M. le président. « Art. 37. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1997, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 2 182 338 000 F, applicables au titre III "Moyens des armes et services".
« II. - Pour 1997, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et services" s'élèvent au total à la somme de 1 392 041 000 F. »
Sur l'article, la parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur le sentiment croissant d'insécurité ressenti par nos concitoyens et souligné par les élus.
La gendarmerie est le fer de lance de la lutte contre cette insécurité, elle est de service vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais, malheureusement ! les temps ont changé : en effet, ses missions sont de plus en plus nombreuses, elle assume des responsabilités de plus en plus lourdes, et la sécurité routière l'occupe beaucoup.
Il faudrait, comme le veut sa tradition, que la gendarmerie puisse garder le contact avec la population, qu'elle puisse, si vous me permettez cette expression très simple, « causer » avec les gens.
Pour cela, nous estimons qu'il faudrait que ses effectifs croissent de 10 %,...
MM. André Rouvière et Marcel Vidal. Très bien !
M. Jean-Jacques Robert. ... afin de lui permettre de remplir les missions nouvelles que lui impose notre époque.
Or, dans la rigueur ambiante des différents projets de budget de la loi de finances, vous êtes, monsieur le ministre, au sein du Gouvernement, le seul qui puisse agir dans ce sens sans qu'il soit nécessaire de prévoir des crédits supplémentaires. En effet, la modernisation de notre défense et les nouvelles mesures qui seront bientôt prises obligeront certains sous-officiers de l'armée de terre à répondre à de nouveaux objectifs. Pourquoi ne pas mettre en oeuvre un programme favorisant rapidement le transfert de certains effectifs vers la gendarmerie, au travers d'incitations et de mesures privilégiant la promotion, par exemple, à l'instar de ce qui se passe dans le privé ?
Avec leurs élus, nos concitoyens attendent une sécurité constante et sans faille. Ils souhaitent que je réussisse à vous convaincre du bien-fondé d'une mesure que je présente simplement, car il s'agit d'une mesure de bon sens, qu'il est possible de prendre sur-le-champ, si j'ose dire.
Vous ai-je convaincu, monsieur le ministre ? Je vous remercie par avance de bien vouloir me répondre. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes.)
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu attirer mon attention sur la mission essentielle de la gendarmerie, qui est d'assurer la protection des biens et des personnes.
Croyez bien que le Gouvernement est tout à fait convaincu de l'importance de cette mission : aux termes de la loi de programmation qu'il vous a proposée et que vous avez votée, la gendarmerie, compte tenu des nouvelles menaces qui apparaissent, que ce soit en matière de trafics, de mafia ou de terrorisme - j'en parle aujourd'hui avec une grande anxiété et une grande tristesse - verra ses effectifs augmenter de 4,5 % en six ans.
Vous souhaitez, en réalité, une autre approche. Je vous précise cependant que l'augmentation des effectifs à laquelle je viens de faire allusion interviendra dès l'année 1997 ! Le projet de budget qui vous est présenté prévoit ainsi la création de 771 emplois dont, notamment, 74 sous-officiers pour les autoroutes - vous m'avez parlé de la sécurité sur les routes - 230 officiers pour répondre à la nécessité de requalification des emplois de la gendarmerie et 271 emplois civils dans les tâches de soutien et de gestion permettant à autant de gendarmes de se consacrer à des fonctions opérationnelles.
La montée en puissance d'un corps de sous-officiers à vocation administrative et technique va également dans le sens du renforcement des effectifs affectés sur le terrain : 565 emplois seront ouverts à ce titre en 1997 et seront notamment pourvus par des sous-officiers de l'armée de terre.
Enfin, la formation des personnels ainsi recrutés sera naturellement effectuée.
Encore faut-il que la gendarmerie dispose des crédits nécessaires à cet effet ! Or la réduction que vous envisagez dans l'amendement n° II-42 - que vous n'avez pas encore soutenu - correspondrait à un abattement de 10 % des crédits de fonctionnement et des activités de formation de la gendarmerie.
J'ai bien compris, certes, qu'il ne s'agissait que d'un amendement d'interpellation, et c'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je vous serais reconnaissant de bien vouloir le retirer.
M. le président. Par amendement n° II-42, M. Jean-Jacques Robert propose, au paragraphe II de l'article 37, de réduire les mesures nouvelles de 174 000 000 francs.
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous envisagez de ne pas me suivre dans la voie que je vous propose d'un transfert de personnels accéléré, justifié par la situation que nous vivons.
Vous l'avez dit à plusieurs reprises, vous êtes pour la loi de programmation. Je partage votre avis, mais, en matière de sécurité, nous avons besoin d'être efficaces dès maintenant. En 2000 ou en 2001, la situation aura peut-être changé !
Pour être efficace dès aujourd'hui, il faut que ce corps d'élite de la gendarmerie dispose d'hommes de qualité. Or qui est plus qualifié que des sous-officiers formés par l'armée ? Il y a là un gisement intéressant qui vous permettrait d'aller au-delà de ce que vous avez fait. J'y suis très sensible, certes, et je vous remercie d'avoir prévu ces effectifs, mais, sur le terrain, nous voyons les choses - et, puisque vous êtes vous aussi sur le terrain, vous devez les voir comme moi - d'une manière beaucoup plus urgente. Si nous en restions aux mesures que vous avez prévues, nous ne répondrions pas à l'attente de nos concitoyens, pour qui, aujourd'hui, la sécurité est le problème numéro 1.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous acceptiez cette proposition pour accélérer le recrutement nécessaire au sein de la gendarmerie.
M. Marcel Vidal. C'est le bon sens !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande une nouvelle fois à M. Jean-Jacques Robert de bien vouloir retirer son amendement, et ce pour deux raisons.
D'abord, parce qu'il me demande d'exploiter un gisement de recrutement. Or nous allons exploiter ce gisement ! D'ailleurs, ce faisant, nous ne ferons que respecter la loi, puisque c'est inscrit dans la programmation. Nous le ferons donc au rythme qui a été décidé dans la loi de programmation, en respectant intégralement la programmation.
Ensuite, monsieur le sénateur, si vous voulez vraiment que j'exploite ce gisement, il faut m'en donner les moyens. Or, étant donné que votre amendement tend à supprimer des crédits, il faut absolument que vous le retiriez.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. le président. L'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, j'avoue ne pas bien comprendre votre argumentation. Si j'ai déposé un tel amendement, c'est parce que je n'avais que ce moyen-là pour attirer votre attention sur le problème qui me préoccupe. La représentation nationale dispose malheureusement de peu de moyens pour s'exprimer, et c'est après avoir reçu les conseils nécessaires que j'ai retenu celui-là.
Cela étant dit, accédant à votre demande, monsieur le ministre, je retire cet amendement, en souhaitant que, profitant de ce gisement, vous accélériez l'augmentation des effectifs, afin que les gendarmes soient plus nombreux et plus efficaces sur le terrain.
M. le président. L'amendement n° II-42 est retiré.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je voterai, certes, les crédits figurant au titre III, en vous demandant, comme tous mes collègues, monsieur le ministre, de faire preuve d'une grande vigilance dans la mise en place, au travers de l'ensemble de votre budget, de ce premier acte important de la professionnalisation de notre défense, « le grand défi de notre époque » comme vous aimez à le rappeler.
Lors d'une conversation avec M. le Président de la République, après qu'il eut pris cette importante décision, il m'a dit très simplement : monsieur le sénateur, c'est vous qui prendrez la responsabilité de cette transformation, et je compte sur vous.
Quand je suis dans ma région, en Champagne, dans les camps militaires, auprès des officiers, eux aussi me disent : monsieur le sénateur, c'est vous qui prendrez la décision de financer notre budget, et nous comptons sur vous.
Quant à M. Blin, président du groupe de l'Union centriste, il a fait part, en sa qualité de rapporteur spécial sur ce budget, des soucis inhérents à la responsabilité qui lui incombe.
C'est vrai, c'est moi, c'est nous qui prendrons la décision. Nous le ferons avec humilité parce que, voilà tout juste vingt-trois heures, se produisait cet acte de barbarie aveugle qui a supprimé des vies et frappé des familles dans leur amour.
C'est avec cette humilité, faite de force et de respect des autres, que, avec les membres du groupe de l'Union centriste, je voterai votre projet de budget pour 1997, monsieur le ministre.
M. André Rouvière. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je constate que le problème des moyens de la gendarmerie n'intéresse pas que les membres de l'opposition ; même dans la majorité, cette préoccupation est très forte.
Vous avez cité l'exemple des brigades de votre département. C'est sans doute un cas quelque peu isolé. En effet, votre situation, qui permet parfois de compenser le manque de moyens des gendarmes, n'est pas celle de la plupart d'entre nous.
Je regrette, par ailleurs, que vous n'ayez pas répondu à un certain nombre de questions que mon collègue Marcel Vidal et moi-même vous avons posées sans aucun esprit polémique. Nous avons soulevé de véritables problèmes, qui préoccupent la population et auxquels nous avons énormément de difficultés à apporter une réponse.
Il en va ainsi, notamment, des relations entre les polices municipales et la gendarmerie. Dans le Gard, ce problème concerne quasiment toutes les communes où siège une brigade ou une compagnie de gendarmerie. Ce n'est donc pas un problème isolé.
Si vous ne pouvez me répondre aujourd'hui, monsieur le ministre, j'aimerais au moins que vous preniez l'engagement de me répondre par la suite.
Une autre question avait trait au logement des renforts, qu'on demande aux communes de prendre en charge, ce qui leur pose des problèmes d'ordre budgétaire. Elles sont en effet confrontées au dilemme suivant : renoncer aux renforts ou les loger à leurs frais, d'où un transfert de charges préoccupant.
D'avance, je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m'apporter, monsieur le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Monsieur Rouvière, je vous répondrai très précisément sur les relations entre polices municipales et gendarmerie ultérieurement, par écrit, car ce problème ne me paraît pas relever du débat budgétaire.
Je rappelle simplement que la gendarmerie a fait l'objet d'une attention toute particulière puisque ses effectifs vont augmenter de 4,5 %. Actuellement, j'essaie de revoir le mode de financement de son logement pour faciliter ce dernier.
Pour ce qui est de la répartition sur le territoire, vous le savez, s'il y a, en fait, un nouveau rééquilibrage entre zones de compétence exclusive de la police et zones de compétence exclusive de la gendarmerie, il n'y aura pas de révision drastique des effectifs de la gendarmerie en zones rurales.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 37.
(L'article 37 est adopté.)
Article 38