FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale
(n° 61, 1996-1997). [Rapport n° 66 (1996-1997) et avis n° 68 (1996-1997).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Larché.
M. Jacques Larché.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis
confus de ne prendre la parole qu'en fin de discussion générale alors que mon
intervention était prévue à un autre moment.
Je vous remercie, ainsi que le service de la séance, de m'avoir ménagé la
possibilité de m'exprimer maintenant, mon intervention, de ce fait, étant
extrêmement brève.
Monsieur le ministre, vous avez sans doute ressenti un accord sur la finalité
de ce que vous voulez entreprendre, accord qui se fonde, d'une part, sur notre
perception de l'extraordinaire difficulté dans laquelle se trouve notre système
de protection sociale et, d'autre part, sur l'attachement bien connu des
Français au maintien d'un tel système.
Nous sommes donc d'accord sur un objectif général, mais j'aimerais vous dire,
avec toute l'amitié et le respect que nous portons à l'action que vous menez -
cela vous a été déjà indiqué, je crois, au travers des propos qui ont été tenus
ici - qu'il faut faire attention à la manière.
Vous constatez à l'heure actuelle, il ne faut pas se le dissimuler, car c'est
un problème grave - j'hésite devant les mots - un désarroi, une inquiétude, une
crise du corps médical libéral dans son ensemble. Si, par des propos, des
mesures, des assurances, le nécessaire n'est pas fait pour que ce corps médical
libéral retrouve ce à quoi il aspire, c'est-à-dire des conditions raisonnables
et normales d'exercice de sa profession et, en même temps, le sentiment qu'il
n'a pas à l'heure actuelle, d'être pleinement associé à ce plan général de
redressement dont, mieux que quiconque, il conçoit et il perçoit, soyez en sûr,
la nécessité absolue, ce corps médical risque de ne pas être le partenaire que
vous êtes en droit d'attendre et, dans le même temps, de ne pas vous apporter
le soutien à la fois matériel, intellectuel, je dirais même moral, qu'il doit
vous apporter et sans lequel nous rencontrerons tous - j'y assiste - des
difficultés considérables dans l'accomplissement commun de la très difficile
tâche que vous avez entreprise au sein du Gouvernement.
Permettez-moi de vous faire non pas des reproches, mais des remarques dont il
doit être tenu compte.
Le débat sur les responsabilités en matière de dépenses médicales me semble
avoir exagérément souligné la responsabilité du corps médical libéral sans
prêter une attention suffisante aux réformes considérables et génératrices
d'économies qui devraient être accomplies dans le milieu hospitalier.
Ce milieu hospitalier pose, s'agissant de la dépense, deux problèmes :
d'abord, celui de la dépense globale, dont il n'est pas certain qu'elle suffise
dans un certain nombre de cas ; ensuite, celui de l'utilisation, de la bonne
utilisation des crédits qui lui sont accordés.
Certains praticiens, certains infirmiers ou infirmières manifestent - là
encore, j'hésite sur le mot à employer - une certaine inquiétude, voire une
certaine morosité devant le comportement de ceux qui, dans le corps médical, et
au niveau des responsabilités qui sont les leurs, devraient accomplir une tâche
de gestion et s'appliquer à eux-mêmes les règles qu'ils imposent à d'autres.
Je lisais l'autre jour une déclaration absolument stupéfiante d'un chef de
service, en place depuis longtemps, qui ne trouvait rien de mieux à dire que 90
% des examens réalisés dans son service étaient inutiles. Très bien ! mais qui
était responsable de ce service, sinon lui-même ?
Avait-il agi pour que ces dépenses soient réduites ?
Enfin, sans insister, je voudrais évoquer un problème qui est devenu choquant,
à savoir la manière dont est exercée la médecine privée dans un certain nombre
d'hôpitaux. Cela ne peut plus durer. On ne peut plus admettre que, si l'on
demande un rendez-vous à un chef de service dans le cadre de son exercice
public, on n'obtient ce rendez-vous qu'au bout de six mois, alors que, si on
s'adresse à lui dans le cadre privé, on obtient ce même rendez-vous en quinze
jours. On ne peut plus admettre non plus que ne soient pas comptabilisés avec
une rigueur suffisante - les exemples sont nombreux - la part des recettes des
consultations privées qui devraient être reversées au budget de l'hôpital.
Dans la masse globale des économies à faire, c'est peut-être peu de chose,
mais il faut bien comprendre que l'on ne pourra imposer des efforts nécessaires
que dans la mesure où ceux qui devront les accomplir auront le sentiment que
ces efforts seront effectués par tous.
