PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le
ministère de la défense.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il
encore nécessaire d'expliquer que la défense de la France doit évoluer en
fonction de la situation géopolitique et stratégique européenne, voire
internationale, dont les données fondamentales ont subi une profonde
transformation ces dix dernières années ?
Le président Jacques Chirac nous a soumis une nouvelle programmation militaire
tenant compte de ces facteurs nouveaux. Nous allons, aujourd'hui, examiner les
moyens alloués à la première annuité de cette programmation.
La situation économique et sociale de la France, associée aux défis financiers
et monétaires que nous devons relever, compliquent cet exercice budgétaire et
lui imposent des contraintes drastiques ; nous en sommes conscients.
La tâche s'en trouve démesurée, comme le seront les conséquences sur notre
pays, ses industries, ses entreprises, ses populations, l'emploi, ses
collectivités locales, l'aménagement de son territoire. Voilà pourquoi je me
demande si le rythme imposé pour atteindre nos objectifs n'est pas un peu trop
précipité.
Ne serait-il pas préférable, monsieur le ministre, d'accorder le temps
nécessaire pour que s'opèrent des changements au demeurant indispensables ? Un
rythme plus mesuré permettrait aux acteurs locaux de mettre en place les
aménagements utiles à une véritable mutation plus constructive.
Votre budget montre que vous avez évalué et programmé le coût direct de la
professionnalisation des armées, même si ces financements me semblent très
serrés, voire trop serrés.
Cependant, avez-vous calculé le coût indirect de cette professionnalisation du
point de vue de l'aménagement du territoire ? Vous me direz que ces questions
ne sont pas entièrement de votre ressort et vous me conseillerez de m'adresser
au ministre compétent, qui a d'ailleurs prévu des compensations tant françaises
qu'européennes. Mais, vous apprendrai-je qu'en matière de gestion tous les
facteurs sont liés, que vous ne pouvez réaménager un secteur sans en affecter
profondément au moins un autre ? Je ne citerai que deux exemples : la fonction
publique territoriale, pour laquelle vous avez souhaité avoir des emplois
réservés, et la gendarmerie, qui sera sans doute tentée, pour résorber des
effectifs venant directement de l'armée, de restreindre l'accès à ses concours
de recrutement direct.
Le prix à payer en termes de difficultés sociales et économiques sera lourd,
j'en suis persuadé, pour les innombrables collectivités dont la survie est
souvent étroitement liée aux garnisons.
A nouveau, monsieur le ministre, je vous invite à venir le constater dans la
petite ville de l'Aisne dont je suis le maire, Sissonne, où nous vous attendons
toujours. Nous nous heurtons exactement à cette problématique, qui est
inquiétante, certes, mais qui est surtout désespérante.
En décidant de relancer la campagne des essais nucléaires, le Président de la
République a désigné la dissuasion comme l'un des piliers de la défense à la
fois française et européenne. C'est bien, car la dissuasion nucléaire française
s'inscrit dans le cadre d'une concertation européenne forte au sein duquel
notre pays a un rôle à jouer, et c'est heureux.
La France doit également agir aux niveaux national et européen pour encourager
les coopérations aussi bien en matière d'armement que de défense.
Les ministres de la défense des treize pays de l'Union de l'Europe
occidentale, parmi lesquels notre pays joue un rôle moteur, viennent de
concrétiser ces objectifs en approuvant les statuts de l'Organisation de
l'armement de l'Europe occidentale, l'OAEO, prévue à l'article 8 du traité de
Bruxelles. Je m'en félicite, comme vous, je suppose.
Je minorerai cependant mes propos pour constater l'existence d'un large fossé
entre les déclarations d'intention européennes et les pratiques en cours sur le
continent.
Je n'en donnerai qu'un exemple récent parmi de nombreux autres : celui de la
Grèce, membre associé de l'UEO à travers son appartenance à l'Union européenne,
qui procède également de son côté à un plan de modernisation de ses armées,
étalé sur dix ans.
Dans cet esprit, la Grèce envisage l'achat de nouveaux avions de combat,
d'hélicoptères de transport et de systèmes de défense antiaérienne pour
rajeunir ses moyens de défense. La plus grande partie de ces acquisitions
devrait être faite aux Etats-Unis. L'achat éventuel d'un aéronef européen, un
Mirage 2000, pourrait, nous dit-on, être envisagé.
Je souhaite connaître, monsieur le ministre, votre point de vue sur cette
épineuse question : peut-on, selon vous, dans un tel cas, faire jouer le
principe de préférence communautaire ?
Par ailleurs, sommes-nous déjà placés auprès des pays d'Europe centrale, voire
auprès de certains pays de l'Est - je pense notamment à l'Ukraine - qui
frappent à la porte de l'OTAN et de l'UEO ? J'ai eu l'occasion, ce matin,
d'entendre le président de la République polonaise déclarer devant l'Assemblée
de l'UEO que son pays choissirait comme partenaires ceux qui lui proposeraient
des projets en rapport avec ses moyens, ne citant la France que parmi d'autres
pays.
La production du véhicule blindé du futur, dont la mise en service en nombre
interviendra dès 2007, fait partie des projets qui bénéficieront des
coopérations européennes. C'est, à l'évidence, dans de telles réalisations que
la dimension européenne doit en premier lieu s'exercer, c'est-à-dire dans le
cadre de dynamiques de projets concrets et bénéfiques pour nos pays, pour leurs
industries, leurs économies et leur politique de défense.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la défense qui nous est présenté aujourd'hui sera, vous le savez comme moi,
très difficile à respecter. Il ne comprend pas beaucoup de marges de manoeuvre.
De plus, certains postes de financement ne sont que partiellement pris en
compte, celui des actions extérieures notamment. En outre, quelques zones
d'ombre entourent les points qui sont matière à interrogations, comme les
reports, dont vous avez tenu compte pour seulement six mois.
Telles sont quelques-unes des inquiétudes et des interrogations que m'inspire
votre budget. J'attends vos réponses, monsieur le ministre, car il est
indispensable aux parlementaires et aux élus locaux que nous sommes, d'y voir
plus clair. Je partage le point de vue pragmatique de la grande majorité des
Français qui accepte le changement quand il est utile, les efforts et les
restrictions quand ils sont nécessaires. Je souhaite que vos propositions
aillent dans le sens de l'intérêt de notre pays et de l'Europe, qu'elles
participent à la réalisation de l'édifice qui améliorera l'avenir de nos
concitoyens. Si tel est le cas, vous pourrez compter sur mon adhésion pleine et
active.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
se limitera à quelques observations relatives à la direction des constructions
navales, la DCN.
Le budget de la marine s'inscrit cette année dans le cadre de l'exécution de
la loi de programmation militaire du 6 juin 1996, votée pour la période
1997-2002.
Il s'agit de mettre en oeuvre la première étape de ce véritable défi que
constitue le passage à la réduction des formats et à la
professionnalisation.
La capacité d'équipement future de la marine est largement conditionnée par
l'avenir de la DCN.
Depuis 1992, cette dernière a considérablement évolué, puisque les activités
étatiques ont désormais une structure distincte des activités industrielles.
Rattachée au délégué général pour l'armement, la DCN étatique représente
l'Etat investisseur.
La DCN industrielle, c'est-à-dire les 9 arsenaux d'Etat, devrait évoluer vers
un mode de fonctionnement qui la rapproche d'une entreprise.
Parallèlement, depuis 1991, la DCN international, société de droit privé, a
vocation à développer les actions commerciales à l'exportation des matériels
navals.
A cet égard, tout le monde s'accorde à reconnaître que le secteur de la
construction navale est surcapacitaire au regard des commandes nationales, ce
qui nécessite de recourir à la diversification et à l'exportation.
L'objectif de porter les exportations à 5 milliards de francs à court terme
est ambitieux, car il représente le tiers du marché international ouvert. Il
n'est toutefois pas hors de portée.
La DCN se trouve bien placée pour répondre à la demande du marché mondial :
elle maîtrise, en effet, tous les types de navires depuis la vedette en
matériaux composites jusqu'au porte-avions nucléaire.
Sa compétence s'étend depuis les premières études jusqu'au retrait du navire
du service actif en passant par la construction, la maîtrise de l'intégration
des armes à bord ainsi que l'entretien en service, ce qui est particulièrement
précieux pour l'exportation.
Dans le contexte concurrentiel international, force est de constater que les
principaux pays européens possèdent une industrie navale capable de répondre à
l'ensemble des besoins d'une marine, avec toutefois quelques nuances que je ne
développerai pas.
Les Etats-Unis, pour leur part longtemps absents du marché, ont bien
l'intention d'y rentrer en force, et feront peser sur les constructeurs navals
européens une menace toujours plus grande dans les prochaines années, mettant
en oeuvre une longue tradition de soutien aux exportations d'armement. Quant à
l'ex-Union soviétique, en dépit de handicaps techniques et de problèmes de
logistique, elle mène actuellement une politique d'exportation très
agressive.
Face à cette offre, se trouvent au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud
des zones où les possibilités de contrats sont les plus grandes.
En Asie du Sud-Est notamment, ont été entamés des programmes d'acquisition
dans le domaine des navires de surface mais aussi de sous-marins et même de
porte-aéronefs.
C'est sans doute là que se décidera l'avenir de certains constructeurs
européens, d'autant que ces pays sont très soucieux de développer leurs
industries de pointe et demandent que les contrats soient assortis de
transferts de technologie.
La réforme que vous avez engagée, monsieur le ministre, comporte un axe fort
du développement des marchés à l'exportation, et la DCN entend prendre un
pourcentage significatif - 30 % - de parts de marchés, notamment en matière de
sous-marins.
Pour ce faire, il faut impérativement réunir plusieurs conditions : d'abord,
il convient que la ventilation des programmes prévus dans le budget de la DCN
soit de nature à faciliter cet objectif ; ensuite, il est nécessaire de
conserver un socle de personnel suffisant en nombre et en gamme de compétences
pour rester opérationnel, ainsi qu'un plan de charges suffisant pour maintenir
le savoir-faire.
Permettez-moi de rappeler que la marine américaine, qui ne compte plus de
sous-marins diesel électrique depuis de nombreuses années, a perdu le
savoir-faire dans la construction de ce type de navire, mais qu'elle cherche
des partenaires pour retrouver sa compétence dans ce domaine.
Or nos plans de charge sont en dents de scie en raison de la nature même des
activités qui voient se succéder études et constructions.
A l'heure actuelle, à la DCN de Cherbourg, et pour l'année 1997, l'activité
études est en forte chute ; elle doit remonter à la fin de 1998.
