M. le président. Par amendement n° 16 rectifié ter, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Toutefois, les sommes effectivement versées par les régimes en application du deuxième alinéa et au-delà des versements effectués en application du premier alinéa, ne peuvent être supérieures, pour chacun d'entre eux et chaque exercice comptable, à 25 % du total des prestations qu'ils servent. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. La commission propose un plafonnement des versements effectués par les régimes spéciaux d'assurance vieillesse des salariés au titre des surcompensations.
La CNRACL est le régime qui contribue le plus, en valeur relative, aux transferts de compensation. Il faut donc que ces prélèvements ne pèsent ni sur les collectivités locales ni sur les hôpitaux.
La participation de la CNRACL à ces mécanismes s'est même accrue au cours des dernières années, en raison d'une augmentation du taux de recouvrement de la compensation entre régimes spéciaux. En effet, fixé à l'origine à 22 %, aux termes du décret n° 86-100 du 23 janvier 1986, ce taux a été porté à 30 % en 1992 et à 38 % en 1993.
Ce taux de 38 % est à l'origine des graves difficultés que connaît la CNRACL. En 1997, ces versements de surcompensation s'élèveront à environ 10 milliards de francs, pour un montant total de prestations évalué à 40 milliards de francs.
Les cotisations prélevées sur les ressortissants de ce régime sont donc de plus en plus souvent affectées aux ressortissants d'autres régimes spéciaux, dont les pensions de retraite sont liquidées dans des conditions variables, voire plus favorables.
M. le président de la commission a voulu donner un coup d'arrêt à la progression de ces prélèvements.
La rédaction de l'amendement a dû faire l'objet d'affinements successifs - cela explique la rectification ter - avec les différents services concernés, car le mécanisme de la surcompensation repose sur des opérations très complexes, fixées essentiellement par voie réglementaire.
Il s'agit, en fait, de plafonner à 25 % les versements de surcompensation de la CNRACL effectivement constatés sur chaque exercice comptable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot ministre du travail et des affaires sociales. Je tiens, tout d'abord, à rappeler la légitimité et l'utilité des systèmes de compensation. Il faut bien que la solidarité entre les régimes s'exprime, faute de quoi des régimes liés à des activités professionnelles en déclin auraient disparu ! Il n'est donc pas anormal que le petit-fils du mineur, devenu agent hospitalier ou secrétaire de mairie, participe au financement de la retraite de son grand-père.
Il est vrai, cependant, que ces transferts, en particulier ceux qui découlent du système dit de surcompensation entre régimes spéciaux, peuvent atteindre des montants très importants par rapport au montant des prestations servies aux affiliés du régime contributeur.
Le Sénat, par la voix de son rapporteur et du président de sa commission des affaires sociales, entend instaurer, là aussi, une règle plus vertueuse, en limitant les effets de ce système de surcompensation.
Le Gouvernement est bien conscient que cela supposera de sa part une plus grande discipline, et donc des contraintes.
Mais, chaque fois que le Sénat, au cours de ce débat, à fait preuve de rigueur, de courage, de responsabilité - tel a souvent été le cas - le Gouvernement a essayé de le suivre.
Par conséquent, quelles que soient les incidences un peu contraignantes de cet amendement, je l'accepte. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16 rectifié ter.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ce amendement appelle de ma part deux remarques.
Par delà le rappel très pertinent de M. le ministre sur la nécessaire solidarité entre les régimes au travers de la compensation, je veux insister sur le fait que nous constatons tous que la situation de la CNRACL évolue. Je l'ai écrit dans mon rapport et dit dans mon propos introductif : le nombre de ses cotisants tend à baisser alors que le nombre de personnes accédant à la retraite tend à augmenter.
Compte tenu de cet effet de ciseau, si nous poursuivons ainsi, à un moment donné, la CNRACL se retrouvera dans une situation difficile ; cela aura des répercussions immédiates sur les collectivités, qui devront financer la compensation au travers de leurs cotisations.
