PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la
première fois, le Parlement doit se prononcer sur les conditions générales de
l'équilibre financier de la sécurité sociale. L'on sait, d'ores et déjà, que
cet équilibre ne sera pas atteint en 1997, les prévisions de recettes restant
inférieures aux objectifs de dépenses.
En dépit des espoirs nés l'an dernier de la présentation par le Premier
ministre d'un plan logique et courageux, espoir entretenu par les débats sur la
réforme constitutionnelle et la loi organique, cette évolution vers l'équilibre
ne sera donc que progressive.
Le déficit prévu pour 1997 s'est d'ailleurs alourdi, lors du passage du projet
de loi devant l'Assemblée nationale, de 29,7 milliards de francs à 30,4
milliards de francs. Toutefois, la commission des affaires sociales du Sénat,
sur l'initiative de son président M. Fourcade, nous proposera, par amendement,
de ramener le déficit à son chiffre initial, grâce à une cotisation sociale
supplémentaire frappant les indemnités de licenciement versées au-delà des
obligations légales et conventionnelles.
Cette disposition permettrait aussi de financer 2 000 places de soins
infirmiers à domicile pour des personnes âgées dépendantes et de constituer un
fonds de 1 milliard de francs pour des actions nouvelles de santé. Ne serait-il
pas préférable d'alléger le déficit social de 1 milliard de francs ? Le débat
nous montrera quelle est la meilleure voie.
Certes, on nous objecte que si la réforme n'avait pas été mise en oeuvre le
déficit de 1996 se serait élevé à 90 milliards de francs et celui de 1997 à 47
milliards de francs.
Cependant, je regrette que le contrôle du Parlement, tant réclamé et tant
attendu depuis vingt ans, devienne effectif pour la première fois avec un
financement en déséquilibre. Mais la tendance est à la maîtrise des comptes
sociaux pour atteindre, d'après les projections effectuées, l'excédent en 1999.
Il faut en accepter l'augure !
M. le Président de la République a déclaré, le 8 novembre dernier, que la
solidarité « dans les circonstances présentes était un devoir moral ». La
majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen
sera solidaire en votant le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997. Mais être solidaire n'empêche pas de faire connaître, outre les
points d'accord, les réserves qu'appelle le texte dont nous discutons
aujourd'hui.
La lutte contre le déficit prend en compte les nouvelles données sociales au
travers de plusieurs orientations.
En premier lieu, considérant que la croissance trop faible de la masse
salariale ne parvient plus à compenser les besoins de financement de notre
système de sécurité sociale, le Gouvernement a décidé de détacher le droit aux
prestations de la seule activité professionnelle.
Sur cette base, deux types de mesures ont été prises : l'assiette de la CSG a
été élargie à la presque totalité des produits de l'épargne et à certains
revenus de remplacement ; par ailleurs, le taux de la CSG est augmenté, passant
de 2,4 à 3,4 %. La part correspondant au point supplémentaire est désormais
affectée aux régimes obligatoires d'assurance maladie, en remplacement de 1,3
point de cotisation maladie. Sa déductibilité de l'impôt sur le revenu a fait
l'objet de longues discussions, mais, malgré les difficultés techniques qu'elle
entraîne sur le plan fiscal, elle doit être approuvée et maintenue ; c'est le
souhait d'une grande partie de nos interlocuteurs.
Le nouveau dispositif devrait, selon les estimations fournies, procurer 44,2
milliards de francs en année pleine dès 1997. Encore faut-il que le nouveau
taux de CSG soit appliqué dès le 1er janvier 1997 ! Mais, sur ce point, vous
nous avez rassurés, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Les quelques
velléités qui étaient apparues à l'Assemblée nationale n'ont pas été suivies
d'effet, et cette disposition sera bien appliquée en début d'année.
Au total, la contribution sociale généralisée rapportera l'année prochaine 150
milliards de francs, soit la moitié du rendement de l'impôt sur le revenu. La
CSG élargie devrait progresser à l'avenir pour alléger le poids des cotisations
sociales sur les salariés et les entreprises et dégager des ressources en vue
d'assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale. A l'évidence, la CSG
est un nouvel impôt sur presque tous les revenus. Cet état de fait justifie
l'allégement de l'ancien impôt sur le revenu des personnes physiques,
l'IRPP.
En second lieu, des recettes nouvelles sont organisées en ce qui concerne les
alcools, le tabac et les jeux et paris.
Je ne reviendrai ni sur le produit des jeux du casino et leur taxation ni sur
les paris hippiques, mais j'insisterai sur les droits de consommation sur les
alcools : pour les alcools forts, ils ont été ramenés à 4,97 % à l'Assemblée
nationale, et, pour la bière, ils ont été fixés à 9 %.
Pour quelle raison le vin échappe-t-il à cette taxation malgré sa
responsabilité avérée en matière de santé ? Il y a là un élément assez choquant
pour ceux qui appartiennent aux professions médicales.
En revanche, le prélèvement décidé par l'Assemblée nationale concernant ce
qu'il est convenu d'appeler les prémix, et qui aboutit à une augmentation de 5
francs par canette, constitue évidemment une mesure souhaitable.
Toutes ces dispositions qui tendent à rechercher de nouveaux moyens de
financement s'apparentent un peu à une fouille des fonds de tiroir. Elles
semblent pourtant indispensables pour venir à bout de solde négatif de notre
sécurité sociale.
En outre, un train de mesures d'économies se met en place progressivement,
peut-être trop lentement à notre souhait. En effet, entre la nomination des
directeurs des agences régionales de l'hospitalisation, les ordonnances et les
derniers décrets qui ont été pris, nous avons l'impression que beaucoup de
temps a passé, entraînant une certaine désaffection, une insatisfaction
populaire qui risque d'être dangereuse et qui fait perdre un peu de l'élan qui
a suivi les premières déclarations d'Alain Juppé dans cet hémicycle.
Le projet de loi prévoit comme objectif de dépenses un montant de 600,2
milliards de francs, soit une augmentation de 10 milliards de francs
correspondant à un taux de croissance global de 1,7 %.
Au passage, il convient de noter que l'emballement des dépenses de santé est
freiné - des résultats particulièrement satisfaisants ont été annoncés pour les
derniers mois - ce qui peut être analysé comme un élément encourageant du début
de succès de la politique de maîtrise médicalisée.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous vous réjouissez vite !
M. Guy Cabanel.
Les chiffres sont là et ils permettent de montrer qu'il y a une décélération !
Celle-ci doit être amplifiée par des mesures appropriées. C'est la chance de
succès de ce plan et il faut la saisir. Il est difficile, en effet, de
maîtriser l'évolution de la protection sociale en France.
A cet égard, d'autres dispositions ont été prises par le Gouvernement par
ordonnances ou par décrets au cours de ces derniers mois. Elles appellent
quelques réflexions.
Sont-elles toutes susceptibles de contribuer à une évolution favorable ? Eh
bien, au risque de déplaire, je ne participerai pas au concert de louanges sur
le carnet de santé !
Tout d'abord, la création du carnet de santé paraît de conséquence aléatoire
sur le plan pratique, dès lors que sa présentation au médecin traitant ne sera
pas rendue obligatoire, tout au moins dans l'immédiat.
On sait dès à présent que son utilisation devrait être remplacée au 31
décembre 1998 par celle d'une carte magnétique, il est vrai plus satisfaisante
du point de vue de la confidentialité. Entre-temps, on peut donc considérer que
le carnet de santé n'aura eu d'autre intérêt que celui de permettre une
adaptation psychologique des intervenants, à l'heure où tous les acteurs
sociaux sont invités à la plus grande prudence économique. Espérer davantage
serait faire preuve de naïveté car, indiscutablement, pour des raisons d'ordre
psychologique, le carnet de santé ne sera jamais un élément de parfaite
sincérité : les malades risquent d'avoir un certain recul à l'égard des
mentions qui y figureront. Par conséquent, il faut considérer l'instauration du
carnet de santé comme un exercice et ne pas en attendre des résultats
exceptionnels.
Plus importante est la politique de coordination des soins, dont la mise en
place a été annoncée à l'occasion de la promulgation d'ordonnances au mois
d'avril dernier. Elle se trouve, me semble-t-il au coeur du problème de la
rénovation de la sécurité sociale. Je crois moins à la fragmentation des
enveloppes financières, à l'encadrement financier de l'activité hospitalière ou
de la médecine ambulatoire ; c'est dans l'organisation de la coordination des
soins que résident les meilleures chances de transformation.
Des expériences pourront être tentées dans ce sens pendant une période de cinq
ans. Parmi celles-ci est proposé par certains, en particulier par un syndicat
de médecins généralistes, le passage obligé par le médecin généraliste pour
consulter un spécialiste. Dans cette hypothèse, le médecin généraliste
deviendrait le responsable de la coordination des soins pour son patient.
Il s'agit vraisemblablement d'une mesure de bonne gestion, sur le plan tant de
la santé publique que de la maîtrise économique, dès lors que toutes les
informations sont réunies chez un seul médecin qui joue le rôle de pivot. Cela
permettrait à celui-ci d'assurer, au-delà de son propre cabinet, un suivi
médical ajusté raisonnablement aux besoins de son patient.
Un tel schéma ne conduira, selon moi, à une limitation des dépenses de santé
que si l'on institue un système de capitation pour les généralistes. Toute
autre formule risque en effet de se révéler à l'usage plus coûteuse pour les
caisses d'assurance maladie. Rendre au médecin généraliste sa place de médecin
de famille est un objectif louable, avec ou sans paiement à l'acte Ne soyons
pas fétichiste ! Toutefois, pour atteindre cet objectif, il faut encore
résoudre le problème des pédiatres et des gériatres, susceptibles d'être
considérés comme des spécialistes de première intention. C'est dire que les
filières ou les réseaux de soins posent la question de l'enseignement médical
et des conditions d'exercice, libéral ou non, à la fois des généralistes et des
spécialistes.
En fait, les généralistes pourraient, comme cela est parfois suggéré,
favoriser un retour à l'équilibre des finances de l'assurance maladie en
devenant les gestionnaires de la santé de nos concitoyens. Pour cela, une
meilleure formation leur est nécessaire, englobant médecine interne mais aussi
pédiatrie et gérontologie, complétée par un véritable apprentissage
professionnel lors d'un stage prolongé chez un praticien avant la délivrance de
leur diplôme.
Un lien de fidélisation vraisemblablement autre que le simple paiement à
l'acte est à trouver, pour discipliner des assurés sociaux parfois volages et
inconséquents. Le généraliste gérerait alors le dossier médical - carnet ou,
mieux encore, fichier informatisé et codé - orienterait éventuellement vers les
spécialistes, intervenant à titre de consultant. Naturellement, ces derniers,
des pédiatres aux chirurgiens, resteraient directement accessibles selon les
règles fixant actuellement leurs honoraires et leur remboursement.
S'engager dans cette voie, c'est aussi l'obligation de réfléchir à la
promotion des généralistes. En toute justice, après avoir rempli pendant cinq à
dix ans leurs fonctions de médecin de famille et même de conseils
médico-sociaux, ils pourraient, par des concours qui leur seraient réservés,
accéder à la formation universitaire de spécialistes, en marge du monopole
actuel de l'internat qualifiant.
Enfin, et pour en revenir directement au présent projet de loi, ou doit se
demander si l'objectif de 600 milliards de francs fixé pour les dépenses n'eût
pas été plus aisément atteint s'il avait été le fruit d'un accord préalable
avec les médecins sur la base, par exemple, d'un blocage de leurs honoraires
volontairement consenti pendant un an.
Une telle démarche consensuelle aurait permis d'éviter le mécanisme coercitif
de reversement applicable aux médecins conventionnés, mesure tout à la fois
vexatoire et démotivante. Les intéressés ont eux-mêmes dénoncé la sanction de
tous pour le fait de quelques-uns. Demander aux médecins de freiner leurs
activités correspond à un exercice extrêmement aléatoire. Le médecin qui aura
atteint son quota en octobre devrait-il suspendre ses consultations jusqu'au 31
décembre suivant ? Pourquoi les seuls médecins contribueraient aux économies
nécessaires pour remettre en équilibre la sécurité sociale ? Pourquoi les
caisses ne chercheraient-elles pas des mesures draconiennes de réduction de
leurs frais de fonctionnement et de leur patrimoine ?
(M. Leclerc
applaudit.)
M. Descours a évoqué cette question tout à l'heure. Elle me
paraît très importante.
Pour l'avenir, après le vote du projet de loi présenté aujourd'hui, est-il
encore possible de déplacer le débat sur le financement de la sécurité sociale
au premier trimestre de l'année civile ? Une telle mesure favoriserait, par une
meilleure utilisation du temps de la session parlementaire de neuf mois, la
définition des objectifs de santé par les conférences régionales et nationale,
la connaisance du bilan annuel des caisses d'assurance et des débats plus
détendus, plus prolongés, avec les partenaires sociaux et les syndicats
médicaux.
Une telle mesure éviterait le télescopage avec le projet de loi de finances
dont le message de réduction de l'impôt est troublé par les créations ou
augmentations de cotisations diverses rendues nécessaires par le déficit des
recettes de la protection sociale.
De plus, le rapprochement du projet de loi de financement de la sécurité
sociale du projet de loi de finances, s'il permet de faire la synthèse
immédiate des prélèvements obligatoires, présente le danger d'un glissement
progressif de la protection sociale vers une prise en charge complète par
l'Etat.
Une telle évolution tourne le dos à un partage plus réaliste entre prestations
de solidarité et mutualisation complémentaire qui pourrait se justifier pour
des risques tels que la dépendance, nous en avons déjà parlé voilà quelques
jours.
Enfin, une inquiétude vient à l'esprit. Le vote en déséquilibre du projet de
loi de financement de la sécurité sociale n'est certes pas satisfaisant, mais
il peut s'expliquer. Toutefois, il présente un danger supplémentaire, à savoir
l'addition des déficits. Ainsi, en 1996 : 51 milliards de francs ; en 1997 : 30
milliards de francs ; en 1998 : peut-être 10 à 20 milliards de francs. Au
total, on peut facilement imaginer un déficit cumulé de quelque 100 milliards
de francs à éponger avec une CRDS-
bis
à partir de 1999. En effet, le
déficit du projet de loi de financement en discussion oblige l'Etat à autoriser
la sécurité sociale à emprunter en 1997, 75 milliards de francs à la Caisse des
dépôts et consignations, au lieu des 15 milliards de francs initialement
prévus.
Il est vrai qu'il n'y a pas d'autre politique à l'égard de la protection
sociale en péril que le plan défini voilà un an par le Premier ministre, M.
Alain Juppé. Une application plus rapide aurait favorisé sa réussite. Certes,
l'année 1996 a vu la création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale,
la CADES, et la mise en recouvrement de la CRDS, pour décharger la sécurité
sociale de son endettement antérieur.
Malheureusement, l'ensemble du dispositif de la réforme a demandé du temps
pour être élaboré et mis en place. Vous n'êtes pas responsable d'un retard,
monsieur le ministre, mais vous avez la responsabilité d'une lourde machinerie
qui est lente à mettre en place.
Dès lors, le déficit de la sécurité sociale a atteint 51 milliards de francs
en 1996. Il aurait sans doute fallu, parallèlement à l'urgence de la CADES,
donner une priorité au découplement des recettes par rapport à l'emploi, plus
précisément par rapport à la masse salariale, vieille référence datant de 1945.
C'est sans doute pourquoi le rapport de la Cour des comptes joint au projet de
loi incite à la prudence en jugeant le plan de redressement trop tardif pour
permettre d'atteindre l'équilibre en moins de six ans, sauf prélèvements
nouveaux.
En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne
paraît pas répondre aussi rapidement qu'il est souhaitable aux véritables
enjeux économiques, médicaux et sociaux. Mais on ne peut nier que son existence
représente en soi une chance de redressement et, par conséquent, de
préservation de notre système de sécurité sociale. C'est pourquoi, malgré les
réserves exprimées, je le voterai, avec l'espoir que le pari de l'équilibre
sera tenu.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
L'équilibre, en quelle année, mon cher collègue ?
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
socialisation du financement de la protection sociale constitue un bien auquel
les Français sont attachés. Chacun connaît les particularités de notre système
sanitaire et social, qui a permis, jusqu'à présent, de concilier une grande
liberté de choix, une bonne qualité du service rendu et une garantie de
paiement.
Aujourd'hui, il faut préserver les acquis et garantir la pérennité des
avantages du système dans un contexte évolutif sur le plan technologique et
économique, alors même que la sécurité sanitaire devient un objectif majeur de
nos sociétés.
Lorsque les systèmes de protection sociale ont été mis en place après la
dernière guerre mondiale, il était difficile de prévoir de manière précise les
évolutions qui affecteraient les variables de l'équilibre financier de la
socialisation des risques maladie, invalidité, maternité et vieillesse.
Trois faits majeurs ont affecté la construction édifiée en 1945.
Le premier concerne les ressources du financement. Le développement du chômage
dans des proportions inattendues prive l'ensemble du système d'une partie
importante de son assiette sans pouvoir être compensée par la hausse des
cotisations qui pèsent sur l'activité en raison du préjudice qui en résulterait
pour la compétitivité des entreprises. Ce souci de protection des entreprises
conduit, ne l'oublions pas, à réduire aussi leurs charges en procédant à des
allégements de cotisations sociales, mais cela fragilise évidemment le
financement de la protection sociale. C'est pourquoi, par trois biais - deux
CSG et la CRDS - a été instaurée une fiscalisation progressive du
financement.
Mais ce recours n'est pas sans limite et peu nombreux sont ceux qui
préconisent d'accroître toujours plus le taux des prélèvements, au prétexte
qu'il y aurait encore une bonne élasticité de la demande. On évoque plus
volontiers aujourd'hui des transferts d'assiette.
Un deuxième facteur tient à la situation démographique. Il n'a hélas ! pas
encore produit tous ses effets, en particulier sur l'équilibre de la branche
vieillesse. Les premières années du xxie siècle sont annoncées comme critiques.
Il se combine évidemment avec le facteur précédent et soulève de manière
cruciale le problème de la solidarité entre générations. La faiblesse
persistante de la natalité et l'allongement de la durée de vie accumulent
silencieusement des handicaps de plus en plus lourds pour l'équilibre financier
de notre système.
Arrive le moment où l'avenir même peut être compromis. C'est une des raisons
qui explique le projet de loi que nous examinons.
Le troisième facteur a trait au progrès médical et à l'extension constante du
champ médico-social collectivement assumé. Il agit de plusieurs façons. Le
progrès technologique, d'abord, a entraîné une médecine scientifique très
performante mais coûteuse en appareillage. Les investissements en matériel des
plateaux techniques réclament, comme d'ailleurs la recherche médicale, des
financements croissants. Nul ne penserait à s'en plaindre, mais le fait est
là.
Parallèlement, l'efficacité thérapeutique réussit aujourd'hui à entretenir la
vie de personnes qui étaient auparavant rapidement emportées par le mal. Cela a
évidemment un coût et développe aussi dans la société une demande
particulièrement exigeante quant à l'efficacité des soins. Alors que la mort
était psychologiquement très présente et acceptée d'avance dans la conscience
collective des générations passées, c'est aujourd'hui le principe de la santé
durable qui prévaut dans l'attente collective et le refus scandalisé de la
mort, au point de multiplier les contentieux contre les échecs thérapeutiques.
Cela est irrécusable sur le plan politique.
La situation de la société américaine annonce une autre évolution dans ce
domaine. Ne dit-on pas que des avocats attendent les patients qui sortent
satisfaits des hôpitaux pour leur proposer d'intenter des recours
a
priori
, avec partage des bénéfices en cas de succès de la procédure, la
responsabilité étant entièrement assumée par l'avocat en cas d'échec ?
La complexité et la variété des moyens thérapeutiques offerts aujourd'hui aux
médecins rendent en effet de plus en plus discutable le contenu de l'obligation
de moyens, en admettant, bien sûr, que l'obligation de résultat reste toujours
hors du champ de la responsabilité des thérapeutes.
Ainsi se crée et se développe une forte exigence médicale à propos de tous les
problèmes que tout un chacun peut rencontrer.