L'activité construction, creuse dans les prochaines années, devrait remonter
après l'an 2000.
Il est donc particulièrement important, monsieur le ministre, pour faire la
soudure, assurer l'avenir et utiliser le personnel disponible, de mettre en
oeuvre dès 1997 les moyens nécessaires au développement de la politique
ambitieuse d'exportation que vous souhaitez mener et dont je me félicite ; il y
a urgence en la matière.
C'est à cette fin que je proposerai un amendement visant à mettre en place une
procédure de pré-financement de matériel à exporter et à engager l'ensemble des
études nécessaires à la vente, y compris les transferts de technologie. Pour
cela, le soutien et l'accompagnement de l'Etat sont nécessaires. J'espère vous
avoir convaincu, monsieur le ministre, de l'urgence qui s'attache, pour notre
DCN, au fait d'être en mesure de répondre à des commandes à l'exportation le
plus rapidement possible.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Husson.
M. Roger Husson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de la défense pour 1997 n'est autre que la première application de la
loi de programmation militaire votée en juin dernier.
Il traduit d'une façon concrète les engagements pris par le Président de la
République, chef des armées, le 22 février dernier et, par cohérence, je ne le
critiquerai pas dans son ensemble.
Cependant, si cette première tranche annuelle reçoit mon approbation, elle
mérite aussi toute ma vigilance. Je suis donc à la fois rassuré et inquiet.
Je suis rassuré, parce que ce budget, pilier de la réforme, respecte les
objectifs de la loi de programmation, avec 190,9 milliards de francs, répartis
entre 102,2 milliards de francs pour le titre III - fonctionnement - et 88,7
milliards de francs pour les titres V et VI - équipements - et ce malgré une
diminution de 20 milliards de francs par rapport aux précédentes prévisions.
Je suis toutefois inquiet, car des incertitudes demeurent sur le plan
budgétaire et sur l'évolution des capacités opérationnelles de nos armées.
Je commencerai par examiner l'aspect budgétaire.
L'apurement de la gestion 1995 au cours de l'exercice 1996 va se traduire par
des reports de charges dont le montant n'est pas encore connu. Par ailleurs, on
peut se demander si les annulations supportées par le titre V et décidées en
avril, en septembre et en novembre derniers, pour un montant de 8,4 milliards
de francs, ne vont pas peser sur l'exécution de la programmation et gager les
ouvertures de crédits au titre des opérations extérieures.
Si l'on veut mettre en oeuvre, de façon méticuleuse, le projet de réforme du
chef de l'État, la plus grande rigueur s'impose, dès 1997, dans la gestion et
l'exécution budgétaire, mais cette ambition est soumise à une condition :
l'invariabilité des crédits établis par la loi de programmation militaire. En
effet, tout report, tout gel, toute annulation pourrait rendre nos forces
armées plus fragiles, mais, en outre, si les compteurs ne sont pas mis à zéro,
c'est toute la loi de programmation militaire qui pourrait être remise en
cause.
J'en viens, maintenant, au volet militaire.
On peut se demander si les moyens alloués au titre de ce budget seront
suffisants pour être en phase avec la doctrine de projection.
En effet, si les crédits dédiés au nucléaire restent importants par rapport
aux autres domaines, si des crédits sont inscrits pour la poursuite des
programmes majeurs tels que le char Leclerc, l'hélicoptère Tigre, le
porte-avions nucléaire
Charles-de-Gaulle,
si les crédits spatiaux et la
dotation en missiles sont en partie préservés, si les programmes dits de «
cohérence interarmées » - renseignement, commandement et communication - ont le
vent en poupe, certaines évolutions des capacités opérationnelles de l'armée de
terre, de la marine et de l'aviation de guerre me préoccupent néanmoins.
Tout ayant été dit à ce propos lors de l'examen du projet de loi de
programmation militaire et lors du dernier débat sur la défense qui a eu lieu
en octobre dernier, je m'attarderai plus particulièrement sur trois aspects :
l'aéromobilité, le renseignement et l'aviation de combat.
En ce qui concerne l'aéromobilité, la capacité de projection des forces et de
la puissance d'une armée de terre est fonction notamment des matériels.
Or l'aéromobilité est en panne.
Selon le chef d'état-major de l'armée de terre, l'ALAT, l'aviation légère de
l'armée de terre, est bien entendu maintenue, et la composante aéromobile
évoluera en cohérence avec la réduction du format et les besoins de l'armée de
terre. Elle comprendra quatre régiments d'hélicoptères organisés principalement
au sein d'une brigade aéromobile.
Or je constate que le projet de budget ne prévoit aucune commande
d'hélicoptères. Certes, l'industrialisation du Tigre sera lancée, et le
développement du NH 90 poursuivi. Mais le Tigre ne sera commandé qu'à
vingt-cinq exemplaires entre 2000 et 2005, les premières livraisons ayant lieu
vers 2003. Quant à l'hélicoptère de manoeuvre NH 90, il sera commandé à
soixante exemplaires, mais pas avant l'an 2000.
De plus, le Tigre et le NH 90 font partie d'un programme d'armement mené en
coopération avec l'Allemagne. Or cette coopération n'est plus ce qu'elle était
: elle a été entamée par un certain nombre d'initiatives unilatérales de la
France.
Des malentendus risquent d'avoir des conséquences sur le déroulement de ce
programme, lequel, d'ailleurs, est actuellement remis en question et fait
l'objet de discussions n'associant pas nos partenaires.
J'espère, dans l'intérêt de notre défense, que ce programme sera poursuivi.
Dans le cas contraire, c'est toute la capacité de la 4e division aéromobile -
DAM - à assurer des missions de projection qui serait remise en question.
Comme certains de mes collègues, je m'interroge donc sur l'avenir de
l'ALAT.
Mon deuxième sujet de préoccupation touche au renseignement.
La stratégie de prévention que développe notre pays repose pour l'essentiel
sur le renseignement.
Les outils principaux du renseignement stratégique seront le satellite
d'observation Helios 2 et le satellite radar Horus, dont les crédits figurent
dans le projet de budget pour 1997 à concurrence de 3,3 milliards de francs ;
le renseignement satellitaire est développé dans le cadre d'un partenariat
franco-allemand. Or, la participation de Bonn aux programmes bilatéraux demeure
incertaine.
L'absence de réponse ferme de la part de l'Allemagne, au 1er octobre dernier,
n'a pas permis de lancer la procédure d'appel d'offres pour le satellite de
reconnaissance Hélios 2.
Les problèmes sont du même ordre du côté du renseignement de théâtre, avec
l'abandon du projet franco-allemand de drones de type Brevel.
Il est donc capital d'obtenir toutes assurances sur la participation de
l'Allemagne à ces projets. Tout retrait, même partiel, ou tout retard
nécessiterait soit le maintien en orbite du satellite Hélios 1 soit un
accroissement de notre effort financier, qui n'a pas été programmé.
La participation de l'Allemagne est d'autant plus importante que les projets
Hélios 2 et Horus sont liés.
Le 12 novembre dernier, l'agence franco-allemande de l'armement a été mise en
place. Il est temps que l'Allemagne s'engage dans ces projets spatiaux et
qu'elle le confirme lors du sommet franco-allemand du 9 décembre prochain ;
j'espère vivement qu'elle le fera.
Le dernier aspect préoccupant de l'évolution de nos forces armées concerne
notre aviation de combat.
A considérer l'équipement, c'est-à-dire les titres V et VI, le projet de
budget pour 1997 de l'armée de l'air est effectivement conforme à la loi de
programmation militaire.
Ces crédits s'élèveront à 21,63 milliards de francs en 1997, soit une
augmentation apparente de 2,5 %, en raison des transferts de crédits
d'entretien programmés du titre III vers le titre V. En réalité, ils sont en
diminution de 3,7 % par rapport aux crédits disponibles alloués en 1996, qui
s'élevaient à 22,46 milliards de francs.
Quant aux crédits de fonctionnement du titre III, ils baisseront de 5 % en
francs constants en 1997. Les crédits consacrés à l'activité aérienne, qui
représentaient à eux seuls 14 % du titre III en 1996, n'en représenteront plus
que 11 % en 1997.
Enfin, en ce qui concerne les crédits destinés au carburant des aéronefs, ils
ont simplement été reconduits en francs courants, sans tenir compte du prix de
baril ni des fluctuaux monétaires.
Il faut savoir que, depuis 1993, notre armée de l'air était parvenue, malgré
les restrictions budgétaires, à maintenir un taux moyen annuel de 180 heures,
soit le taux standard minimal de l'OTAN, alors que ce taux est de 230 heures
aux Etats-Unis.
Si aucune solution n'est trouvée avant la fin de l'année, la moyenne des
heures de vol de nos pilotes de chasse pourrait passer de 180 heures à 170
heures par an, ce qui, à terme, se ressentirait sur la sécurité des vols et le
niveau même de nos pilotes.
A quoi sert-il d'avoir des avions si l'on ne peut les utiliser sans danger,
faute d'entraînement ? Cette situation devra impérativement être améliorée en
1997. Des compléments de crédits devront être trouvés en 1997, comme cela a été
le cas en 1996.
Quoi qu'il en soit, l'armée de l'air est particulièrement touchée puisque
aucun aéronef ne sera commandé en 1997. Elle recevra seulement six Mirage 2000
D et le premier Mirage 2000-5, avec deux ravitailleurs Boeing KC 135, achetés
aux Américains, et un hélicoptère Cougar de secours.
Les programmes Mirage 2000 mobiliseront 3,2 milliards de francs, alors que le
programme Rafale, qui continue selon le calendrier prévu, malgré un quasi-arrêt
cette année, recevra près de 3,6 milliards de francs dans la perspective d'une
livraison des premiers appareils, en principe, à partir de 1999.
Bref, notre armée de l'air fait figure, sinon de sacrifiée, du moins de
parente pauvre de nos armées.
Considérée un peu vite comme l'armée la plus professionnalisée, saura-t-elle
faire face, pour reprendre sa devise, au nécessaire renouvellement de sa flotte
de combat ? Je me le demande.
D'ores et déjà, un point est acquis : le reformatage de l'armée de l'air avec
380 avions en 1997 place la France à un rang inférieur à celui de nos
principaux alliés, en particulier l'Allemagne, qui alignera en 1997 plus de 900
avions de combat.
Monsieur le ministre, en conclusion, je dirai que, sous réserve des
observations qui précèdent, le budget que vous nous proposez est courageux et
globalement conforme à la première année de la loi de programmation militaire.