C'est la raison pour laquelle l'initiative de la commission, inspirée par son président, m'apparaît tout à fait heureuse. C'est ma première remarque.
Cela étant, le problème plus global qui se pose - vous l'avez évoqué en commission, monsieur le ministre, M. le président Fourcade l'a abordé dans son intervention - c'est celui des régimes spéciaux. Il faudra bien qu'un jour ou l'autre nous ayons le courage de nous atteler à sa résolution.
On sait qu'à terme le problème va se poser de manière aiguë, que nombre de régimes spéciaux vont se trouver dans une situation de plus en plus difficile. Plus le temps passe, plus le déséquilibre de ces régimes va se trouver accentué. Je sais que le Gouvernement en a bien conscience.
Il va donc falloir trouver les formules et les modes de concertation appropriés pour éviter de nous retrouver dans la situation que nous connaissons chaque année et qui consiste à faire jouer la surcompensation pour atteindre l'équilibre au niveau de l'ensemble des régimes de retraite.
Des réformes structurelles pour les régimes spéciaux sont indispensables. Aujourd'hui, au travers de cet amendement, qui tend à instaurer un plafonnement, nous prenons date : il faudra aller au-delà.
Aller au-delà, nous ne pourrons le faire que s'il y a à la fois une volonté gouvernementale et une volonté de la majorité politique de ce pays. Cette volonté, nous l'avons tous, je n'en doute pas. Sachez, en tout cas, que vous pouvez compter sur nous, monsieur le ministre. J'espère même que l'opposition apportera sa contribution, car, elle le sait bien, la situation n'est pas nouvelle et, sur ce sujet, elle n'a pas de leçon à nous donner.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je tiens d'abord à remercier M. le ministre d'avoir accepté notre amendement.
Bien sûr, celui-ci n'aura pas d'effet en 1997 puisque, pour cette année, conformément à l'article 30 que nous venons de voter, le déficit de la CNRACL sera comblé par le prélèvement sur le fonds dont, miraculeusement, l'excédent correspondait au déficit de la caisse.
Mais ce qui nous inquiète, c'est 1998 et les années suivantes. A cet égard, il faut rappeler que, lorsque la surcompensation a été mise en place, son taux était de 25 % et qu'avec un tel taux la caisse, qui alimente non seulement les retraites de la fonction publique territoriale mais aussi celles de la fonction publique hospitalière, était riche ; le ratio était tellement bon qu'une surcompensation de 25 % n'entraînait pas pour elle de déficit.
Ce n'est que lorsque le gouvernement qui a précédé le gouvernement de M. Balladur - c'est cela que vous avez oublié de dire, monsieur Autain ! - a augmenté le taux de 25 % à 38 % que l'on a créé un déficit et que l'on a transféré la charge de son financement sur les employeurs.
Pour les collectivités locales, il s'agit d'un transfert Etat-collectivités locales, mais, pour les établissements hospitaliers, c'est vraiment la politique de gribouille,...
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. ... puisque cela revient à transférer un déficit sur un autre. Cela ne peut pas aller !
C'est cette majoration du taux de surcompensation qui explique l'amendement de précaution que vient de défendre excellemment M. Descours.
Monsieur le ministre, vous avez donc accepté que, à partir de 1997 et pour les années suivantes, on plafonne la surcompensation - exercice par exercice et compte tenue des versements effectifs, de manière à éviter toute confusion entre la trésorerie et le budget - à 25 % du montant des prestations. Le Gouvernement ne pourra plus majorer ce taux qui, fixé à 25 %, permettra, pendant plusieurs années, d'éviter toute majoration des cotisations, puisque tel est l'objet réel de la mesure.
Il reste, comme l'a dit M. Vasselle, à mettre de l'ordre dans l'ensemble des régimes spéciaux et à faire en sorte que l'Etat, monsieur le ministre - à travers vous, je m'adresse au Gouvernement - arrive, un jour, à gérer l'ensemble des retraites qu'il verse aux agents de la fonction publique de l'Etat dans des conditions satisfaisantes.