Je formulerai une deuxième remarque, très brève. L'ordonnance dont nous avons
accepté la ratification rend possible l'expérimentation de la filière de soins.
Or cela me paraît très dangereux. En fait, la notion de filière de soins
aboutit à une pratique à l'anglaise, c'est-à-dire à l'inscription du patient
chez le généraliste et, finalement, à la suppression du paiement à l'acte.
Il est bien normal que les médecins se posent à cet égard un certain nombre de
questions qui, jusqu'à présent, sont restées sans réponse.
Vous avez ainsi ouvert une brèche, monsieur le ministre, certes étroite, mais
il se trouve que deux organismes sont en train de s'y engouffrer.
Vous vous êtes rendu à Strasbourg, dimanche dernier, où, paraît-il, vous avez
été ovationné. Bien, mais par qui ? Par un syndicat que nous connaissons bien :
le syndicat des médecins généralistes. Avez-vous lu le titre qu'a trouvé ce
syndicat pour rendre compte des travaux du congrès qui se tenait à Strasbourg ?
C'est un titre provocateur : « Explosion du médecin généraliste ».
Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que, pour ce syndicat, dans une
perspective plus ou moins longue, tout un pan de la pratique médicale devrait
être exclu.
Cherchent également à s'engouffrer dans cette brèche, qui s'élargit, les
représentants de certains organismes sociaux, notamment le représentant de la
Mutualité française qui tient des propos - que j'aimerais vous entendre
contredire - inutilement provocants à l'égard des médecins spécialistes
libéraux.
Que dit M. Davant ? Il affirme que les spécialistes doivent s'incliner devant
les faits et qu'ils n'ont que deux solutions : ou bien se reconvertir - mais
vers quelle activité ? - ou bien s'orienter vers la pratique hospitalière - de
quelle manière et sous quelle forme ?
Comprenez bien mon propos, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas pour moi de
contester l'orientation générale de l'action que vous avez très courageusement
entreprise sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la
République. Mais je tiens à vous dire que, si un certain nombre de précautions
ne sont pas prises, précautions qui ne peuvent être parfois que des précautions
de langage ou consister en des contacts mieux organisés, vous n'obtiendrez pas
d'une part importante du corps médical français le soutien que vous êtes en
droit d'attendre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Monsieur le président, je
voudrais tout d'abord remercier Mmes et MM. les sénateurs qui ont pris part à
ce débat très riche. Je n'aurai pas, bien sûr, la prétention de répondre à
toutes les questions qui ont été posées. Je vais essayer néanmoins de faire un
tour d'horizon. De toute façon, la discussion des articles me donnera
l'occasion, ainsi qu'à M. Gaymard, d'évoquer certaines questions que je
n'aurais pas traitées dans ma réponse.
J'adresserai des remerciements tout particuliers à MM. les rapporteurs de la
commission des affaires sociales en me réjouissant de l'excellente initiative
qui a été prise de confier chacune des branches de la sécurité sociale à un
rapporteur différent. Je remercie également M. Oudin, le rapporteur pour avis
de la commission des finances, et vous-même, monsieur le président Fourcade,
pour l'exposé remarquable que vous avez prononcé.
M. Descours avait donc en charge le grand dossier de l'assurance maladie.
Il a posé bien des questions pertinentes. Je vais essayer de répondre à
quelques-unes d'entre elles.
M. Descours a insisté sur la nécessaire équité dans la répartition de
l'effort. A l'instant même, M. Larché se faisait l'avocat de cette équité.
Monsieur le rapporteur, les efforts seront partagés, bien sûr, entre le
secteur médecine de ville, le secteur hospitalier et le secteur
médico-social.
Vous avez évoqué le patrimoine locatif qui doit être transféré à la CADES -
Caisse d'amortissement de la dette sociale - s'il n'est pas vendu. On sait que
la CNAM - Caisse nationale d'assurance maladie - commence à chercher à vendre
ses immeubles ; toutefois, elle doit le faire avec le bon sens du père de
famille.
Quant au changement d'assiette patronale - la mission est confiée à
Jean-François Chadelat - c'est une affaire difficile à mettre en oeuvre. Nous
avons pris le taureau par les cornes en étudiant toutes les simulations qui
nous parviennent. Le moment venu, je les soumettrai au Parlement.
J'en viens à l'harmonisation, dont j'ai parlé hier à propos de l'assiette du
RDS. Elle s'effectue sur les revenus du travail pour éviter que la fiche de
paie ne se complique.
