'Avicenne, qui innove dans de nombreux domaines, notamment pour l'aspect démocratique des études médicales qui y sont suivies.
Aujourd'hui, j'apprends que quatre postes de dialyse viennent de fermer, faute de crédits. Je vous adresse un signal d'alarme, madame le ministre : ne laissez pas mourir ce centre de cancérologie ! Je me permets d'insister très vivement auprès de vous.
POLITIQUE DE RELANCE DE L'IMMOBILIER