M. le président. « Art. 30. - A titre exceptionnel, il est prélevé, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, une somme de 4,5 milliards de francs sur les réserves constatées au 31 décembre 1996 du régime institué par le décret n° 63-1346 du 24 décembre 1963 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux agents permanents des collectivités locales et de leurs établissements publics. Le prélèvement de cette somme sera réalisé dans son intégralité au 1er janvier 1997. »
Sur l'article, la parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le ministre, vous prélevez à titre exceptionnel, au profit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, une somme de 4,5 milliards de francs sur les réserves constatées au 31 décembre 1996 de l'allocation temporaire d'activité.
« A titre exceptionnel », dites-vous. Mais votre projet de loi - on a pu le constater - est rempli de mesures prises à titre exceptionnel ! Pour peu, on pourrait dire que vous faites de l'exceptionnel votre règle ! C'est en effet à titre exceptionnel que l'on pérennise depuis 1994 la surcompensation de la CNRACL, alors que le régime est en déficit. Je m'attends à entendre de votre part la même remarque que celle que me fit, en son temps, votre collègue, alors ministre du budget, devenu depuis Premier ministre : les socialistes ayant créé la CNRACL, ils devraient donc s'abstenir de la critiquer.
Effectivement, nous avons créé la CNRACL, et nous le revendiquons. Encore faut-il préciser que, à cette époque, cette caisse était largement excédentaire. Ils s'agissait d'ailleurs d'une création à titre provisoire, que vous avez malheureusement pérennisée.
M. Charles Descours, rapporteur. Il y a les bons et les mauvais hold-up ! Quand la gauche en est à l'origine, ils sont bons !
M. François Autain. En l'occurrence, vous avez eu tort de suivre le mauvais exemple ainsi donné !
M. Charles Descours, rapporteur. On a toujours tort de suivre votre exemple !
M. François Autain. C'est donc une mesure qui, à mon avis, n'a plus lieu d'être aujourd'hui.
Comme mon collègue René Régnault, j'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises d'appeler l'attention du Gouvernement sur les difficultés financières induites par le taux élevé de recouvrement auquel est soumis la CNRACL au titre de la compensation, voire de la surcompensation entre régimes spéciaux. Si cette surcompensation pouvait se justifier en 1991, elle devient aujourd'hui incompréhensible quand elle conduit le régime au déficit, voire à la cessation de paiement puisque, dès 1994, elle a dû faire appel au marché monétaire pour assurer le versement normal des pensions.
Pour 1995, alors qu'elle a perçu 52,8 milliards de francs de cotisations et versé 35,6 milliards de francs de prestations, la CNRACL, l'une des caisses les plus saines de notre pays, a vu son équilibre financier rompu par un prélèvement de 19,5 milliards pour les surcompensations.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous décidez, pour équilibrer la CNRACL, de l'alimenter par une ponction de 4,5 milliards de francs sur les réserves du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité, l'ATI.
En toute hypothèse, cet équilibre ne peut être réalisé qu'à titre exceptionnel, puisque vous puisez toutes les réserves du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité et que, l'année prochaine, bien évidemment, le problème se reposera. En effet, comme beaucoup de mesures contenues dans ce type de projet de loi, il s'agit de mesures non reconductibles, de « fusil à un coup », pour reprendre l'expression employée par certains de nos collègues. Aussi nous demandons-nous comment vous procéderez l'année prochaine.
Une telle mesure vise en réalité à faire financer indirectement par l'ATI des régimes de retraites structurellement déficitaires, sous couvert de la CNRACL.
Outre que cette mesure réduit à néant les réserves de ce fonds et portera rapidement atteinte à sa mission première, cet expédient ne réglera les problèmes de trésorerie que pour le seul exercice 1996.
En l'absence de mesures visant à réduire le taux de prélèvement de la surcompensation, le déséquilibre induit de la CNRACL ira en s'aggravant en 1997 et risquera d'aboutir à une nouvelle augmentation significative des cotisations à la charge des collectivités.
Une fois de plus, monsieur le ministre, vous réglez le problème en superficie et non à la source ; vous choisissez, comme c'est malheureusement souvent le cas, la voie de la facilité.
L'efficacité sur cette question aurait été de nous conduire à un véritable débat sur les mécanismes de compensation.
Nous connaissons aujourd'hui les limites de la solidarité entre les régimes aux possibilités de financement limitées. Il n'appartient pas aux collectivités locales, à leurs personnels hospitaliers et territoriaux de financer seuls ces efforts de solidarité nationale.
Par souci d'équité, il était temps de retrouver les voies d'une véritable solidarité nationale, et vous aurez encore une fois manqué ce rendez-vous.
M. le président. Par amendement n° 86 rectifié, Mmes Fraysse-Cazalis et Demessine, M. Fischer, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les difficultés de trésorerie de la CNRACL sont dues à la surcompensation qui lui est imposée. Nous nous étions opposés à cette mesure qui aboutit à faire payer aux collectivités les retraites des agents de l'Etat et des entreprises publiques pour compenser les conséquences de la politique de suppression d'emplois et de démantèlement des secteurs industriels et le désengagement de l'Etat.
La surcompensation imposée à la CNRACL n'a rien réglé sur le fond. En revanche, comme nous l'avions dit à l'époque, la CNRACL a été mise en difficulté ! Vous avez alors augmenté dans des proportions considérables la cotisation employeur, alors que, parallèlement, vous décidiez des exonérations et des baisses de cotisations aux employeurs privés, c'est-à-dire que vous avez fait supporter aux contribuables cet effort supplémentaire. De nombreux élus d'appartenances politiques diverses, confrontés aux difficultés financières des collectivités locales, ont exprimé leur mécontentement face à cette démarche. Nous comptons surtout sur la sagesse du président du comité des finances locales !
Il vous a fallu trouver une nouvelle astuce pour alimenter la CNRACL. Vous allez donc piocher dans une caisse pour combler le trou que vous avez créé dans l'autre, et prélever ainsi 4,5 milliards de francs dans le fonds de l'allocation temporaire d'invalidité. Ce n'est pas une bonne solution ! Elle ne règle rien sur le fond puisque le déficit demeurera, et elle obéit surtout à cette logique qui consiste à faire payer les dégâts de votre politique aux contribuables des collectivités locales déjà asphyxiés.
Nous ne l'acceptons pas. Je constate que cet article suscite des réserves ici même, ce qui explique sans doute les timides amendements visant à plafonner cette disposition.
En conséquence, nous demandons la suppression de l'article 30.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, nous partageons bien évidemment les soucis qui ont été exprimés tant par M. Autain que par M. Fischer. Mais nous sommes amenés à voter aussi des recettes pour aboutir à un équilibre.
Nous avons effectivement attiré l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il s'agissait pour cette année d'un fusil à un coup ; mais, pour l'avenir, la commission vous proposera dans quelques instants, mes chers collègues, un amendement tendant à modérer ce qui s'est fait dans le passé.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 86 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 86 rectifié.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30.
(L'article 30 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 30