En revanche, il est vrai qu'une différence existe entre les revenus de
remplacement : les prestations familiales, les aides au logement, les retraites
modestes ne sont, en effet, pas soumises à cette nouvelle CSG. Par ailleurs, le
non-assujettissement des prestations familiales a été définitivement retenu.
M. Descours s'est inquiété de l'approbation du budget de l'Assistance publique
de Paris dans la mesure où elle reste une compétence ministérielle de même que
la signature des contrats d'objectifs et de moyens.
Je lui précise que le directeur de l'agence régionale sera étroitement associé
aux travaux et aux décisions du conseil de tutelle. Il est important de
souligner que, dans le domaine de la planification hospitalière, l'agence
régionale est en charge de la région d'Ile-de-France dans son ensemble : cela
concerne donc également les hôpitaux de l'Assistance publique de Paris.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Je vois que vous en avez
pris acte, monsieur le président.
(Sourires.)
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Nous verrons !
(Nouveaux
sourires.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Quant au point
supplémentaire de CSG, son caractère déductible tient au fait qu'il se
substitue à une cotisation qui était elle-même déductible.
M. Descours m'a demandé ce qu'il en était de l'accord-cadre avec l'industrie
pharmaceutique.
Entre la signature de l'accord-cadre de 1994 et le 1er septembre 1996,
quatre-vingt-six conventions normales et cinquante conventions dites
simplifiées ont été conclues, couvrant 95 % du chiffre d'affaires de
l'industrie pharmaceutique en médicaments remboursables. Parmi les signataires,
on trouve désormais tous les laboratoires français et étrangers, petits ou
grands.
Je reviendrai sur la question des médicaments génériques.
Monsieur Descours, je n'ai répondu qu'à une partie de vos nombreuses et
pertinentes questions, mais nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau les
différents sujets que vous avez évoqués.
Je remercie M. Machet de son plaidoyer enthousiaste en faveur de la famille.
Je lui précise que le calendrier de la conférence de la famille est orienté sur
le moyen terme. Les groupes de travail ont déjà plusieurs mois d'activité
derrière eux. Il est certain que nous n'avons retenu dans ce projet de loi
qu'une mesure de rationalisation incontestable, concernant le forfait logement,
pour l'appréciation des ressources en vue de l'attribution de l'allocation de
parent isolé, l'API. Pour le reste, nous attendons, bien entendu, de connaître
les conclusions des travaux de la conférence de la famille.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Machet, une femme sur deux donnant
naissance à un deuxième enfant demande à bénéficier de l'allocation parentale
d'éducation. Cela prouve le succès de ce dispositif, mais cela signifie aussi
qu'il a fallu inscrire des recettes en regard de ces dépenses.
Je voudrais dire ici clairement, mesdames, messieurs les sénateurs, que, si la
branche famille dispose de ressources supplémentaires, c'est parce que le
projet de loi de financement de la sécurité sociale les prévoit. Elles
proviendront de la CSG et des cotisations versées par l'Etat et les entreprises
publiques au titre des allocations familiales. Il y a donc un afflux
supplémentaire de ressources pour la branche famille. Il reste que, comme je
l'ai indiqué, celle-ci n'a pas encore atteint l'équilibre.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Alors, on va augmenter les allocations familiales !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Je vous répondrai tout à
l'heure, madame Beaudeau.
M. Vasselle a lui aussi enrichi ce débat par sa très bonne connaissance des
problèmes liés à la retraite.
Nous travaillons dans le sens souhaité par le Sénat, nous encourageons les
initiatives visant à favoriser le développement de la prévoyance
individuelle.
Nous espérons faire avancer ce dossier, notamment l'épargne retraite, et j'ai
bien entendu votre nouvel appel à ce sujet, monsieur Vasselle.
Les effets de la loi de 1993 ne peuvent évidemment se faire sentir que
progressivement puisque la durée de cotisation a été allongée. Il y a là, je
crois, quelque chose d'inéluctable. En matière de retraite, il n'est pas
possible que des mesures engendrent des économies immédiates, sinon en ce qui
concerne les modes de revalorisation, et ceux-ci, bien sûr, ne sont pas
modifiés.
Vous avez évoqué, monsieur Vasselle, les dispositions sur les régimes
spéciaux. Il faut bien que ces débats servent à parler vrai !