Il s'inscrit dans la voie tracée par le chef de l'Etat tout en tenant compte
des difficultés du présent. Il reste cependant à en garantir l'exécution. Je
vous fais confiance pour y parvenir, tout en faisant, bien entendu, preuve
d'une grande vigilance. Je voterai donc votre budget.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'insécurité
est un fléau qui ne frappe pas que les villes et leurs banlieues ; le monde
rural n'y échappe pas.
Les populations supportent de plus en plus mal cette situation. D'ailleurs,
des manifestations d'exaspération éclatent ici et là. Les élus locaux sont
interpellés : on exige d'eux qu'ils trouvent des solutions. Nous avons beau
expliquer que les statistiques sont apparemment bonnes, l'état d'esprit
continue à se dégrader.
Les populations rurales attendent beaucoup des gendarmes, mais ceux-ci ont
beaucoup à faire ! Leurs missions se diversifient et augmentent en nombre ainsi
que, souvent, en complexité.
Disposent-ils, monsieur le ministre, des moyens indispensables à l'exercice de
leurs responsabilités ?
Le budget de la gendarmerie augmente de 1,72 %. Mais s'agit-il réellement
d'une augmentation ? Déjà, l'inflation risque de n'être pas totalement
compensée. De plus, l'accroissement de leurs missions n'est pas, me
semble-t-il, pris en compte.
Dans beaucoup de cas, le renouvellement du matériel ne se fera pas. Même le
carburant risque de manquer, car, dans ce domaine, l'effort d'économie me
paraît trop grand.
Votre budget, monsieur le ministre, est insuffisant s'agissant tant du
fonctionnement que de l'investissement.
Or cette situation ne va pas s'améliorer : la population augmente, la
population âgée augmente encore plus vite, le chômage s'accroît et ses
conséquences très souvent négatives sur les comportements se font de plus en
plus sentir.
Bientôt, il n'y aura plus de gendarmes auxiliaires. Certes, leur remplacement
est prévu, mais le financement ne l'est pas et les volontaires coûteront plus
cher que les auxiliaires.
Un proche avenir confirmera que vous avez sous-évalué le coût de la
disparition de l'actuel service national, car, malgré le remplacement des
gendarmes auxiliaires, le remplacement des gendarmes indisponibles pour des
raisons diverses n'est pas toujours facile.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous suggère la mise
en place de brigades non affectées territorialement qui, au niveau d'un
département, pourraient remplacer les gendarmes absents.
Dans les petites brigades, ce non-remplacement pose des problèmes de
fonctionnement très délicats. Malgré, parfois, le renfort d'un gendarme
auxiliaire, l'effectif théorique n'est généralement pas atteint. Dans la
plupart des cas, ces renforts sont très appréciés des élus communaux, mais ces
derniers doivent les loger. Ces transferts de charges ont tendance à se
généraliser. Lorsque le maire en évoque le coût, il lui est répondu que le
renfort peut aller ailleurs !
Monsieur le ministre, êtes-vous au courant de cette pratique ? Si vous l'êtes,
qu'en pensez-vous ? Pourquoi la gendarmerie ne prend-elle pas en charge tout
son personnel, les auxiliaires et les renforts ?
Monsieur le ministre, votre budget s'inscrit dans la rigueur que le
Gouvernement a adoptée comme règle. Mais il y a des limites à tout, même à la
rigueur. Vous ne pouvez pas, en même temps, demander plus et donner moins. Vous
ne pouvez pas élargir le champ des missions de gendarmerie sans augmenter
proportionnellement ses moyens en personnel et en matériel.
Si votre règle majeure est la maîtrise budgétaire, il faut reconsidérer les
missions des gendarmes et redéfinir l'ordre des priorités. La prévention et la
lutte contre les délits, notamment les vols et les crimes me paraissent devoir
figurer en priorité.
La prévention ne peut se concevoir et s'organiser sans la présence physique,
et visible, du gendarme ; d'où l'impérieuse nécessité de ne pas supprimer les
brigades en milieu rural.
Les patrouilles de nuit doivent également être multipliées.
Souvent, nos populations, exaspérées par les agressions et les vols, demandent
aux élus locaux d'utiliser la police municipale pour compléter l'action de la
gendarmerie. Si cette pratique se développait, elle entraînerait de nouveaux
transferts de charges, que la plupart des budgets communaux ne pourraient pas
supporter longtemps.
Mais cela soulève d'autres problèmes, monsieur le ministre, notamment en
matière de responsabilité, et je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer,
aujourd'hui ou ultérieurement, quelle est votre position sur ce problème de
l'utilisation de la police municipale en complément de la gendarmerie.
Monsieur le ministre, votre projet de budget n'indique pas comment vous
pourrez répondre au « plus de sécurité » qu'exigent les populations rurales.
Bien sûr, comme vos collègues du Gouvernement ou comme certains membres de la
majorité de cette assemblée, vous pourrez une fois de plus faire allusion à
l'héritage socialiste, qui revient comme un leitmotiv.
(Eh oui ! sur les travées du RPR.)
Lorsque je l'entends, j'ai
l'impression d'un vieux disque rayé jouant sans cesse le même air, et c'est
souvent, l'air de la calomnie !
(Sourires.)
Mais cette tactique, monsieur le ministre, ne pourra pas longtemps
masquer vos propres responsabilités.
Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas vos
propositions budgétaires.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
budget du ministère de la défense pour 1997 est le premier tendant à la mise en
oeuvre de la réforme des armées voulue par M. le Président de la République.
Cette restructuration profonde - pour ne pas dire : « cette élaboration
nouvelle des moyens assurant la sécurité de la nation » - s'accompagne d'un
corollaire majeur pour notre économie : la réorganisation des industries de
l'armement.
Monsieur le ministre, vous avez participé, le 12 novembre dernier, à la
signature d'un protocole d'accord sur la création de l'agence européenne de
l'armement qui nous associe à nos partenaires allemands, britanniques,
italiens, auxquels se sont joints les Hollandais.
La collaboration européenne sur de grands projets a fait ses preuves, tant
dans le domaine de l'espace que dans la production d'armes. L'organisation
européenne des industries de l'armement est donc une étape essentielle du
corollaire que j'ai évoqué.
Cependant, monsieur le ministre, il ne faudrait pas reproduire la funeste
erreur commise lors de la mise en place des institutions européennes, sous
prétexte de ne pas faire de
lobbying
- c'était, à l'époque, en France,
le péché absolu : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ! » - et qui explique
l'influence prépondérante des pays de l'Europe du Nord que l'on constate
aujourd'hui. On le voit bien avec les normes européennes que nous impose
Bruxelles, notamment dans le domaine alimentaire - rappelez-vous ce que nous
avons payé pour nos abattoirs ! -, mais dans d'autres aussi, normes européennes
qui ne tiennent aucun compte des traditions et habitudes de l'Europe du Sud.
Ce serait beaucoup plus grave en matière d'armement, car il y a là,
sous-jacent, un véritable problème de souveraineté nationale : il n'est pas de
nation sans son glaive. Préférence européenne, oui, face à la concurrence
américaine. Mais la France a un rôle important à jouer dans ce processus
économique et industriel, afin que soient sauvegardés des outils de production
de haute qualité, les emplois et une certaine indépendance technologique.
GIAT-Industries est fortement implanté dans le département de la Loire, autour
de trois sites que vous connaissez, monsieur le ministre : Roanne,
Saint-Chamond et Saint-Etienne. L'activité armurière de cette dernière ville
participe à l'effort de défense de notre pays depuis 1535, date à laquelle
François Ier décida d'y créer une fabrique d'armes à feu !
Cette longue tradition, porteuse de compétences, ne saurait impliquer une
vision passéiste de l'outil manufacturier. Bien au contraire, chacun s'accorde
à reconnaître à GIAT Saint-Etienne la maîtrise de techniques de pointe, un
savoir-faire original et de qualité, mis en oeuvre par des salariés
compétents.
L'analyse montre ainsi que GIAT-Industries, dans la Loire, dispose des atouts
fondamentaux qui le mettent en position de collaborer à la mise en oeuvre de
l'outil de défense français du début du xxie siècle, lui assurant la maîtrise
technique et l'indépendance nécessaires à une armée moderne d'un grand pays
développé, dont le rôle international se réaffirme sous l'impulsion et la
volonté du chef de l'Etat. Permettez-moi de rappeler les activités que regroupe
ce site.
Le secteur de l'arme de petit calibre, qualifié RAQ 1, le plus haut degré de
qualité conféré par le ministre de la défense, s'oriente vers la production du
FA-MAS marine, du FA-MAS CRS et du PM armée de l'air.
La détection-protection-décontamination nucléaire, biologique et chimique est
fortement ouverte sur les marchés à l'exportation et sur les marchés de la
sécurité civile.
L'optique plane-Episcope est la seule activité française du genre et fait du
site stéphanois le fournisseur unique des épiscopes diurnes des engins blindés
français.
La mise en oeuvre de techniques innovantes et de très haute technologie en
matière d'optique permet d'ores et déjà d'associer le centre stéphanois au
développement de produits de très haute utilité stratégique comme le projet
Laser mégajoules, que vous connaissez bien, en liaison, pour l'optique, avec
l'université et l'institut de l'image en Rhône-Alpes, structure pionnière dans
ce domaine.
L'activité mécanique de précision et de traitement des surfaces, enfin, répond
aux attentes de clients extérieurs comme GEC-Alsthom.
Lors des débats relatifs à la loi de programmation militaire pour 1997-2002,
répondant à mes interrogations quant à l'avenir de ce site, vous aviez
vous-même reconnu, monsieur le ministre, cette capacité en me rassurant en ces
termes : « Oui, monsieur Neuwirth, la pérennité du centre GIAT-Industries de
Saint-Etienne sera assurée et son développement poursuivi ! Les compétences en
matière d'armes légères mais aussi tous les efforts de diversification seront
valorisés. Saint-Etienne est le pôle français des armes légères et du
développement d'activités au sein de l'entreprise. »
Il est inutile de dire, monsieur le ministre, le formidable élan d'espoir que
vos propos ont suscité auprès de la population stéphanoise, en particulier des
salariés.
Par ailleurs, il convient, je le crois, de retenir les propositions concrètes
de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Etienne - Montbrison.
Elle a proposé le maintien dans la Loire des compétences et du savoir-faire
développés par l'industrie de l'armement tant dans les techniques et les
technologies que dans les ressources humaines.
Elle a suggéré le rapprochement des compétences humaines des sites de
l'armement avec le milieu des PME et des PMI pour développer des projets
internes à celles-ci ou pour créer de nouvelles activités par un transfert et
un apport de technologies nouvelles.
Elle a proposé le développement d'activités civiles à partir des savoir-faire
des sites de l'armement soit en croissance interne soit pas essaimage, lequel
est essentiel dans le développement de l'emploi.