Dire qu'il n'y a pas de régime de retraite de l'Etat ! Il y a un simple calcul budgétaire, qui consiste, d'un côté, à payer des traitements et, de l'autre, à payer des retraites. On ne peut trouver plus mauvaise gestion que celle qui est faite ainsi par le ministère de l'économie et des finances !
Par conséquent, par delà cet amendement, qui est un amendement de précaution, j'émets le voeu que l'on parvienne enfin, comme M. le Premier ministre l'avait promis le 15 novembre 1995...
M. François Autain. Des promesses, il y en a eu !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... à la création d'un régime de retraite pour l'ensemble des agents de la fonction publique, qu'elle soit de l'Etat, des collectivités locales ou des établissements hospitaliers, avec un système de gestion véritable et sérieux.
Alors que nous discutons depuis trois jours des équilibres généraux de la sécurité sociale, une amélioration de la gestion des retraites servies par l'Etat à ses propres agents, serait à nos yeux un réel progrès.
Monsieur le ministre, il faut que vous disiez au Premier ministre et aux ministres responsables qu'on ne peut pas demander aux caisses de sécurité sociale, aux organismes médico-sociaux, aux collectivités territoriales, de faire des efforts pour améliorer leur gestion, alors que l'Etat lui-même n'est pas capable, en matière de retraites, de mettre en place un système de gestion moderne, transparent et performant.
Quand j'entends certains donner des leçons de gestion aux collectivités locales et que je vois la dette de l'Etat et la mauvaise gestion des pensions de retraite des agents de l'Etat, je ne peux m'empêcher de penser à la parabole de la paille et de la poutre ! Avant de donner des leçons de gestion aux autres, il faut commencer par balayer devant sa porte ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Nous voterons cet amendement parce qu'il constitue, malgré tout, une mesure de sauvegarde, étant entendu que le rapport entre les cotisations et les prestations est actuellement, si j'en crois le rapport, de 130 % Si ce rapport devait se détériorer dans les années qui viennent, cette mesure de sauvegarde ne serait plus suffisante et il conviendrait de la réviser.
Je suis peut-être moins optimiste que M. le président de la commission : je ne suis pas certain que cela puisse être opérationnel pendant plusieurs années. Cependant, pour 1998, cela devrait être suffisant.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen votera également cet amendement.
J'aurai toutefois l'occasion, en défendant notre amendement dans un instant, de préciser notre position. En effet, si nous avons trouvé une solution pour le court terme, le problème reste entier. Les collectivités locales ont besoin, tout comme la CNRACL, d'obtenir des assurances sur le moyen et le long terme.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifé ter, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30.
Par amendement n° 87 Mmes Fraysse-Cazalis et Demessine, M. Fischer, Mme Beaudeau, M. Loridant, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions de l'article 78 de la loi de finances pour 1986 (loi n° 85-1403 du 29 décembre 1985) sont abrogées.
« II. - Les dispositions du sixième alinéa du II de l'article L. 125 OA du code général des impôts sont abrogées. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La situation de la trésorerie et l'évolution structurelle d'un certain nombre de régimes spéciaux de protection sociale ont conduit le gouvernement, au milieu des années quatre-vingt, à mettre en place un dispositif de surcompensation généralisée entre régimes spéciaux.
Il existe en effet dans notre pays un certain nombre de régimes spéciaux - plus d'une vingtaine - prenant essentiellement en charge des prestations d'assurance vieillesse. Ces régimes sont en difficulté, non pas tant d'ailleurs en raison de leur évolution démographique propre qu'en raison des conséquences de choix industriels et économiques opérés au plus haut niveau.
Plus précisément, les régimes spéciaux des cheminots, des mineurs ou encore celui de la marine marchande connaissent une aggravation constante de leurs difficultés structurelles.
S'agissant des cheminots, il faut y voir la conséquence de la politique menée en matière de transports, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle a été marquée, dans la dernière période, par un développement constant du fret par voie routière et par la réduction sensible des effectifs de la SNCF.