S'agissant de l'institution d'une conférence nationale des personnes âgées, si
je suis assez convaincu de la nécessité d'instances de concertation permettant
aux personnes âgées d'exposer leurs problèmes, je considère que la question de
l'annualité ne se pose pas tout à fait dans les mêmes termes que pour la
maladie ; nous y reviendrons.
A M. Oudin, je voudrais confirmer que la réduction des inégalités est une
priorité dans l'affectation des crédits inter-régionaux. Certes, on pourrait
rechercher les économies maximales en s'alignant sur les coûts constatés les
plus bas, mais nous ne pensons pas pouvoir mener une politique de
restructuration active sans nous donner le temps et les moyens de la
pédagogie.
Le premier effort consistera à solliciter la contribution des régions et des
établissements manifestement sous-dotés. A en juger par les résultats déjà
obtenus lors de la campagne budgétaire de 1996, cela n'ira pas tout seul ! Mais
c'est nécessaire. L'utilisation maintenant généralisée des PMSI, les programmes
médicalisés du système d'information, qui permettent de surveiller et d'évaluer
l'activité des hôpitaux, met en relief des différences tout à fait
significatives, allant parfois du simple au double, d'un établissement à
l'autre.
Il nous faut nous attaquer, monsieur Oudin, à ces inégalités, qui montrent
bien d'ailleurs, s'il en était besoin, que l'ont peut soigner en optimisant les
coûts.
Vous m'avez demandé si l'on passait en droit constaté. Eh bien, la publication
des comptes de 1996 a été le premier rendez-vous en droit constaté. Mais il
faut poursuivre. Au demeurant, c'est une évolution à laquelle M. Marmot est
très attaché.
Monsieur Oudin, vous avez également insisté sur la nécessité de ne pas
augmenter les prélèvements.
Le président Fourcade a bien exposé l'ensemble de l'effort à accomplir.
En ce qui concerne la déductibilité, il est vrai que nous sommes dans une
situation intermédiaire, mais on ne pouvait reprendre d'une main ce que l'on
donnait de l'autre. En outre, j'y insiste, cette opération permet d'augmenter
le pouvoir d'achat des revenus du travail de plus de 8 milliards de francs.
Le Parlement pourrait, dites-vous, monsieur Fourcade, demander aux caisses de
suivre un programme pluriannuel d'économies. Mais ce sera l'objet des
conventions d'objectifs et de gestion, qui interviendront
a priori
en
aval du travail du Parlement.
Vous avez souligné, par ailleurs, la nécessité de rendre beaucoup plus
vigoureuse la contractualisation interne à l'hôpital, et vous avez eu raison.
C'est effectivement par la désignation des centres de responsabilité
bénéficiant des délégations de gestion que nous pourrons mesurer les résultats
et que nous pourrons progressivement, comme vous l'avez suggéré, intéresser les
responsables médicaux à leur gestion.
La création des agences régionales de l'hospitalisation répond à cette logique
de la responsabilité locale. Ces agences devront trouver les moyens du dialogue
et poursuivre les négociations avec les établissements, dont l'autonomie de
gestion reste pleine et entière.
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de l'apparition de ces agences. Elles
vont en effet nous permettre, pour la première fois, d'envisager dans un même
champ l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée.
Avec M. Gaymard, nous avons réuni tous les directeurs d'agence la semaine
dernière. Ce qui m'a alors frappé, c'est qu'ils ont réussi à établir une
coordination étroite entre les services dépendant de l'Etat et ceux qui
dépendent des caisses régionales.
Incontestablement, s'ouvre là une possibilité d'évaluation et de négociation
bien supérieure à celle qui existait auparavant.
Cette réflexion me permet d'enchaîner sur l'intervention de M. Autain. Il est
vrai, monsieur le sénateur, qu'en moins de six mois les directeurs ont été
nommés et qu'ils sont pratiquement installés. En conséquence, les directeurs
d'agence et leurs équipes pourront être opérationnels dès le début du mois de
janvier.
S'agissant de la nomination des praticiens, celle-ci reste une compétence
ministérielle, mais cela ne peut être considéré comme un handicap rédhibitoire,
on l'a vu dans un certain nombre de cas.
L'ordonnance a mis en place des mesures d'accompagnement efficace pour les
restructurations : le transfert des hommes et des emplois par les agences et,
surtout, le renforcement du fonds d'adaptation à l'emploi.
Enfin, monsieur Autain, j'insiste sur le fait que l'ANAES, l'Agence nationale
d'accrédition et d'évaluation de la santé, va donner des recommandations de
bonne pratique clinique, ce qui n'empêchera pas la poursuite de ce qui a déjà
été mis en place dans certains établissements, notamment la rédaction de
protocoles pour l'utilisation des médicaments.