Elle a, enfin, suggéré la recherche d'une synergie entre l'arme de chasse et
de tir et les armes de petit calibre dans le domaine de la production, de
l'ingénierie, des méthodes et de la promotion internationale, pour le secteur
civil, qu'il s'agisse de
show-room,
de sécurité, de protection, de
centre de tir ou de manifestation mondiale.
Ces propositions s'insèrent naturellement dans le schéma régional
d'accompagnement à la mutation de l'industrie de l'armement que le président du
conseil régional de Rhône-Alpes connaît bien.
A l'heure où nous examinons le budget de la défense, dont les conséquences
directes sur les industries de l'armement sont certaines, je souhaite, monsieur
le ministre, avoir la confirmation que celui-ci correspond parfaitement aux
espoirs et aux assurances données en juin dernier et ce, afin de ne laisser
planer aucun doute qui serait de nature à alimenter d'inutiles polémiques.
Monsieur le ministre, nous faisons confiance à votre volonté et surtout à
votre connaissance personnelle du dossier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. René Monory au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos
porteront sur le rôle et les moyens de la gendarmerie nationale. En effet, un
budget doit tracer des perspectives et refléter surtout une ambition. Il s'agit
non pas de gérer le quotidien, mais d'assurer aux gendarmes les moyens
indispensables pour mener à bien les multiples et délicates missions qui leur
incombent.
Cela peut sembler une évidence, mais des situations constatées ici ou là
méritent que l'on demande au ministre compétent de rappeler et même de définir
les nouvelles missions de la gendarmerie, notamment en milieu rural. Cette
démarche est uniquement dictée par les nombreuses remarques et réflexions dont
nous font part les élus et les administrés que nous rencontrons fréquemment. A
cet égard, notre collègue André Rouvière, sénateur du Gard, a déjà donné le
ton.
Ce débat est l'occasion d'exprimer dans cet hémicycle les inquiétudes des élus
locaux qui, par exemple, se heurtent à des répondeurs téléphoniques lorsqu'ils
appellent la nuit une brigade ou qui sont confrontés à des systèmes de
transferts d'appel et qui, finalement, doutent et s'interrogent sur le rôle de
l'Etat car ils ne perçoivent pas les missions que doit exercer la
gendarmerie.
La rigueur budgétaire décrétée par le Gouvernement depuis 1993 et son
corollaire, la réduction constante des effectifs, a entraîné un effacement de
la gendarmerie, alors qu'elle est, c'est évident, un service public de
proximité.
Comment une brigade en sous-effectif peut-elle assurer une mission d'accueil
et de prévention, lorsqu'elle doit en même temps être sur le terrain pour
surveiller et dissuader, répondre aux appels urgents, intervenir dans les cas
de flagrants délits et se consacrer, après chaque mission, aux tâches
administratives lourdes, aux inévitables rapports et autres procès verbaux ?
En effet, comme vous le savez, chaque mission ou période d'astreinte est
suivie de jours de récupération indispensables, auxquels s'ajoute le temps de
repos légal. Mais, dans un contexte de sous-effectif, la charge de travail
devient lourde et les brigades ne peuvent fonctionner normalement, en dépit du
dévouement manifesté, d'une façon générale, par les gendarmes.
Je voudrais, en particulier, insister sur les conséquences de cette situation,
en soulignant les difficultés que rencontrent les citoyens pour joindre une
gendarmerie.
Depuis quelques années, s'est mis en place un système de centralisation des
appels d'urgence sur un poste de commandement qui alerte une brigade
d'astreinte. Ce système, qui a probablement été adopté dans le souci d'une
meilleure gestion et d'une plus grande efficacité, ne donne pas
satisfaction.
Ainsi, de nombreux maires, confrontés à des troubles dans leurs communes, ne
sont pas parvenus à obtenir l'intervention et le renfort de la brigade de
permanence, parce que, sur les trois gendarmes de garde, deux étaient déjà sur
le terrain et le troisième assurait la permanence de la gendarmerie.
Cet exemple peut prêter à sourire, mais je peux vous assurer que, lorsque des
troubles se produisent, ce qui arrive malheureusement de plus en plus souvent
lors de fêtes locales, de bals ou de manifestations diverses, les maires sont
totalement démunis pour rétablir le calme dans leurs communes.
Un sentiment de malaise et d'insécurité s'installe, créant ainsi une mauvaise
image de la gendarmerie, dont les serviteurs ne sauraient être tenus pour
responsables.
Je pense, monsieur le ministre, qu'il faut rapidement améliorer le système des
appels d'urgence, afin d'éviter que des situations graves nécessitant une
intervention quasi immédiate ne s'enveniment et ne dégénèrent.
Je profite également de cette occasion pour aborder la question de la gestion
des effectifs durant la période estivale et plus précisément de la répartition
des renforts de gendarmerie.
J'ai déjà eu l'occasion de saisir vos prédécesseurs de cette question, mais il
est des sujets qui méritent d'être répétés pour être mieux compris et peut-être
mieux pris en compte.
Que constate-t-on dans les départements touristiques durant l'été ?
Chaque année, au début de la saison estivale, les brigades rurales sont vidées
de leurs effectifs, qui sont affectés dans les stations du littoral, dont les
problèmes, j'en conviens, sont réels et aigus.
De même, les renforts, constitués essentiellement d'appelés du contingent,
sont affectés prioritairement et en grande majorité sur les plages. Seuls
quelques appelés sont envoyés dans les gendarmeries rurales, mais ils ne
constituent en aucun cas des renforts, car ils ne font que remplacer les
gendarmes titulaires partis en vacances ou dans une brigade du littoral. Tel
est notamment le cas en Languedoc-Roussillon. Cette situation ubuesque a deux
conséquences, qui méritent d'être soulignées.
D'une part, il est urgent et judicieux de prendre enfin, en considération le
fait que le littoral, certes très fréquenté, n'est plus le seul lieu de
villégiature de nos concitoyens. Depuis quelques années, l'espace rural est en
effet devenu une destination de vacances et le « schéma des années soixante »,
selon lequel la population se concentre sur les plages, est aujourd'hui
périmé.
Cette évolution mérite d'être prise en compte lors de la répartition des
renforts saisonniers.
D'autre part, certains peuvent se satisfaire des quelques appelés affectés
dans les brigades rurales, mais, comme vous le savez, ces jeunes gens, du fait
de leur statut particulier, ne peuvent accomplir les mêmes missions que les
titulaires qu'ils sont censés remplacer.
Ainsi, certaines brigades ne peuvent pas fonctionner durant la saison
estivale, faute de gendarmes titulaires et de renforts suffisants.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, un changement dans cette gestion des
effectifs qui tienne vraiment compte tant de la réalité que de la nécessaire
adaptation à toute évolution ? Par exemple, en raison de la mise en service de
l'autoroute A 75 reliant Clermont-Ferrand à Béziers et de l'A 750 via
Montpellier, nous espérons que, dès 1997, vous voudrez bien reconsidérer les
moyens des brigades du département de l'Hérault.
Enfin, j'aborderai le problème de la formation permanente des gendarmes, qui
est essentiel.
Nous le savons, les gendarmes remplissent aujourd'hui une mission de plus en
plus complexe qui les confronte à des réalités sociales et sociologiques
auxquelles ils doivent s'adapter en permanence.
Que d'archaïsmes - je dis bien « archaïsme » - observons-nous aujourd'hui
encore, ici ou là !
Quelle orientation nouvelle allez-vous donner à votre action et surtout quels
crédits avez-vous l'intention d'affecter à la formation continue des gendarmes
et à la modernisation indispensable de ce service public ?
Sur toutes ces questions, monsieur le ministre, nous attendons des réponses
précises et des engagements concrets pour donner véritablement à la gendarmerie
les moyens financiers et humains indispensables à son action.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenir
le dernier dans ce type de débat est toujours un exercice difficile, puisque
tout a été dit ou presque. Je me contenterai donc de vous faire part de mes
préoccupations relatives à l'accompagnement des restructurations militaires et
industrielles.
Il s'agit, bien évidemment, de l'un des aspects fondamentaux de la réforme
mise en oeuvre et voulue par le Président de la République. Son incidence
budgétaire est certaine, et il est normal que les parlementaires et les élus
locaux soient sensibilisés à ce type de problème.
Le nombre de communes et de départements concernés est très important. Comme
vous le savez, monsieur le ministre, des zones particulièrement fragiles et
défavorisées sont touchées, pour lesquelles les conséquences de ces mesures
seront considérables. Or, en raison des difficultés d'évaluation du coût total
des compensations des pertes économiques à mettre en oeuvre, il est permis de
s'interroger sur le niveau des crédits alloués au fonds pour l'adaptation
industrielle ainsi qu'au fonds pour les restructurations de la défense.
La grande question, comme certains orateurs l'ont souligné ce matin, est de
savoir si les crédits inscrits au titre III permettront de faire face au coût à
la fois de la professionnalisation des armées et des mesures d'accompagnement
social des restructurations ou s'il faudra opérer des prélèvements sur les
crédits du titre V.
A cet égard, le rapporteur spécial, M. Maurice Blin, ne nous a pas
particulièrement rassurés ce matin. Il a, en effet, insisté sur le caractère
très ambitieux d'un projet de budget devant répondre à trois objectifs
difficilement maîtrisables, qu'il conviendra donc de préserver dans son montant
et dans sa structure.
On ne peut certes pas programmer ces suppressions en tenant exclusivement
compte de cet aspect du problème. Toutefois, il est absolument indispensable de
prendre en compte la portée de telles décisions sur les situations locales
souvent déjà fragilisées, dans le monde rural par la dévitalisation et la
désertification ou dans les zones plus urbanisées ou industrialisées par un
taux de chômage préoccupant.
Il serait, en effet, incohérent de préparer un ambitieux projet de loi pour
l'aménagement du territoire en milieu rural et ne pas mesurer exactement les
conséquences économiques de la dissolution d'un régiment ou de la
délocalisation d'une usine militaire dans une sous-préfecture de province.
J'illustrerai mon propos par un exemple que je connais bien puisqu'il s'agit
du département de Vaucluse qui est, comme vous le savez, monsieur le ministre,
au coeur du problème.
Le démantèlement du 1er GMS du plateau d'Albion et des installations
nucléaires militaires de l'usine Cogema de Pierrelatte entraînera, comme
plusieurs études le démontrent, de très importantes conséquences sur le tissu
économique et social, respectivement de la région de Sault et d'Apt au pied du
Ventoux, et du nord du Vaucluse, d'autant que l'économie de ces zones est
fortement dépendante des implantations militaires.