De surcroît, le choix de développement des liaisons à grande vitesse a de toute évidence pesé sur le maintien des dessertes d'intérêt régional, voire de certaines liaisons interrégionales, pourtant importantes, et entraîné une réduction de la présence de la SNCF dans de nombreuses régions du pays.
Dans un autre ordre d'idées, des choix nationaux tendant à la réduction de notre capacité de production minière ont été effectués. Ils ont conduit à la quasi-liquidation de nos exploitations, avec de multiples conséquences dont la moindre n'est pas la structuration du déficit du régime de protection sociale minière, pourtant relativement performant et peu coûteux, du fait de la détérioration continuelle du ratio cotisants sur retraités et ayants droit.
Ces choix ont été justifiés, à l'époque, comme d'ailleurs ceux qui ont été opérés à propos de la desserte du territoire national par chemin de fer - c'est l'habitude dans ces cas-là - par des motivations d'ordre économique, plaidant pour l'un et l'autre cas la rentabilité économique de la poursuite des activités de production, alors même que l'expérience prouve que l'on ne peut en toute objectivité envisager le maintien ou la disparition d'une activité économique sans prendre en compte l'ensemble des paramètres, y compris les conséquences sur le niveau et le nombre des emplois induits qui résultent de la poursuite ou de l'arrêt de l'activité considérée.
L'économie de nombreuses villes et de nombreux villages de notre pays, l'aménagement du territoire ont, en effet, été si longtemps dépendants de l'existence d'exploitations minières ou de grands centres ferroviaires que le rétrécissement ou la disparition de ces activités entraînent toute une série de conséquences sur l'environnement socio-économique, génératrices de nouveaux coûts pour la collectivité, parfois bien supérieurs à ceux qui auraient pu résulter de la poursuite de l'activité en question.
Toujours est-il que, pour pallier les difficultés ainsi causées aux régimes spéciaux considérés, on a eu recours à une surcompensation généralisée entre régimes spéciaux. Or son coût pour les collectivités locales n'a cessé de croître, jusqu'à entraîner un véritable assèchement des réserves du régime de la CNRACL. Nous sommes là au coeur du débat sur les régimes spécifiques.
Le montant de la charge de compensation et de surcompensation de ce régime est aujourd'hui particulièrement important, puisqu'il est proche de 19 milliards de francs, si l'on en croit le tableau annexé par le rapporteur à son instructif rapport sur la situation des comptes sociaux.
Le conseil d'administration de la CNRACL a cru de son devoir de s'opposer à la solution de pis-aller définie dans le présent projet de loi de financement, solution prévue à l'article 30 et qui consiste à assurer temporairement l'équilibre de la caisse en ponctionnant les réserves du fonds gérant l'allocation temporaire d'invalidité.
De fait, depuis 1985, ce sont plus de 73 milliards de francs qui ont été ponctionnés dans les caisses de la CNRACL pour faire face aux charges de surcompensation.
On est tout de même parvenu, entre la surcompensation et la compensation généralisée, à faire partir près de 40 % des cotisations versées par les employeurs, situation pour le moins étonnante quand le Gouvernement s'attache, dans les discours et dans la pratique, à réduire les cotisations des entreprises privées.
Il est donc plus que temps de mettre un terme à une situation dont la traduction concrète se manifeste, en dernier lieu, par des augmentations importantes d'impôts locaux, par la réduction du nombre des créations d'emplois publics et de services nouveaux offerts à la population, toutes nécessités pourtant objectives dans la situation économique et sociale que nous connaissons.
Cet amendement tend donc à rendre à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales les moyens de développer son activité au service des agents retraités de la fonction publique territoriale, ainsi que le demande d'ailleurs le conseil d'administration de l'établissement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement. Nous venons de voter une disposition qui règle la question, au moins temporairement. Nous restons donc fidèles à une ligne de conduite que vient d'approuver la majorité du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 87, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
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