M. Cabanel a expliqué que la coordination des soins était la plus grande
chance d'amélioration de notre système ; j'en suis, comme lui, tout à fait
convaincu.
Je voudrais par ailleurs, à l'intention de M. Cabanel et d'un certain nombre
de sénateurs qui sont intervenus sur le carnet de santé, lever une équivoque.
La présentation du carnet de santé est obligatoire et sa non-présentation peut
d'ailleurs se traduire par une convocation émanant du médecin-conseil.
Mais il est clair que l'on ne pouvait, du jour au lendemain, attacher des
sanctions au défaut de carnet de santé. Ces sanctions eussent été
inévitablement jugées soit trop légères soit trop lourdes. Une pédagogie est
nécessaire afin que ce carnet de santé rende chacun plus responsable.
On peut penser que, dans un délai relativement bref, on pourra sanctionner la
non-présentation de ce carnet de santé, notamment en cas d'actes lourds,
coûteux, répétitifs ou pratiqués sans utilité ; je pense, en particulier, à des
radiographies ou à des actes de laboratoire.
M. Cabanel a souhaité que le concours réservé aux généralistes, après cinq ou
dix ans d'exercice, permette d'accéder à des spécialités. Oui ! Tout ce qui
peut apporter de la fluidité et permettre la reconversion à l'exercice d'une
spécialité - je pense notamment à la médecine du travail - doit, en effet, être
offert aux généralistes.
Mme Fraysse-Cazalis a abordé un certain nombre de problèmes de santé
publique.
M. Gaymard vous répondra, notamment sur l'amniocentèse, un amendement ayant
été déposé sur ce sujet.
S'agissant de la tuberculose, madame le sénateur, je vous indique que, dans le
projet de loi de cohésion sociale, que j'ai déjà présenté succintement devant
la commission des affaires sociales du Sénat, est prévu un dispositif
permettant de réviser la prévention de la tuberculose ainsi que sa prise en
charge.
Même si l'on ne recense que 16,6 cas pour 100 000 habitants en France, la
recrudescence de cette maladie est, je le reconnais avec vous, un vrai
problème.
Vous avez, en outre, évoqué le saturnisme. Le plan de lutte contre le
saturnisme est déjà engagé. En 1995, ce fut l'interdiction du plomb dans les
installations de distribution et, en 1997, ce sera l'interdiction du plomb dans
les brasures, le développement par les DDASS de programmes locaux de dépistage
et de formation des professionnels ainsi qu'une enquête nationale de
prévalence, confiée au réseau de santé publique.
Tous ces problèmes sont abordés avec la loi de cohésion sociale, mais ils le
seront également lorsqu'il sera question de l'assurance maladie universelle.
Je remercie M. Bernard Seillier d'avoir remarquablement expliqué l'esprit et
la méthode d'une entreprise qui préfère ce qu'il a fort justement appelé une
justice distributive à une justice commutative.
Vous avez expliqué hier, cher Bernard Seillier - c'était prémonitoire - que,
si l'on est en présence d'un strict mécanisme d'assurance - même si, dans tout
mécanisme d'assurance, il y a une certaine mutualisation des risques - on peut
craindre de voir, à un moment donné, soit ses primes augmenter, soit son
contrat résilié. C'est pourquoi je suis très étonné de certaines déclarations
selon lesquelles la France serait mûre pour la mise en place d'assurances
maladie en concurrence.
Nous travaillons sur l'assurance maladie universelle, forts du mandat que nous
a donné le Parlement, il faut que cela soit clair.
Je remercie aussi Bernard Seillier d'avoir souligné que l'optimisation du coût
des traitements relevait non seulement d'une exigence de qualité mais aussi
d'une exigence éthique.
M. Jean-Louis Lorrain a parlé en médecin qui connaît bien, on le sent,
l'exercice de l'art de soigner. Il a prononcé, en quelque sorte, la « défense
et illustration » d'un exercice responsable de la médecine. Je l'en remercie.
C'est essentiellement par ce biais que nous progresserons.
Il a aussi insisté sur le fait que les filières de soins doivent être
expérimentées dans un climat de confiance et qu'elles ne doivent pas dériver
dans n'importe quelle direction.
L'appel à Raymond Soubie et à un certain nombre de personnalités médicales non
contestées et incontestables est de nature à permettre ces expérimentations
sans que soient encourus les risques que vous avez justement dénoncés, monsieur
le sénateur.