Pour affronter ces bouleversements considérables de l'économie d'un pays, nous
estimons que trop d'inconnues pèsent actuellement sur le calendrier et la
teneur des indispensables compensations qui devront accompagner dans le temps
ces suppressions. Cette incertitude nous conforte sur l'imprécision de ce titre
III du projet de loi de finances pour 1997.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l'absence,
provisoire je l'espère, de réponses précises de l'Etat nourrisse et amplifie
les très vives inquiétudes qui s'expriment sur le terrain, d'autant que mon
département souffre de maux que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à cette
tribune.
S'agissant, en premier lieu, du retrait du service de la composante sol-sol de
notre force de dissuasion sur la base aérienne 200 de Saint-Christol d'Albion -
dont la portée symbolique est évidemment très forte pour le gaulliste que je
suis, puisqu'elle fut le pilier de la force de dissuasion nucléaire mise en
place par le général de Gaulle au début des années soixante - le Président de
la République s'est engagé, à plusieurs reprises, afin que « la reconversion du
site et l'implantation de nouvelles activités militaires... » - il s'agit,
selon moi, d'un point essentiel - « ... soient étudiées avec le souci
prioritaire du maintien du niveau d'emploi et des activités économiques de la
région ». Vous vous doutez que ces propos ont été largement diffusés auprès des
élus locaux par la presse locale.
Cet objectif, et je rends grâce au chef de l'Etat et au Gouvernement d'en être
parfaitement conscients, ne pourra être atteint qu'en concertation avec les
élus et les acteurs locaux et avec leur participation active, sur la base des
résultats convergents des différentes études d'impacts économique et social
diligentées par ces derniers ou directement par l'Etat.
Actuellement, il faut bien reconnaître que, sur le terrain, la phase de
concertation pilotée par le délégué interministériel aux restructurations de
défense, M. Thierry Klinger, manque d'éléments précis sur le devenir de la
base. Je rejoins ici les propos tenus par Yvon Bourges ce matin pour dire que
cette concertation devrait être mieux organisée.
Monsieur le ministre, il faut que nous disposions d'informations sur le coût
immédiat du démantèlement de la base d'Albion et sur les économies à moyen
terme qui pourront ainsi être réalisées.
L'annonce, par votre collègue M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement
du territoire, de la ville et de l'intégration, de l'extension du programme
européen Konver à quatre sites français concernés par les restructurations
militaires, dont Apt et le plateau d'Albion, constitue, c'est vrai, un point
extrêmement positif.
Cela ne peut que favoriser la mise en oeuvre d'un programme de développement
économique et social. Encore faut-il que le fonds de restructuration de la
défense complète les moyens financiers ainsi dégagés et que le Gouvernement
annonce rapidement de quoi sera constituée la composante militaire de la
reconversion du plateau d'Albion.
En ce qui concerne, en second lieu, le démantèlement des installations
nucléaires militaires Cogema du Tricastin, les responsables locaux insistent
sur la nécessité de faire en sorte que ce soit la Cogema elle-même, et
directement, qui assure ces opérations et que les communes de Vaucluse
concernées bénéficient des mêmes dispositions que celles dont a profité le
département voisin de la Drôme.
Enfin, pour la Cogema, il est indispensable que la convention de conversion
soit étendue à tout le bassin, y compris au nord du Vaucluse, et ne concerne
pas la seule partie de la région Rhône-Alpes.
A la lumière de ces deux exemples apparaissent toutes les difficultés
auxquelles est confronté le Gouvernement pour assumer les conséquences d'une
décision courageuse et sans doute inéluctable.
Je sais pouvoir compter sur votre volonté de mener à bien cette mission,
monsieur le ministre. Les compensations sur lesquelles le chef de l'Etat s'est
engagé seront longues à mettre en oeuvre sur le terrain. Mais, je vous en
conjure, il convient d'en définir rapidement, j'y insiste, les contours et de
rassurer à la fois les élus locaux et les populations. Par avance, je vous en
remercie.
Bien évidemment, le groupe du RPR votera le projet de budget que vous nous
présentez.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Monsieur le président, monsieur le président de
la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je
vous prie, tout d'abord, d'excuser mon retard de ce matin, motivé uniquement
par les événements tragiques qui se sont produits à la station Port-Royal. Je
tiens d'ailleurs, avant toute chose, à m'incliner devant les victimes de cet
acte atroce et à assurer les familles de la sympathie et du soutien du
Gouvernement.
Je tiens également à rendre hommage à la compétence, à la célérité, aux
qualités de coeur des sapeurs-pompiers, des gendarmes, des policiers, des
médecins, des membres du SAMU qui ont porté secours aux victimes dès les
premières minutes qui ont suivi ce drame.
Face à cet acte de barbarie, le Gouvernement est déterminé : tout est fait,
tout sera fait pour assurer la sécurité des Français et terrasser le
terrorisme.
Ce sont 3 500 engagés militaires, dont 1 700 gendarmes mobiles et 1 800
militaires d'autres armes, qui vont d'ores et déjà exercer, dans le cadre du
plan Vigipirate, leur vigilance aux frontières, dans les aéroports, les gares,
les stations de métro, dans l'ensemble des zones sensibles du territoire
national.
Je souhaite les assurer en votre nom, j'en suis sûr, mais aussi au nom du
Gouvernement et en mon nom personnel, de notre pleine confiance.
Dans cette épreuve, je tiens à saluer nos concitoyens ; ils font preuve de
sensibilité, de sérénité, de sang-froid et de solidarité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens maintenant à la discussion
budgétaire.
Au terme de ce débat, qui est le cinquième que votre Haute Assemblée consacre
cette année aux questions de défense, je désire vous remercier, une fois de
plus, pour la qualité de vos interventions, qui témoigne de l'intérêt que les
membres du Sénat portent à la réforme de la défense de notre pays.
Bien évidemment, ma gratitude s'adresse tout spécialement aux rapporteurs
spéciaux de la commission des finances et aux rapporteurs pour avis de la
commission des affaires étrangères, qui ont souligné ce matin la cohérence de
la démarche gouvernementale. Elle s'adresse aussi aux porte-parole des groupes
de la majorité. MM. Bourges, Plasait et Cabanel, qui ont exprimé de nouveau
leur soutien à la mise en oeuvre de la réforme engagée sur l'initiative du
Président de la République.
Cette réforme est en marche. Elle a été préparée dès le lendemain de
l'élection présidentielle par le comité stratégique. Elle a été mise au point
au cours de l'année qui s'achève dans les conditions que vous connaissez, en
étroite concertation avec toutes les personnes et tous les organismes
concernés. Elle sera mise en oeuvre dès l'année prochaine si vous votez le
projet de budget qui est soumis à votre approbation.
Sans prétendre à l'exhaustivité, je répondrai aux orateurs qui se sont
exprimés en abordant successivement le volet financier, le volet militaire et
le volet industriel de la réforme.
S'agissant tout d'abord du volet financier, permettez-moi de remercier ceux
d'entre vous - ils ont été nombreux - qui ont souligné la conformité du projet
de budget pour 1997 avec la première annuité de la loi de programmation
militaire que vous avez votée au mois de juin dernier.
Je vous ferai un aveu : je suis certain que, lorsque je prenais cet engagement
en juin dernier, vous étiez peu nombreux à croire qu'il serait tenu.
Aujourd'hui, vous pouvez constater, à la lecture du projet de budget pour 1997,
que cet engagement est tenu.
Parce qu'elle fixe les moyens humains et financiers d'une réforme de notre
outil de défense sans précédent depuis les années soixante, cette loi présente
un ensemble de caractéristiques qui la distinguent de toutes celles qui l'ont
précédée. Ces caractéristiques, je vous les rappelle d'autant plus volontiers
qu'elles correspondent, M. de Villepin le sait bien, aux recommandations
exprimées ces dernières années par la commission des finances et la commission
des affaires étrangères : programmation détaillée des effectifs du ministère de
la défense ; programmation du titre V, mais aussi du titre III des armées ;
programmation des crédits de paiement, mais aussi des autorisations de
programme ; abandon de la notion de « crédits disponibles » ; enfin, indexation
des sommes consacrées à la défense sur l'indice des prix retenu pour
l'élaboration du budget de l'Etat.
Cette loi de programmation qui donne un cadre financier à la réforme sera donc
intégralement appliquée l'année prochaine.
Conforme à la programmation, le projet de budget l'est d'abord en termes de
crédits : les 190,9 milliards de francs soumis à votre approbation
correspondent, en effet, à l'actualisation des 185 milliards de francs prévus
par la loi.
Conforme à la programmation, le projet de budget l'est aussi en termes
d'effectifs, ce qui permettra à la professionnalisation de s'engager.
Conforme à la programmation, le projet de budget l'est, enfin, en ce qu'il
autorise la mise en place des deux fonds dont le Parlement avait demandé la
création : le fonds d'accompagnement de la professionnalisation, auquel 730
millions de francs seront affectés l'année prochaine, et le fonds pour
l'adaptation industrielle, qui sera doté de 646 millions de francs.
Le projet de budget pour 1997 étant conforme à la programmation, je ne suis
pas surpris que plusieurs d'entre vous se soient interrogés sur l'exécution de
la loi de finances de 1996. En effet, si cette exécution posait trop de
problèmes, elle mettrait en cause la conformité du projet de budget pour 1997
avec la loi de programmation. Je voudrais essayer de vous rassurer en
complétant les indications que j'avais données à M. de Villepin, lors du débat
d'orientation qui s'est tenu au Sénat le 23 octobre dernier.
Quel est, en ce domaine, notre objectif commun ? Il est de faire en sorte que
les perturbations qui, traditionnellement, marquent la consommation des crédits
du ministère de la défense ne compromettent pas le démarrage de la réforme. En
clair, et pour reprendre les termes en vigueur dans les états-majors, il s'agit
« d'entrer dans la programmation » dans les meilleures conditions possibles.
Bien que la gestion ne soit pas close, tant s'en faut, je crois pouvoir vous
dire, sans prendre un grand risque, que nous sommes en passe d'atteindre cet
objectif, et je voudrais vous expliquer pourquoi.
Au titre III, le remboursement des 4 milliards de francs dont les armées ont
fait l'avance pour assurer le financement des opérations extérieures dans
lesquelles elles ont été engagées cette année s'est effectué en deux étapes :
2,8 milliards de francs ont été ouverts par le décret d'avance du 26 septembre
dernier, le solde, c'est-à-dire 1,2 milliard de francs, devant l'être dans le
cadre du collectif qui vous sera prochainement soumis. Comme j'en avais exprimé
devant vous l'espoir en octobre dernier, cette ouverture ne sera pas gagée par
un prélèvement sur les crédits d'équipement du ministère de la défense.