La santé mentale s'exprime, pour sa part, dans un rapport avec la santé
publique difficile à circonscrire.
Comment apprécier l'abus de médicalisation à propos de la santé de l'âme ?
Enfin, le développement de la médecine préventive, annoncée par le décryptage
du génome, nous promet de difficiles débats sur l'équilibre de l'assurance
maladie.
Par ailleurs, la prise en charge des situations médico-sociales déficientes
traduit un élargissement de la sollicitation de la solidarité nationale qui
pèsera évidemment sur l'équilibre financier des régimes sociaux. On a pu le
mesurer encore récemment dans cet hémicycle, lors du débat sur la prestation
spécifique dépendance, au cours duquel la création d'un cinquième risque
médical concernant la dépendance a dû être repoussée.
Si, lors de sa création, le régime français de sécurité sociale ne soulevait
pas d'interrogation quant à la légitimité du champ de la solidarité, il n'est
pas sûr que l'enthousiasme soit durable si la solidarité est sollicitée pour
des dépenses discutables sur le plan éthique et sur le plan de leur
nécessité.
Le développement d'une médecine préventive universelle coûteuse nous fait, par
exemple, pénétrer dans un domaine encore largement inexploré qui peut modifier
substantiellement les données de notre rapport collectif à l'appareil de soins
et à ses bénéficiaires. Dès maintenant, on perçoit en germe un conflit possible
entre, d'une part, le coût de la procréation médicalement assistée, qui
incorporera, n'en doutons pas, des exigences croissantes de qualité et donc de
coût, et, d'autre part, le régime universel d'assurance maladie, qui est
patiemment attendu par certains.
Avec de telles perspectives, on est obligé de soulever prioritairement le
problème de la maîtrise de la dépense, non parce que l'on contesterait
l'intérêt d'un régime de sécurité sociale tel que le nôtre, mais, au contraire,
pour assurer sa pérennité. L'évolution spontanée de la dépense médico-sociale
ne peut en effet qu'être supérieure à l'évolution de la richesse nationale,
d'autant plus qu'elle la freine par l'importance du prélèvement collectif
qu'elle implique.
On est donc confronté à un phénomène autodestructeur. Ne nous y trompons pas,
en effet, et le programme du président des Etats-Unis est là pour nous alerter
: puisque personne de sensé ne peut vouloir une société à deux vitesses, nous
sommes confrontés à un choix inéluctable d'adéquation entre financement et
dépense de la protection sociale. Ou bien la solution de l'équation est
renvoyée à la responsabilité individuelle, et tel est le choix du président
américain, qui réduit substantiellement, en ce moment même, la prise en charge
fédérale des soins pour les indigents et les personnes défavorisées avec le
programme
Medicaid (M. Mélenchon proteste) ;
ou bien la solution de
l'équation est recherchée dans une maîtrise collective, et celle-ci ne peut
s'exercer principalement que par le contrôle de la dépense.
Il n'y a pas de troisième voie quand on se trouve en face des sommes qui sont
en cause.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est de l'évangélisme qu'il vous manque !
M. Bernard Seillier.
Ou bien l'assurance individuelle, dont les primes croissent avec les risques
garantis et avec les exigences de l'assuré,...
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Exactement !
M. Bernard Seillier.
... ou bien la solidarité collective, qui assure à tous un même niveau de
protection sanitaire et sociale, moyennant un débat politique sur l'étendue, le
contenu et les conditions de la protection.
C'est cette solution que nous entendons retenir.
La première, en effet, se fonde sur le principe exclusif de la justice
distributive : à chacun selon ses moyens, sa chance et ses efforts personnels.
C'est le régime de l'assurance, qui mutualise cependant les risques dans les
limites du statistiquement acceptable. L'assuré à fort risque voit ses primes
augmenter, ou voit même son contrat résilié s'il devient trop coûteux pour sa
compagnie.
Le système de l'assurance a pu se développer tant que les risques étaient
complètement imprévisibles et appréciables seulement statistiquement. Le
progrès de la médecine prédictive peut bouleverser les données de ce système en
rendant prévisibles, dans une certaine mesure, les risques individuels.
Ce type de système n'est accepté en France qu'à titre complémentaire. On est
fondé à penser qu'il le restera dans une République qui entend préserver à la
fois la liberté et l'égalité.
Reste donc la deuxième solution, qui se fonde sur la justice commutative : à
chacun selon ses besoins, à la satisfaction desquels tous sont appelés à
participer. Mais il est évident que, sous l'emprise d'un tel régime, il est
impossible de ne pas contrôler politiquement l'expression des besoins. C'est
précisément l'objet de la réforme constitutionnelle intervenue le 22 février
1996, qui confie au Parlement le soin de déterminer les conditions générales de
l'équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu des prévisions de
recettes, de fixer les objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les
réserves prévues par la loi organique.
La réforme constitutionnelle trouvera toujours plus sa justification dans les
années à venir.
Les éléments que j'ai évoqués sur la problématique de l'équilibre financier de
la sécurité sociale vont développer leurs effets d'une manière de plus en plus
prégnante. Ils se caractérisent par la nécessité de choix politiques que seule
la représentation nationale peut légitimement aborder. Il faut savoir
l'expliquer, car ce n'est évidemment pas tant dans cette enceinte parlementaire
que les esprits sont à convaincre qu'à l'extérieur, dans les milieux médicaux,
les organisations professionnelles et syndicales et, bien évidemment, chez les
citoyens.
Le premier effort pédagogique doit viser les médecins, qui légitimement sont
conscients de leur compétence, s'efforcent d'exercer consciencieusement leur
art et ont donc naturellement du mal à comprendre pourquoi le Parlement
viendrait encadrer leur pratique par des contraintes financières dont ils
imaginent mal
a priori
sinon le bien-fondé du moins les méthodes
d'application.
Comment des parlementaires pourraient-ils disposer de critères pertinents pour
plafonner les dépenses de soins, et par quelle méthode peuvent-ils espérer
obtenir le résultat attendu ?
Je pense ne pas être le seul à avoir apprécié les excellents rapports de nos
collègues, particulièrement le développement méthodologique de Charles
Descours, qui a démontré d'une manière très claire que nous ne nous aventurons
pas sur un terrain douteux sans éléments précis pour fonder notre jugement.
Conférence nationale de santé, Cour des comptes, commission des comptes de la
sécurité sociale, et bien évidemment caisses de sécurité sociale elles-mêmes
constituent les sources de notre appréhension du problème à résoudre.
Mais ce qui est important à voir, c'est que le Parlement est le seul à pouvoir
procéder aux arbitrages qui seront de plus en plus nécessaires. Qui, hors de la
représentation nationale, peut décider de hiérarchiser les efforts de
recherche, de partage des ressources disponibles entre tel ou tel effort en
matière de politique de santé, dès lors qu'on écarte les seules lois du marché
?
La fiscalisation de la sécurité sociale en relais des cotisations sociales qui
exténuent le travail, pris jusqu'ici comme assiette exclusive, ne
légitime-t-elle pas à elle seule la responsabilité du Parlement, puisqu'il y a
désormais budgétisation au moins partielle du financement ? Les raisons étaient
donc puissantes pour transférer au Parlement la responsabilité de la fixation
du niveau de l'équilibre de la sécurité sociale et de ses moyens.
Mais certains s'inquiètent alors d'une approche qui ne serait que comptable,
et tentent d'opposer une maîtrise médicale à une maîtrise comptable.
Nous devons nous attacher à prouver par nos choix qu'il ne s'agissait que
d'une querelle de sophistes. Il est en effet évident qu'il est impossible de
parler de financement sans parler d'argent, et donc de comptes. Un problème
financier ne peut s'analyser, et donc se résoudre, sans recours à une approche
comptable. M. de La Pallice n'aurait jamais prétendu le contraire !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Absolument !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Bernard Seillier.
Quant à la médicalisation de la maîtrise, de quoi s'agit-il ?
Il s'agit de confier aux praticiens la mise en oeuvre de la politique de santé
en pratiquant leur art en conscience, sans contraintes thérapeutiques, mais
aussi sans faire fi d'un indispensable souci d'optimisation du coût des
traitements. Est-ce trop demander ? Je ne le pense pas, car il s'agit du même
effort que celui qui est attendu de tout gestionnaire public. C'est une
exigence d'ordre éthique...
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. Bernard Seillier.
... dont le respect n'apparaissait pas jusqu'ici avec peut-être la même acuité
que désormais, parce que les circonstances étaient moins rigoureuses.
La santé sera vraiment l'affaire de tous si la gestion de la solidarité
sociale engage concrètement et effectivement la responsabilité de chacun, que
ce soit comme citoyen, comme chef d'entreprise, comme militant syndical, comme
contribuable, comme patient, comme praticien, comme responsable de caisse,
comme directeur d'établissement de soins, comme ministre chargé des affaires
sociales ou de la santé ou comme parlementaire.
Il faudra, dans un tel contexte, arbitrer entre des progrès inaccessibles
simultanément et entre des options antagonistes socialement ou éthiquement.
Ce que la responsabilité confiée au Parlement va permettre d'obtenir, c'est
l'instauration par délibération d'une véritable politique de la santé.
Paradoxalement, c'était l'absence d'une loi annuelle sur le financement de la
sécurité sociale qui confinait les partenaires sociaux dans une comptabilité
passive des résultats de notre système de soins.
Aucun instrument d'orientation et de hiérarchisation des priorités en matière
de progrès sanitaire n'était disponible. Aucune mesure d'efficacité des
dépenses sanitaires ne pouvait sérieusement être appréciée. La politique de
santé ne pouvait qu'être marginale, puisque limitée à la politique de santé
publique retracée par les seuls crédits budgétaires annuels du ministère de la
santé.
Désormais, une autre ambition est possible, car les conditions et les moyens
du financement de la sécurité sociale sont intégrés dans la réflexion et dans
les choix des pouvoirs publics.
Les rapporteurs soulignent la différence qui doit, à ce titre, être faite
entre les prescriptions médicales qui résultent d'une charge imposée par la
politique de santé et celles qui résultent de la pratique courante de la
médecine de ville.
Il faut que les médecins soient rassurés sur les contraintes qui pourraient,
en définitive, peser sur eux. La mesure de leur activité ne peut pas faire
l'amalgame entre ce qu'ils peuvent maîtriser et ce qui leur est imposé.
S'il est essentiel que les médecins voient reconnu leur rôle de partenaires
responsables dans la politique nationale de santé, il est impératif qu'aucun
sentiment d'injustice ne puisse s'insinuer dans la mise en oeuvre de ce
partenariat.
Le point critique, à ce sujet, réside dans les sanctions individuelles liées à
un dépassement collectif des plafonds prescrits. Il est évident que si, demain,
un reversement venait à être imposé à un praticien irréprochable, la portée de
la réforme mise en oeuvre à partir d'aujourd'hui recevrait un coup fatal. Il
nous faut des garanties à ce sujet.
Dans ce même ordre d'idée, il est essentiel que l'implication de la médecine
hospitalière dans la mise en oeuvre de la régulation du financement de la
sécurité sociale soit concomitante de celle qui concerne la médecine de
ville.
La nature de la réforme dont nous inaugurons l'application exige que son
horizontalité, sa globalité et son universalité soient clairement signifiées.
Les amendements présentés par notre rapporteur, Charles Descours, au nom de la
commission des affaires sociales, sont parfaitement conformes à ce voeu.
La création d'une conférence nationale de la famille et d'une conférence
nationale des personnes âgées, aux côtés de la conférence nationale de la
santé, fournit les moyens de l'ambition affichée par la réforme engagée.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Que de conférences nationales !
M. Bernard Seillier.
Elle complète le dispositif prévu par la loi organique du 22 juillet 1996, qui
a clairement spécifié que la loi annuelle de financement de la sécurité sociale
porterait approbation d'un rapport définissant non seulement les conditions
générales de l'équilibre de la sécurité sociale, mais encore les orientations
de la politique de santé et de sécurité sociale.
C'est cette double dimension qui définit bien la nature exacte de l'exercice
entrepris par le Gouvernement et le Parlement à travers cette réforme.
Nous nous engageons dans un processus dialectique, au sens véritable du
terme,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Alerte au bolchevisme !
M. Bernard Seillier.
... seul à pouvoir assurer à la maîtrise des dépenses une finalité sanitaire
et sociale et à la politique sanitaire et sociale un contenu réaliste et
délibérément fixé.
La nature des plafonds de crédits fixés par la loi n'étant pas limitative, on
voit bien que la méthode retenue est bien celle d'un ajustement itératif entre
approche financièrement mesurée et approche médicalement et socialement
finalisée.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ça, c'est de la magie, pas de la dialectique !
M. Bernard Seillier.
Il serait regrettable que la véritable figure incontestablement progressiste
de cette réforme soit incomprise tant domineraient les inquiétudes au lieu de
l'audace requise en cet instant de l'histoire de notre protection sociale.
Le propre de toute démarche dialectique est de se perfectionner et de
s'accomplir par la pratique.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Au secours, Marx est de retour !
M. Bernard Seillier.
Il s'agit bien, en effet, d'une méthode dynamique et non statique. Elle
requiert évidemment d'abandonner certains vieux réflexes, dont le plus
difficile à surmonter est celui de la négation de la durée et du temps dans la
prise en compte des données sociales pour construire une politique.
Cette lacune nous coûte l'absence de toute politique démographique. Elle nous
coûte le risque de la disparition d'une solidarité sociale exceptionnelle
instaurée après la dernière guerre. Elle nous coûte un certain aveuglement sur
la dualité qui se développe dans la société entre l'opulence et la misère.
Je considère que, derrière le texte de loi que nous examinons, s'instaure une
démarche novatrice, inédite par la nature dynamique de ses mécanismes,
mécanismes que n'ont jamais pu offrir des lois de programmation qui restent par
construction statiques et que n'offrent pas encore suffisamment les lois de
finances, malgré la tentative d'associer à leur présentation un rapport
économique, social et financier.
Si les instances et les organismes mobilisés autour de ces lois annuelles de
financement de la sécurité sociale jouent le rôle qui leur est dévolu et
rassemblent des informations pertinentes pour que puisse être animée cette
démarche dialectique qui nous est offerte entre finalité de la dépense et
maîtrise des choix de politique sanitaire et sociale, nous aurons non seulement
progressé sur la question cruciale qui est collectivement posée aujourd'hui,
mais nous aurons aussi commencé à débloquer nos politiques publiques trop
souvent acculées à ne choisir qu'entre plus ou rien, alors qu'il faut pouvoir
faire mieux.
C'est parce qu'aujourd'hui il faut mettre en place les instruments de cette
nouvelle approche de la politique sanitaire et sociale que je n'ai pas proposé
d'ajouter des amendements à ceux qui seront présentés par les commissions et
qui viendront conforter et perfectionner la méthode adoptée pour mettre en
oeuvre cette nouvelle politique.
Il faut attendre que les conférences annuelles de la famille, des personnes
âgées et de la santé aient pu fonctionner en 1997 pour intervenir sur le
contenu même des politiques correspondantes.
Je crois donc sage aujourd'hui de s'imposer cette discipline, qui consiste à
ne travailler que sur la méthode pour bien l'asseoir avant d'entrer
véritablement, à partir de 1997, dans la démarche dialectique proprement dite,
telle qu'elle existe en germe. C'est la méthode retenue par la commission des
affaires sociales, et je ne peux que rendre hommage à la qualité de sa
stratégie telle qu'elle a été brillamment définie par son président,
Jean-Pierre Fourcade, ainsi qu'à la qualité du travail des rapporteurs, qui
restera un travail de référence.
Pour ces raisons, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, j'estime qu'en votant ce texte tel qu'amendé par la commission des
affaires sociales j'approuverai une démarche en laquelle je place un grand
espoir ; en effet, pour la première fois, nous pouvons espérer instruire de
manière active, c'est-à-dire progressivement affinée d'année en année, des
choix résultant d'une synthèse entre données financières et évaluation de
l'efficacité des politiques publiques. Il s'agit d'une première occasion de
donner une nouvelle jeunesse à notre sécurité sociale, mais peut-être aussi
d'une dernière chance.
Je crois en tout cas, monsieur le ministre, que vous êtes personnellement,
ainsi que M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, à la
hauteur d'un tel défi, qui pourra être relevé grâce à des échanges constructifs
entre le Parlement, le Gouvernement et tous les acteurs de notre protection
sociale.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le ministre, voilà un an déjà, nous nous retrouvions pour débattre
des grandes orientations du plan Juppé, plan qui, comme chacun le sait dans cet
hémicycle, doit beaucoup à votre clairvoyance et à votre courage politique.
Le Gouvernement a su, dans un délai relativement bref, mener à bien les étapes
fondamentales de la grande réforme annoncée en novembre 1995.
Les mesures d'urgence prises de janvier à avril 1996 permettront d'enrayer une
dérive des comptes devenue dangereuse pour la pérennité même de notre
protection sociale. Les ordonnances structurelles et la révision
constitutionnelle permettront au Parlement d'exercer un véritable contrôle sur
les comptes sociaux.
Ce projet de loi devrait permettre le rétablissement de l'équilibre financier
du système d'ici deux à trois ans.
Cette tâche, complexe et considérable, a été menée non seulement avec
diligence, mais aussi avec tact et intelligence, en relation quasi permanente
avec les acteurs concernés, sans oublier, bien sûr, le Sénat, consulté
régulièrement à travers sa commission des affaires sociales.
Cela dit, concernant la maîtrise médicalisée, la réforme n'est pas encore
totalement achevée : un tiers des décrets d'application devraient être publiés
d'ici à la fin de l'année sur des sujets aussi cruciaux que la nomenclature des
actes, les génériques ou le reversement en cas de dépassement d'objectifs.
C'est pourquoi je profiterai de l'occasion qui m'est donnée pour apporter ma
contribution à la réflexion que je considère comme la pierre angulaire de la
réforme engagée, celle sur la place du praticien dans le système de soins.
A cet égard, il faut stigmatiser une tendance trop répandue, notamment ces
derniers mois, dans certains médias, qui consiste à montrer du doigt la
médecine de ville comme unique ou principale responsable du déficit. Est-ce
utile de rappeler que la croissance des honoraires médicaux est passée de 4,9
%, en 1995, à 2,9 % en 1996, selon les estimations, alors que les honoraires
augmentaient en moyenne de 5,5 % par an de 1985 à 1995 ?
En outre, comme vous l'indiquiez devant l'Assemblée nationale, le 29 octobre
dernier, monsieur le ministre, l'objectif de 2,1 % d'augmentation des dépenses
de médecine de ville en 1996 devrait être atteint si les derniers chiffres se
confirmaient.
Les causes du déficit sont complexes et multiples : la diminution des recettes
du fait de la conjoncture - moins 30 milliards de francs, en 1996 - le
comportement des assurés, les progrès scientifiques, le vieillissement de la
population, etc.
L'« assuré-citoyen », au-delà de la formule, est un concept à développer. Le
citoyen est responsable dans ses choix familiaux, professionnels, politiques ;
il doit l'être face à ses souhaits devant la maladie.
L'éducation à la consommation a fait de grands progrès en vingt ans, mais,
appliquée aux soins, elle est empreinte de résistances. Peut-on parler du «
juste soin » ?
Une exigence de qualité et d'efficacité, opposée à une science qui a intégré,
dans son éthique, les soins les mieux adaptés aux connaissances, résiste à
l'approche commerciale pourtant évidente. La cohabitation entre l'économie et
la pratique médicale doit être totalement intégrée dans le comportement
médical. Les soins changent en fonction non seulement des technologies mais
aussi des rapports sociaux.
Le travail à l'acte doit être complété par l'activité en réseaux - personnes
âgées, drogue, prévention, urgence, soins à domicile - et par le développement
d'une nécessaire approche médicosociale.
Au sein de mon propre département, dans le domaine médicosocial, nous
disposons ainsi d'un pôle gérontologique regroupant tous les intervenants de la
politique de prise en charge des personnes âgées : représentants des caisses,
associations, collectivités locales, directeurs d'établissements, etc. Il
s'agit, pour nous, d'un outil irremplaçable d'évaluation des besoins dans un
contexte de stagnation des moyens.
Nous laissons à la CNAM la négociation avec les médecins, mais il est de notre
devoir de lutter contre une France dépressive. Il faut retrouver des cotisants,
bien sûr, mais cessons d'évoquer les martyrs, les boucs émissaires, etc. !
Le reversement par les médecins réfractaires ne peut être remis en cause. Nous
pourrions positiver ces relations en proposant un intéressement aux praticiens
appliquant les références médicales opposables, suivant une véritable formation
continue, non inspirée des laboratoires, installant une informatisation,
d'ailleurs acceptée depuis longtemps dans de nombreux secteurs d'activité.
Les comportements médicaux ne changeront qu'avec la formation initiale, qui
est le socle de toute une vie d'activité. L'adaptation des études médicales ne
doit pas être stoppée par l'ampleur de la tâche. Une meilleure connaissance des
institutions, du droit administratif, du fonctionnement de notre économie est
indispensable. Les artisans d'art s'adaptent aux grandes mutations de notre
société ; pourquoi pas la médecine ?
Quant au débat sur les alcools, il est regrettable qu'il se focalise sur les
ressources produites ; il faut non pas créer la discrimination, source
d'injustices auprès des professionnels, mais reconnaître l'importance des
contributions, qui, il faut le dire, participent moins à la lutte contre les
fléaux qu'à la recherche des équilibres budgétaires.
Le Sénat fait preuve d'imagination tant au niveau de la maîtrise des dépenses,
en appelant les organismes de sécurité sociale à faire un effort supplémentaire
pour maîtriser leurs dépenses de gestion, qu'au niveau de l'instauration de
recettes nouvelles, par exemple en soumettant à cotisations sociales la part
des indemnités de licenciement versée au-delà des obligations légales et
conventionnelles.
Le discours sur la santé publique, en fait, se banalise. Peut-on demander au
Gouvernement une politique construite avec des réponses immédiates, alors que
la question a été pratiquement dédaignée pendant des lustres ?
Nous souhaitons que les annexes à la loi soient, dans le futur, intégrées. Les
grands fléaux que sont la tuberculose, le cancer, le sida, relèvent de la
compétence de l'Etat. La lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme est à
réhabiliter. Nous souhaitons que les outils que sont les observatoires
régionaux de la santé, les registres des cancers, des malformations participent
à la définition d'une politique régionale de santé. Nous devons veiller aux
spécificités régionales, les choix ne devant plus s'appuyer uniquement sur des
ratios.
Les conférences régionales de santé pourraient bénéficier d'incitations plus
concrètes, pas obligatoirement financières. On peut souhaiter le regroupement
des subventions en fonction des priorités qui y sont définies. La coordination
pourrait être assurée par les directions régionales des affaires sanitaires et
sociales, les DRASS, qui deviendraient des interlocuteurs obligés. Les carences
françaises en matière d'éducation pour la santé sont criantes et les efforts
sont souvent confiés aux bonnes volontés associatives.
Les inégalités hospitalières constituent un problème économique fondamental ;
le coût de la résolution de ce problème devra faire l'objet d'une évaluation.
La constitution de réseaux, la fermeture de sites, l'ouverture de nouvelles
spécialités peuvent représenter des charges très lourdes qui devront faire
l'objet d'une planification financière plutôt que d'une approche par nombre de
lits.
Il convient de responsabiliser les acteurs de la médecine de ville au même
titre que les autres secteurs de la santé : l'hôpital, le secteur
médico-social. Par ailleurs, les mesures telles que les références médicales
opposables, les RMO, et le carnet médical risquent d'être insuffisantes, car
elles relèvent d'une attitude évidente pour les acteurs concernés. Le carnet
médical pourrait, bien sûr, devenir obligatoire.
Le glissement de la pratique médicale de soins à celle de l'individu inscrit
dans son environnement familial, social et même culturel incite à développer
une labellisation et une gratification du praticien qui prennent en compte les
nécessités économiques, la qualité du service rendu, son expérience, sa
formation obligatoire, la gestion du cabinet et l'engagement en matière de
prévention.
A ce propos, le prochain décret concernant le reversement applicable aux
médecins conventionnés est peut-être l'occasion de mettre en place ce type de
mécanisme.
A la menace de sanctions, répondons par la responsabilité individuelle et
collective ; aux caisses locales de négocier de véritables chartes
individuelles et collectives. Sur le plan national, il incombe aux caisses,
avec les partenaires, de définir les critères d'individualisation de l'objectif
et des sanctions.
La notion de rapport annuel au parlement se situe dans le cadre des prises de
responsabilité dudit Parlement. Néanmoins, il serait nécessaire de préciser qui
fixe, et en fonction de quels critères, les prévisions inscrites aux articles 2
et 3 et comment sont sanctionnés les dérapages ; ces questions sont
fondamentales. Alors, monsieur le ministre, il faut faire confiance.
M. le secrétaire d'Etat a décidé de nommer des médecins à la tête du conseil
d'administration, du conseil de surveillance et un médecin comme directeur
général de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Il faut faire confiance à l'entreprise, mais il est difficile de lui expliquer
les prélèvements sur la formation professionnelle, le transfert d'un milliard
de francs issu de la branche accidents du travail et maladies professionnelles,
même s'il y a en partie des raisons techniques. Si nous voulons la confiance,
il faut s'occuper de psychologie.
La confiance, face aux collectivités locales qui s'interrogent sur le devenir
de l'aide médicale à domicile et hospitalière, doit être entretenue alors que
l'aide aux « sans résidence fixe » passe à la sécurité sociale.
En amont, nous pouvons nous interroger sur l'intégration budgétaire de la
protection universelle ; par ailleurs, les collectivités locales déplorent la
prise en charge des cotisations obligatoires en faveur des RMIstes.
Nous faisons confiance à l'expérimentation des filières de soins, qui ne
doivent cependant pas dériver vers une médecine de classe où les plus humbles
bénéficieraient d'un encadrement et les plus aisés du choix.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est pourtant bien ce qui se passera !
M. Jean-Louis Lorrain.
Un mode d'exercice - même de la médecine générale - ne peut devenir une
tutelle sur une autre discipline. Nous proposons d'évoquer ici la subsidiarité,
ô combien acceptée par ailleurs ! Faire ce que l'on sait faire et laisser au
spécialiste ce qu'il sait faire.
Monsieur le ministre, en faisant la revue de presse, on peut relever les
titres suivants : « Au chevet de l'île ... La messe est dite ... Peut-il être
sauvé ? ... La malédiction de Maastricht ... Urgence ... Un calme précaire »,
etc. On se croirait vraiment dans un contexte de fin de vie, de fin de siècle
ou de mort annoncée !
M. Jacques Machet,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain.
A l'opposé de cette approche morbide, nous préférons axer le débat sur
l'évocation de la citoyenneté de l'assuré, la confiance au médecin, la
responsabilité de nos partenaires. Ainsi ferons-nous un acte fondateur.
(Très bien ! et appaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15
novembre 1995, Alain Juppé lançait un vaste plan de réforme tendant à assurer
la pérennité de la sécurité sociale, largement menacée de faillite. Il venait
ainsi mettre enfin un terme à cette habitude qui avait été prise de considérer
comme inévitables les déficits consécutifs à une dégradation de l'activité
économique...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Cela ne s'est pas arrangé depuis !
M. Dominique Leclerc.
... et de toujours reporter à plus tard cette réforme tellement nécessaire de
notre système de protection sociale.
Ce projet de loi, premier du genre, répond donc aux engagements du Premier
ministre. Il vient compléter les ordonnances du 24 avril 1996, dont la mise en
oeuvre est déjà en bonne voie.
Le retour à l'équilibre, seul gage de la bonne utilisation des moyens, doit
effectivement être recherché. En effet, ce qui est essentiel, c'est la capacité
des acteurs à la fois à définir un objectif annuel de la consommation de soins
conforme aux besoins réels de la population et à respecter les moyens pour
l'atteindre.
C'est pourquoi ce texte, qui tente de nous en donner les moyens, est
courageux.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, vous nous proposez de dépenser
mieux en dépensant moins, afin de parvenir à une bonne pratique médicale
permettant une prise en compte des besoins des citoyens sans arriver ni à une
restriction des soins ni à des transferts.
Il n'en reste pas moins que cette nouvelle tâche dévolue au Parlement, tout en
étant nécessaire, est lourde de responsabilités.
Je voudrais donc vous faire part de quelques observations.
En premier lieu, je souhaite revenir sur les conclusions de la conférence
nationale de santé, ainsi que sur les chiffres qui ont permis de présenter les
objectifs financiers de ce projet de loi.
Je regrette, en effet, que les conclusions de la conférence nationale de santé
soient trop générales. Elles ne permettent pas au Gouvernement de fixer les
priorités de la politique de santé publique et de prendre en compte les
évolutions nécessaires de notre organisation de soins.
Cependant, ces imprécisions sont dues aux conditions un peu difficiles dans
lesquelles la conférence s'est réunie pour la première fois. J'ose espérer que,
l'année prochaine, le travail des conférences régionales permettra de mieux
définir les priorités de santé publique sur le plan local et de faire remonter
ces priorités à la conférence nationale, et ce avant que le Parlement en
débatte.
De plus, il semble dangereux, dans l'établissement des prévisions de recettes,
compte tenu de notre expérience, de n'avoir pas considéré le montant des
cotisations à l'identique. Charles Descours l'a évoqué en parlant du degré
d'incertitude dans les aspects évaluatifs des recettes, fondées sur l'évolution
de la masse salariale.
Déjà, il nous faut trouver de nouvelles recettes.
Cependant, je suis conscient que la présentation d'un tel projet de loi, qu'il
n'est pas aisé de rapprocher des « modèles » de loi connus, constituait un
exercice nouveau et difficile. C'est pourquoi je ne doute pas qu'à l'avenir des
améliorations seront apportées à sa préparation ainsi qu'à sa présentation.
Un dernier mot, enfin, sur les bases comptables, qui me semblent, elles aussi,
incertaines.
La Cour des comptes n'a pas manqué, dans son rapport, de souligner de nouveau
les insuffisances des documents de synthèse établis à partir des comptes, dont
les modes de comptabilisation ne sont pas homogènes.
Néanmoins, un effort en vue d'améliorer la présentation des comptes des
organismes de sécurité sociale a déjà été entrepris, notamment grâce à la loi
du 25 juillet 1994, qui a conduit à séparer plus nettement les opérations
relatives à chaque branche du régime général.
Cet effort doit être poursuivi, vous en conviendrez. En effet, l'intervention
du Parlement dans la fixation des prévisions de recettes et d'objectifs de
dépenses, ainsi que le développement des mécanismes de maîtrise des dépenses de
santé obligent, plus encore que par le passé, les responsables de la sécurité
sociale à fournir des informations aussi fiables et lisibles que possible. M.
Jacques Oudin, au nom de la commission des finances, l'a rappelé.
Monsieur le ministre, j'aimerais à présent vous faire part de quelques
réflexions relatives à la branche assurance maladie.
Vous avez déterminé, comme le désirait le Parlement, un objectif national pour
l'assurance maladie ; vous avez fixé son montant à 600,2 milliards de francs,
en augmentation de 10 milliards de francs par rapport à 1996.
Lors de la présentation de cet objectif vous n'avez pas manqué d'insister sur
les nouveaux instruments qui sont mis en oeuvre ou en cours d'élaboration pour
permettre la politique du juste soin.
Parmi ces derniers, deux d'entre eux attirent plus particulièrement des
remarques et, en premier lieu, le carnet de santé.
Certes, un premier grand pas est fait, mais on ne peut s'empêcher d'en
dénoncer les limites. Je crains, en effet, que sa portée ne soit limitée à
celle d'une fiche de liaison.
Tout d'abord, il nous est présenté comme obligatoire ; cependant, aucune
pénalisation n'est prévue à ce jour à l'encontre du patient qui ne le
présenterait pas.
Ensuite, les garanties nécessaires à son usage conduisent à s'interroger sur
les moyens de concilier des objectifs qui peuvent être « contradictoires ».
En effet, si, d'un côté, les intérêts de la santé publique et de la maîtrise
des dépenses conduisent à détailler les informations portées dans le carnet,
d'un autre côté, la protection du malade ainsi que les règles déontologiques
inciteront certainement le médecin dans de nombreux cas à donner un contenu
vague à ce carnet. Dans sa forme actuelle, ce carnet n'assure pas la
confidentialité.
De surcroît, il apparaît difficile d'estimer à ce jour les économies qu'il
générera.
Vous souhaitez également, monsieur le ministre, dans l'optique d'une meilleure
maîtrise des dépenses de santé, favoriser la du généralisation du générique.
Je crois, tout comme vous, que le développement du générique est une
excellente chose au regard de notre politique. Cependant, nous ne devons pas
oublier qu'un tel développement peut avoir des répercussions importantes sur le
mode d'exercice de certaines professions, de même que sur l'organisation de la
chaîne du médicament, entraînant des répercussions sur la santé publique.
En premier lieu, un médicament qui tombe dans le domaine public n'en devient
pas pour autant un produit ordinaire. Au contraire, il reste dans le domaine de
la santé publique et présente un intérêt d'autant plus grand qu'ayant dix
années d'existence il a prouvé à quel point il est sûr.
C'est pourquoi il me semble indispensable de définir avec rigueur la notion de
générique.
Pour cela, il doit d'abord satisfaire à toutes les exigences légales en
matière d'autorisation de mise sur le marché ainsi que de contrôle de la
qualité.
Il faut également qu'il soit reconnu comme parfaitement bio-équivalent par
rapport au produit princeps. Sur ce point, le décret devrait fixer des
conditions précises.
Il faudrait par ailleurs qu'il soit clairement identifié par sa dénomination
commune internationale et que le nom du laboratoire soit partiellement
mentionné, ce qui permettrait une parfaite transparence de la prescription.
Au-delà de ce problème de la définition, il est aujourd'hui impératif que,
dans le cadre du financement de la sécurité sociale, la politique en faveur du
générique réussisse.
Les pharmaciens seront des acteurs déterminants de cette politique.
Actuellement, dans la logique des RMO et d'une meilleure prescription, les
effets volume se font ressentir.
Avec le générique, l'économie de l'officine doit être stabilisée afin qu'elle
demeure une perspective d'avenir, notamment pour les jeunes diplômés, et que la
pérennité de l'efficacité de son réseau de proximité de distribution et de
santé publique sur l'ensemble du territoire national soit assurée.
C'est pourquoi il me semble important d'inciter les professionnels, notamment
les pharmaciens, à s'impliquer afin de favoriser le développement rapide du
médicament générique. Ce médicament, dont le prix est inférieur de 20 % à 30 %
à celui du princeps, va générer de véritables économies.
Aussi, la politique de dispensation doit être le plus rapidement possible
contractualisée avec les pharmaciens d'officine et définie dans une relation de
confiance fondée sur des perspectives d'avenir reposant sur une marge fixe,
donc linéaire, arrêtée dès aujourd'hui. Seule une telle politique pourra
garantir un exercice « correct » de la profession.
Monsieur le ministre, j'aimerais également attirer votre attention sur les
difficultés que rencontrent certaines professions. Depuis plusieurs années,
elles ont conclu des contrats d'objectifs qu'elles respectent et qui ont fait
leurs preuves, dans la maîtrise de leurs dépenses.
Elles entendent bien contribuer à l'effort que nous demandons à tous
aujourd'hui. Mais, avec la mise en place des RMO et de cette nouvelle
politique, elles subissent une double pénalisation.
L'exemple de la biologie est significatif. La biologie a toute sa place dans
le réseau de santé publique. Elle contribue largement à l'élaboration du
diagnostic et au suivi des thérapeutiques gagées sur des résultats fiables. De
plus, elle est la plus pertinente de nos actions de médecine préventive.
Cette profession a besoin d'être rassurée quant à son avenir si nous voulons
conserver une biologie de proximité, exercée par des biologistes et des
techniciens hautement qualifiés et mettant en oeuvre des technologies toujours
très sophistiquées.
Aussi, il vous appartient d'éviter toutes les dérives qui seraient en
définitive préjudiciables à une bonne politique de santé publique.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais vous faire part de mes doutes
quant à l'adéquation des moyens, que vous nous proposez de fixer à 600,2
milliards de francs, face à certains besoins de santé publique que la sécurité
sociale devra assurer.
En effet, comment ce montant, qui représente une augmentation de 1,7 % des
dépenses de santé, pourra-t-il permettre d'inclure dans les dépenses de santé
de ville la sortie de la réserve hospitalière de certains médicaments
extrêmement coûteux tels que les antirétroviraux, dont le plus connu est
l'antiprotéase ?
On sait également que l'hépatite C va devenir un problème majeur ; il va
falloir assurer un meilleur dépistage et financer le traitement par les
interférons, qui sont des thérapeutiques délicates à mettre en oeuvre et,
surtout, extrêmement onéreuses. Pensez-vous que l'on a réellement prévu le coût
de ces nouvelles pathologies et de leurs traitements ?
Au-delà de ces réflexions, ce qui nous importe, c'est l'avenir de notre
système de santé.
Ce système repose, comme vous le savez, sur une culture et une tradition qui
nous sont propres et que nous voulons préserver.
Nous ne pouvons accepter ni une dérive vers une étatisation ni une
ultra-libéralisation du système de santé.
Monsieur le ministre, ainsi que notre rapporteur, M. Charles Descours, vous
l'a excellemment dit, la réussite de la maîtrise des dépenses de santé repose
sur l'adhésion non seulement de l'ensemble des professionnels de santé, mais
aussi de leurs partenaires, et surtout des patients.
Si tout le monde est désormais convaincu de la nécessité de cette maîtrise,
nous devons bien l'expliquer, renouer le dialogue et rétablir la confiance.
La maîtrise des dépenses doit reposer sur des données précises, issues d'un
codage incontesté, qui, transmis aux caisses et aux unions régionales de
médecins, permettra, au-delà de cette évaluation comptable, un rapprochement
incontestable entre le coût et les raisons médicales de ce coût.
Cette appréciation entre les moyens mis en oeuvre par rapport aux résultats
obtenus permettra de bien différencier rationalisation et rationnement
éventuel.
Néanmoins, la volonté de maîtrise des dépenses qui nous préoccupe ne doit pas
masquer notre objectif majeur, qui est de parvenir à une optimalisation de la
dispensation des soins pour l'ensemble de la population et la préservation d'un
système de distribution des soins qui donne satisfaction aux patients.
Je crois que le Gouvernement en est conscient. Cette première loi de
financement doit nous permettre de nous rapprocher de ce but.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an
à quatre jours près, notre hémicycle retentissait de la clameur de vos
approbations lorsque le Premier ministre présentait le plan dont nous avons
aujourd'hui à débattre des conséquences.
Il semble que, de cet enthousiasme, il ne reste rien qu'un parfum à la vérité
bien délétère et que, dans ce domaine comme dans tant d'autres, comme le décrit
la chanson, le plaisir n'aura duré qu'un instant tandis que le chagrin risque
de durer toujours.
(Sourires sur les travées socialistes.)
Il semble d'ailleurs avoir déjà coupé les jambes et les bras, en
particulier celui qui sert à voter, à une partie des enthousiastes d'hier.
Qu'on en juge par les votes intervenus à l'Assemblée nationale !
Oh ! certes, la minorité de gauche n'y occupe pas grand-place, et elle se sait
au demeurant accablée de vos mépris toujours renouvelés. Il en est allé ainsi
pour mon camarade, député de l'Essonne, Julien Dray, à qui vous avez cru bon de
répondre, après trois quarts d'heure d'intervention, monsieur le ministre, que
ce qui est excessif, suivant la ritournelle bien connue qui permet de se
dispenser de toute explication, serait insignifiant.
Mais à la vérité, ce qui fut insignifiant, ce fut votre propre capacité à
convaincre vos propres amis, puisque, après tant d'enthousiasme, il ne s'est
trouvé que 110 députés sur 577...
M. William Chervy.
C'est peu !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... pour approuver les conséquences de ce qu'ils avaient hier voté dans
l'enthousiasme.
M. François Autain.
C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ainsi, le décompte fait état de 48 députés du RPR sur 259, de 61 de l'UDF -
qui fait mieux - sur 206, et de 18 abstentions : vous n'êtes même pas parvenu à
convaincre votre ami de parti, M. Bernard Bosson !
Et vous revoici, docteur Barrot, avec de nouveaux cataplasmes à appliquer à la
jambe de bois du déficit !
(Sourires.)
M. François Autain.
Ça brûle !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Comment en est-on arrivé là ? Je crois qu'il faut se souvenir ; certes, le
Premier ministre avait su dire au bon moment, dans son intervention : « Nous
allons accomplir le rêve qui nous anime depuis trente ans et qu'on n'a pas osé
faire passer dans la réalité. » J'avais alors fait remarquer que, voilà trente
ans, il n'y avait pas de déficit.
Mais ce ne fut pas le coeur des motifs donnés : les objectifs réels, ceux qui
se déduisent de l'examen de la pente sur laquelle roulent les événements depuis
que la sécurité sociale a été modifiée, n'ont jamais été avoués pour ce qu'ils
sont. Je vais me charger de vous les rappeler.
Trois motifs étaient invoqués pour justifier le remède de cheval qui était
appliqué à la sécurité sociale : le premier d'entre eux, le déficit ; le
deuxième, l'objectif généreux d'une assurance universelle ; le troisième, la
nécessité du contrôle du Parlement.
M. François Autain.
Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Le déficit, c'était naturellement l'argument le plus lourd. Contre vos
raisonnements comptables, nous vous rétorquions déjà que le cancer qui ronge «
la sécu », c'est avant tout, d'abord, ensuite, après, tout le temps, l'emploi.
Sachons que 1 million de chômeurs de moins égale 50 milliards de francs de
manque à gagner rattrapés, c'est-à-dire plus que le déficit actuel de la
sécurité sociale.
Si ce déficit était comblé, à quoi bon toute l'usine à gaz qui a été montée
?
Si cela vous semblait excessif ou apparaissait comme un objectif qui ne
pouvait pas être atteint, il vous restait encore d'autres moyens.
Il y avait, par exemple, le simple fait qu'un point d'augmentation des
salaires, ce sont 8 milliards de francs de recettes supplémentaires.
Il y avait ces 90 milliards de francs de dettes patronales à l'égard de la
sécurité sociale, dont la moitié pouvait être récupérée.
Il y avait les revenus financiers que, dans un moment de générosité, d'appel
à la solidarité de tous les Français pour sauver cette machine essentielle,
notre cohésion sociale, vous auriez pu taxer au taux des revenus du travail :
et alors vous auriez prélevé 77 milliards de francs, c'est-à-dire, là encore,
plus que le déficit.
Vous étiez, je vous l'avais dit, bien mal placé pour parler de ces déficits et
les agiter contre nous, en les imputant à vos prédécesseurs, puisque les
gouvernements de gauche n'avaient eu pour déficit en moyenne que 1 %, tandis
que, depuis que vous êtes aux affaires, depuis 1993, vous avez multiplié par
quatre ce déficit pour l'ensemble des régimes et par six pour celui de
l'assurance maladie.
Vos hypothèses d'aujourd'hui ne valent pas mieux que celles d'hier. En effet,
j'ai relevé que la commission des comptes s'appuie sur une progression de la
masse salariale pour établir ces prévisions - celles que vous nous présentez -
de l'ordre de 3,3 % en 1997. Or, dans son rapport, cette commission précise par
précaution qu'il s'agit là d'une évaluation résolument optimiste. En effet !
Surtout si l'on tient compte de la manière dont la consommation est assassinée
à coup de prélèvements toujours plus grands, toujours plus nombreux, toujours
plus incompréhensibles pour nos concitoyens !
J'affirme que vous ne comptez pas mieux aujourd'hui qu'hier. Vous aviez
annoncé, chacun ici peut s'en souvenir, 17 milliards de francs de déficit pour
1996.
M. François Autain.
C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
A ces mots, vous aviez applaudi, mes chers collègues de la majorité
sénatoriale.
M. François Autain.
On s'en souvient !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Puis vous aviez annoncé 12 milliards de francs d'excédent pour 1997. A ces
mots encore, vous aviez applaudi.
En 1996, il y a 51,5 milliards de francs de déficit et, en 1997, on nous
annonce qu'en faisant bien il y aura 30 milliards de francs de déficit.
M. François Autain.
Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... quoique l'on parte de la base de 47 milliards de francs, chiffre qui
demande à être vérifié, ce que je vais faire dans un instant.
M. François Autain.
C'est malheureusement la vérité !
M. Jean-Luc Mélenchon.
J'estime que ce sont des chiffres tronqués, des bilans arrangés. Le déficit
continue et continuera à hanter, insaisissable, les plans de cette usine à gaz
qu'est la réforme Juppé de la sécurité soicale ou, pour mieux dire, de cette
espèce de Superphénix qui devait produire plus de carburant qu'il n'en consomme
et qui produit, comme vous le savez, surtout du déficit et du gaspillage.
(Sourires sur les travées socialistes.)
Deuxième argument : vous nous disiez : nous allons vers l'assurance
universelle, et cela justifiait que l'on vienne tout changer des assises sur
lesquelles reposait la sécutrité sociale jusque-là.
On s'en souvient, nous marchions alors sous la contrainte d'un chiffre
écrasant et qui, tous, nous donnait à penser : 600 000 personnes seraient
exclues du système des soins !
Aujourd'hui, la CNAM ne parle plus que de 90 000 personnes. Ainsi, tout cela
pour 90 000 personnes ! Or, quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que
ce sont surtout les exclus du guichet qui forment ces cohortes de malheureux
n'ayant plus accès au système de soins.
Que savons-nous de cette assurance universelle qui nous fut promise comme
l'horizon de cette réforme de la sécurité sociale ? Qu'en savons-nous ? Rien !
Alsolument rien !
M. François Autain.
Elle couve !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous l'apprenons par la presse : l'affiliation, au lieu d'être assise sur le
contrat de travail, le sera sur la résidence, suivant la thèse, bien connue
mais non démontrée, de la nécessité de la baisse du coût du travail pour
renforcer la compétitivité des entreprises.
Mais alors de multiples questions se bousculent s'il en est ainsi. Qui sont
ces résidents ? Comment cette qualité sera-t-elle acquise ? Comment ne pas
craindre, par avance, les surenchères auxquelles cette définition donnera lieu
? Qu'en sera-t-il de nos compatriotes non résidents ?
Qu'en sera-t-il des régimes spéciaux dans un régime qui sera à ce moment-là
universel, alors que tant de nos concitoyens ont montré leur attachement à ces
régimes spéciaux - et de quelle manière ! - en novembre et en décembre 1995
?
Qu'en sera-t-il, enfin, du paritarisme, dont on ne cesse de répéter qu'il est
un bien précieux pour la sécurité sociale, tandis que chaque jour on porte
atteinte à son fonctionnement et, dès lors qu'il y aura un régime universel,
quelle sera la justification du paritarisme ?
M. François Autain.
Très bonne question !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous ne le savons pas et nous le saurons pas. Il s'agit là d'un projet qui
reste dans l'air alors qu'il était censé être le coeur des objectifs que vous
visiez.
Traitons à présent du troisième motif : le contrôle du Parlement.
Chacun voit bien, mes chers collègues, de quoi il retourne à présent. Au
demeurant, les institutions de la Ve République, vous le savez bien, ne sont
pas très favorables à la participation active du Parlement aux grandes
décisions.
Dans le domaine de la sécurité sociale, il semblerait que nous nous préparions
à battre quelques records. On nous a rappelé - combien de fois ! - que la somme
à elle seule justifiait que le Parlement s'en mêle ; on nous a rappelé -
combien de fois ! - que pour 1 700 milliards de francs - c'était autant que le
budget de la nation - le Parlement devait s'en mêler.
Le Parlement s'en mêle. On lui fournit une information discutable, après quoi
se déroule sous nos yeux une obscure bataille de chiffonniers, entre lobbies,
aux portes du Parlement, avec, pour tout potage, un arbitrage à rendre entre
les marchands de bière et ceux de spiritueux, les propriétaires de casino et
les producteurs de Cognac, sans que jamais une seule fois il ne soit débattu
des objectifs de santé publique, sans que jamais une seule fois nous ne soyons
saisis de quelque prospective qui nous permette de savoir ce qui serait bon
pour notre peuple en ces matières,...
M. François Autain.
C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... sur lesquelles je ne dis pas que le Parlement serait le mieux qualifié
pour rendre des avis ; mais, en tout cas, nous serions éclairés et nous
travaillerions dans d'autres conditions que celles dans lesquelles nous
travaillons, qui sont celles d'une aimable réunion qualifiée de « comptable »
!
Deux jours de débat pour 1 700 milliards de francs ! Pas un mot sur les
objectifs de santé publique. Des comptes ! Mais quels comptes ! Car les 47
milliards de francs de déficit annoncés sont déjà sujets à caution : cette
prévision de la commission des comptes de la sécurité sociale a intégré, à
votre demande, des mesures qui figurent dans ce projet de loi et qui ne sont
donc pas encore votées. Ces mesures sont : l'élargissement de l'assiette de la
CSG, qui rapportera 3,1 milliards supplémentaires à la branche famille, et
l'augmentation du taux de cotisations familiales pour l'Etat et les entreprises
publiques.
En réalité, mes chers collègues, le déficit prévisionnel pour 1997 s'élève
plutôt à 55 milliards de francs, et je veux préciser qu'une note de la
direction du budget datant de début septembre tablait même sur 57 milliards de
francs ! Alors, quels sont les bons chiffres ? Comment les justifie-t-on ?
Outre cette évaluation timide du déficit prévisionnel pour 1997,
l'approximation est également la règle quant au chiffrage de vos mesures pour
réduire ce déficit.
Vous demandez au Parlement de fixer une enveloppe des dépenses d'assurance
maladie pour 1997 de 600,2 milliards de francs, soit une progression de l'ordre
de 1,3 % par rapport à 1996. Tout juste l'inflation prévue ! Alors là, disons
les choses comme elles sont : la sécurité sociale nous vaudra bien des
déboires, mais pas celui de ne pas être dans la fourchette de la bonne santé
des critères de convergence. En effet, ce chiffre correspond très exactement à
celui dont nous avons besoin pour figurer dans le palmarès maastrichien qui
résulte des critères de convergence.
La santé publique, dans cette affaire, est bien loin des chiffres ! Cet
objectif, une fois de plus, est lui-même volontariste. Il mise sur la réussite
de l'objectif pour 1996 de plus 2,1 %. Or plusieurs avis, à commencer par celui
du directeur de la CNAM, pronostiquent plutôt une évolution proche de 4 %. Cela
se traduit mécaniquement non pas par une progression de plus 1,3 % en 1997,
mais, comme cela se comprend facilement, par un taux nul, voire négatif.
De plus, le Parlement, saisi comme il l'est, n'aura toutefois pas à se
prononcer sur la répartition de cette enveloppe entre des secteurs qui exigent
entre eux des arbitrages ô combien délicats, tels que la médecine de ville, les
hôpitaux publics, les cliniques privées et le secteur médico-social.
Vous avez déjà arrêté ces taux : plus 1,25 % pour les trois premières
enveloppes et plus 3 % pour la dernière enveloppe, même si, pour le secteur
médico-social, vous avez renoncé à ce système d'enveloppes limitatives.
Concrètement, mes chers collègues, au-delà de ces chiffres, cela signifie que
les hôpitaux vont voir leurs moyens diminuer - qu'on fasse la démonstration du
contraire si on le peut - puisque la simple évolution de la masse salariale, du
fait de l'ancienneté notamment, va déjà au-delà de ce taux de 1,25 % s'il reste
en l'état.
Par conséquent, ce que nous sommes en train de faire en votant ces masses
telles qu'elles nous sont présentées, c'est de planifier la réduction des
moyens de l'hospitalisation publique au moment même où elle est en quelque
sorte la mer des Sargasses vers laquelle convergent toutes les misères, comme
le savent tous ceux qui pratiquent l'hôpital public et s'intéressent à son
fonctionnement, et où l'on voit le service des urgences être en quelque sorte
la dernière bouée, le dernier point d'accrochage vers lequel peuvent tendre la
main ceux qui ont déjà perdu pied pour tout le reste de leur existence
sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
On donne la main à ceux qui ont perdu pied !
(Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Alors, que dire des autres dispositions financières de ce projet de loi ? Je
voudrais vous faire remarquer que, pour près d'un tiers des recettes trouvées -
un tiers ! - dans cette loi de financement, il s'agit de ce qu'on peut appeler
des recettes purement conjoncturelles « de poche » : 3 milliards de francs
venant d'EDF, 1 milliard de francs venant de la branche Accidents du travail,
1,2 milliard de francs venant de l'intégration au régime général de la caisse
militaire de sécurité sociale. Comme ce sont les militaires et qu'ils sont
astreints à une certaine réserve, on ne les entendra pas trop protester... Je
voudrais tout de même faire observer que c'est la première fois qu'un régime
spécial sera annexé de cette façon sans autre forme de discussion !
Comme le souligne le rapporteur du Sénat dans sa sagacité et sa précaution, «
l'importance de ces mesures de nature ponctuelle conduit à s'interroger d'ores
et déjà sur les nouvelles recettes qui devront être recherchées ». Ça, c'est la
langue sénatoriale exquise dans ses contournements et dans sa courtoisie...
La vérité, c'est qu'il n'y a pas à s'interroger : ce qui aura été pris une
fois ne pourra pas l'être une seconde fois. Ces mesures, qui sont tout à fait
exceptionnelles, ne pourront pas être reproduites. C'est ce qui nous fait dire
que ce texte est au total un trompe-l'oeil. Loin d'aborder les vrais problèmes
de santé publique et de prévention, il développe une approche strictement
comptable de la sécurité sociale dont nous disons depuis le début qu'elle ne
peut pas être la bonne. Les raisonnements économiques absents par ailleurs vous
conduisent tout le temps à dire à cette tribune des choses que vous êtes amenés
à contester devant la presse. Au terme de ces mêmes raisonnements, vous oubliez
que le point de départ de toute chose en ces matières, c'est l'emploi.
Encore un chiffre et qu'on en juge : si nous n'avions pas ces 3 millions de
chômeurs, la sécurité sociale aurait quant à elle 150 milliards de francs de
recettes supplémentaires ! C'est donc bien là qu'est le coeur du
problème,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cela, on est d'accord !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... et non dans les raisonnements de départ ni dans la manière de conduire les
discussions. Ce n'est pas en limitant, en plafonnant, en retaillant de façon
comptable que vous empêcherez la vie de déborder - car personne ici n'est
capable de prévoir ce qui se passera en matière de santé publique dans notre
pays - les grandes pandémies de frapper, ...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il y en a encore ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
... d'amener chaque hiver son cortège de désagréments ; quant à la santé de
nos concitoyens, ce qui aura été chassé d'un côté reviendra d'un autre !
Alors jusqu'à quand de telles méthodes ? Jusqu'à quand de telles recettes de
poche ? Vous allez peut-être me répondre tout à l'heure que je suis excessif et
donc insignifiant. C'est la raison pour laquelle, après avoir applaudi à des
déficits jugulés et à des excédents annoncés, mes chers collègues, il vous
faudra voter de nouveau des déficits, avec l'espoir, comme l'ont dit plusieurs
intervenants, qu'un jour ils viennent à cesser. Ils ne cesseront pas sur les
bases sur lesquelles nous sommes.
De même, vous devriez nous éclairer et nous dire ce qu'il en est du règlement
de la dette qui aura été accumulée depuis que nous avons déjà pourvu à la
précédente avec le RDS, lequel reprenait un paiement déjà fait sous M. Balladur
par son augmentation de la CSG. Mais nous revoilà, cette fois-ci, avec 34,5
milliards de francs pour 1996 - puisque 17 milliards des 51,5 milliards de
francs de déficit de 1996 sont déjà à la charge de la caisse d'amortissement de
la dette sociale, et donc supportés par les Français à travers le RDS - et 30
milliards de francs en 1997. Il y aura donc au minimum 65 milliards de francs
de dette de la Sécu à la fin de 1997. Qui va la payer ? Comment va-t-on la
payer ? Allongera-t-on la durée du RDS, initialement prévue pour treize ans ?
Rien n'est dit, on laisse le sujet en suspens... pour le prochain gouvernement.
Cadeau empoisonné s'il en est !
M. François Autain.
C'est un problème de second ordre !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je m'approche maintenant de ma conclusion. Voici ce que je crois.
Les circonstances ont fourni le motif pour franchir un seuil qui nous dirige
vers une fiscalisation complète des recettes de la sécurité sociale dont
l'issue est inéluctablement hautement prévisible.
Quand on aura mis à la charge d'une recette de nature fiscale unique
l'ensemble du financement, que la situation économique du pays se redresse ou
non, nous serons dans un sifflet, c'est-à-dire qu'il faudra prendre en charge,
avec une recette unique fiscale, un budget équivalent à celui de la nation qui,
lui, est abondé par tout un éventail de recettes diverses, depuis les taxes
indirectes jusqu'à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, etc.
A ce moment-là, nous serons dans un système tel que toute augmentation de
cette fiscalisation deviendra confiscatoire. Alors on dira : l'Etat et la
nation ne peuvent garantir que tel niveau de protection ; pour le reste,
adressez-vous aux assurances privées !
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est tellement vrai que, pour ce qui concerne la retraite, nous en sommes
déjà là. Pour la maladie, nous y viendrons ! Il est impossible qu'il en soit
autrement. La pente suivie par les comptes depuis un an, depuis que la règle du
jeu a été changée, ne fait que confirmer mon pronostic.
C'est pourquoi nous avons pu dire - et mon ami dont vous avez balayé les
arguments d'un revers de la main a pu le démontrer - que la première phase qui
est celle de l'étatisation conduit à une deuxième phase qui sera celle de la
privatisation. Il n'y a aucun paradoxe, il y a un chemin, il y a une logique.
Les libéraux, notamment les libéraux européens, ont toujours souhaité en venir
à ces assurances minimum dites universelles contre lesquelles protestent nos
compatriotes, contre lesquelles protestent les générations qui nous ont
précédés et qui ont réussi cette merveille, la sécurité sociale, qui peut être
soignée et guérie, pour peu que l'on redonne à notre peuple les moyens de créer
des richesses. Sauvons cet acquis de civilisation, grâce auquel la durée de la
vie a augmenté dans notre pays, grâce auquel la mortalité infantile a diminué,
grâce auquel tant et tant de gens peuvent affronter les afflictions les plus
terribles de la vie en se sachant protégés par la solidarité de leurs
concitoyens, grâce à la cotisation sociale, grâce à la sécurité sociale.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'aborderai exclusivement, au nom du groupe communiste républicain et citoyen,
le problème du financement de la sécurité sociale.
Au préalable, comme l'a fait Jacqueline Fraysse-Cazalis, je voudrais montrer
l'existence d'un lien majeur entre protection sociale, prospérité économique et
progrès social.
Ces trois notions sont liées historiquement, économiquement et
politiquement.
L'épanouissement de la protection sociale a été possible au lendemain de la
guerre alors que le pays en avait besoin pour se reconstruire et qu'il en avait
la possibilité car la France était au travail et que le profit patronal
supportait, à juste titre, sa part de financement.
Au cours des cinquante années qui ont suivi la création de la sécurité
sociale, celle-ci a vu sa situation suivre les évolutions de la richesse du
pays selon la volonté politique de freiner ou de développer un processus de
progrès ou de recul.
Depuis quelques années, votre politique précipite un mouvement que le plan
Juppé a engagé. Pour faire voter ce plan, vous avez prétendu qu'il réduirait le
déficit à 16 milliards de francs. En fait, il a fait naître un nouveau déficit
qui atteindra peut-être 51 milliards de francs.
Votre politique organise le déficit.
Premièrement, le chômage prive la sécurité sociale de 200 milliards de francs
de recettes.
Deuxièmement, les bas salaires privent la sécurité sociale de dizaines de
milliards de francs. Le salaire brut moyen ralentit sa progression alors que
deux millions de salariés sont payés en dessous du SMIC. Ces incidences se
manifestent au niveau de la valeur absolue. Si l'évolution de la masse des
salaires s'était faite au même rythme que la création de richesses, dans les
cinq dernières années, la sécurité sociale aurait perçu 35 milliards de francs
de cotisations supplémentaires.
Troisièmement, en accompagnant les insuffisances de recettes dues à une
politique de recul économique - et bientôt de récession ouverte - votre
politique inégalitaire, en matière de fixation du taux, a entraîné une perte de
recettes au moins égale à celle qui est provoquée par le chômage et les bas
salaires. La part des cotisations employeurs au régime général est passée de 70
% en 1980 à 52,3 % en 1995.
Pour un salarié payé au SMIC, le taux de cotisation patronale est passé de 33
% à 24 %, soit un manque, pour la sécurité sociale, de 7 000 francs.
Pour 1,5 million de salariés payés au SMIC, cela représente 7 000 francs
multipliés par 1,5 million, soit 10,5 milliards de francs en moins.
En revanche, la part du taux de sécurité sociale salarié voit son pourcentage
croître puisque, de 10,20 %, il passe à 16,35 %.
Le même salarié au SMIC paiera 4 000 francs supplémentaires, ce qui porte la
somme, pour 1,5 million de salariés, à 6 milliards de francs de plus.
En conséquence, le bilan global pour les seuls salariés au SMIC fait
apparaître une diminution de recettes de l'ordre de 4,5 milliards de francs.
Si l'on applique le calcul à l'ensemble des salariés, ce sont quelque 200
milliards de francs qui, en quinze ans, ont manqué en recettes.
Quatrièmement, les rafales d'exonérations patronales ont fait monter en charge
le volume total : de 5,2 milliards en 1989, elles sont passées à 64 milliards
de francs, dont 25 % ne sont pas compensés.
Cinquièmement, je n'oublie pas que la Cour des comptes chiffre à plus de 100
milliards de francs les créances patronales.
Chacun parmi nous, mes chers collègues, admet que ce n'est pas en réduisant
les dépenses que le déficit sera résorbé. Nous avons atteint un niveau limite
menaçant le droit à la santé de chaque citoyen et l'état sanitaire du pays.
C'est en augmentant les recettes que la sécurité sociale retrouvera son
équilibre.
Vous l'avez d'ailleurs parfaitement compris, monsieur le ministre ; mais
comment y parvenir ?
Vous n'envisagez toujours pas de réduire les exonérations patronales. Avec la
loi de Robien, au nom « des emplois maintenus » ou « licenciements évités », le
patronat va bénéficier d'exonérations nouvelles et importantes. Les plans de
réduction possible d'effectifs remplaceront les plans de création d'emplois.
En revanche, vous envisagez de faire payer plus, mais sous une autre forme,
les salariés avec leurs éléments de vie familiale ou sociale.
Vous étendez la CSG aux revenus de remplacement : indemnités de licenciement,
de mise à la retraite, indemnités journalières, allocations pour congé parental
ou travail à temps partiel.
L'extension de la CSG jointe au transfert de la cotisation maladie à la CSG,
la création du RDS vont représenter effectivement 100 milliards de francs
prélevés sur les ménages. Mais 100 milliards de francs prélevés en plus, ce
sont 100 milliards de francs de moins pour la santé, la consommation,
l'emploi.
Enfin, vous voulez accroître les dépenses de certaines familles avec des
mesures nouvelles prévoyant l'augmentation du droit de consommation sur les
alcools et d'une partie des droits de consommation sur le tabac, au profit de
l'assurance maladie. Vous ponctionnez encore près de quatre milliards de
francs. Et ne vous cachez pas derrière le paravent de l'action antialcoolique !
Vous prétendez faire de l'alcool une source de richesses.
L'analyse réelle des causes du déficit que vous refusez de corriger, l'examen
des mesures que vous proposez montrent combien le financement du nouveau
système de santé et de protection sociale, réducteur sur le plan économique et
sur le plan de l'emploi, entraînera de nouvelles difficultés financières pour
la sécurité sociale.
Cette analyse nous conduit à vous proposer une autre méthode de financement
curative pour le déficit actuel et préventive de tout retour au déficit.
La première mesure que nous préconisons concerne l'imposition qui doit jouer
tout son rôle et peut, à elle seule, résoudre le déficit actuel et celui qui
est prévu pour 1997.
En faisant cotiser les revenus financiers spéculatifs au même niveau que les
salaires, on recouvrerait une recette de 167 milliards de francs. Même si on
devait procéder à un échelonnement d'une telle mesure sur plusieurs années,
celle-ci garantirait, à elle seule, l'équilibre de la sécurité sociale.
Un simple prélèvement de 3 % sur les 1 500 milliards de francs de profits
bruts réalisés par les entreprises - ce chiffre représente presque le budget de
l'Etat - entraînerait un accroissement annuel des recettes de 45 milliards de
francs.
Cette mesure pourrait permettre de résorber le déficit.
La deuxième mesure que nous vous proposons porte sur une réduction et une
modulation des cotisations sociales des entreprises.
Nous vous proposons en effet de lier les exonérations à la politique menée par
l'entreprise en matière d'emploi.
Sans pénaliser les entreprises de main-d'oeuvre ni les plus petites, nous vous
proposons d'intégrer la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations.
Ces deux dispositions pourraient redonner une force nouvelle au lien vital qui
doit exister entre emploi et cotisation.
La troisième mesure que nous vous soumettons est une mesure de justice
sociale, aux effets immédiats sur les ressources de la sécurité sociale.
L'augmentation de 1 000 francs des salaires inférieurs à 15 000 francs
permettrait de constituer un fonds de roulement de 15 milliards de francs au
bénéfice de la sécurité sociale. L'adoption de cette mesure permettrait de
concilier croissance du pouvoir d'achat, bonne qualité des prestations et offre
de soins.
La quatrième mesure touche, elle aussi, à la justice sociale et représente en
même temps une garantie pour les finances de la sécurité sociale.
Le « rythme de croisière » du montant des dettes des employeurs vis-à-vis de
la sécurité sociale atteint 20 milliards par an. Pour parer à cette situation,
nous proposons la constitution d'un fonds de garantie alimenté par une
cotisation patronale permettant de compenser les pertes de recettes dues aux
entreprises défaillantes. Ce fonds serait le « frère jumeau » du fonds de
garantie des salaires, auquel cotisent les entreprises pour honorer le paiement
des sommes dues aux salariés. Le patronat veille à ce que les salariés soient
en règle. Nous l'en félicitons, mais charité bien ordonnée doit commencer par
soi-même. Le patronat doit aussi se prémunir contre certaines errances
dénoncées par la Cour des comptes.
La cinquième mesure proposée consiste à rejeter toute politique malthusienne
en matière de soins qui viserait à pénaliser les médecins dépassant leur quota
d'actes. Quel vilain mot quand il s'agit de préserver santé et vie ! Nous
refusons toute sanction et proposons la revalorisation négociée des honoraires
des médecins, garantissant à ceux-ci un juste revenu et la liberté de décider
des soins nécessaires.
La sixième et dernière mesure que nous préconisons devrait contribuer au
renouveau de la politique de la famille, par la suppression des exonérations
patronales sur les bas salaires, par la revalorisation des allocations
familiales et l'attribution exceptionnelle d'une prime de Noël pour les enfants
des familles les plus démunies.
L'allocation exceptionnelle de rentrée scolaire a été réduite ; le gel des
bases de calcul des allocations familiales a privé les familles de ressources
au moment où les difficultés s'accumulent au point d'aggraver la pauvreté et la
misère dans notre pays.
Dans le volet social, nous proposons également une revalorisation des pensions
de 600 francs, le départ à la retraite après trente-sept annuités et demie de
cotisations. Plus de jeunes au travail, c'est autant de rentrées financières
supplémentaires pour la sécurité sociale.
Vous observerez que ces propositions financières sont assises sur la richesse
réelle produite par les entreprises et répondent à tous les besoins dans le
domaine de la santé et de la protection de tous ceux qui produisent ces
richesses.
Cela constitue un ensemble logique, juste, appelé sécurité sociale, auquel
nous restons fidèles, car il aide le citoyen, de sa naissance à sa mort, à
rester protégé. Votre « révolution » consiste à lui substituer un autre
système. Par la fiscalisation, vous transformez la sécurité sociale en
assistance sociale.
Ce sont deux conceptions de société qui s'opposent.
Votre « révolution », qui en est bien une, fait suite aux ordonnances du plan
Juppé. Elle traduit un recul de société. Nous lui préférons les grandes
espérances de la Libération, réalisables et toujours justes.
Le peuple français tranchera entre ces deux conceptions. Notre groupe a fait
son choix : nous rejetons les dispositions financières que vous nous proposez.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.).
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous voici réunis aujourd'hui pour débattre du projet de loi de financement de
la sécurité sociale, étape indispensable au redressement de notre système de
protection sociale.
Le déficit de la sécurité sociale, cumulé d'année en année, a atteint de
telles proportions qu'il est de notre responsabilité de prendre les mesures
nécessaires pour arrêter ou tenter d'arrêter cette spirale infernale.
La tâche qui nous est confiée aujourd'hui est donc particulièrement lourde et
délicate, il ne faut pas se le cacher.
C'est la raison pour laquelle, en mai dernier, lors de la discussion du projet
de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale,
j'avais mis en garde le Gouvernement contre les conditions désastreuses dans
lesquelles risquait de se dérouler la discussion des projets de loi de
financement. Je déplore que cette mise en garde soit restée lettre morte,
puisque, aujourd'hui, je constate amèrement avec d'autres que le climat de
cette discussion se révèle particulièrement défavorable.
Effectivement, après les multiples tentatives avortées que nousavons connues
au cours des dernières décennies, pour la première fois, députés et sénateurs
sont appelés à se prononcer sur les conditions générales de l'équilibre
financier de la sécurité sociale.
Malheureusement, c'est dans la précipitation que ce débat a lieu puisqu'il
intervient au même moment que la discussion budgétaire.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est obligatoire !
M. François Lesein.
Or, compte tenu de l'importance de ces deux textes, je considère que cette
situation n'est pas tolérable.
Certains estiment que, du fait de son impact sur le budget de l'Etat, l'examen
du projet de loi de financement de la sécurité sociale doit précéder celui du
projet de loi de finances. Pour ma part, je pense qu'un tel texte aurait dû
être débattu avec toute la sérénité qu'il mérite, c'est-à-dire en une période
où le Parlement ne vit pas dans l'effervescence du budget, par exemple en mars
prochain.
Cette réforme courageuse, bien que périlleuse, n'en était pas moins
inévitable. L'ampleur du déficit était telle, en effet, qu'il était nécessaire
d'intervenir.
Mais, aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est un homme déçu qui
s'adresse à vous, déçu parce que vous aviez promis aux parlementaires qu'ils
interviendraient dans le rééquilibrage fiancier de la sécurité sociale.
Or, à défaut d'équilibre, ce que vous nous demandez aujourd'hui, c'est de
valider un texte rédigé par le Gouvernement et qui, dès sa première mouture,
consacre le déficit de l'assurance maladie, un déficit que vous avez d'ailleurs
bien du mal à évaluer, ce qui se comprend aisément !
Je me permets de rappeler qu'en adoptant le projet de loi organique qui
autorise ce financement les parlementaires ont engagé leur responsabilité. En
définitive, je constate aujourd'hui que notre rôle dans ce financement sera des
plus réduits. Nous endossons ainsi une responsabilité qui devrait être la vôtre
puisque nous serons quasiment étrangers à ce texte.
C'est également en tant que médecin, vous vous en doutez, monsieur le
secrétaire d'Etat, que je souhaiterais intervenir.
Ce projet de loi vise principalement à la réduction des dépenses, moyennant
quoi certaines des mesures qu'il contient sont, à mes yeux, inacceptables.
Le Gouvernement fixe un objectif de 600 milliards de francs pour les dépenses,
imposant ainsi aux médecins l'obligation de diminuer les dépenses de santé sous
peine de sanctions.
En effet, il est prévu qu'en cas de dépassement des objectifs fixés les
médecins seront confrontés au mécanisme de reversement. Or il est impensable
d'envisager l'existence d'une telle mesure, qui sanctionne l'ensemble des
médecins libéraux pour le fait de quelques-uns, alors que sont prévus, pour
l'hôpital public, par exemple, des directeurs d'agences régionales. Ceux-ci ne
seront d'ailleurs sans doute pas installés avant deux ans ; or, pour les
médecins libéraux, la mesure s'applique tout de suite.
De plus, comme l'a fait remarquer mon collègue Guy Cabanel, cela risque de
produire des effets pervers sur la relation médecin-malade ; vous le savez
bien, la perte de confiance des patients envers leur médecin pourrait bien,
après tout le « battage » qui a été fait, être proportionnelle à la réduction
du nombre des prescriptions.
M. Claude Huriet.
A tort !
M. François Lesein.
Peut-être !
Par ailleurs, les médecins sont exclus du rôle consultatif qu'ils tenaient
auprès des conseils d'administration des caisses d'assurance maladie, au motif
qu'ils seraient juges et parties. Or la mutualité y siège, et elle voit son
rôle accru, alors qu'elle a son propre circuit de soins.
M. Jean Chérioux.
Ça, c'est vrai !
M. François Lesein.
L'éthique de la profession de chirurgien-dentiste est la même que celle des
médecins. Pourquoi ne pas les considérer dans la réforme comme un ordre de
santé majeur ? Ils n'auront peut-être même pas le droit, en effet, de consulter
le carnet de santé !
Nous avions, en France, emprunté une voie originale : la maîtrise médicalisée
des dépenses. C'était une chance, et le système avait été renouvelé par la
convention Etat-médecins de 1993. On est en train de casser cette dynamique
pour copier les modèles anglo-saxons, dans lesquels la médecine est
déshumanisée, administrée et n'est finalement que budgétaire.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Très bien !
M. François Lesein.
La conférence nationale de santé que vous avez mise en place ne pourra aider à
instaurer une politique de santé que si elle en a les moyens, en termes de
délais, de budget et d'autonomie. Ce n'est pas tout à fait le cas. En tout état
de cause, cette conférence ne doit pas être seulement la caisse de résonance du
haut comité de santé publique. Or, pour l'instant, c'est le rôle qui lui est
dévolu.
S'agissant du problème du syndicalisme médical, vous l'appelez à être fort
mais, en même temps, vous accordez une reconnaissance de représentativité à
tous les syndicats qui en font la demande.
(M. le secrétaire d'Etat manifeste son désaccord.)
Cela dit, pour moi, la question essentielle est ailleurs. Le transfert
des cotisations vers l'impôt répond-il à la nécessaire clarification du
financement, qu'il s'agisse d'assurance ou de solidarité, ou bien
constitue-t-il la première étape d'une fiscalisation de notre assurance maladie
?
Dans le premier cas, ce transfert était inscrit dans les engagements du
candidat Jacques Chirac lors de sa campagne. Il obéit à la nécessité d'une
clarification des responsabilités au sein de notre système de protection
sociale par une clarification des financements.
Dans le deuxième cas, la fiscalisation s'inscrit dans une logique socialiste.
Dès lors, les cotisations sociales sont non plus un salaire différé, propriété
des salariés, mais un impôt qui, de fait, peut conduire à l'étatisation de
notre système d'assurance maladie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est l'attitude du Gouvernement devant
ces deux voies possibles ?
Voilà un an, le Gouvernement évoquait un transfert total et progressif du
financement des cotisations maladie vers une CSG élargie. Aujourd'hui, il
semble que vous optiez pour un transfert partiel. Peut-être ne voulez-vous pas
désespérer la CFDT, avec laquelle vous gérez aujourd'hui la sécurité sociale et
qui s'inscrit dans la seconde logique puisque, pour elle, la fiscalisation
constitue un engagement du Gouvernement.
Eu égard à l'ambiguïté de la finalité de ce projet de loi, à la chasse à cette
sorcière qu'est devenu le médecin libéral - vous ne pourrez réussir cette
réforme sans les médecins, cessez donc de les considérer comme des prédateurs,
je vous en prie ! -, vous le comprendrez, avec plusieurs de mes collègues du
RDSE - et beaucoup d'autres hésitent -, je voterai contre ce projet de loi.
(M. Régnault applaudit.)
M. Jean Chérioux.
Comme c'est dommage !
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
22 février de cette année, nous avons procédé à une révision constitutionnelle
instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
Le 22 juillet, nous avons adopté la loi organique qui prévoit que, à travers
la loi de financement, le Parlement se prononce sur les conditions générales de
l'équilibre financier de la sécurité sociale et sur les orientations de la
politique de santé et de sécurité sociale.
Le 9 octobre, le Gouvernement a déposé le projet de loi de financement pour
1997.
Ainsi, après des années marquées par des adaptations et des réformes
conjoncturelles de notre système de sécurité sociale, qui se sont traduites,
notamment, faut-il le rappeler, par une augmentation de près de quatre points
de la participation des ménages aux dépenses de santé entre 1980 et 1991, en
moins de huit mois, a été ouvert le « grand chantier » de la réforme
structurelle de notre protection sociale qui doit assurer la pérennité de
celle-ci.
Ainsi, pour faire une comparaison un peu théâtrale, le débat qui s'ouvre
aujourd'hui constitue non pas une « première » mais plutôt la « générale », les
imperfections devant être rapidement corrigées sous peine de voir la prochaine
présentation se solder par un « four » retentissant... et dramatique.
Le projet de loi de financement et le rapport « présentant les orientations de
la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent
les conditions générales de l'équilibre financier » permettent d'établir un
constat qui, grâce au débat parlementaire, lequel a aussi une dimension «
pédagogique », sera porté à la connaissance des Français.
Ce qu'on appelle parfois le « budget social de la nation » dépasse 1 650
milliards de francs, alors que le budget de l'Etat pour 1997 s'élèvera à 1 550
milliards de francs. Par ailleurs, la branche vieillesse représente 44 % des
dépenses et la branche maladie 39 % seulement, si l'on peut dire.
L'importance de ces chiffres a été, à juste titre, soulignée par notre
collègue Charles Descours dans son excellent rapport. J'ai tenu cependant à les
rappeler, car on a parfois tendance à « focaliser » l'attention de nos
concitoyens sur la seule branche maladie, alors même que l'inquiétante
dégradation de notre démographie va peser, dans les toutes prochaines années,
sur les deux branches, vieillesse et maladie.
Considérations plus ponctuelles sur le constat, l'échec des prévisionnistes et
l'insuffisance des évaluations ont été déjà évoqués par plusieurs des
intervenants.
Je me permettrai cependant de rappeler la loi « famille » du 24 juillet 1994,
dont j'avais été le rapporteur devant la Haute Assemblée. Son coût a été
sous-évalué de 4 milliards de francs en période de croisière.
Je profite de cette occasion pour rendre hommage au ministre de l'époque, Mme
Simone Veil, qui nous avait mis en garde contre les risques de dérapage
financier que comportaient d'autres mesures, plus ambitieuses, en faveur de la
famille auxquelles nous avions songé. Quel que soit notre attachement à la
politique familiale, je me félicite de m'être finalement rendu à ses
arguments.
M. Daniel Hoeffel.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Autre « erreur » de prévision : celle qui porte sur la croissance de la masse
salariale en 1995. Ces chiffres ont été évoqués précédemment, et je n'y reviens
pas.
Tels qu'ils sont présentés au Parlement, le projet de loi et le rapport du
Gouvernement suscitent en nous quelques réserves et quelques regrets.
Mes regrets tiennent d'abord au temps qui a été perdu.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Eh oui !
M. Claude Huriet.
Je voudrais m'adresser, avant de pousser plus loin mon argumentation, à nos
collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen
pour leur demander : en dix ans, qu'avez-vous fait ?
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Qu'avez-vous fait, alors que vous aviez une majorité pour vous soutenir ?
Reconnaissez, mes chers collègues, que face à une tentative louable de M.
Teulade, à l'époque, le Sénat avait souscrit à la démarche qui lui était
proposée, ce qui ne correspondait guère à la règle du jeu politique
habituel.
Mais, en dix ans, qu'avez-vous fait pour éviter que ne se creuse l'écart - qui
nous condamne aujourd'hui à prendre des mesures d'urgence - entre la richesse
nationale et le déficit de la sécurité sociale ?
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. René Régnault.
Depuis quand se creuse-t-il, l'écart ?
M. Claude Huriet.
Mes chers collègues, les actions que vous avez entreprises se sont limitées,
sauf erreur, à l'institution de la CSG, que nous avons soutenue ici sous
condition,...
M. René Régnault.
C'est vrai !
M. Claude Huriet.
... à l'instauration du forfait hospitalier,...
M. Jean Chérioux.
Oui, ça, c'est vous !
M. Claude Huriet.
... qui était considéré sans doute par vous comme une grande conquête sociale
pour responsabiliser les assurés sociaux.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Claude Huriet.
J'ai déjà cité tout à l'heure les proportions qu'a atteintes l'accroissement
de la charge des ménages au cours des dix années où vous étiez au pouvoir.
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas gentil de leur rappeler tout cela ! Cela leur fait de la peine !
(Sourires.)
M. Claude Huriet.
Mes chers collègues, soyez un peu plus modestes !
Je me permettrai d'évoquer une différence non seulement de ton mais également
de contenu entre vos interventions et celle de Mme Beaudeau. Notre collègue du
groupe communiste républicain et citoyen, au moins, a assorti ses
considérations critiques d'un certain nombre de propositions, même si celles-ci
vont à l'encontre de notre conception de l'économie libérale.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais vous avez le droit de préférer les communistes ! Ce n'est pas un problème
!
(Sourires.)
M. Claude Huriet.
Or, à moins d'une faute d'attention de ma part, ce ne fut pas le cas de notre
collègue M. Mélenchon.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Depuis des années, malgré quelques mises en garde dont les auteurs étaient
traités de Cassandre, on a laissé - nous avons laissé, vous avez laissé - se
creuser l'écart entre la richesse nationale et les dépenses de santé,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pas du tout ! Vous êtes mal informé !
M. Claude Huriet.
... comme si une telle évolution, qu'ont connue tous les pays développés,
pouvait se poursuivre indéfiniment.
M. Alain Richard.
C'est faux ! Nous avons su limiter le déficit !
M. Claude Huriet.
Après des années d'illusions, le réveil est brutal. L'urgence d'apporter des
solutions, dont aucune n'est indolore, oblige le Gouvernement à imposer aux
instances consultatives, aux partenaires sociaux, au Parlement, et aussi aux
ministres, des délais très contraignants, au prix d'une concertation
insuffisante qui est pour beaucoup dans la détérioration du climat actuel.
Alors que le Parlement est censé se prononcer sur les orientations de la
politique de santé et de sécurité sociale, le rapport du Gouvernement se borne
à mentionner les priorités reconnues par la conférence nationale de santé,
selon une formulation d'ailleurs très générale puisqu'il est simplement affirmé
qu'elles seront favorisées, ce qui, à vrai dire, n'engage pas à grand-chose.
M. François Autain.
Ça, c'est vrai !
M. Claude Huriet.
Comme notre rapporteur Charles Descours le souligne, le projet de loi de
financement apparaît un peu trop financier. Je m'expliquerai sur ce point dans
un instant.
Le Gouvernement est d'ailleurs le premier à le reconnaître lorsqu'il énonce,
dès les premières lignes de son rapport, « les ambitions de cette première loi
de financement » : mise à part une référence au développement du juste soin,
ces ambitions sont toutes de nature comptable ; nous devons le reconnaître,
mais en en comprenant les raisons.
On peut s'interroger, d'ailleurs, sur les chances de voir effectivement
réalisées ces ambitions si les tensions actuelles persistent, car la réussite
de la réforme engagée suppose la participation de tous les acteurs, y compris
les bénéficiaires du système.
Elle ne pourra être obtenue ni par la contrainte ni par des sanctions qui, si
par malheur elles étaient collectives, décourageraient et dissuaderaient les
bonnes volontés.
Loin de vouloir alimenter la vaine querelle entre hôpital et médecine
ambulatoire, je suis conduit à m'interroger sur la possibilité qu'auront les
hôpitaux publics, dont la structure des budgets comporte bien des facteurs de
rigidité, à commencer par les dépenses de personnel, de respecter un taux
directeur de 1,25 % dont vous avez précisé, monsieur le ministre, qu'il serait
fixé lors du débat parlementaire.
M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales, et d'autres
intervenants ont évoqué notre intérêt pour la décentralisation. Je les remercie
d'avoir fait état de cette orientation, que vous avez vous-même reprise,
monsieur le secrétaire d'Etat, en évoquant la régionalisation. Celle-ci doit
continuer de progresser au travers du rôle reconnu des unions régionales, qui
apparaissent actuellement comme le parent pauvre de la loi dont nous débattons
aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si malgré ces réserves et les quelques regrets
que j'ai tenu à exprimer le groupe de l'Union centriste votera le texte amendé
par la commission des affaires sociales, ce n'est pas seulement par amitié pour
vous, bien que nous admirions la détermination et le courage dont vous-même et
M. Jacques Barrot faites preuve pour mener à bien une tâche ô combien difficile
: c'est aussi parce que les enjeux immédiats pour l'avenir de la sécurité
sociale sont considérables et que nous trouvons, dans ce projet de loi,
quelques motifs de satisfactions.
Satisfaction quant à la volonté du Gouvernement de « donner un nouvel élan » à
la politique familiale. Certes, cet élan peut être considéré comme insuffisant,
mais il est l'expression d'une volonté dont nous vous donnons acte. Outre le
fait que les mesures relatives à la prise en charge des jeunes enfants ont
bénéficié d'un doublement en deux ans, nous apprécions que l'extension de
l'assiette de la CSG apportera à la branche famille 3,1 milliards de francs
supplémentaires. Nous prenons également acte, comme d'autres intervenants, du
fait que, finalement, les allocations familiales ne seront pas fiscalisées.
Satisfaction aussi en matière de prise en charge des personnes âgées, même si
la création de 14 000 lits de section de cure médicale en deux ans constitue un
rattrapage dont l'effet risque malheureusement de n'être que temporaire, du
fait de l'évolution démographique.
Satisfaction, enfin, de constater que le Gouvernement affirme sa volonté de
rétablir durablement les grands équilibres du système de protection sociale et
a désormais le courage de prendre des mesures nécessaires pour y parvenir.
Très désireux de voir le débat parlementaire nourri par les analyses et les
propositions de tous ceux qui ont à connaître du fonctionnement des différentes
branches de la sécurité sociale, j'avais proposé, en commission des affaires
sociales, qu'une conférence nationale de la famille et une conférence des
retraités et personnes âgées, prolongement national des comités départementaux
des retraités et personnes âgées, les CODERPA, jouent dans leur domaine
respectif un rôle comparable à celui de la conférence nationale de santé.
J'ai été très heureux de constater que le rapporteur de la commission m'avait
devancé en présentant deux amendements en ce sens. Il va de soi que le groupe
de l'Union centriste les votera avec enthousiasme.
Avant de conclure, je tiens à rendre hommage aux professionnels de santé en
général et aux médecins en particulier. Ils sont aujourd'hui moralement
atteints : ils ont le sentiment d'être considérés comme des nantis, seuls
responsables des difficultés actuelles de l'assurance maladie.
Alors que, dès 1993-1994, la plupart d'entre eux avaient accepté de participer
à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé à travers les références
médicales opposables et que des résultats significatifs avaient été obtenus -
l'effort des biologistes, par exemple, ne doit-il pas être salué ? - certains
ont eu le tort de croire que leurs efforts deviendraient rapidement sans
objet.
Brusquement, brutalement même, ils se trouvent confrontés à des contributions
financières exceptionnelles très lourdes et à des mesures dont certaines
risquent de mettre en péril l'« entreprise médicale » dans laquelle ils ont
investi.
Quelques « brebis galeuses » ne doivent pas faire condamner tout le
troupeau.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Aussi, je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, d'accorder
aux professionnels de santé la considération qu'ils méritent et de reconnaître
la compétence et le dévouement dont ils font preuve au service de leurs
concitoyens.
Les parlementaires appartenant aux professions de santé, et parmi eux les
sénateurs médecins, ont fait l'objet ces derniers temps, de la part de leurs
confrères, de sévères mises en garde, assorties parfois de menaces de rétorsion
dans des termes que l'inquiétude et le désespoir de certains peuvent, à la
rigueur, expliquer.
Outre le fait que les élus de la majorité doivent apporter, quoi qu'il leur en
coûte parfois, leur soutien au Gouvernement, particulièrement dans les moments
difficiles, les professions de santé doivent comprendre, comme tous les
Français, que la sécurité sociale est parvenue à « l'heure de vérité » et que
la réforme constitue, selon votre expression, monsieur le ministre, « le
dernier rendez-vous de la médecine libérale ». En effet, ou bien la réforme
engagée depuis un an réussit, et l'avenir de la protection sociale est pour
longtemps assuré, ou bien elle échoue, et l'assurance maladie, pour ne parler
que d'elle, risque de « voler en éclat », un nouveau système pouvant être fondé
sur une conception « ultralibérale », hypothèse irréaliste, ou sur une «
étatisation » des professions de santé remettant en cause les principes déjà
quelque peu malmenés du libre choix, de la liberté de prescription et du
paiement à l'acte.
Il me reste deux souhaits à formuler : tout d'abord, le souhait que les
efforts et les sacrifices demandés par le Gouvernement, avec le soutien du
Parlement, portent leurs fruits dès 1997 ; ensuite, le souhait que le
Gouvernement se dote rapidement des « outils d'évaluation » des politiques de
santé publique et de soins curatifs qui permettront au Parlement de jouer
pleinement son rôle dans un domaine à peine abordé cette année, celui des
priorités de la politique de santé publique et des orientations en matière de
prise en charge des soins.
C'est avec l'espoir que ces souhaits se réaliseront grâce au travail de tous,
avec l'espoir aussi que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998
satisfera pleinement les attentes de la Haute Assemblée que nous voterons le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
limiterai mon propos - peut-être le regretterez-vous - à la seule politique
familiale et à la situation de la branche famille.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est votre passion, on le sait !
M. Jean Chérioux.
Eh oui, que voulez-vous ! Mais c'est une noble passion, mon cher collègue !
M. Jean-Luc Mélenchon.
On ne vous en fait pas le reproche !
M. Jean Chérioux.
On a fait le reproche - et quand je dis « on », il s'agit de la commission des
comptes de la sécurité sociale, dans ses rapports de juin et de septembre 1996
- à la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, de sa dérive financière,
qui serait, à la fin de la montée en charge de son premier volet consacré à
l'aide à la petite enfance, d'environ 14 milliards de francs.
Sur cet aspect, je formulerai deux types de remarques.
Tout d'abord, il s'agit, me semble-t-il, d'une optique purement financière,
qui ne se préoccupe pas de la réalité. Or, à mon sens, ce « trop » grand succès
de la loi relative à la famille démontre que les dispositions mises en oeuvre
répondaient à un réel besoin, sans préjuger le libre choix des familles,
puisque la croissance très significative des bénéficiaires des aides et des
montants de celles-ci concerne aussi bien l'allocation parentale d'éducation
l'APE, pour les femmes qui arrêtent transitoirement de travailler pour
s'occuper de leur enfant en bas âge, que l'allocation de garde d'enfant à
domicile, l'AGED, et l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistance
maternelle agréée, l'AFEAMA, qui facilitent la conciliation d'une activité
professionnelle avec la vie familiale. Cela signifie que, à l'époque, le
législateur - c'est-à-dire nous, mes chers collègues - a su répondre aux
attentes des familles. Il me semble que cette réussite devait être
soulignée.
Ensuite, il convient de rappeler que la branche famille, avant la loi du 25
juillet 1994 relative à la sécurité sociale qui instaure une séparation des
branches, a vu si souvent ses excédents « confisqués » - je me permets
d'utiliser ce terme - ...
M. Jacques Machet,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Jean Chérioux.
... par les autres branches déficitaires - on a évoqué le chiffre de 65
milliards de francs sur trente ans -, qu'il peut paraître équitable qu'elle
puisse bénéficier maintenant du financement nécessaire pour le bien-être des
familles.
M. Jacques Machet,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
En effet, le succès très important de la loi relative à la famille, dans son
premier volet concernant l'accueil des jeunes enfants, c'est aussi le succès de
ce que je me permettrai d'appeler un certain « retour à la famille » ; je ne
puis que m'en féliciter et je pense que je ne suis pas seul à le faire dans
cette assemblée !
Le léger regain démographique, dont les causes sont bien sûr multiples, est là
pour en témoigner. Aussi le seul échec que consacre cette loi est-il surtout,
comme cela a déjà été souligné d'une manière générale, celui des
prévisionnistes. Il est vrai qu'ils sont assez coutumiers du genre !
Par ailleurs, j'ai lu avec attention la partie du rapport de la Cour des
comptes sur l'aide à l'accueil des jeunes enfants. J'ai constaté que cette
haute juridiction, sans se contenter d'effectuer des contrôles et de pointer
les dysfonctionnements, ce qui est son rôle, était allée jusqu'à juger de
l'opportunité - j'y insiste - de certaines dispositions voulues par le
législateur, ce dont on peut légitimement s'étonner, en particulier au sein de
la Haute Assemblée.
Ainsi en est-il du cumul de l'AGED avec la réduction d'impôt plafonnée à 45
000 francs. La Cour des comptes estime, en effet, que le doublement de la prise
en charge des cotisations sociales en ce qui concerne l'emploi d'un salarié à
domicile pour la garde d'un enfant institué dans le cadre de la loi relative à
la famille a été pris sans qu'il soit tenu compte des dispositions de la loi de
finances pour 1995 accroissant la réduction d'impôt pour les emplois
familiaux.
Elle considère aussi que l'AGED ne peut concerner que les familles disposant
d'un revenu élevé, notant au passage que cette allocation profite aux familles
dont l'un des deux parents est cadre supérieur dans la mesure où elles peuvent
tirer le meilleur profit de la réduction d'impôt.
Or il apparaît que la mise en cause de ce que la Cour des comptes considère
comme le cumul de ces deux dispositions n'est pas pertinente, car celles-ci
sont de nature et de portée tout à fait différentes.
En effet, la réduction d'impôt est une mesure d'ordre général qui a plusieurs
vertus dont celle de favoriser la création d'emplois familiaux à temps plein et
celle de dissuader de recourir au travail clandestin. Il ne serait donc pas
convenable d'opérer une discrimination qui, en vérité, irait à l'encontre des
familles en les privant d'une telle réduction d'impôt.
Parallèlement, le fait de favoriser la garde d'enfants à domicile par le
doublement de l'AGED a eu des vertus évidentes. Certes, il est exact que le
coût de l'AGED est élevé pour la collectivité, puisque cette prestation permet,
dans la limite de 4 000 francs par mois, la prise en charge des cotisations
sociales afférentes à l'emploi d'un salarié à domicile. Mais, ce faisant, le
bénéficiaire de cette aide assure, de son côté - ne l'oublions pas - le
paiement du salaire, qui est nécessairement beaucoup plus élevé.
Il convient donc de souligner que la charge supportée par la famille est plus
importante que ces 4 000 francs, alors que le taux d'effort maximal réclamé aux
familles, recommandé par la Caisse nationale d'allocations familiales, pour une
place en crèche collective, n'est que de 12 % dans la limite de 26 000 francs
de revenus mensuels, soit 3 000 francs par mois. Il suffit de comparer ces deux
chiffres pour se rendre compte qu'il est beaucoup plus avantageux pour ces
familles de mettre leur enfant en crèche, quel que soit le niveau de leur
salaire, que de faire garder leur enfant à domicile, même si on les aide
jusqu'à concurrence de 4 000 francs pour prendre en charge les cotisations
sociales qu'ils acquittent. Il est vrai que, au-delà de 26 000 francs de
revenus mensuels, les communes ont toute latitude pour réduire ou augmenter le
taux d'effort demandé ; certaines le font, d'autres pas.
Enfin, n'oublions pas - je m'adresse ici à des représentants de collectivités
locales qui connaissent la question au moins aussi bien que moi - que le prix
de revient d'un berceau avoisine les 6 000 francs par mois en crèche
collective, alors même que les plus modestes, qui peuvent ainsi bénéficier des
places libérées par les familles qui ont recours à l'AGED ou à l'AFEAMA,
contribuent moins, ce qui est normal, par leur participation plus faible, à
l'équilibre financier de ces structures. Il ne faut pas oublier non plus que le
financement des structures collectives pèse en grande partie sur les communes -
monsieur Régnault, vous ne me démentirez certainement pas - dont on connaît
déjà les difficultés financières.
A cet égard, la formule de la garde d'enfant à domicile s'avère, pour le
décideur public, un instrument incomparablement plus souple que les structures
collectives, surtout dans une période démographique insuffisamment dynamique.
En effet, dans le cas de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'aide à la
famille s'arrête dès que le besoin cesse, alors que dans le cas des structures
collectives, même si les besoins diminuent, les communes doivent continuer à
assurer le financement, et Dieu sait s'il est lourd ! Tous ces éléments doivent
être pris en compte si l'on veut avoir une idée objective de ce problème.
On peut donc s'étonner, à juste titre, des remarques de la Cour des comptes
sur l'ensemble du dispositif de l'allocation de garde d'enfant à domicile et
son cumul avec la réduction d'impôt, comme de ses craintes que la concurrence
entre les différents modes de garde ne compromette la mixité sociale des
structures collectives dans la mesure où cette haute juridiction s'érige en
juge de l'opportunité - dans une partie de son rapport consacrée aux contrôles
- de dispositions prises par le législateur en vue de rendre plus facile la vie
des familles et d'améliorer la situation démographique de notre pays. Cette
attitude de la Cour des comptes méritait au moins d'être soulignée.
Je terminerai mon propos en soulignant que le législateur a au moins réussi
sur un point : rendre la vie des familles plus facile. Nous espérons que sur le
second point, c'est-à-dire l'amélioration de la situation démographique, il
connaîtra un égal succès.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de porter un jugement sur certaines
dispositions du présent projet de loi relatives aux expédients conjoncturels et
dont l'un intérese tout particulièrement les collectivités territoriales à
travers un transfert de charges insidieux, je vais, avec d'autres, m'employer à
formuler quelques observations sur notre protection sociale et l'impossible
équilibre de son financement.
On peut dire, sans risque de paraître excessif, que le Gouvernement a tout
faux. En effet, les dépenses curatives de santé augmentent au-delà de vos
prévisions, les dépenses de prévention s'amenuisent et leurs effets sont
insignifiants, voire contraires à l'objectif que l'on cherche à atteindre. Dans
le même temps, la maîtrise globale des dépenses et, notamment, la compression
du déficit explosent.
Pourtant, on prévoyait - pour faire passer une réforme visant à faire
participer tous les Français au remboursement de la dette sociale - un déficit
de 17 milliards de francs pour 1996. Or, on est plutôt sur un déficit de
l'ordre de 50 milliards de francs, soit le triple.
Je m'en tiendrai là pour l'essentiel ! Vous ne devez pas être surpris,
monsieur le secrétaire d'Etat, par l'accroissement préoccupant, voire
dangereux, pour notre démocratie du déficit de confiance de l'opinion
publique.
L'examen en trois jours du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997, qui représente l'équivalent du budget de la nation, se présente sous
de bien mauvais auspices.
Outre le faible temps que nous pourrons consacrer à son examen, nous n'aurons
pas eu le débat préalable - j'ai beau écouter ce soir les uns et les autres -
qui est pourtant nécessaire sur les objectifs en matière de santé et de
protection sociale de nos concitoyens.
Dès lors, quelle valeur aura une délibération qui ne précise pas les buts à
atteindre ni les réponses à apporter aux besoins de nos compatriotes ? Surtout,
quel crédit peut-on réserver à votre hypothèse de déficit de 30 milliards de
francs ! Sera-t-il, à son tour, trois fois plus important à la fin de 1997 ? La
question est fondamentalement posée et vos réponses, quelles qu'elles soient,
ne trouveront pour écho que le grand déficit de confiance que j'évoquais voilà
un instant.
Maîtriser, réduire les dépenses de santé est possible.
Ainsi, la prévention contre les risques d'affection et pour les détections
précoces doit être conduite à l'aide des moyens que nécessite la pertinence des
résultats attendus.
Quelles en sont les conditions ?
Il s'agit, d'abord, d'une volonté politique clairement affirmée. Il s'agit,
ensuite, des moyens en personnels, qui font considérablement défaut s'agissant
des médecins, des infirmiers et des assistantes sociales scolaires, par
exemple, mais aussi de la médecine du travail, et je pourrais allonger la liste
en citant l'absence de contrôles dentaires chez les enfants et les adolescents.
Il s'agit, enfin, des actions cohérentes. En effet, on ne peut à la fois
combattre un fléau et encourager directement ou avec complaisance ses causes.
Je pense notamment au tabac et à l'alcool.
Il est vrai que, conformément à la doctrine libérale et de profit qui domine
votre démarche, vous laissez prioritairement le champ libre à l'aspect curatif,
au médicament de marque, donc cher.
L'opinion attend - si besoin était, une émission de télévision diffusée hier
soir le confirmerait - que vous agissiez et vite en faveur du médicament
générique qui, on le sait, peut réduire sensiblement le besoin de financement
de la sécurité sociale, besoin qui est aujourd'hui notre question centrale.
La preuve est faite que, au-delà de l'effet d'annonce, voilà quelques mois,
rien n'est venu conforter, organiser la préconisation effective des produits
médicamenteux génériques.
Alors, qui gouverne, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Le Gouvernement, ou les grands laboratoires et leurs groupes financiers ?
C'est la question que l'opinion se pose.
Sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est en ces termes que
s'interrogent nos concitoyens, c'est-à-dire ceux dont la confiance à votre
égard s'amenuise de jour en jour au motif qu'ils ne trouvent pas dans vos
propos et dans vos réponses ce qu'ils croyaient pouvoir attendre de vous.
Nous devrions préalablement débattre sur les objectifs de la politique de
santé et de protection sociale, pour ensuite en définir la nature et le niveau,
et, enfin, pour en préciser les moyens.
Il s'agit, d'abord, des moyens consacrés à la prévention, qu'il faut
développer, renforcer et rendre pertinente, y compris par des voies quelque peu
contraignantes. Il s'agit, ensuite, du recours possible à des moyens moins
coûteux et tout aussi efficaces. Il s'agit, enfin, de garantir à tous le même
accès aux soins, y compris aux soins les plus sophistiqués, lorsque cela est
nécessaire.
Et on en vient au financement ! En effet, aujourd'hui, il est exclusivement
produit à partir de l'assiette salariale soumise à cotisations. Le chômage, qui
fait rage, se développe et traduit le plus grave des échecs s'agissant des
promesses faites par le candidat Jacques Chirac voilà dix-huit mois, réduit
sensiblement cette assiette. Objectivement, on ne peut négliger l'évolution de
la production de richesses et, surtout, la différence entre la courbe du
développement des emplois, laquelle est à la baisse, et celle des richesses,
qui est à la hausse.
La fracture sociale s'aggrave, le fossé s'élargit et la rupture de la cohésion
sociale est latente, le mouvement de l'automne dernier en attesterait si cela
était nécessaire. Je crois, pour ma part, que nous n'éviterons pas le débat sur
l'assiette, son évolution, sa mutation radicale, afin de se « caler » sur la
production des richesses.
L'évolution est en effet en cours, à travers la CSG, que vous caressez
aujourd'hui alors que vous la condamniez hier. On ne peut toutefois que
dénoncer la gestion que vous en faites et qui tourne radicalement le dos aux
dispositions du projet de loi adopté par le gouvernement de M. Michel
Rocard.
Pour résumer, ce que vous nous proposez se traduit par une prime aux personnes
les plus défavorisées et par une réelle ponction sur les ressources des ménages
les plus modestes : drôle de façon de relancer la consommation !
Enfin, j'en viens, pour terminer, à l'une des niches que vous avez
découvertes. Elle s'est constituée à l'insu de ses pourvoyeurs, à savoir les
collectivités territoriales. Il est vrai que la gestion du fonds constitué
depuis 1963 pour financer l'allocation temporaire d'invalidité, l'ATI des
fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ne fait l'objet d'aucun contrôle.
Voilà une imprudence qu'il n'eût pas fallu commettre, mais à laquelle il faut
mettre un terme.
Les 4,5 milliards de francs qui appartiennent aux seuls collectivités
territoriales et établissements hospitaliers seraient, au titre de l'article
30, récupérés par l'Etat pour honorer, par l'intermédiaire de la CNRACL, ses
obligations en matière de solidarité nationale à l'égard des régimes spéciaux
déficitaires.
Les collectivités territoriales et leurs élus sont abusés, le fonds constitué
pour le financement de l'ATI est spolié, la CNRACL est détournée de son objet ;
ce point mériterait d'être soumis au Conseil constitutionnel.
Cette manière d'opérer, qui consiste, en raclant tous les fonds de tiroirs, à
faire du « sauve qui peut », n'honore pas le Gouvernement auquel vous
appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous déposerons un amendement visant
à supprimer cet article 30 et, par ailleurs, nous demandons l'organisation d'un
débat afin d'examiner, de manière exhaustive, les dispositions relatives à la
compensation et à la surcompensation.
Cette offensive en direction des niches ne s'arrête pas là. En effet, je peux
encore citer, à l'article 31, le reliquat de la CSS, la contribution sociale de
solidarité, soit 900 millions, ou, à l'article 32, les 300 millions pris sur
une partie de l'excédent de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, qui, à
l'origine, était exclusivement réservée au financement de l'indemnité de départ
des commerçants et des artisans.
Il est certain que ces aubaines ne se renouvelleront pas, et on ne peut que
prendre en compte le caractère précaire et aléatoire de l'ajustement du
financement de la sécurité sociale qui en résulte.
Compte tenu de ces quelques observations, de ces insuffisances, des choix
politiques qui les dominent et que nous ne partageons pas, les membres du
groupe socialiste rejetteront le présent projet de loi.
M. le président.
Je me permets de faire observer au groupe socialiste que, avant l'invervention
de M. Régnault, il lui restait quatorze minutes. Or M. Régnault a utilisé neuf
minutes. Par conséquent, je demande à M. Alain Richard de bien vouloir adapter
son discours aux cinq minutes dont dispose encore son groupe.
M. Alain Richard.
Lyophiliser !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Voilà un an, lorsque le Gouvernement nous a proposé le plan de réforme de la
sécurité sociale, nous en avons approuvé le principe et nous avons salué le
courage qui avait présidé à son élaboration, tout comme aujourd'hui nous
souscrivons à la saisine du Parlement, appelé à se prononcer sur les équilibres
financiers des régimes de sécurité sociale.
L'importance et l'enjeu de la procédure que nous inaugurons aujourd'hui ne
sont plus à démontrer. Cela a été rappelé par vous-même, monsieur le secrétaire
d'Etat, et par M. Barrot, mais aussi par le président de la commission des
affaires sociales, avec le talent que chacun lui connaît, et par les
rapporteurs, et il convient de rendre hommage à leurs compétences.
Elle doit permettre au Parlement d'envisager de façon globale les grandes
orientations de la politique de santé, en liaison avec les moyens et les
missions assignés à la sécurité sociale.
Le système de financement de la sécurité sociale a, dans le passé, souvent été
mis en place de manière empirique, nous le savons, sans l'élaboration de normes
traduisant des choix clairs. Il en est résulté une dérive qui a mis en cause
les fondements mêmes du système. Comparativement, l'utilité des lois de
financement de la sécurité sociale est indéniable pour permettre de clarifier
les procédures, de les rendre plus cohérentes, d'en assurer la transparence et
de mieux les faire comprendre par le pays.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Cela représente également une responsabilité pour nous, parlementaires, que
nous devons assumer avec lucidité.
Je voudrais très rapidement évoquer deux séries de mesures que contient le
projet de loi.
J'examinerai, tout d'abord, l'extension de l'assiette de la CSG et sa
substitution progressive à la cotisation maladie, qui est une réforme
importante. En effet, et les chiffres de cette année sont éloquents, le déficit
de l'assurance maladie vient, pour une part, de la trop faible croissance de la
masse salariale, du ralentissement de l'activité économique.
Un tel constat ne peut que conduire à accélérer le mouvement consistant
d'élargissement de l'assiette des recettes, qui demeurent actuellement trop
dépendantes des salaires et pas assez des autres revenus.
La protection sociale s'est par ailleurs engagée, au fil des ans, dans une
logique de solidarité générale, induisant un relâchement du lien entre activité
professionnelle et droit à prestation.
Parallèlement, la structure du revenu des ménages s'est progressivement
modifiée, aboutissant à la réduction de la part de leurs revenus d'activité
proprement dits, et par là même à la réduction de l'assiette de leurs
cotisations sociales.
Sur la part de financement incombant à la CSG, l'ensemble des propositions
présentées vont dans le bon sens, et nous les approuvons.
En ce qui concerne certaines ressources ponctuelles nouvelles, j'exprime, en
revanche, des réserves. Je citerai pour exemple les droits relatifs aux
alcools, non pas sur leur principe, mais sur leur répartition. Peut-on
justifier la fixation des taux en fonction de la capacité déjà démontrée - ou
supposée - de mobilisation des uns et des autres, ne doit-on pas rechercher une
répartition équitable ? Peut-on frapper tel secteur d'activité et en épargner
d'autres en fonction de critères difficilement justifiables ?
C'est au nom de l'équité que je ne pourrai me rallier à la solution proposée
et que je voterai un amendement allant dans le sens d'une plus grande
justice.
Le deuxième volet de ce projet de loi concerne la mise en oeuvre de mesures
d'économies permettant de réduire le déficit de la sécurité sociale de façon
durable.
On ne peut indéfiniment, surtout en période de crise, accentuer les ponctions,
alors que le plafonnement des dépenses, voire leur réduction, constitue la
réponse appropriée.
L'attention se concentre à juste titre sur les dépenses de santé, dont il
revient de fixer le taux d'augmentation pour 1997. Je suis convaincu que
l'objectif fixé est tenable s'il y a responsabilisation de tous les acteurs
sans exception et s'il y a confiance dans la capacité d'associer nos
concitoyens à la mise en oeuvre de la réforme.
M. Jacques Machet,
rapporteur.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Il faut qu'au-delà des professionnels de la santé le pays tout entier accepte
sa part de l'effort. Or celui-ci est demandé, pour l'essentiel, au secteur de
la santé, notamment à l'hôpital, à son secteur public comme à son secteur
privé, et aux professions médicales.
Comment ne pas évoquer l'état de profonde inquiétude que connaissent de
nombreux professionnels de la santé, dans le climat de crise identitaire que
traversent les médecins ? La réforme impose aux membres du corps médical
d'affronter des problèmes auxquels leur formation ne les avait pas forcément
préparés.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Elle intervient alors que le statut social des médecins s'est profondément
transformé au cours des dernières années et elle exige la mise en oeuvre ou la
consolidation des outils de la maîtrise médicalisée : informatisation des
cabinets médicaux, références médicales opposables, formation médicale continue
et carnet de santé.
Elle fait naître, enfin, chez les médecins libéraux - comme d'ailleurs dans
les hôpitaux, les cliniques privées et les officines - la crainte de
l'inégalité dans la répartition de l'effort. L'excellent rapport de notre
collègue Charles Descours s'en fait l'écho.
La réforme rend donc d'autant plus indispensable l'instauration d'un dialogue
confiant avec les médecins, et je me réjouis du climat qui a régné voilà
quelques jours, à Strasbourg, lors de la rencontre entre M. Jacques Barrot et
nombre d'entre eux.
Dans cet esprit, monsieur le secrétaire d'Etat, nos encouragements vous sont
acquis, et nous avons le sentiment que la réforme en profondeur que vous nous
proposez, qui supppose courage, sens de la pédagogie et équité dans la
répartition de l'effort, constitue une opportunité à saisir par tous ceux qui
ont le souci de préserver l'essentiel d'un régime dont la France a pu être
légitimement fière et qui doit à présent, en France comme chez la plupart de
nos partenaires, être adapté à un contexte nouveau.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pluchet.
M. Alain Pluchet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
pour la première fois dans l'histoire de la République, la représentation
nationale est invitée à se prononcer sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale dans le cadre de la réforme entreprise par le Gouvernement.
C'est donc l'occasion d'un débat important sur les principes mêmes qui ont
fondé cette réforme, notamment sur celui d'« une réduction des inégalités de
ressources entre régions et établissements ». C'est la raison pour laquelle je
fais cette brève intervention.
A la lumière du rapport du Haut comité de la santé publique, j'ai
malheureusement été forcé de constater que ce financement équitable de notre
système de soins n'existe pas : la Haute-Normandie figure notamment parmi les
six régions les moins favorisées et se distingue à la fois par des indicateurs
de santé toujours inquiétants et une offre de soins moins développée
qu'ailleurs. Ainsi, à titre d'exemple, elle figure parmi les régions ou
l'espérance de vie est inférieure à la moyenne nationale. Concernant les
personnels de santé, alors que la densité des médecins, en France, est estimé à
295 pour 100 000 habitants, elle n'est que de moins de 23 médecins dans notre
région.
La Haute-Normandie connaît également l'une des plus faibles densités
nationales d'infirmiers, de dentistes, de pharmaciens, de sages-femmes. Ces
écarts sont d'autant plus criants que la Haute-Normandie figure parmi les
régions où les besoins sont les plus importants, la proportion des femmes en
âge de procréer et le taux de natalité y étant supérieurs à la moyenne
nationale.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Pluchet.
La Haute-Normandie a besoin que soient mises en oeuvre des actions
correctrices permettant non seulement d'améliorer l'état de santé dans la
région, mais aussi de développer la qualité des soins en fonction des
besoins.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement, maintenant
alerté, sera désormais plus sensible à une réalité dont nos concitoyens
normands ne devraient pas avoir à souffrir.
Cela dit, je ne manquerai naturellement pas de voter le présent projet de loi
de financement tel qu'il résultera des travaux du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
En essayant de m'en tenir au temps très bref qui m'est imparti,...
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat.
Ce sera encore meilleur !
(Sourires.)
M. Alain Richard.
... je voudrais dire que le système d'orientation que comporte la réforme
constitutionnelle de l'année dernière n'est pas encore au point. Nous avons
critiqué la façon dont il a été mis en place, mais il est logique - c'est
d'ailleurs une position générale dans tous les groupes au sein de cette
assemblée - qu'il y ait débat démocratique et confrontation d'idées sur
l'orientation de notre système de protection sociale. Nous participerons donc à
ce débat.
Qu'il me soit simplement permis de souligner, à l'attention de ceux de nos
collègues qui pensent que, systématiquement, la présentation de comptes globaux
et la tenue d'un débat parlementaire sont un facteur de remise en ordre des
comptes, que l'expérience de quelques dizaines d'années de lois de finances
nous a démontré qu'il peut continuer à y avoir litige sur la façon de présenter
tel ou tel compte ou sur les changements d'imputation, et que le gain de clarté
n'est pas toujours immédiat ni évident.
L'autre limite de ce genre de débat, c'est que nous touchons finalement là à
une question clef, à savoir notre rôle d'élus de la nation : nous devons faire
la part entre la volonté politique pour faire évoluer des grands systèmes de ce
genre et les mouvements de la société, les attitudes en matière de santé, les
besoins tels qu'ils sont ressentis dans la société ou les tendances
démographiques. Tout cela n'est pas sous le commandement du législateur, ce qui
doit nous inciter à une certaine modestie.
Dans les prévisions pour 1997, que j'essaie d'analyser tout en observant la
situation concrète de 1996, je note trois grands sujets de désaccord entre
nous. Mais, bien entendu, si je ne parle pas de certains sujets, cela ne
signifie pas pour autant qu'il y ait désaccord sur tout.
Le premier de ces grands sujets est, bien sûr, la déconvenue liée à la
faiblesse de la croissance, avec ses effets sur la masse salariale. Je ne suis
pas en mesure - mais peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
donnerez-vous des précisions sur ce point - d'évaluer exactement quelle est la
part du ralentissement économique et de ses effets sur la masse salariale dans
l'écart entre la prévision annoncée par M. Jacques Barrot ici même l'année
dernière et le « probablement réalisable » en 1996, mais je pense que l'on
n'est pas loin de la moitié.
C'est l'occasion de se rappeler que la protection sociale est plus vulnérable
que le budget de l'Etat aux mouvements conjoncturels puisque, par définition,
dans le budget de l'Etat, une bonne moitié des recettes résultat d'effets
différés et portent sur des valeurs économiques qui ne sont pas strictement
liées à la conjoncture ; en revanche, la protection sociale, elle, réagit
beaucoup plus vite aux aléas de la conjoncture.
Le problème peut d'ailleurs se poser à nouveau en 1997, car, si nous
conservons une croissance un peu plus faible en 1997 que celle qui figure
aujourd'hui dans les hypothèses économiques, nous risquons alors d'avoir une
masse salariale peu évolutive, et je voudrais être sûr que les recettes n'ont
pas été surestimées. Je crois surtout que cela implique un certain retour
critique sur les choix de politique économique qui ont été faits depuis deux
ans et qui expliquent cette croissance insuffisante.
Je rappelle que, dans le contexte économique actuel, la croissance économique
de la France est inférieure à la moyenne de celle des pays comparables
d'Europe. Il faut tout de même chercher là quelque explication !
Il était plus aisé de prévoir la deuxième difficulté, qui tient au retard pris
dans la maîtrise des dépenses de santé. Les 2,1 % d'évolution qui étaient
prévus, presque proclamés, dirais-je, par le Gouvernement il y a juste un an
seront, en réalité, bien supérieurs, et cela n'est d'ailleurs pas inexplicable
: avant novembre 1995, s'étaient accumulés divers facteurs qui restreignaient
beaucoup vos chances d'atteindre cet objectif.
D'une part - mais je ne veux pas entrer dans une discussion partisane - il y a
bien eu une démarche politique des formations constituant aujourd'hui la
majorité vers les professions médicales, ce qui ne les a pas aidées à
progresser vers une régulation de l'économie de la santé. Je partage à cet
égard le point de vue de M. Hoeffel, selon lequel collectivement, socialement,
les professionnels de la santé n'ont pas été préparés, par leur exercice
indépendant, à la régulation financière ; mais il est de la responsabilité des
politiques de faire passer un message et, pour le moins, vous en avez changé
depuis un an.
D'autre part, la deuxième cause, qui est un peu liée à la première, tient au
retard qui avait été accumulé depuis trois ans dans la préparation des mesures
concrètes qui pouvaient organiser la régulation.
Mon intérêt, aujourd'hui, n'est pas de m'en réjouir, mais de dire que du
travail doit être fait pour rassembler toutes les énergies afin que, de façon
négociée, de façon respectueuse de l'indépendance des médecins, des résultats
soient acquis en matière de négociation.
Aujourd'hui, ces négociations se déroulent dans une ambiance qui n'est pas
favorable, des difficultés pratiques ne sont pas encore surmontées. On a cité
l'exemple des médicaments génériques, on peut aussi citer le malheureux épisode
du débat sur les ambulanciers. Il y a là encore un effort de méthode et de
concertation à entreprendre.
Le dernier point sur lequel des progrès doivent être faits, c'est la
réorganisation du financement.
Certaines des mesures de transfert qui aident à boucler cette loi de
financement cette année sont hautement discutables. Nous avons déjà cité la
CNRACL, mais il y a aussi la façon un peu hâtive dont est tranché un
contentieux de cotisation entre EDF et l'URSSAF, le transfert du régime des
accidents du travail vers celui de l'assurance maladie et le siphonnage des
réserves du régime militaire.
On le voit, tout système de loi de financement suscite la tentation de
recourir à un certain nombre d'expédients financiers. Cela se faisait avant et,
même si cela se fait maintenant au vu du Parlement, nous nous devons tout de
même d'être collectivement plus ambitieux sur les méthodes de financement.
De ce point de vue, précisément, l'évolution vers une part de CSG élargie plus
importante mérite considération. Toutefois, je veux souligner - le débat vaut
d'ailleurs aussi bien pour l'opposition que pour la majorité - que
l'accroissement de la part de la CSG - donc d'un prélèvement proportionnel sur
les revenus - dans notre système de financement posera un jour le problème de
la progressivité.
Lorsque l'on avait instauré la CSG, en 1990, on avait prévu - c'était un peu
du bricolage - un petit abattement à la base sous forme de remboursement de
cotisations vieillesse, de manière que les plus bas revenus cotisent un peu
moins, en pourcentage, que les plus hauts revenus.
Cela n'avait pas grande importance puisqu'il s'agissait d'un prélèvement à 1
%. Maintenant que l'on s'oriente vers un prélèvement de 3 % ou 4 % du revenu,
c'est-à-dire un montant qui devient comparable à celui de l'impôt sur le
revenu, la recherche d'une méthode pratique permettant un minimum de
progressivité me paraît être un défi pour tous.
En conclusion, si la volonté politique de consolider un système de solidarité
est exprimée par chacun sur ces travées, nous n'avons pas tous la même vision
des conséquences à en tirer. Nous craignons, nous, que la difficulté dans
laquelle vous êtes, monsieur le ministre, pour équilibrer notre système de
protection sociale ne contribue à maintenir sa précarité dans l'esprit du
public et, par conséquent, à saper un pilier majeur de notre société. Voilà
pourquoi nous appelons chacun à recréer un rapport de confiance et d'adhésion
avec notre système de protection sociale.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
tiens tout d'abord à saluer avec sérénité le courage et la détermination dont
le ministre du travail et des affaires sociales fait preuve pour apporter des
réponses au difficile et délicat problème du maintien de notre système de
protection sociale.
Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas intervenir sur
le fond ; les collègues de mon groupe l'ont excellemment fait avant moi.
J'approuve les objectifs visés et, dans l'ensemble, les modalités proposées
pour les atteindre. Toutefois, un point me pose problème et heurte mon sens de
la justice. Il s'agit des mesures, contenues dans l'article 24, visant à lutter
contre l'alcoolisme et à produire des recettes à la sécurité sociale.
Nous savons tous que, pour lutter contre l'alcoolisme, la prévention est la
meilleure arme et que, à cet égard, notre public privilégié doit être le public
des jeunes.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, que, si la santé
était d'abord un bien individuel, elle était aussi un bien collectif dont
l'avenir dépendait de la réalité des solidarités collectives. Sur ce point, je
vous approuve totalement.
Vous avez également fait part de votre inquiétude sur les causes de mortalité
chez les jeunes, liées notamment à certaines « habitudes de vie », dont la
recrudescence de la consommation alcoolique.
Mes chers collègues, ces jeunes sont-ils des consommateurs de spiritueux,
parmi lesquels on compte des produits haut de gamme comme le cognac ou
l'armagnac, produits chers et donc inaccessibles à leur bourse ?
D'ailleurs, ces produits, déjà lourdement taxés, ne représentent que 0,6 % de
la consommation alcoolique en France.
En outre, s'il est vrai que la bière est d'une consommation courante chez les
jeunes, elle reste un alcool parmi d'autres, représentant 18 % de la
consommation alcoolique, alors que le vin, produit, certes noble, de nos
vignes, représente, à lui seul, 60 % de la consommation totale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je constate que tous les produits alcoolisés ne
sont pas visés à l'article 24. Comme je ne peux croire qu'il s'agisse là d'une
soumission à tel ou tel lobby, je reste convaincu qu'il s'agit d'un oubli
technique qui saura être vite réparé.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, un certain nombre de collègues
et moi-même vous demandons de compléter l'article 24 en élargissant l'assiette
de recouvrement aux vins.
Monsieur le secrétaire d'Etat, un verre de 4 centilitres de cognac contient
1,6 centilitre d'alcool pur, autant qu'un verre de vin de 15 centilitres,
autant qu'une canette de bière de 33 centilitres. Or le cognac est déjà taxé à
1,78 franc du verre, contre 20 centimes pour la bière et seulement 3 centimes
pour le vin.
Si l'on acceptait de faire passer les droits sur le vin à 29,60 francs par
hectolitre, cela ne représenterait que 5 ou 6 centimes par bouteille de 75
centilitres, soit moins de 1 centime par verre. Sérieusement, est-ce de nature
à mettre en péril le marché du vin ?
Cette demande, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, se fonde
exclusivement sur un souci d'équité. Toute mesure discriminatoire génère un
sentiment d'injustice, et les répétitions de ces discriminations accroissent ce
sentiment jusqu'au rejet.
Il est fini le temps des privilèges ; nous sommes - vous l'avez rappelé tout à
l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - au temps des solidarités. Que chacun
contribue à l'effort national qui est demandé ne serait que justice.
Je comprends la position que M. le président Fourcade a exprimée
a priori ;
il ne veut pas qu'un point de détail comme celui-ci vienne occulter le fond
du dossier.
Mais, monsieur Fourcade, il serait regrettable que ce point de détail devienne
un grain de sable, d'autant que notre souci d'équité se traduit par un
élargissement et non par une restriction de l'assiette. Et puisqu'il s'agit
d'un point de détail, n'en faisons pas une affaire !
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous remercie de
m'avoir écouté et, je l'espère, entendu, car je connais votre sagesse et votre
sens de la justice.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Belcour.
M. Henri Belcour.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
quelque cinquante années après l'institution définitive de la sécurité sociale,
la représentation nationale va pouvoir enfin se prononcer sur les prévisions de
recettes et de dépenses du plus gros budget de la nation.
Nous sommes, je le pense, tous conscients, dans cet hémicycle, de vivre là un
moment important de notre histoire sociale nationale.
Il y a un an, en effet, le Premier ministre dévoilait au Parlement les axes
d'une véritable réforme, refondatrice de l'instrument essentiel de notre
protection sociale.
S'étant fixé l'objectif principal d'assurer la pérennité de la sécurité
sociale, menacée de faillite, le Gouvernement, on peut le dire, a fait preuve
d'opiniâtreté dans la conduite de ce dossier. Malgré l'ampleur et la difficulté
de la tâche, malgré de nombreux obstacles, de nombreuses oppositions, la
réforme, on le voit, est conduite à son terme.
A la suite de la dernière révision constitutionnelle, la représentation
nationale, véritable « clé de voûte » de la nouvelle politique ainsi mise en
oeuvre, comme cela a déjà été dit, va se prononcer non seulement sur les
équilibres financiers généraux, mais aussi, et surtout, sur les orientations en
matière de politique de santé et de protection sociale. Il convient de
constater, à ce sujet, que le calendrier initialement annoncé a été
respecté.
Les rapports remis au Parlement à cette occasion devraient parfaire
l'information de ce dernier et l'aider dans sa tâche. Il en est ainsi des
travaux préalables de la conférence nationale de santé, même si l'on peut
regretter ici un manque de temps pour la bonne tenue des rencontres,
contrepartie sans doute du respect scrupuleux des échéances fixées.
Pour ma part, si vous le permettez, je voudrais revenir principalement sur le
volet de ce projet de loi consacré à l'assurance maladie pour faire part des
quelques remarques et interrogations que ce texte suscite chez le professionnel
de la santé que je suis.
Dans le cadre des dispositions relatives à l'équilibre financier qui nous sont
ainsi soumises, on fixe l'objectif national des dépenses d'assurance maladie,
qui correspond à l'ensemble des soins de santé liés aux risques maladie,
maternité et accidents du travail.
La détermination d'une enveloppe globale de 600,2 milliards de francs semble
donc confirmer la volonté de poursuivre la politique de maîtrise médicalisée
des dépenses visant au « juste soin ».
C'est donc sur la base de cet objectif que devront être négociés, par
convention entre les caisses, les professions de santé et les hôpitaux, les
différents objectifs prévisionnels d'évolution à la fois des dépenses de soins
de ville, des dépenses médicales et des dépenses hospitalières.
Au sujet de ces négociations, je voudrais vous dire, monsieur le secrétaire
d'Etat, l'inquiétude, voire la vive préoccupation, constatées actuellement chez
les membres du corps médical.
Les médecins, qu'ils soient de ville ou de campagne, généralistes ou
spécialistes, sont très attachés aux principes qui régissent l'exercice libéral
de la médecine, dans lequel la plupart de nos concitoyens ont placé leur
confiance.
Aujourd'hui, ils ont l'impression qu'on veut leur imputer le déficit du régime
de l'assurance maladie.
En dépit de tous les efforts déployés, que je reconnais d'ailleurs bien
volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat, pour favoriser la discussion, la
concertation et la négociation, le corps médical, dans sa majorité, à tort ou à
raison d'ailleurs, pense que cette réforme d'importance se réalise sans qu'on
le consulte vraiment, sans tenir compte de ses avis.
Il ne s'agit pas seulement d'une prise de position officielle. Il s'agit, en
fait, de plus que cela : l'émoi étreint tous les médecins de famille, et ce
jusque dans nos campagnes. Ceux-ci ont l'impression qu'on leur fait jouer le
rôle de bouc émissaire.
Pourtant, dans le domaine du déficit financier de la santé, nous savons tous
que la responsabilité est plurielle et qu'elle incombe aussi aux utilisateurs,
qui estiment parfois que le souci du maintien de leur santé peut justifier
toutes les dépenses, et aux gestionnaires d'établissements de soin, qui font
passer parfois valorisation et prestige personnels avant toute gestion
rationnelle. De la même manière, le corps médical, qu'il soit libéral ou
hospitalier, a trop longtemps ignoré l'impact économique de l'exercice de la
médecine.
Certes, nous savons que l'effort demandé aux médecins s'inscrit dans une
logique globale, où tous les acteurs du système de santé et de sécurité sociale
ont été sollicités. On pourra ainsi évoquer la contribution exceptionnelle
supportée par l'industrie pharmaceutique, la taxe de 6 % instaurée sur les
contributions des employeurs au financement des prestations de prévoyance
complémentaire, les économies de gestion imposées aux caisses de sécurité
sociale ou bien encore la limitation du taux directeur hospitalier à 2,1 % en
1996.
Mais, apparemment, ce dispositif ne semble pas clairement expliqué et, par
voie de conséquence, clairement compris. Redisons aux médecins que la
contribution qui leur est demandée est exceptionnelle et qu'elle ne saurait
être banalisée dans les années à venir.
Rappelons aussi qu'elle sera affectée au fonds de réorientation et de
modernisation de la médecine libérale, et que son paiement pourra être
échelonné et déductible de l'impôt sur le revenu.
Voilà donc où votre effort, mais aussi notre effort commun, doit porter,
monsieur le secrétaire d'Etat. Mon collègue Charles Descours, rapporteur de ce
projet de loi, a d'ailleurs eu déjà l'occasion d'évoquer, parmi les conditions
indispensables à la bonne marche de cette réforme, l'impératif de rétablir le
dialogue et la confiance avec les professionnels de santé, comme avec l'opinion
publique en général.
La population médicale peut être - j'en suis intimement persuadé - un
interlocuteur actif de qualité.
Les médecins reconnaissent la nécessité d'un plan de sauvetage. J'en veux pour
preuve un sondage réalisé par l'IFOP, en juillet, auprès de 550 d'entre eux,
sondage dont vous avez sans doute eu connaissance, monsieur le secrétaire
d'Etat : 76 % des généralistes et 72 % des spécialistes se sont alors déclarés
favorables à la maîtrise des dépenses. De même, 80 % des généralistes et 68 %
des spécialistes pensaient alors que « le contrôle des dépenses permettrait de
mettre un frein à la demande de leurs patients ».
L'inquiétude actuelle semble donc témoigner d'une incompréhension face au
dispositif avancé par le Gouvernement. Pourtant, nous savons que ce dernier
compte fermement sur une collaboration avec le corps médical pour bâtir cette
nouvelle politique de la santé. Et, réciproquement, les médecins ont déjà
avancé, de leur côté, des propositions à la fois concrètes et dignes d'intérêt.
On citera, notamment, la maîtrise médicalisée des dépenses - par opposition à
une maîtrise purement comptable - qui se fonde sur des outils mis en pratique
par la profession, comme les références médicales opposables, le carnet de
santé, la formation médicale continue ou bien encore l'informatisation.
Il devrait donc y avoir non pas un malentendu ou un face à face entre les uns
et les autres, mais plutôt un souci de renforcer le dialogue pour définir la
médecine de demain. Nous savons pouvoir compter sur votre compréhension à ce
sujet, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je voudrais à présent évoquer très brièvement l'impact financier que pourront
avoir les décisions de santé publique, telles que les campagnes de vaccination
et de dépistage, concernant les hépatites par exemple. On peut s'interroger :
dans quelle mesure celles-ci ne viendraient-elles pas hypothéquer l'objectif
proposé en matière d'évolution des dépenses d'assurance maladie, même s'il est,
bien entendu, hors de question de remettre en cause leur nécessité ?
A l'occasion de l'examen de ce projet de loi, il faut également rappeler
l'importance de la prévention sanitaire, de laquelle dépendent tant l'état de
santé de nos concitoyens que l'état financier de notre système de protection
sociale ! A ce titre, la prévention ne saurait être passée sous silence,
d'autant plus qu'elle est sans aucun doute perfectible. La mobilisation
financière apparaît, à ce sujet, comme étant quelque peu modeste. De même,
l'effort de formation professionnelle relative à la médecine préventive peut
certainement être encore poursuivi et amplifié.
Voilà donc, de manière succincte et, je l'espère, sans trop de redites à cette
heure tardive, les quelques remarques que m'inspire l'examen de ce texte dont
je tiens à rappeler l'importance.
Il s'agit là non plus d'un simple replâtrage, mais bien d'une réforme
structurelle courageuse, et nécessaire, pour préserver notre système de
protection sociale. Et l'on sait combien les réformes courageuses sont, hélas !
souvent mal perçues. Pourtant, pouvons-nous encore attendre ? Avec quelque 180
000 francs de dettes pesant sur chaque Français actif, avons-nous le droit de
laisser se creuser encore les déficits sociaux que nous laisserions en legs aux
futures générations ?
A ceux qui disent que la nouvelle politique ainsi définie est trop exigeante,
on peut rétorquer qu'elle est dictée par l'impératif de sauver un système qui,
sans cela, court à la faillite.
Gageons que nos compatriotes dans leur ensemble, qu'ils soient soignés ou
soignants, en auront conscience.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Robert.
M. Guy Robert.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
faut tout d'abord se féliciter du rôle qui est désormais assigné au Parlement,
grâce à l'examen et au vote du projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Le grand mérite en revient à ce gouvernement, et je tenais à le
souligner au préalable.
Si l'on remonte aux origines de notre système de sécurité sociale,
c'est-à-dire aux ordonnances de 1945, on constate que les principes édictés par
les « pères fondateurs », comme on dit, excluaient
a priori
l'intervention du Parlement.
Géré par des conseils élus par les assurés et représentant l'ensemble des
partenaires sociaux, le système devait, en théorie, garder son autonomie par
rapport à la sphère politique. Or deux phénomènes conjugués ont remis en cause
cette conception originelle.
Il s'agit, tout d'abord, de l'absence de toute démocratie interne, d'une très
faible participation aux élections, du monopole du pouvoir au profit d'une
centrale syndicale en particulier, et, ensuite, de la crise financière du
système. Les conséquences de cette situation furent l'apparition de déficits
croissants et la très faible légitimité des institutions de la sécurité
sociale.
Le Sénat et l'Assemblée nationale ont été appelés à intervenir de plus en plus
fréquemment ces dernières années, à travers différents plans de redressement
ponctuels. Des initiatives, à l'origine desquelles se trouvait d'ailleurs notre
majorité, ont été prises afin de mieux associer le Parlement à la gestion de la
sécurité sociale.
Ainsi, en 1987, un décret a augmenté le nombre des parlementaires au sein de
la commission des comptes de la sécurité sociale.
En 1994, la loi du 25 juillet 1994 a accru dans des proportions très
importantes l'information du Parlement sur les dépenses sociales. Ce texte
prévoyait un débat parlementaire annuel sur l'évolution des dépenses et des
recettes du régime général, débat dont nous savons qu'il n'était pas suivi d'un
vote.
Nous abordons donc une nouvelle étape, qui apparaît relativement logique.
Comment justifier, en effet, le fait que les représentants de la nation ne
puissent se prononcer sur un budget de la sécurité sociale supérieur au budget
de l'Etat ? Il représente, en effet, 1 700 milliards de francs, contre 1 634
milliards dans le projet de budget pour 1997. C'est pourquoi la réforme
constitutionnelle lancée par le Gouvernement, qui nous permet de nous prononcer
non seulement sur les comptes sociaux, mais également sur les grandes
orientations des politiques de sécurité sociale et de santé publique, est d'une
importance majeure.
Certains me rétorqueront probablement que le Gouvernement accomplit une «
étatisation » des différents régimes de sécurité sociale. Or c'est tout le
contraire : nous assistons à une forme de réappropriation de leur protection
sociale par les Français, qui ont été trop longtemps exclus d'une gestion
devenue opaque et anarchique.
Au-delà de cet aspect strictement institutionnel, je me félicite de la façon
dont vous avez étroitement associé le Sénat à l'élaboration des ordonnances, à
travers une concertation inédite, fort intelligente et efficace, en particulier
par l'intermédiaire de la commission des affaires sociales.
Ce travail de fond faisait notamment suite aux auditions et au rapport de la
mission parlementaire d'information sur la sécurité sociale. Permettez-moi de
regretter à ce propos que cette mission constituée de députés n'ait pas pu
perdurer sous la forme d'une commission permanente au sein des deux assemblées.
Une telle structure serait un très utile observatoire des conditions
d'application de la réforme, au-delà des clivages partisans qui, selon moi,
n'ont pas lieu d'être sur un dossier aussi crucial que celui de l'avenir de la
protection sociale dans notre pays.
Le problème se pose surtout pour le volet de la réforme concernant la maîtrise
médicalisée, alors que les différents outils de cette politique continuent à se
mettre en place, sous la forme d'une vingtaine de décrets qui devraient être
publiés avant la fin de l'année. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voterai ce
texte parce que vous-même et M. Barrot, et plus généralement le Gouvernement, y
avez apporté les meilleures solutions qui étaient à votre disposition, et cela
en très peu de temps.
L'un de nos collègues a souhaité que cette discussion se déroule par exemple
au mois de mars. Eh bien, moi, je dis non, parce qu'un exercice commence dès le
1er janvier. Je pense donc que vous avez fait au mieux.
Permettez-moi seulement, monsieur le secrétariat d'Etat, de faire une
suggestion. Ce budget comporte naturellement des recettes et des dépenses, mais
aussi des orientations pour la sécurité sociale et la santé publique, et ce
volet orientation doit, me semble-t-il, revenir tout particulièrement au
Parlement.
Je souhaiterais donc que, pour l'examen du projet de loi de financement pour
1998, le Gouvernement propose la création d'une commission permanente dans
chaque assemblée, qui serait en relation directe non seulement avec les
services du ministère mais également avec les organisations de la santé
publique, les médecins et les organisations syndicales afin d'être à même de
proposer, en préalable au texte lui-même, des orientations réfléchies. Par
ailleurs, il serait bon qu'une certaine communication soit faite de ses travaux
pour que les assujettis puissent les admettre plus facilement.
Je terminerai en me référant aux quatre pistes évoquées ce matin par M.
Fourcade, à savoir la responsabilisation, les mesures nouvelles et la
clarification des tâches, la décentralisation et la restructuration. Eh bien,
tout cela ferait partie de ces orientations.
Je souhaiterais donc que ces commissions permanentes, qui seraient composées
de parlementaires peu nombreux et choisis en fonction de leurs compétences,
soient à même de réfléchir à ces questions. En effet, comme l'a dit M.
Fourcade, le Parlement doit avoir le courage d'aider le Gouvernement.
Mes chers collègues, naturellement, je voterai ce texte, parce que notre
régime de sécurité sociale, ce fleuron de notre protection sociale que bien des
pays nous envient, ne doit pas disparaître. Le Gouvernement a mis dans ce
projet le meilleur de lui-même et le Parlement doit s'y associer.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
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