Monsieur Leclerc, s'agissant de la politique en matière de médicaments
génériques, il est souhaitable de faire preuve de prudence et de s'entourer de
toute la rigueur nécessaire. Le décret qui paraîtra dans quelques jours s'en
tient à la dénomination commune internationale tout en permettant d'y ajouter
le nom.
Une implication des pharmaciens est indispensable. C'est la raison pour
laquelle M. Hervé Gaymard anime un groupe de travail chargé d'examiner de
quelle façon la rémunération des pharmaciens d'officine peut contribuer à la
distribution des médicaments génériques à une plus grande échelle.
Vous avez également évoqué le problème des professions prescrites et de la
biologie. Loin de nous l'idée de mettre en cause la biologie française qui a
beaucoup investi et qui a réalisé un grand effort d'adaptation ! Aussi
permettez-moi, monsieur Leclerc, de tirer mon chapeau à une profession qui a
fort bien négocié avec la Caisse nationale de l'assurance maladie. Cette
négociation a permis de quantifier les objectifs et a laissé à cette
profession, qui doit rester libérale, la possibilité de s'organiser comme elle
le souhaite.
Monsieur Mélenchon, je ne veux pas ne pas vous répondre, mais, comme vous avez
mis en cause l'ensemble de notre démarche, je suis obligé d'être bref. Il faut
bien, comme vous l'avez souligné, qu'il y ait une différence. Je ne suis
toutefois pas d'accord avec vous lorsque vous parlez d'approche comptable. Mme
Questiaux, au demeurant une personnalité très estimable, qui m'avait succédé au
Gouvernement en 1981, avait déclaré qu'elle ne serait pas, pour sa part, le
ministre des comptes, ce qui sous-entendait que tel avait été mon rôle.
Cela dit, avec le recul, on s'aperçoit que, lorsqu'on oublie les comptes,
ceux-ci vous rattrapent très vite !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
MM. Claude Estier et Jean-Luc Mélenchon.
C'est un peu court comme réponse !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Madame Beaudeau, je
voudrais attirer votre attention sur un élément qui vous a sans doute échappé.
Ce projet de loi prévoit que l'association de garantie des salaires est
désormais obligée de constituer des provisions pour verser les salaires de ceux
qui travaillent dans des entreprises en difficulté, voire en cessation de
paiement, mais également de payer les cotisations de ces entreprises. Désormais
- j'insiste sur ce point - tout allégement ou exonération de cotisations
donnera lieu à compensation, ce qui n'avait pas toujours été le cas dans le
passé.
Monsieur Lesein, nous avons manifestement une petite divergence que je ne
parviens pas à comprendre. Vous ne pouvez affirmer que les médecins doivent
diminuer les dépenses de santé alors que les dépenses d'assurance maladie
passeront de 590 milliards de francs à 600,2 milliards de francs. Honnêtement,
ce n'est pas tout à fait exact. Les dépenses d'assurance maladie augmenteront
bien en 1997, ce qui est fort heureux. Nous avons simplement fixé un objectif
de dépenses qui se fonde sur une évolution plus raisonnable.
Par ailleurs, il ne faut pas parler de fiscalisation. Une CSG élargie aux
revenus du patrimoine et du capital et déductible de l'impôt reste une
cotisation. Nous remplaçons en fait une cotisation assise à 100 % sur le
travail par une cotisation qui ne le sera qu'à concurrence de 70 %. Une
cotisation avec une base élargie en remplace donc une autre. Nous restons dans
la logique d'un système qui n'est pas financé par l'impôt ou qui ne l'est que
marginalement.
Monsieur Huriet, mon ami Hervé Gaymard vous répondrait sans doute mieux que
moi. Mais je vous en prie, soyez indulgent. La conférence nationale de santé
s'est tenue début septembre et nous avons dû bâtir ce premier projet de loi de
financement en avançant sur un terrain inconnu. Il est bien évident que le
prochain projet de loi sera mieux nourri de nos réflexions. Mais il fallait
bien avancer.
La conférence nationale de santé a effectivement voulu faire passer deux
messages : d'une part, la lutte contre certains fléaux, tel l'alcoolisme, et,
d'autre part, la nécessité de corriger les inégalités entre les régions. Nous
allons répondre à cette double attente.