Quant au titre V, sa gestion devrait être marquée, malgré les « péripéties »
que vous connaissez et sur lesquelles je reviendrai, par un niveau de
consommation voisin de celui qui était prévu pour la première annuité de la
programmation.
Certes, 6,4 milliards de francs ont été annulés en avril et en septembre
dernier. Cependant, ces annulations ne devraient peser que très faiblement sur
l'exécution de la programmation. Au printemps de 1996, l'échéancier des
programmes d'armement a en effet été calé non pas sur le niveau des crédits
normalement disponibles en 1996, c'est-à-dire 94,9 milliards de francs, mais
sur le niveau des crédits budgétaires du titre V, qui est inférieur de 6
milliards de francs, puisqu'il s'élève à 88,9 milliards de francs.
S'agissant des 2 milliards de francs qui ont été annulés le 13 novembre
dernier en prévision du collectif budgétaire, ils correspondent, vous le savez,
au « préfinancement » du budget civil de recherche et de développement, le
BCRD, de 1997. Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances de
l'année prochaine, il a été décidé que ce prélèvement sur le budget des armées
serait compensé par le « dégel » d'un montant équivalent de crédits de report.
Je suis donc en mesure d'indiquer aujourd'hui à votre Haute Assemblée que, à la
demande du Premier ministre, ces crédits ont été effectivement mis à la
disposition de mon ministère, et cela en temps utile pour être consommés.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
De la même manière, je souhaite indiquer à ceux
d'entre vous qui sont intervenus sur ce point, notamment M. Falco, que j'ai bon
espoir que les 5,2 milliards de francs de crédits de report dont l'utilisation
a été prévue lors de l'élaboration du budget de 1996 puissent être
intégralement - j'y insiste - affectés au paiement des entreprises qui ont
réalisé des travaux pour le compte des armées.
Si tel devait être le cas, la fin de l'exercice en cours constituerait, sur ce
plan, une heureuse exception si l'on veut bien se rappeler que, sur les 5,5
milliards de francs théoriquement remis à la disposition des armées en 1994,
500 millions de francs seulement ont été finalement « dégelés », ce « dégel »
n'atteignant, en 1995, que 100 millions de francs pour 7 milliards de francs
théoriquement consommables. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et je pense que la
Haute Assemblée a pu être éclairée par mes explications.
Pour ce qui est, enfin, des reports de charges de la fin de l'exercice 1995
évoqués par MM. Vinçon, Lesein et André Boyer, je vous indique que les
états-majors et la délégation générale pour l'armement, la DGA, ont prévu d'en
résorber la moitié cette année, l'autre moitié devant l'être au cours de la
période couverte par la programmation. Nous saurons prochainement ce qu'il en
est pour 1996.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation du budget du
ministère, pour tendue qu'elle soit, n'est pas mauvaise ou catastrophique, n'en
déplaise à MM. Delanoë et Bécart. La fin de la gestion 1996 augure bien, en
tout cas, du respect de toutes - je dis bien « toutes » - les dispositions de
la loi de programmation ; je le dis pour rassurer aussi M. Blin. Je suis
certain que cette information est de nature à satisfaire votre assemblée.
Permettez-moi, en cet instant, de remercier tout particulièrement M. de
Villepin de la force et de la constance de son soutien afin d'établir ce projet
de budget.
J'en viens au volet militaire de la réforme. A cet égard, il convient
d'aborder successivement la professionnalisation des armées et la modernisation
de leur équipement.
En ce qui concerne la professionnalisation des armées, l'année 1997 constitue,
comme vous le savez, l'an 1 de cette professionnalisation. Elle se traduira par
une réduction du format global des armées, par un accroissement du taux de
professionnalisation des unités et par des mesures d'accompagnement
spécifiques.
La réduction des effectifs du ministère de la défense sera, en 1997, de 4,4 %.
Elle correspond - je reprends là les propos de M. Habert - à la première
tranche des dissolutions, des transferts ou des réorganisations dont le
programme pour les trois ans à venir a été rendu public le 17 juillet. Elle
reflète également la réforme de la direction des constructions navales dont les
principes ont été annoncés en juin et les modalités en septembre de cette
année.
La professionnalisation conduira à accroître le nombre des engagés - il faut
savoir que, aujourd'hui, le ministère de la défense embauche - selon un rythme
qui permettra, dès 1997, d'améliorer de manière sensible le taux de
professionnalisation des unités des forces et donc leur degré de disponibilité.
Je tiens à souligner que pour atteindre 98 000 engagés en 2002, 48 000 postes
nouveaux seront créés en six ans ; 7 700 emplois supplémentaires étant inscrits
dans le projet de loi de finances pour 1997. Je le précise pour ceux qui voient
toujours la vie en noir...
A ce propos, je voudrais apaiser les inquiétudes de M. Trucy en lui précisant
que pendant de nombreux mois encore, la présence d'appelés au sein des armées
continuera à jouer le rôle de vivier pour le recrutement des engagés.
J'ajoute que, dès le début de l'année prochaine, les armées vont entreprendre
une nouvelle politique de recrutement direct, qui empruntera des voies
originales telles que la déconcentration du recrutement au niveau de certaines
unités.
Le caractère attractif de l'engagement, dont vous soulignez justement la
nécessité, sera notamment obtenu par les améliorations statutaires contenues
dans le projet de loi que votre assemblée a examiné et voté récemment. Je pense
plus précisément à l'instauration d'un véritable droit à la reconversion.
Ces dispositions statutaires seront complétées par l'amélioration des
conditions de vie et de rémunération.
Les mesures d'accompagnement spécifiques au profit des personnels militaires
et civils de la défense seront mises en place conformément aux engagements pris
par le Gouvernement lors du débat qui avait précédé le vote de la loi de
programmation militaire.
En ce qui concerne les personnels civils, le ministère de la défense - je me
permets d'attirer l'attention de votre assemblée sur ce point - a fait oeuvre
d'innovation, de concertation et a montré sa capacité d'écoute et de dialogue.
Il est bon, parfois, de se féliciter des conclusions.
Une véritable négociation avec les organisations syndicales a en effet permis
d'aboutir, le 18 novembre dernier, à un plan original dont j'aimerais que tous
les parlementaires aient connaissance, le plan « formation et mobilité », qui
comprend un ensemble de mesures d'accompagnement social applicables au
personnel ouvrier, fonctionnaire, mais aussi, pour la première fois, aux agents
contractuels ou de droit privé.
Conformément aux engagements pris, les adaptations seront conduites sans
licenciement, je dis bien « sans licenciement ». Les personnels conserveront
leur statut, leurs conditions de rémunération et leurs perspectives de
déroulement de carrière. La mobilité de proximité sera la règle, à travers une
gestion par bassin d'emploi reposant sur le dispositif Proxima. La mobilité
géographique volontaire sera encouragée en 1997.
En outre, l'aménagement, l'organisation et la réduction du temps de travail
seront expérimentés. Le départ anticipé des ouvriers à cinquante-cinq ans sera
mis en oeuvre. Le droit à la formation sera accessible à tout agent dont
l'emploi est supprimé ou transformé.
Des aides financières diversifiées à la mobilité et une indemnité de départ
volontaire notablement revalorisée seront accordées.
En tout état de cause, c'est un traitement déconcentré et individualisé qui
sera la règle. Ce dispositif, qui a vocation à s'appliquer sur toute la durée
de la loi de programmation, fera l'objet d'une évaluation périodique de ses
résultats, notamment dès le début de 1998. Il devrait permettre, en reposant
sur un dialogue social renforcé et rénové, de réussir, au profit de tous, les
réformes indispensables.
Au titre du projet de budget pour 1997, 722 millions de francs seront
consacrés à ces mesures, dont 327 millions de francs en provenance du fonds
pour l'adaptation industrielle au bénéfice des mouvements concernant les agents
de la DCN. Voilà pour ce qui est du personnel civil.
Quant au personnel militaire, il bénéficiera, dans le cadre de la
professionnalisation des armées, de mesures importantes et diversifiées,
prévues par le projet de loi auquel je viens de faire allusion.
Ce dispositif est issu d'une large concertation, qui a été menée en
particulier au sein du conseil supérieur de la fonction militaire.
Il exclut tout dégagement des cadres et vise deux objectifs : d'une part, la
réduction des effectifs globaux et, d'autre part, le rajeunissement des cadres
et la restauration des perspectives de carrière et d'avancement.
Je ne reviens pas sur la création du pécule, ni sur les nombreuses mesures
réglementaires d'accompagnement dont fait partie la revalorisation de la solde
des engagés.
Vous mesurez cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, l'importance des
efforts engagés, à travers l'ensemble de ces mesures, par le pays tout entier,
sur la proposition du Gouvernement. Je voudrais, en outre, souligner l'apport
du Parlement, notamment du Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi. La
création d'un droit à la reconversion, l'amélioration de la situation des
engagés, l'adoption de mesures qui facilitent les départs ou qui accompagnent
les restructurations montrent l'attachement de notre pays à la préservation de
la condition et du statut des militaires.
J'aborderai maintenant, toujours au sein du volet militaire, la question de la
modernisation de l'équipement de nos forces.
Je l'ai dit devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, et je le répète aujourd'hui devant vous, l'exécution de tous les
programmes d'armement sera poursuivie en 1997, selon le calendrier prévu par la
loi de programmation. Permettez-moi cependant de dire quelques mots à propos de
ceux qui ont été évoqués à cette tribune.
A M. Blin, qui m'a interrogé sur les crédits de recherche et d'études en
amont, je souhaite préciser que, déduction faite du BCRD, auquel mon ministère
ne contribuera plus, leur part relative dans le projet de budget du ministère
est préservée.
A M. Faure, qui a souligné, à juste titre, que les programmes de simulation
conditionnent désormais la crédibilité de notre dissuasion, je confirme que les
progrès réalisés par nos scientifiques font de la France une des nations les
plus en avance en la matière.
MM. Faure, Husson et Delanoë m'ont interrogé sur Helios et Horus. La France a
toujours accordé une priorité éminente à ces deux programmes. Je ne reviendrai
pas sur l'importance des moyens de prévention dans la loi de programmation
militaire et dans le Livre blanc.
L'accord initial franco-allemand de coopération conclu lors du sommet de
Baden-Baden a été confirmé à Dijon par le Chancelier Kohl et par le Président
de la République, M. Jacques Chirac. Comme vous le savez, ce sujet est de
nouveau à l'ordre du jour du prochain sommet franco-allemand. Certes, il y a
des difficultés budgétaires du côté allemand, mais, comme vous le savez, et je
le confirme, tout est entrepris pour les surmonter sans remettre en cause les
éléments essentiels de ces programmes.
En ce qui concerne la modernisation des équipements de l'armée de terre, je
voudrais dire qu'il est exact que le char Leclerc a connu, comme tous les
matériels de nouvelle génération, des difficultés de mise au point, mais les
problèmes principaux sont désormais résolus. Nous en avons eu une démonstration
éclatante le 2 décembre dernier à l'occasion de la fête nationale des Emirats
arabes unis, à laquelle quatre-vingts chars Leclerc ont participé. J'ai eu
l'honneur d'y représenter le Président de la République et le Gouvernement, et
j'ai pu assister au défilé des chars Leclerc de fabrication française devant
les quatre-vingts délégations alors présentes.
Pour atteindre cet objectif, GIAT-Industries avait consenti un effort
exceptionnel en accélérant sa cadence de production. Je voudrais, ici, rendre
hommage aux personnels de cette entreprise, qui ont donné à l'occasion de la
préparation de ce défilé une brillante illustration de leur remarquable
savoir-faire et de leurs éminentes compétences.
D'ailleurs, en réponse à M. Neuwirth, je voudrais confirmer ma volonté de voir
se poursuivre à Saint-Etienne l'effort de développement de nouvelles activités,
notamment dans l'optique et le nucléaire, biologique, chimique - NBC -, qui
constituent des réussites exemplaires. Je confirme aussi ma volonté de voir se
constituer et se maintenir un pôle français de l'arme légère autour de
GIAT-Industries à Saint-Etienne.
Pour ce faire, toutes les énergies doivent être mobilisées et les propositions
examinées. Vous le savez, lors de ma dernière rencontre avec les acteurs
économiques et les élus locaux à Saint-Etienne, j'ai confirmé que je mettrai
tout en oeuvre pour que soient engagées les initiatives qui s'imposent.
La recherche de marchés extérieurs est, là peut-être plus qu'ailleurs, une
condition essentielle, et le ministère engagera les efforts nécessaires à un
tel redéploiement.
M. Lucien Neuwirth.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
S'agissant de l'hélicoptère Tigre, je confirme à
M. Husson que son industrialisation débutera en 1997. Le développement et
l'industrialisation du NH 90 seront, quant à eux, poursuivis.
Pour ce qui concerne l'armée de l'air, je le dis à M. Husson, il n'y a pas de
« parent pauvre ou de sacrifié » dans le présent projet de budget. Ses
capacités opérationnelles seront en effet renforcées : outre les programmes de
missiles Apache et Mica, d'armement air-sol modulaire, de PODS de
reconnaissance de nouvelle génération, les travaux relatifs aux vecteurs
concerneront notamment la modernisation des AWACS, les ravitailleurs KC 135,
les hélicoptères de recherche et de sauvetage Puma.
Quant au Rafale, le bon déroulement du programme permettra la mise en oeuvre
d'une première flottille opérationnelle « marine » en 2002. L'armée de l'air
disposera, pour sa part, d'un escadron complet en 2005.
La suspension de l'industrialisation du programme, rappelée par M. Hubert
Falco, est cohérente avec ce calendrier et préserve l'effort de développement,
essentiel au maintien des compétences.
J'ajoute que l'hypothèse d'une commande anticipée de dix appareils, dont je
mesure toute l'importance industrielle, mais qui doit être sans incidence sur
le budget de l'Etat, fait l'objet d'un examen approfondi par mes services.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
J'ajoute enfin qu'un certain nombre de pays
s'intéressent actuellement au Rafale et que, compte tenu des différentes
négociations que nous pouvons mener avec eux, le rythme de la mise en service
pourrait être revu.
Concernant l'avion de transport ATF, je ne reviendrai pas sur la méthode
reposant sur une démarche commerciale dont nombre d'observateurs doutaient et
qui recueille maintenant l'approbation quasi générale. Je voudrais simplement
indiquer à M. Hubert Falco que nous avons jusqu'à la fin de l'année 1997 pour
préciser toutes les modalités de réalisation de ce programme. Un groupe
interministériel est sur le point d'être créé : il devra fixer notamment la
façon dont l'Etat doit intervenir et l'organisation internationale du
programme.
La marine, pour sa part, évolue vers un format de 80 bâtiments modernes et de
coût d'entretien réduit, sans pour autant renoncer à aucune des grandes
capacités opérationnelles qui lui ont été fixées.
En réponse à M. André Boyer, je voudrais indiquer que la loi de programmation
prévoit la commande de deux frégates de la classe Horizon et que la cible du
programme pour la France est de quatre bâtiments.
MM. André Boyer, François Trucy et Bertrand Delanoë m'ont également interrogé
sur la permanence du groupe aéronaval.
Il est prévu - je ne fais que le répéter - que le
Charles-de-Gaulle
entre en service au second semestre 1999 et connaisse une première grande
période d'entretien en 2004 d'une durée de dix-huit mois. Le
Foch
,
disponible jusqu'en 1999, puis « mis en sommeil » avec un équipage réduit à
l'arrivée du
Charles-de-Gaulle
, sera réactivé en 2004. En 2005, le
Charles-de-Gaulle
assurera donc à nouveau les missions du groupe
aéronaval avec un potentiel de fonctionnement de ses coeurs nucléaires de
l'ordre de sept ans.
Le second porte-avions devrait pouvoir être mis en service au plus tard en
2011, s'il est commandé en 2004. Il pourra être réalisé - je le répète - si les
conditions économiques le permettent et, en particulier, si la démarche de
gains de productivité de la DCN et de réduction des coûts globaux des
programmes d'armement est conduite avec succès. Je tiens toutefois à confirmer
que ce second porte-avions est inscrit dans la planification.
J'aborderai enfin la dimension industrielle de la réforme. Il y aurait
beaucoup à dire à ce sujet, mais je concentrerai mon propos sur deux axes
essentiels : la restructuration de l'industrie et la politique d'accompagnement
de cette restructuration.
Je laisserai de côté le choix industriel européen - je prie les orateurs ayant
abordé cette question de bien vouloir m'en excuser - car j'ai déjà traité ce
point lors du débat d'orientation.
Je confirmerai simplement que, le 12 novembre dernier, à Strasbourg, a été
signé un accord entre la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et la France
pour mettre sur pied ce qui, j'en suis certain, deviendra l'Agence européenne
d'armement. Je suis convaincu que cette méthode pragmatique nous permettra de
doter la défense européenne d'une véritable agence d'armement.
Je précise également que, lors de la réunion de l'Union de l'Europe
occidentale - mais cela a déjà été indiqué - a été décidée la création de
l'organisation des armements de l'Europe occidentale.
J'en viens maintenant aux deux domaines que j'ai d'abord cités : la
restructuration de l'industrie et la politique d'accompagnement de cette
restructuration.
S'agissant de la restructuration de l'industrie, trois objectifs sont
poursuivis.
Le premier de ces objectifs est la fourniture des équipements nécessaires à
notre défense, tout en contribuant à la réduction des déficits publics. C'est à
une véritable révolution des modes d'acquisition d'armement que nous allons
procéder.
Les coûts et les délais des programmes seront réduits de 30 % sur les six
années de la programmation. Comme l'a souligné M. Blin, la gestion des
programmes doit, naturellement, faire l'objet de la plus grande rigueur. La
généralisation des méthodes les plus modernes de gestion de projet et le souci
permanent d'économies sont aujourd'hui des priorités absolues des services du
ministère de la défense.
Les commandes pluriannuelles, qui avaient été proposées par divers rapporteurs
depuis un certain nombre d'années et auxquelles je suis très attaché,
participent à cet effort d'économie. Elles sont en cours de négociation et
concerneront certains des programmes majeurs d'équipement de nos armées.
Mais à ces commandes pluriannuelles doivent correspondre des réductions de
coût. L'objectif de 10 milliards de francs de commandes pour 1997, que j'avais
évoqué devant vous lors du débat prébudgétaire, pourrait ainsi être dépassé.
Le deuxième objectif est un rôle à la mesure de notre rang dans la
constitution d'une base industrielle et technologique de défense européenne.
Comme leurs partenaires occidentaux, les grands maîtres d'oeuvre industriels
français devront atteindre une taille qui leur permette de dégager des
économies d'échelle, des capacités d'investissement suffisantes et donc de
renforcer leur compétitivité sur le marché mondial.
Je ne reviendrai pas sur toutes les actions engagées par le ministère de la
défense, s'agissant du redressement du GIAT et de la DCN, et d'un certain
nombre d'actions qui ont concerné aussi bien la SNECMA que la SEP.
Je tiens seulement à aborder deux questions qui ont été traitées par un
certain nombre d'entre vous : la fusion de Dassault Aviation et d'Aérospatiale
et, d'autre part, Thomson.
La fusion de Dassault Aviation et d'Aérospatiale se poursuit selon le
calendrier prévu. Je souhaite que cette fusion contribue à l'objectif de
construction d'une base industrielle européenne dans le domaine de l'armement
et de l'aéronautique.
La privatisation de Thomson, décidée en février dernier par M. le Président de
la République, correspond à la volonté de voir se constituer autour de Thomson
un grand pôle électronique à vocation mondiale : à côté du pôle de dissuasion
nucléaire, du pôle aéronautique et spatial qui naîtra de la fusion
Dassault-Aérospatiale, le pôle électromécanique se constitue autour du GIAT et
de la DCN.
La décision de suspendre la privatisation de Thomson, prise par le
Gouvernement, répond à un avis non favorable de la commission de privatisation.
Celle-ci s'est en effet déclarée dans l'incapacité d'émettre un avis favorable
sur l'offre déposée par le groupe Lagardère, compte tenu des modalités de
reprise de TMM par Daewoo Electronics.
Le Gouvernement arrêtera rapidement les conditions dans lesquelles le
processus de privatisation sera poursuivi. C'est une opération indispensable à
la continuation du développement de Thomson, à la restructuration de
l'industrie de défense, au développement de l'emploi et à la préservation des
technologies de pointe des différentes entités du groupe.
J'en viens au troisième objectif, qui consiste à retrouver le chemin de la
compétitivité et à affronter avec succès la concurrence internationale pour
conquérir les marchés extérieurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez mon implication personnelle
et celle du Gouvernement dans le soutien aux exportations de matériels de
défense.
Vous savez comme moi que la survie de notre industrie d'armement passe par la
conquête de nouveaux marchés à l'exportation. Je partage totalement les
analyses et les préocccupations de M. Blin à ce sujet.
Le Gouvernement élabore actuellement un plan stratégique pour nos
exportations. Un rapport vous sera remis dans quelques semaines, à l'issue de
ces travaux.
Je saisis cette occasion pour souligner que nous n'avons pas attendu ce plan
stratégique pour agir sur les marchés de l'armement. Personnellement, je me
suis impliqué, en développant des contacts internationaux très nombreux et en
entreprenant plusieurs voyages pour convaincre un certain nombre de nos
partenaires d'acquérir du matériel ou de l'équipement français.
M. Christian Bonnet.
Très bien !
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Il s'agit d'un travail en profondeur, qui doit
combiner dimension politique, dimension de coopération internationale et
dimension industrielle. Cette action de longue haleine est la seule à pouvoir
garantir le succès.
Le développement des exportations suppose parallèlement l'amélioration de la
compétitivité et de la santé financière des entreprises.
Ainsi en va-t-il de GIAT-Industries ou de la DCN. C'est par un redéploiement
volontariste que GIAT-Industries emportera des marchés nouveaux à la mesure de
la qualité de ses produits. Quant à la DCN, qu'à longuement évoquée Mme Heinis,
nous avons pour ambition de lui voir conquérir 20 à 30 % du marché mondial des
bâtiments de guerre et des systèmes de combats navals.
Compte tenu d'un certain nombre d'actions de prospection menées actuellement,
j'ai bon espoir que la France pourra relever le défi qu'elle s'est fixé.
J'en viens à l'accompagnement des restructurations industrielles ; ces
dernières vont de pair avec une politique d'accompagnement volontariste,
notamment pour la DCN.
A MM. Jean Faure et André Boyer, je répondrai que la hausse des effectifs
civils de la marine, alors même que ceux de la DCN doivent être réduits, est
une véritable chance. Ces deux adaptations parallèles s'effectueront, le plus
souvent, dans des établissements proches, même s'il faudra envisager des
mobilités géographiques.
Ainsi, un effort tout particulier a été fait par la marine nationale pour
proposer des postes attractifs à ces personnels de la DCN : 2 400 postes ont
d'ores et déjà été proposés, dont une très large part correspond bien aux
qualifications des ouvriers de la DCN, d'autres pouvant être occupés moyennant
une formation spécifique.
Les mesures de redéploiement de la DCN seront conduites en s'appuyant sur le
dispositif d'accompagnement social « formation et mobilité », que j'ai déjà
évoqué voilà quelques instants.
Le fonds pour l'adaptation industrielle prévu par la loi de programmation sera
doté à cet effet de 327 millions de francs en 1997.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont des moyens
exceptionnels qui sont réunis, avec un double objectif : améliorer la
compétitivité industrielle de la DCN, réussir la professionnalisation de la
marine.
J'ajoute - et cela concerne l'ensemble des entreprises de défense - que les
bassins d'emploi touchés par les restructurations font d'ores et déjà l'objet
d'une action vigoureuse d'accompagnement au travers des interventions du fonds
de restructurations de la défense, le FRED, des sociétés de conversion et des
programmes communautaires.
De plus, la coordination des actions de l'Etat, des collectivités et acteurs
locaux a été mise en oeuvre par la signature de dix conventions régionales -
trois sont encore en discussion - et la délégation interministérielle pour les
restructurations de défense permet de mobiliser pleinement l'ensemble des
moyens disponibles.
Certes, il existe toujours des problèmes de coordination, et j'ai donc écouté
avec beaucoup d'attention MM. Bourges et Dufaut, ainsi qu'un certain nombre
d'orateurs, qui ont souhaité une plus grande efficacité de cette coordination.
C'est là - je le leur dis très clairement - un domaine difficile. Ils le savent
d'ailleurs puisqu'ils sont eux-mêmes impliqués dans le suivi d'actions de
reconversion, de redéploiement ou de redressement. C'est un domaine difficile -
je le répète - car la situation économique ne permet pas la multiplication des
projets. Or, il est souvent nécessaire d'engager des actions diverses dans les
domaines de la formation, de l'investissement, de l'accompagnement économique
et social, dont la coordination peut présenter des difficultés. Quoi qu'il en
soit, je veillerai - je le confirme à MM. Yvon Bourges et Alain Dufaut - à
l'organisation aussi efficace que possible des services du ministère de la
défense.
M. Alain Dufaut m'a plus particulièrement interrogé sur les mesures concernant
le plateau d'Albion et le site du Tricastin. Il sait que la création d'une zone
KONVER permettra d'apporter une dotation complémentaire de 15 millions de
francs environ, auxquels s'ajouteront, en tant que de besoin, les interventions
du FRED et de la SODIE.
Pour le site du Tricastin, un protocole de site est en cours d'élaboration. Je
souhaite que ce protocole permette véritablement d'accompagner la reconversion
du site. Les crédits du FRED pourront être sollicités. En outre, dès l'année
prochaine, l'action d'une société de conversion sera recherchée pour
accompagner la région dans cette période de mutation.
Monsieur Yvon Bourges, comme vous le savez, je suis toujours attentif à tous
les dossiers que la région Bretagne me soumet : je mettrai donc tout en oeuvre
pour que la coordination entre les services de l'Etat, de la région et des
collectivités locales puisse être la meilleure possible, car je suis bien
convaincu que, si l'on veut réussir le redéploiement de la DCN, on doit, par
des actions ciblées, permettre non seulement d'améliorer le climat social, mais
aussi créer des conditions économiques de l'expansion.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réflexions dont
je voulais vous faire part en réponse à vos propos.
Je terminerai en abordant quelques questions diverses.
Tout d'abord, en ce qui concerne la gendarmerie, vous comprendrez que je ne
partage pas le pessimisme de M. Rouvière et de M. Vidal, qui ont dressé un
tableau bien sombre de la situation du monde rural. Je suis moi-même élu rural,
et je rencontre les brigades de gendarmerie à longueur de semaines. Or je
constate à l'évidence que, aujourd'hui, même si leurs moyens ne sont jamais
suffisants - mais peuvent-ils l'être un jour ? - les brigades rurales sont là
pour veiller à la sécurité des biens et des personnes et qu'elles assument leur
tâche d'une manière remarquable. Je voudrais d'ailleurs, avec M. Rouvière et M.
Vidal, leur rendre hommage du haut de cette tribune.
Je suis reconnaissant à M. Alloncle d'approuver le redéploiement des unités de
la gendarmerie nationale en zone de police d'Etat, où la gendarmerie n'a pas
vocation à assurer les missions de sécurité. C'est grâce à un tel
redéploiement, conjugué à l'accroissement des effectifs de l'armée à partir de
1999, que le maillage territorial pourra partout être maintenu.
Je rappelle que la gendarmerie verra ses effectifs augmenter de 4,5 % durant
la loi de programmation, et que seule la gendarmerie sera dans ce cas.
S'agissant des volontaires, et pour répondre aux interrogations de M. Plasait,
je vous confirme l'étude d'une hypothèse qui permettrait, sous plafond
budgétaire, de faire cohabiter volontaires et gendarmes auxiliaires sous
contrats courts de deux ans et d'atteindre ainsi les objectifs fixés par la loi
de programmation militaire.
M. Jean Faure m'a interrogé sur le service de santé des armées.
Je n'ignore pas l'importance de la mutation que va connaître le service de
santé dans le cadre de la professionnalisation. Cela étant, je tiens à
souligner que l'effectif budgétaire en personnel de carrière du corps des
médecins des armées va s'accroître de 109 postes. Par ailleurs, un corps de
chirurgies-dentistes des armées devrait être créé.
Enfin, il est probable que le service de santé pourra, lui aussi, participer
au rendez-vous citoyen que nous comptons mettre en place à partir du second
semestre de 1997.
S'agissant précisément des réserves, sur lequelles M. Trucy m'a interrogé, je
voudrais rappeler toute l'importance du rôle qui sera donné à la réserve pour
répondre à des situations de crise dont l'intensité ou la durée dépassent ce à
quoi peuvent faire face les forces d'active. Ce rôle opérationnel est
naturellement essentiel pour la protection du territoire.
Le projet de loi qui sera présenté au Parlement s'inscrira dans la ligne des
travaux de M. le sénateur Haenel et de M. le député Teissier.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éclairages que je pouvais
vous apporter sur ce budget pour 1997.
L'année 1997, comme vous avez déjà pu le constater à la lecture de ce projet
de budget, marquera le début d'une ère nouvelle pour notre défense.
Nous savons où nous allons et nous disposons de beaucoup d'atouts pour réussir
la réforme : le soutien constant du Président de la République, qui a inscrit
la réforme de notre défense dans la durée de son septennat ; le soutien du
Parlement, qui a voté la loi de programmation militaire et qui adoptera, je
l'espère, le projet de budget qui lui est soumis ; le soutien des hommes et des
femmes, militaires ou civils, qui portent nos couleurs et auxquels je voudrais
rendre un hommage particulier ; le soutien des Français, enfin, qui adhèrent
aux grandes lignes de la réforme, comme on a pu le constater lors du débat qui
a été organisé au printemps dernier dans les mairies.
Toutefois, la réforme de notre défense serait inachevée si elle n'était
complétée par un renouveau de l'esprit de défense. Or qu'est-ce que l'esprit de
défense ? Non pas un idéal abstrait, une formule rhétorique, mais un élan
spontané de chaque Français pour défendre une communauté nationale et des
valeurs partagées.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de proposer une nouvelle politique de
la réserve qui diffusera, à tous les niveaux de la société, la culture et
l'esprit de défense.
C'est pourquoi le Gouvernement propose de remplacer le service militaire, mal
adapté aux nouvelles réalités stratégiques, par un nouveau service national
conçu autour du rendez-vous citoyen et des volontariats.
Construit sur des valeurs de civisme, de proximité, de convivialité, le
rendez-vous citoyen doit renforcer le sentiment d'appartenance à la communauté
nationale et offrir à chaque jeune Français l'occasion d'une nouvelle
chance.
Rejoignant les aspirations à la générosité, à l'engagement et à la
responsabilité personnelle qui existent dans notre jeunesse, les volontariats
sont un antidote à l'individualisme, à l'égoïsme et au communautarisme qui
menacent notre société. Ils constituent une façon moderne de vivre son civisme
et de se mettre au service de la nation.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de notre défense
n'est pas seulement une affaire militaire, technologique ou industrielle :
c'est aussi une grande ambition pour la République. C'est la raison pour
laquelle je vous demande, modestement, d'accorder au Gouvernement les moyens de
la mener à bien.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de la défense et figurant aux articles 37 et 38.
Article 37