ÉLOGE FUNÈBRE DE CHARLES METZINGER,
SÉNATEUR DE LA MOSELLE
M. le président.
Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Charles Metzinger.
(M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
La disparition brutale de Charles Metzinger, sénateur de la Moselle, le 10
septembre dernier, prive le Parlement d'un législateur combatif et vigilant.
Le bassin houiller lorrain perd l'un de ses plus ardents défenseurs. Toute la
vie de Charles Metzinger est intimement liée à cette région austère. Le devenir
de la Lorraine, qui le préoccupait tant, a déterminé bien des choix qui ont
marqué son itinéraire personnel et politique.
Charles Metzinger est né en 1929, à Freyming, au sein d'une famille de
mineurs. Choisissant de devenir instituteur, Charles Metzinger n'emprunte pas
la rude voie de ses pères. Formé à l'école des hussards de la République, pour
qui l'enseignement prépare à la citoyenneté, il restera fidèle à cette
conception qui nourrit ses aspirations à la démocratisation du savoir et de la
culture.
Poursuivant des études universitaires à Nancy et à Sarrebruck, le jeune
instituteur obtient une licence de lettres et présente avec succès le CAPES
d'allemand. Il enseignera cette langue pendant vingt ans.
Charles Metzinger est élu conseiller municipal de sa ville natale en 1965. Il
n'entend pas alors faire une carrière et se met tout simplement au service de
ses concitoyens. C'est pourtant le début de trente années de mandat
municipal.
En 1971, les communes de Freyming et de Merlebach sont fusionnées. Charles
Metzinger est le premier maire de la nouvelle commune. Réélu sans interruption
jusqu'en 1995, il lui faudra affronter le déclin inexorable des houillères. Au
coeur du bassin minier, la commune de Freyming-Merlebach est gravement touchée
par la crise. Très attentif à ce drame, Charles Metzinger tente de promouvoir
une autre image de sa ville en engageant une politique culturelle
ambitieuse.
Au conseil général de la Moselle, où il est entré en 1967, puis au conseil
régional, il met toute son énergie au service de la Lorraine et de ses
habitants. Charles Metzinger préside COMREGIO, une association transfrontalière
qui regroupe quarante-six communes de Lorraine, du Luxembourg, de Rhénanie et
de Sarre. Il oeuvre pour contribuer à faire de cette terre marquée par les
conflits un carrefour de rencontres et d'échanges.
Son engagement résolu dans la vie politique locale conduit Charles Metzinger,
qui a adhéré au parti socialiste, à solliciter les suffrages de ses concitoyens
aux élections législatives de 1981. Il est élu député de la Moselle.
A l'Assemblée nationale où il siège plus de dix ans, c'est un législateur
enthousiaste et convaincu. Il trouve à la commission des affaires culturelles,
familiales et sociales un lieu d'expression privilégié pour les questions qui
lui tiennent à coeur.
Il défend à la tribune les particularismes institutionnels de l'Alsace et de
la Moselle qu'une douloureuse histoire commune a indéfectiblement liées. Il
évoque à plusieurs reprises le sort des « malgré-nous », ces compatriotes
incorporés de force dans l'armée allemande, victimes du déchirement vécu par la
région.
L'éducation et la culture sont au centre de ses préoccupations. Il préconise
avec vigueur l'élargissement de l'accès aux filières d'excellence et la
démocratisation de la politique culturelle. Il reste le professeur qui défend «
l'élitisme pour tous ».
« Si la culture libère, disait-il, elle ne peut être l'apanage de certains
seulement, elle doit être ouverte à tous les citoyens. Elle n'est ni un
agrément ni un luxe, elle est indispensable. Elle n'est pas à côté de la vie,
elle est dans la vie. »
C'est en ce sens qu'il rapporte le projet de loi relatif à la Réunion des
musées nationaux.
Travaillant sur des sujets de santé publique, Charles Metzinger se préoccupe
aussi de la lutte contre les discriminations de toute sorte. Il s'intéresse à
la situation des frontaliers, à l'égalité entre hommes et femmes ou encore aux
difficultés des personnes handicapées.
En 1992, Charles Metzinger quitte le Palais-Bourbon pour le Sénat. Ses centres
d'intérêt le portent tout naturellement vers notre commission des affaires
sociales et vers la délégation pour l'Union européenne.
Les difficultés de son département nourrissent ses réflexions et ses
travaux.
Européen de coeur autant que de raison, il connaît les apports de la
construction européenne à la reconversion industrielle. La délégation le charge
d'une étude sur la sidérurgie en Europe, puis sur l'avenir de la Communauté
européenne du charbon et de l'acier. Il préconise, selon une approche
volontariste et résolument moderne, le transfert des activités financières de
la CECA à la Banque européenne d'investissement.
Le vote du budget de l'industrie est, pour lui, l'occasion de plaider en
faveur de mesures sociales susceptibles d'accompagner la reconversion du bassin
houiller lorrain. La réforme du code minier est l'objet de toute son
attention.
Tant au sein de sa commission, dont il est vice-président, qu'en séance
publique, Charles Metzinger participe activement aux débats de politique
sociale. Il suit les discussions sur la protection complémentaire des salariés
ou sur la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle. Il défend la nécessité d'une protection sociale élargie.
Récemment encore, il était intervenu sur la douloureuse question de
l'autisme.
Charles Metzinger n'aura siégé sur nos travées que peu d'années. Mais ce fut
assez pour que nous puissions apprécier à leur juste valeur la force de ses
convictions, la pondération de son jugement et la qualité de sa participation
assidue à nos débats.
Lucide, conscient de la dureté des temps, Charles Metzinger ne perdait pas
pour autant l'espoir. Toute son action témoigne d'un attachement indéfectible
aux valeurs de solidarité et de citoyenneté.
C'était un homme simple et chaleureux, dont la disparition affecte
profondément le Sénat.
A ses amis du groupe socialiste et à ses collègues de la commission des
affaires sociales, j'exprime notre grande tristesse.
A son épouse, à ses enfants et à tous ceux auxquels il était cher, j'exprime
le témoignage de notre vive émotion.
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, à mon tour et au nom
du Gouvernement, rendre un dernier hommage à Charles Metzinger, qui nous a
quittés le 10 septembre dernier.
Il a marqué la Haute Assemblée par sa force de caractère, son grand talent,
ses profondes convictions et son souci permanent du bien public.
Charles Metzinger était de ces hommes que, de tout temps, la Lorraine a
fournis à la France, et qui sont attachés de façon quasi charnelle à leurs
racines.
Issu d'un milieu modeste - son père était mineur - il naît à Freyming, en
Moselle, le 13 août 1929 et consacre sa vie entière à la défense de cette
région et du bassin houiller.
Il débute sa carrière dans l'enseignement. Après avoir réussi, en 1951, le
concours d'entrée à l'Ecole normale d'Avignon, il est affecté comme instituteur
à Freyming à partir de 1953.
C'est un professeur très apprécié de ses élèves. Il se montre toujours
soucieux de leur réussite scolaire dans la tradition de ces « hussards noirs »
de la République qui firent tant pour l'unité de notre nation.
Travailleur acharné, Charles Metzinger poursuit ses études et obtient, en
1976, une licence de lettres et le CAPES d'allemand. Il devient ainsi
professeur certifié à Metz puis à Forbach.
Son attention aux autres et son intérêt pour les affaires publiques conduisent
tout naturellement Charles Metzinger à entrer en politique. Il est élu
conseiller municipal de Freyming en 1965, puis conseiller général en 1967.
Il devient maire de Freyming-Merlebach dès la fusion de ces deux communes en
1971 et jusqu'en 1995. Premier magistrat dynamique, il cherche à donner une
autre dimension à sa ville en mettant notamment en place une politique
culturelle très ambitieuse. Son sens du contact humain, sa tolérance et son
ouverture d'esprit en font un élu local très apprécié de ses électeurs.
Membre du parti socialiste depuis 1974, il est élu député en 1981 et quitte
l'Assemblée nationale en 1992, date à laquelle il est élu sénateur.
Parlementaire très actif, toujours préoccupé d'améliorer la situation de ses
concitoyens, Charles Metzinger intervient en particulier sur les affaires
sociales.
Il prend également très vigoureusement la défense de sa région et du bassin
houiller, gravement touchés par la crise et les mutations économiques.
Européen convaincu, il prône un rapprochement des régions frontalières et
devient le président du groupe d'amitié France-Autriche.
Charles Metzinger manquera à la Haute Assemblée, où il s'était attiré l'estime
de tous par sa franchise, sa rigueur et la passion qu'il mettait dans
l'accomplissement de son mandat de parlementaire.
A sa veuve, à ses enfants et à ses petits-enfants, à ses collègues du groupe
socialiste et de la commission des affaires sociales, j'adresse, au nom du
Gouvernement, l'expression de mes condoléances attristées.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants en
signe de deuil.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures
vingt, sous la présidence de M. Paul Girod.)