Reste une interrogation : remettons-nous en cause le libre choix et la liberté
de prescription en envisageant d'expérimenter certaines filières de soins ? Non
! Il ne faut pas confondre les grands principes de la médecine libérale et le
seul paiement à l'acte. Ce dernier est une spécificité bien française et il
restera vraisemblablement la règle dans la plupart des cas. Il n'en demeure pas
moins qu'il est possible de préserver tous les principes de la médecine
libérale en envisageant des adaptations. Le Gouvernement a été prudent,
monsieur Larché, en estimant qu'il était nécessaire de procéder à certaines
expérimentations avant d'imaginer d'autres formules. Si nous avons mis en place
un conseil d'orientation pour ces filières, c'est parce que nous ne voulons pas
laisser dériver la médecine française hors des principes libéraux auxquels vous
êtes à juste titre très attaché.
En évoquant le cumul de l'AGED et de la réduction d'impôts, M. Chérioux a
souligné la nécessité pour chacun de bien remplir sa mission sans chercher
éventuellement à empiéter sur celle des autres. La Cour des comptes ne doit pas
être juge de l'opportunité ; ce n'est pas moi qui prétendrai le contraire.
Cela dit, monsieur Chérioux, la conférence de la famille, notamment le groupe
sur les prestations, nous apportera un certain nombre d'éléments qui vont dans
le sens que vous avez souhaité.
Monsieur Régnault, vous avez insisté sur la prévention en évoquant la médecine
du travail et la médecine scolaire. Nous devons, en ce domaine, entreprendre un
effort très important. Les dispositions que les médecins eux-mêmes vont sans
doute adopter dans le cadre du groupe de travail tripartite regroupant l'Etat,
la caisse nationale de l'assurance maladie et les syndicats médicaux, et
présidé par M. Coudreau, permettront à certains d'entre eux de se reconvertir
vers les médecines de prévention.
Enfin, monsieur Régnault, je sais bien que l'on peut reprocher au Gouvernement
d'aller chercher des sources de financement diverses, mais il est préférable
d'affecter ces sommes à la sécurité sociale plutôt qu'à d'autres usages, sans
doute moins nobles.
Monsieur Hoeffel, je vous remercie de votre excellente intervention. Vous avez
beaucoup insisté sur la gestion hospitalière. Les procédure mises en place par
les ordonnances mettaient l'accent sur la négociation et la concertation
nécessaires pour accélérer les indispensables restructurations. La crainte que
les personnels, compte tenu de l'importance des dépenses qui leur sont
consacrées dans les établissements, ne fassent les frais de ces
restructurations, doit être apaisée. Tous les moyens d'accompagnement seront
mis en place pour assurer la poursuite de leur carrière dans des conditions de
sécurité maximale.
Nous rappellerons aux responsables d'établissement et aux directeurs d'agence
qu'il existe d'autres moyens de réduire les coûts et que ceux-ci doivent être
exploités en priorité. Je pense, notamment, aux dépenses logistiques et
hôtelières et, surtout, à l'évaluation du suivi des pratiques médicales et
thérapeutiques. L'exemple des comités du médicament montre la voie. Mais, il
faut bien le reconnaître, des redéploiements seront nécessaires dans certains
cas. Nous connaissons tous les besoins du secteur médico-social, que ce soit en
Alsace ou dans d'autres régions.
Monsieur Hoeffel, vous avez mis l'accent sur l'une des tâches les plus
difficiles que nous aurons à mener en 1997. Nous devrons agir avec pédagogie
et avec une grande vigilance en privilégiant la proximité.
M. Pluchet a insisté sur la situation de la Haute-Normandie qui se situe, en
effet, dans la moyenne inférieure en matière de dotations financières. La
réduction des inégalités interrégionales est bien l'un des objectifs de la
réforme. La Haute-Normandie devrait figurer parmi les régions bénéficiaires de
la péréquation, si nous parvenons à en faire accepter une à la mesure des
besoins.
M. Richard a bien posé les problèmes de financement. Il est certain que la
faiblesse de la croissance entraîne une baisse de la masse salariale. Il est
également vrai qu'une diversification des moyens de financement atténuera ces
effets sans que, pour autant, une autre solution puisse être apportée. Rien ne
remplace, en effet, un taux de croissance plus élevé. Monsieur Richard, nous
serons amenés à réfléchir à une organisation et à une bonne répartition des
prélèvements à la fois pour le budget de l'Etat à travers la fiscalité et pour
le budget social à travers les cotisations.
M. Arnaud a rappelé que le cognac, sans être un médicament, pouvait
quelquefois en être un.
(Sourires.)
Je ne prétendrai pas le contraire ! Les élus de cette région
se sont bien défendus. Je les comprends car lorsqu'on aime son pays, on défend
aussi ses atouts.
Toutefois, monsieur Arnaud, un effort important a été entrepris pour tenir
compte de la situation de cette région qui connaît, contrairement à ce qu'on
peut croire, des difficultés certaines s'agissant de l'exploitation de ce
produit qui fait partie du patrimoine national.
M. Belcour a évoqué les conséquences financières des décisions prises en
matière de santé publique et les problèmes de vaccination. La provision pour
aléas souhaitée par la commission des affaires sociales, notamment son
président, M. Jean-Pierre Fourcade, et son rapporteur, M. Charles Descours -
les vaccinations devenues obligatoires font partie de ces aléas - va dans le
sens souhaité par M. Belcour.
Il faut toutefois garder à l'esprit les ordres de grandeur. La vaccination
contre la rubéole revient à 40 millions de francs. Voilà qui prouve que
certaines actions en matière de santé publique n'ont pas un coût excessif.
Vous avez déclaré, comme M. Hoeffel, que les médecins n'avaient peut-être pas
été suffisamment préparés à cette réforme. C'est exact. Lorsque M. Hervé
Gaymard et moi-même avons l'occasion de nous expliquer avec eux, nous nous
rendons bien compte que les choses sont beaucoup plus simples. Mais il est vrai
qu'un certain retard existe et qu'il faut améliorer le dialogue.
M. Guy Robert souhaite que le rôle de la conférence nationale de santé soit
plus important. Je lui précise, ainsi d'ailleurs qu'à M. Huriet, que si la
Haute Assemblée souhaitait entendre l'année prochaine le président de cette
conférence, je n'y verrai personnellement que des avantages.
Nous en reparlerons avec M. le président du Sénat. M. Hervé Gaymard et
moi-même avions d'ailleurs envisagé cette possibilité pour que ce débat puisse
avoir tout son sens. Monsieur Larché, il est bien certain que le décret relatif
au reversement éventuel ne permettra pas de réguler l'assurance maladie.
En réponse à votre première question, je vous précise que ce dossier sera
traité en toute équité. Si j'ai pu me faire comprendre des généralistes réunis
à Strasbourg, c'est parce que M. Gaymard et moi-même avons pu donner à ces
hommes de terrain cette assurance.
L'hôpital doit, lui aussi consentir des efforts. Il n'est toutefois pas
question que ceux-ci soient disproportionnés. Ce n'est pas par un décret sur le
reversement que nous allons réguler le système. Nous le ferons grâce à la
maîtrise des dépenses de santé. Ce système ne fonctionnait pas auparavant car
les commissions locales paritaires ne se réunissaient pas ou avaient du mal à
prendre des décisions. Désormais, si ces commissions prennent pas des sanctions
lorsqu'il le faut, le comité médical régional, qui vient d'être créé, le fera.
Voilà comment nous parviendrons à réguler le système. Le reversement ne peut
être que l'ultime recours en cas d'urgence. Nous aurons d'ailleurs l'occasion
d'en débattre et, à cet égard, les propositions de la commission des affaires
sociales sont très intéressantes.
J'ajoute à l'intention de M. Jacques Larché que je suis, comme lui, très
sensible à la nécessité de préserver ce qui fait l'éthique d'une médecine
libérale. Mais cela ne signifie pas que l'exercice de la médecine doit rester
immuable. L'épanouissement de la médecine spécialisée a donné naissance, il
faut le reconnaître, à une médecine très fonctionnelle. C'est bien ! Mais il
faut aussi savoir redonner une place à une médecine plus globale, celle que
nous avons connue et qu'a illustrée pendant longtemps la médecine de famille :
elle permet, en effet, d'assurrer une prise en charge non seulement
fonctionnelle, mais également personnelle du malade.
C'est d'ailleurs au nom de cette vocation à exercer une médecine peut-être
plus sobre, mais plus attentive au diagnostic, plus marquée par ce caractère
intellectuel qui fait l'honneur de la médecine française, que nous parviennent
des échos favorables du monde médical.
Certes, il reste des médecins - les uns mal informés, les autres parfois un
peu craintifs - qui, aujourd'hui, ont le sentiment que cette réforme ne leur
est pas favorable. En fait, je le répète, cette réforme est favorable non
seulement à la nation et aux assurés sociaux, mais aussi à une médecine
française qui, si nous n'engagions pas ces efforts aujourd'hui, se verrait
alors remise en question. C'est ce que nous refusons, car nous voulons
préserver l'un des atouts fondamentaux de la France : son système de sécurité
sociale.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable