M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre, ainsi que les crédits d'aide à la presse inscrits au budget de la poste, des télécommunications et de l'espace.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'évidence, 1996 ne fera pas exception au principe selon lequel, dans le secteur de l'audiovisuel, on raisonne plus avec passion qu'avec raison car, de toute façon, tout s'entrechoque : règlements nationaux et internationaux, bouleversements technologiques, luttes entre programmes français et programmes venus du monde entier.
Notre objectif, à défaut de pouvoir maîtriser cette évolution, doit être de la comprendre afin de fixer des objectifs conformes à l'intérêt de notre pays. C'est dans cet esprit que je résumerai les deux rapports que j'ai eu l'honneur de défendre devant la commission des finances concernant respectivement les aides à la presse et le secteur public de l'audiovisuel.
Je commencerai par la presse.
Il existe deux presses en France. La première, héritière de la Libération, bénéficie d'aides de l'Etat. Elle juge leur enveloppe ou leur redéploiement en fonction des conditions qu'elle estime nécessaires à sa survie. La seconde a pris naissance autour de la presse magazine. Elle est une industrie et, plus que des subventions, elle réclame un environnement législatif lui permettant d'évoluer dans le multimédia. Les aides, directes et indirectes, s'élèvent à plus de 8 milliards de francs par an. Mais les critiques pleuvent de tous côtés. Beaucoup estiment même que le système actuel est indapté, inefficace, voire susceptible d'effets pervers, bref, qu'il faudrait le remodeler.
La presse est menacée par l'arrivée massive de groupes étrangers, nous en avons des exemples tout récents. Elle l'est aussi par un effet de ciseaux : ses charges augmentent, ses ressources diminuent. Ses charges augmentent du fait du renchérissement du papier, de l'alourdissement du coût du transport postal et des coûts salariaux, qui pourraient, éventuellement, s'accroître avec la suppression de l'abattement supplémentaire de 30 %. Dans le même temps, les ressources publicitaires de la presse baissent au bénéfice de l'audiovisuel, soit privé, soit public. TF 1 va pouvoir augmenter ses ressources publicitaires, France Télécom va devoir le faire, en raison de la structure de son budget pour 1997, puisqu'il s'agit là, chacun le sait, de la seule variable d'ajustement de ses recettes.
Or, rendre fragile la presse, monsieur le ministre, j'insiste sur cette idée, c'est prendre le risque de fragiliser la démocratie. Car la presse a besoin de ressources stables pour concourir, avec objectivité, à la formation de l'opinion publique.
Le Sénat attend, bien entendu, des précisions sur le fonds de modernisation de la presse lié à la suppression de l'abattement de 30 %. A cet égard, il faut affirmer que la politique salariale d'une entreprise ne doit dépendre que de sa direction et que la gestion bipartite ou tripartite d'un fonds n'est pas une idée à retenir.
Il est nécessaire de débloquer - le plus vite sera le mieux - les négociations entre l'Etat, la presse et La Poste. Les ultimes mises au point ont, en effet, conduit à une impasse, et il faut rapidement sortir de cette situation.
Enfin, la presse attend de votre part, monsieur le ministre, un geste sur le montant des aides directes. Il s'agit de rénover le dispositif de l'article 39 bis du code général des impôts et, par conséquent, d'adopter l'amendement qui a été retenu à l'unanimité par la commission des finances.
J'en arrive à l'audiovisuel public, pour exprimer quelques réserves.
La première porte sur la structure du budget. La redevance en 1997 n'augmentera pas. Les remboursements d'exonérations de redevance - toujours automatiques, toujours importants, puisqu'ils vont représenter 2,5 milliards de francs - ont été divisés par deux. Quelle en sera la conséquence ? Pour boucler le budget, il faudra davantage de publicité.
Rappelons que la progression de ces ressources publicitaires est importante : 290 millions de francs sont inscrits au titre de France 2, près de 560 millions de francs au titre de France 3. Cette progression prévue pour 1997 constituait, lorsque le budget a été élaboré, un pari risqué. Mais il pourrait devenir un pari perdu, en raison du retournement de conjoncture intervenu depuis l'été dernier. Si le contexte économique de cette fin d'année devait se poursuivre en 1997, les ressources publicitaires des chaînes seraient sans doute inférieures aux prévisions inscrites dans ce budget.
La deuxième réserve est liée à la participation financière de France Télévision au sein de Télévision par satellite, TPS. Certes, la télévision du secteur public ne doit pas manquer la révolution du numérique, mais deux questions se posent, l'une juridique, l'autre financière. La question juridique, d'abord : le secteur public peut-il accorder l'exclusivité de la diffusion, même gratuite, des chaînes publiques à l'un des opérateurs plutôt qu'à un autre ? La question financière, maintenant : le coût total du bouquet est évalué à 4 milliards de francs d'ici à l'an 2000. Or, la participation de France Télévision au capital de TPS est de 8,5 %.
Nous venons, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'entrer dans l'ère numérique, j'y reviendrai. Les conséquences prévisibles doivent en être rappelées, car toute régulation va devenir impossible, avec le risque supplémentaire de créer une télévision à deux vitesses : les chaînes payantes offriront les meilleurs programmes à un public restreint, les chaînes gratuites étant entraînées de leur côté dans les surenchères, les dérapages, indissociables de la recherche de l'audience à tout prix.
La troisième réserve concerne le choix des économies. Fallait-il en faire tant, et sur une seule année ? Au moment où les chaînes du secteur public doivent opérer des choix de développement pour leur avenir, compte tenu également de l'émergence des technologies numériques, la réduction des financements publics ne constitue-t-elle pas un lourd handicap ? La question mérite que l'on y réfléchisse sereinement.
S'agissant du rapprochement entre la SEPT-Arte et La Cinquième, il importe d'aligner la politique de diffusion de la SEPT sur Arte-Deutschland. Rien ne doit être précipité. Pour Radio France, les économies ne devraient pas, à mon avis, entraver le développement de nouveaux apports technologiques comme le DAB. Les décisions d'économie liées à la diffusion posent de difficiles problèmes financiers entre les sociétés de programme et TDF.
En bref, l'ensemble des économies imposées à France Télévision pourront-elles être réalisées sans dommages ? Ne risque-t-on pas de contraindre le secteur public à revoir sa ligne éditoriale en augmentant la diffusion de séries à bon marché et, par conséquent, de diminuer les commandes audiovisuelles puisque, nous le savons, la seule variable d'ajustement de ce budget sera constituée par les dépenses de programmes ?
Plusieurs risques sont à éviter. Le premier concerne le siège commun de France Télévision. Certes, le principe du regroupement des sites n'est pas mis en cause. La gestion financière de ce dossier est saine, selon l'audit même du secteur public. En revanche, on peut et on doit regretter que le projet ait été conçu sur la base d'une reconduction des surfaces existantes, sans réexamen de l'ensemble des besoins.
Certains estimeraient même qu'il n'y aurait pas assez de place maintenant. Mais, monsieur le ministre, délocaliser tel ou tel service ne reviendrait-il pas à nier la nécessité d'un siège commun ? Là encore, le problème est posé.
Autre risque, celui qui est lié à la convention nationale collective et unique des personnels de l'audiovisuel. Datant de 1984, cette convention devrait être renégociée, car, actuellement, elle handicape l'ensemble du secteur public, en commenant par les propres personnels de ce dernier. Elle ankylose la partie publique d'un secteur qui connaît une profonde révolution technologique liée à la numérisation. Ma conclusion, sur ce point, est que, si cette renégociation n'était pas conduite rapidement, en tenant compte des intérêts légitimes des uns et des autres, nous risquerions de mener le secteur public à sa perte, aussi bien par la mauvaise organisation de nos sociétés que par l'absence de garanties pluriannuelles de financement.
Mais peut-elle être renégociée, et comment doit-elle l'être ? Ce sont là deux questions, monsieur le ministre, sur lesquelles le Sénat souhaiterait vous entendre.
Parlons maintenant de la certitude de l'exception culturelle, le troisième risque.
Au sein du Parlement européen et au cours de la renégociation de la fameuse directive Télévision sans frontières, la perspective du renforcement des quotas européens semble bien s'éloigner à tout jamais. C'est une raison de plus pour accentuer nos efforts !
Le financement de la production audiovisuelle et cinématographique ne doit être ni perturbé, ni mis à la merci de mesures fiscales inspirées par une recherche d'économies apparentes. C'est pourquoi la modification du régime fiscal des SOFICA, les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, ne doit pas conduire à l'assèchement du marché. Un amendement de la commission des finances a été déposé à ce sujet.
De même, des projets de négociations de directives communautaires font apparaître que la Commission européenne serait trop perméable à certaines idées favorables aux seuls intérêts américains. En effet, si les nouveaux services entraient dans le champ de compétence des télécommunications, ils échapperaient ainsi à toute préoccupation culturelle.
Il faut, me semble-t-il, restructurer l'action audiovisuelle extérieure. Mais, à ce sujet, ne sommes-nous pas au milieu du gué ?
Le rapport Balle eut pour mérite de poser les jalons d'une stratégie audiovisuelle extérieure. La restructuration de cette politique autour de priorités nettement définies devrait permettre de clarifier une action jusque-là généreuse mais assez brouillonne. Les réformes de structure proposées, comme le holding TéléFi, vont dans le bon sens.
Une interrogation subsiste, cependant.
Pourquoi avoir travaillé du mois de décembre 1995 au mois de septembre 1996 sur un schéma de rapprochement par métier et en venir maintenant à un schéma de rapprochement par action ? Sur ces questions également le Sénat souhaiterait, monsieur le ministre, vous entendre.
A la suite de la présentation du budget de la communication devant la commission des finances, le 20 novembre dernier, je vous ai suggéré, monsieur le ministre, par courrier - mais vous m'avez reçu très aimablement, peu de temps après - de revoir la structure de ce budget avant sa présentation au Sénat. Cela n'a pas été possible.
Pour ma part, les analyses que j'ai développées et mes inquiétudes tant pour l'avenir de la presse écrite que pour l'audiovisuel public me conduisent à m'abstenir ; je m'en suis du reste expliqué avec vous. Mais, fidèle au mandat qui m'a été confié par la commission des finances, je demande au Sénat d'adopter ce budget.
Permettez-moi, pour expliquer ma position, de rappeler, avec Jean-Paul Sartre, que si « l'homme est un projet qui décide de lui-même », il en est de même de tout projet politique. Car j'estime totalement impossible que le budget de 1998 pour les aides à la presse et l'audiovisuel public soit structuré comme va l'être celui de 1997.
J'exprimerai, donc, une fois de plus, un espoir, celui que le Sénat soit entendu dans ses analyses comme dans ses propositions et, ainsi que je viens de l'indiquer, dans ses mises en garde.
Je voudrais aussi dire l'admiration et l'estime sincères que j'ai pour celles et ceux qui travaillent au sein des entreprises tant privées que publiques de la presse et de l'audiovisuel. Pour bien connaître leurs difficultés, pour savoir combien les ressources du privé sont souvent difficiles à réunir et les ressources du public pénalisées autant par l'annualité budgétaire que par les rectificatifs en cours d'exercice, oui ! pour connaître ces métiers et ces personnels, je mesure à leur juste valeur les trésors d'intelligence, de talent et de dévouement qui sont mis au service du bien commun.
Et si un parlementaire doit tout faire pour représenter efficacement les citoyens et les contribuables de son pays, il doit, dans un esprit de justice, reconnaître la qualité des efforts consentis par celles et ceux qui travaillent pour informer, distraire et cultiver.
Pour terminer, j'insisterai sur le fait que l'an I de l'ère numérique sonne en 1996 : il y aura la période avant 1996, il y aura la période après 1996. En janvier de cette année, ce sont sept chaînes hertziennes et quelques chaînes câblées ; en avril, c'est Canal Satellite qui lance son bouquet ; en juillet, c'est AB Productions ; le 16 décembre, ce sera TPS. Toutefois, il faudra compter avec les centaines de chaînes qui arrivent et vont arriver encore d'autres pays et d'autres continents et dont certaines - c'est le point sur lequel je veux insister tout particulièrement - seront planétaires.
En 1961, quittant la Maison-Blanche, Eisenhower déclarait que le complexe militaro-industriel américain constituait une menace pour la démocratie. En 1996, sous nos yeux, s'installe aux Etats-Unis et dans quelques autres pays un complexe industrialo-informationnel tout aussi inquiétant. Comment ne pas percevoir alors clairement la menace d'une véritable vassalisation cybernétique ? Oui ! sous nos yeux, des groupes plus puissants que les Etats eux-mêmes font main-basse sur le bien le plus précieux de la démocratie : l'information.
Ma question est alors la suivante : nous laisserons-nous imposer leur loi, ou bien, au contraire, défendrons-nous l'espace de liberté qui est indispensable à tout citoyen, à toute démocratie ?
C'est donc, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, réellement une autre bataille de France qui s'engage en ce moment.
Certes, la France ne joue pas sa liberté en tant qu'Etat, comme elle l'a fait après les accords de Munich en septembre 1938 et la défaite de mai-juin 1940, mais elle joue aujourd'hui son identité et l'indépendance de sa culture, dans leur expression à l'intérieur même de ses frontières et dans leur rayonnement à l'extérieur de notre pays.
Tels sont les termes du débat national qui s'impose et qui doit s'ouvrir sans délai, car il requiert la participation de chacune et de chacun d'entre nous. Je sais que nous ne nous déroberons pas et que, pour ce combat, nous nous retrouverons, vous, monsieur le ministre, et nous, les parlementaires.
Je sais que nous nous y engagerons, comme nos anciens l'ont fait quand il fallait le faire, de toutes nos forces, avec toutes nos forces, tant il est vrai, comme le déclarait Victor Hugo, qui siégea sur ces travées, que « ceux qui vivent sont ceux qui luttent ». Ainsi répondrons-nous à Jules Ferry quand il créa l'école, ainsi serons-nous fidèles à l'esprit de nos grands Anciens de 1789, à ceux qui ont voulu la liberté, l'accès de tous à l'éducation, à la culture et à la démocratie.
Nous devons traduire ces valeurs en termes modernes par la télévision, par l'ensemble de l'audiovisuel, puisque tout passe par l'écrit, l'image et le son.
Faisons en sorte, et j'en terminerai par là, que les messages transitant par ces supports soient pluralistes et objectifs. Il ne dépend que de nous qu'il en soit ainsi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 1997, dans l'optique du projet de budget qui nous est présenté, pourrait être une grande année de vérité pour l'audiovisuel public dans notre pays : vérité, tout d'abord, des moyens et des priorités de l'Etat actionnaire ; vérité, ensuite, dans une capacité de gestion aux limites des exigences tolérables, semble-t-il, qui s'imposent aux administrateurs des différents organismes audiovisuels ; vérité peut-être, enfin, dans le rapport entre l'actionnaire et les opérateurs, ce qui me paraît être le challenge de ce projet de budget.
En ce qui concerne, tout d'abord, la vérité de l'Etat actionnaire, nous en prenons conscience, à travers la politique de la redevance. Nous voyons bien qu'il s'agit de ne pas affecter socialement la population par des augmentations de cette taxe. De même, nous constatons que le nombre d'exonérations non remboursées à l'audiovisuel, compte tenu de la somme que cela représente, révèle que d'autres priorités ont pu paraître majeures.
Une loi de finances qui traduit une augmentation de quelque 1,19 % nous donne clairement conscience que, on enregistre en comparaison de certains efforts des années passées, un peu un recul. Mais l'analyse même des évolutions au coeur des budgets prouve que des explications complémentaires sont nécessaires.
Quoi qu'il en soit, cette vérité de l'Etat actionnaire se caractérise aussi par un appel plus large aux ressources propres des chaînes, ce qui, bien entendu, pose la question du rapport entre les ressources et la liberté dans la ligne éditoriale.
Les administrateurs des organismes gérant l'audiovisuel public au nom de l'Etat actionnaire doivent, eux aussi, relever un défi. En effet, on exige d'eux en même temps d'élargir leurs ressources propres par la publicité et le parrainage et d'assurer un certain développement en faisant appel, bien entendu, aux moyens existants. Dès lors, la grille des programmes risque désormais de ne pas respecter la ligne éditoriale définie dans le cadre du service public.
Si l'objectif publicitaire de FR 3 est très exigeant, celui de France 2 est plus modeste. Il est cependant clair que l'une et l'autre devront mettre en oeuvre un plan d'économies sur les programmes qui pourrait, a-t-on entendu dire, fournir le sujet d'un nouvel épisode de Mission impossible ! Mais on sait que, dans cette série, les héros finissent toujours pas s'en sortir ! (Sourires.)
Il est en effet prévu d'économiser sur les programmes 205 millions de francs, 140 millions de francs devant provenir de la renégociation des contrats des animateurs-producteurs. Cette renégociation a eu lieu, et l'on sait qu'elle n'a pas procuré cette somme.
Il est par ailleurs fait appel à un effort sur la gestion des stocks de programmes. Mais il me semble que cette démarche mériterait de s'étaler sur plusieurs années plutôt que de porter sur le seul budget pour 1997.
Quoi qu'il en soit, on ne pourra probablement pas éviter d'envisager un plan d'économies sans affecter peu ou prou la grille des programmes. Et l'on sait bien qu'à ligne éditoriale inchangée les objectifs publicitaires pourraient ne pas être atteints.
Il apparaît en revanche qu'il serait possible de réaliser le plan d'économies en donnant à la grille des programmes un caractère commercial plus marqué. Je pense qu'au sein de France Télévision les études avancent et que nous nous serons bientôt informés.
En tout cas, il est important de savoir comment cette notion de service public pourra être maintenue à travers la ligne éditoriale.
Par ailleurs, en termes de développement, on n'exclut pas quelques participations sur lesquelles, à mon sens, on pourrait encore s'interroger. Je pense notamment aux 40 millions de francs prévus pour l'entrée de France Télévision dans le numérique satellitaire. Il me semble, que sur ce point, tout n'est pas totalement clair.
En revanche, si, à l'égard de France Télévision, je constate que les objectifs sont très exigeants, il me semble que les exigences à l'égard des chaînes du cinquième réseau hertzien sont dans l'ordre du prévisible.
M. le président. Mon cher collègue, à mon grand regret, je suis obligé de vous demander de conclure assez rapidement.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Ma conclusion portera sur la troisième vérité dont je parlais tout à l'heure, celle qui est exigée entre l'actionnaire et les entreprises.
Il m'apparaît, monsieur le ministre, que ce qui manque le plus à France Télévision, comme d'ailleurs, à des degrés divers, aux autres organismes de l'audiovisuel, c'est une définition plus claire des missions que l'Etat lui assigne, des objectifs dont il souhaite la réalisation et des moyens qu'il est prêt à dégager, et cela, dans le cadre de contrats d'objectifs à moyen terme.
Voilà en quelques mots très sommaires l'analyse de la commission des affaires culturelles sur le projet de budget de la communication audiovisuelle à l'adoption duquel elle a donné un avis favorable, en attendant l'approfondissement du débat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les aides directes à la presse diminueront, en 1997, de 14 % par rapport aux crédits votés pour 1996, mais s'établiront à un niveau sensiblement équivalent à celui des crédits effectivement disponibles après régulation budgétaire.
Je crains, monsieur le ministre, que l'on ne retienne plus facilement la diminution que la stabilisation. Pour ma part, je suis tenté de trancher le débat en estimant que l'équilibre global que traduit le projet de budget des aides à la presse est acceptable à la condition qu'il ne soit pas altéré, en cours d'année, par de nouveaux gels de crédits.
Cela dit, l'évolution globale recouvre des situations particulières assez contrastées. Je voudrais retenir quatre aspects qui me paraissent particulièrement dignes d'intérêt.
J'évoquerai, d'abord, la diminution de l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires. Elle apparaît comme l'abandon définitif des projets d'augmentation très sensible présentés naguère, alors que le produit de la taxe sur la publicité télévisée, créée pour financer cette aide, ne lui est affecté qu'en partie.
Ma seconde remarque concerne le recul de 50 % des crédits d'aide à l'exportation de la presse française. Même s'il est possible de compenser certains effets pervers de cette mesure par un meilleur ciblage des actions, ce repli me paraît bien massif.
Je crois aussi qu'il est nécessaire de relever la diminution de 50 % des crédits d'allégement des charges de télécommunication des correspondant de presse. Il sera certainement nécessaire, à terme, de rétablir et même d'augmenter ces crédits afin de faciliter le développement de services électroniques utilisant les fonds éditoriaux de la presse.
Je voudrais enfin faire une allusion à l'évolution du coût du transport postal de la presse. Une nouvelle grille tarifaire sera mise en place le 1er janvier prochain. Elle conduira, en cinq ans, à une augmentation des tarifs qui serait de 45 % en moyenne pour la presse spécialisée grand public et de 43 % pour la presse spécialisée technique et professionnelle.
Je crois qu'il est indispensable de prévoir un sérieux écrêtement et un étalement des hausses afin de ne pas mettre trop brusquement en cause un élément très important des comptes d'exploitation de ces catégories de presse très dépendantes du transport postal.
Cela dit, je viens de prendre connaissance des deux amendements déposés par le Gouvernement. C'est une première réponse qui va dans le bon sens, et j'en prends acte avec beaucoup de satisfaction.
Cependant, il semble que l'élément saillant de ce débat budgétaire ne figure pas dans votre projet de budget, monsieur le ministre. Je veux parler, bien sûr, de la suppression de l'abattement de 30 % consenti aux journalistes pour le calcul de leur revenu imposable.
La légitimité de cette mesure n'est pas en question, mais, là aussi, il convient d'éviter la brusque remise en cause d'une situation qui n'est pas sans influence, chacun en convient, sur la situation économique des éditeurs de presse.
On peut, en effet, considérer ce régime fiscal comme une forme d'aide indirecte à la presse ; c'est dans cette intention qu'il a été créé, et c'est le rôle qu'il a effectivement joué.
M. Emmanuel Hamel. Il faut le maintenir. Le supprimer est ridicule et grotesque !
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis. Aussi convient-il d'éviter que le rétablissement de l'égalité devant l'impôt ne pénalise par contrecoup les entreprises de presse qui devront faire face aux demandes de compensation présentées par les titulaires de bas et moyens salaires, qui sont très nombreux dans la profession, spécialement dans la presse provinciale et départementale.
Monsieur le ministre, vous allez certainement nous préciser les modalités envisagées pour le fonctionnement du fonds de compensation institué par l'Assemblée nationale. J'espère que vous pourrez nous garantir sa stabilité, l'existence d'une dotation suffisante, le principe d'une gestion concertée avec les représentants de la presse et les syndicats de journalistes et, enfin, l'absence de discrimination entre les différentes catégories de la presse écrite.
A cet égard, j'ai tendance à penser que l'hypothèse d'un émargement des télévisions à ce fonds ne doit pas être retenue. Les raisons qui justifient l'intervention de l'Etat en faveur de la presse écrite ne me paraissent pas transposables à la télévision.
Je ne terminerai pas ce trop bref exposé sans rappeler que le mieux-être relatif constaté en 1995 dans la situation économique globale de la presse est fragilisé par la persistance d'une évolution défavorable de la répartition des investissements publicitaires. La presse, qui recevait, en 1990, 47,3 % de ceux-ci, n'en a reçu que 40 % en 1995. Dans le même temps, la part de la télévision passait de 30 % à 35,2 %.
Cela jette, bien entendu, une lumière tout à fait crue sur la possibilité récemment acquise par TF 1 d'augmenter de deux minutes la durée maximale des coupures publicitaires.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis. J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur ce fâcheux développement, et je souhaite savoir s'il vous paraît possible de prendre des initiatives, y compris réglementaires, pour rectifier cette tendance.
Cela étant, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 12 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 9 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m'efforcer d'être bref pour ne pas que le président me coupe la parole, car vous avez vu que, cet après-midi, il est énergique sur le respect des temps de parole ! (Sourires.) Je vais donc essayer de respecter le mien.
M. le président. Qui est de sept minutes !
M. Michel Pelchat. J'ai bien entendu : sept minutes. C'est parti ! (Nouveaux sourires.)
Avec 17 milliards de francs, le projet de budget de l'audiovisuel public pour 1997 progresse de 1,2 % par rapport à 1996 et participe, comme beaucoup d'autres, je le rappellerai, aux efforts de réduction des dépenses publiques afin de maîtriser les déficits de notre budget général.
M. Henri Weber. Apparent !
M. Michel Pelchat. Certes, les choix proposés aujourd'hui en vue de renforcer et de rendre toujours plus légitime le secteur public audiovisuel ne prétendent pas être ceux de la facilité, j'en conviens ; vous le savez fort bien, monsieur le ministre.
Mais ces choix sont difficiles, et je m'interroge, je vous interroge : avons-nous toujours fait les meilleurs choix ? Faisons-nous notamment le bon choix lorsque nous prévoyons que le budget de France 2 - cela a été rappelé par mon ami Jean Cluzel, rapporteur spécial - sera financé à plus de 50 % par la publicité, ce qui est d'ailleurs la première fois depuis 1990 ? Cela risque de rendre encore moins lisible la différence qui devrait exister entre les programmes du secteur public et ceux du secteur privé, et, comme l'a rappelé le précédent orateur, cela risque aussi d'affaiblir encore un peu plus la presse écrite par les ponctions publicitaires que cela engendre.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Michel Pelchat. Faisons-nous le bon choix lorsque, pour réaliser des économies, nous freinons le développement déjà si faible de l'audiovisuel extérieur, et cela en dépit des engagements que nous avons pris voilà un an ?
Bien sûr, je ne méconnais pas, je le rappelais tout à l'heure, les contraintes financières. Je sais aussi que vous avez été contraint, comme d'autres ministres, à vous inscrire dans la ligne générale de ce budget pour 1997 si difficile à établir.
Je sais encore que ces économies, à hauteur de 616,6 millions de francs, sont exigées de toutes les entités du service public de l'audiovisuel en fonction de leur importance et de façon à peu près équitable.
Cependant, les économies que vous nous proposez, monsieur le ministre, doivent être bonnes ; ces économies doivent être justes ; ces économies doivent être utiles. Elles doivent oeuvrer dans le sens des réformes nécessaires à la consolidation de l'audiovisuel public. Tel doit être notre objectif.
Ainsi, nous savons que l'économie attendue du fait de la suppression de France Inter en ondes moyennes sera annulée, à due concurrence ou quasiment, par l'indemnité contractuelle due à TDF, qui est de l'ordre de 70 millions de francs. Or, n'oublions pas que TDF est une filiale de France Télécom.
Comment pouvons-nous maintenir aujourd'hui un monople de TDF alors même que sa maison-mère, France Télécom - 49 % de fonds privés - s'apprête à exercer sa mission de service public dans un univers concurrentiel ? Il nous faudra nous interroger dans un très proche avenir sur cette situation.
Quant aux sacrifices financiers demandés à Arte et à La Cinquième en 1997, supprimant leur diffusion en analogique sur Eutelsat 2 FI, pensez-vous qu'ils correspondent au rayonnement de la francophonie que nous souhaitons défendre au-delà de nos frontières ?
« Il n'y a rien au monde qui n'ait son moment décisif et le chef d'oeuvre de la bonne conduite est de connaître et de prendre ce bon moment ». Ainsi parlait le cardinal de Retz.
Eh bien, mes chers collègues, le moment est venu aujourd'hui, pour nous, de savoir si, dans le contexte actuel, nous décidons ou non de poursuivre le financement de l'audiovisuel public par une taxe affectée.
Le moment est même venu de savoir si nous maintenons un financement mixte de l'audiovisuel public, et dans quelles conditions.
Vous le savez, d'aucuns disent et diront que le financement mixte ne saurait constituer un principe intangible. D'autres proposent, et proposeront encore catégoriquement, de supprimer la redevance au motif que cet impôt est archaïque.
Je ne partage pas ces points de vue. Si nous voulons garantir la pérennité d'un service public de l'audiovisuel, nous devons maintenir le paiement d'une redevance affectée représentant une part majoritaire du financement de l'audiovisuel public.
A ceux qui hésitent encore sur le bien-fondé de la redevance, je citerai les cas de deux pays : l'Espagne, qui l'a supprimée, et les Etats-Unis d'Amérique, qui l'ont introduite dans le budget général fédéral.
En Espagne, avec une dette de près de 11 milliards de francs, la télévision publique est au bord de l'asphyxie financière. Il n'y a pas de solution visible. En tout cas, il semble que la mort de cette télévision soit annoncée.
Aux Etats-Unis, le financement de l'audiovisuel public est en partie assuré par le budget de l'Etat fédéral. Vous savez combien, chaque année, les discussions sont âpres au Congrès, notamment lorsqu'il s'agit de renouveler les crédits.
Je me souviens du discours prononcé le 20 janvier 1995 par M. Newt Gingrich, président de la chambre des représentants, devant ses pairs, séance à laquelle j'assistais : « Si vous voulez avoir un budget équilibré, disait-il, vous devez réduire les dépenses. Le premier des domaines où nous pouvons couper les crédits est celui de l'audiovisuel public ».
M. Gingrich est l'un de ceux qui considèrent qu'une télévision publique est superflue dans le foisonnement des chaînes thématiques et des chaînes généralistes commerciales.
C'est exactement le contraire qui se produit. D'ailleurs PBS connaît un succès grandissant aux Etats-Unis, notamment parmi les familles défavorisées, car c'est la seule chaîne qui, diffusée en clair et accessible à tous sans paiement en contrepartie, leur permet d'avoir accès à des programmes de qualité pour l'éducation de leurs enfants, entre autres.
C'est donc pour éviter cette situation du secteur public de l'audiovisuel en France que nous devons maintenir cette source de financement indispensable que constitue la redevance audiovisuelle.
Cela étant, je considère que le système actuel de la redevance est totalement obsolète et qu'il faudra effectivement tout prochainement le réformer.
En effet, la redevance est aujourd'hui assise sur les téléviseurs à tube cathodique associant un tuner et un moniteur. Or, ces téléviseurs disparaîtront dans quelques années pour être remplacés par des écrans plats et des tuners multi-usages, dont la commercialisation est déjà annoncée en France dès 1997.
Je pense, monsieur le ministre qu'une grande réflexion associant le Parlement et les professionnels du secteur doit être engagée sur ce sujet.
Dans cette perspective de changement, je présenterai d'ailleurs, tout à l'heure, un amendement d'uniformisation. Je pense en effet qu'il faut aujourd'hui tendre à une uniformisation de cette taxe, en modifiant l'assiette, et cela d'autant plus que les différences qui existent aujourd'hui ne s'expliquent pas et, surtout, ne se justifient pas.
Les recettes supplémentaires qui résulteraient de l'adoption de mon amendement permettraient, notamment, d'augmenter la part du financement public pour l'audiovisuel.
Un autre sujet pour lequel la France a un rendez-vous important est sa politique de l'audiovisuel extérieur.
Je vous rappelle que la France, qui était, en 1989, au premier rang mondial en la matière, n'est plus actuellement qu'au douzième rang. Si nous continuons comme cela, qu'en sera-t-il demain ?
Il serait souhaitable, pour le rayonnement extérieur de notre pays, de maintenir la diffusion de La Sept-Arte, en langue française, et de La Cinquième en analogique sur le satellite Eutelsat 2 FI. En effet, ces chaînes sont très regardées par les Français expatriés ainsi que par une fervente communauté francophile d'Europe et du Bassin méditerranéen, où les auditeurs francophones sont au nombre de 1,5 million. Cela n'est pas rien pour le rayonnement de la culture de notre pays !
De plus, nous devrions prendre en compte la difficulté, sur le plan international, de diffuser des films et des fictions françaises de qualité. En effet, les ayants droit entravent ces diffusions en exigeant des droits que l'on peut juger excessifs, notamment quand ces oeuvres audiovisuelles ont déjà permis la perception de droits légitimes lors de leur diffusion nationale par le secteur public. Sur ce problème aussi, monsieur le ministre, une réflexion devrait être menée, me semble-t-il.
Un troisième sujet mérite, je le crois, une importante réflexion : la diffusion numérique par satellite des chaînes publiques, déjà mentionnée par M. Cluzel.
En effet, on peut se demander si le secteur public de l'audiovisuel doit être un des éléments de concurrence entre des opérateurs privés de satellite ou s'il doit être présent sur tous les satellites de tous les opérateurs, et ce gratuitement et pour toute la durée de leur autorisation d'émettre sur ces différents satellites.
Enfin, il me semble qu'il convient de nous demander aussi si le secteur public de l'audiovisuel doit être lui-même producteur et diffuseur d'un certain nombre de chaînes thématiques, grâce à la qualité de certains de ses programmes qui le méritent,...
M. le président. Mon cher collègue...
M. Michel Pelchat. ... ou s'il doit être celui qui commercialise auprès d'un certain nombre de producteurs et de diffuseurs privés ses programmes de qualité, en les commercialisant beaucoup mieux qu'il ne le fait aujourd'hui.
Cela dit, monsieur le ministre, j'espérais, mais le président me presse,...
M. le président. Eh oui !
M. Michel Pelchat. ... évoquer encore longuement d'autres questions. Mais le temps est le temps, et il nous est compté, y compris, malheureusement, cet après-midi !
Au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je vous remercie de nous présenter ce budget dans le contexte difficile qui est celui de notre pays aujourd'hui. Bien entendu, c'est avec confiance, notamment dans le prochain projet de loi que vous présenterez bientôt au Parlement,...
M. le président. Mon cher collègue...
M. Michel Pelchat. ... et aussi avec l'espoir que toutes les questions que je viens de poser pourront faire l'objet d'une réflexion commune...
M. le président. Mon cher collègue, il vous faut vraiment conclure !
M. Michel Pelchat. ... que je voterai votre budget au nom du groupe des Républicains et Indépendants.
Merci, monsieur le président, de votre mansuétude !
M. le président. Ne vous en vantez pas trop, car tout à l'heure, je vais être obligé de devenir beaucoup plus dur !
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Rochefoucauld, à moins que ce ne soit La Bruyère, a écrit un jour : « Les vieillards s'empressent de donner de bons conseils aux jeunes gens faute de ne plus pouvoir leur donner le mauvais exemple. » (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Vous êtes encore un jeune homme !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. C'est bien La Rochefoucauld !
M. André Diligent. En tout cas, le sujet mérite débat ! C'est la raison pour laquelle j'ai toujours scrupule à aborder tout sujet qui touche quelque peu à la morale !
Pour limiter mon propos, je m'en tiendrai simplement aujourd'hui au problème de la violence à la télévision et je vous citerai deux témoignages.
Le premier fut donné le 6 décembre 1988 - il y a déjà près de dix ans donc - à l'Assemblée nationale, et l'orateur, dont personne ne discutera l'autorité, Mme Ségolène Royal, déclarait : « Je n'ai pas une tête de mère la pudeur. Je n'en ai pas le tempérament non plus. Je crois que rien n'est plus exécrable que la censure, et loin de moi l'idée de rétablir un ordre moral. Mais comment fermer les yeux, comment ne pas voir que trop, c'est trop, lorsque notre télévision nous diffuse en une semaine quinze viols, dont deux viols d'enfants, vingt-sept scènes de torture, treize tentatives de strangulation, huit suicides et six cent soixante-dix meurtres ? Comment ne pas voir que notre télévision devient le déversoir des séries américaines et japonaises où la violence le dispute à la vulgarité ? » (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. Bernard Piras. Elle a raison !
M. Emmanuel Hamel. Et le ministre laisse faire !
M. André Diligent. Je poursuis ma lecture :
« Il ne faut pas rester inerte devant cette molle résignation générale qui accepte que reculent d'année en année les frontières du supportable pour les plus jeunes. Je les connais par coeur les arguments de ceux qui voudraient que le législateur ne fasse rien sous prétexte de libéralisme ou de liberté d'expression. Ce sont finalement les marchands d'images qui fixent les règles du jeu pour leur seul profit. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
« Je sais que beaucoup de personnes pensent cela, mais n'osent pas le dire de peur de paraître ridicules. »
Moi, je n'ai pas peur ! Et l'orateur poursuit son réquisitoire impitoyable et conclut : « Certains sujets de société dépassent les clivages politiques traditionnels et, en tout cas, peuvent rassembler tous ceux qui ont la conviction que les jeunes ont droit à autre chose qu'à la noirceur de la vie, qu'ils ont droit aussi à la beauté, à la culture, au rêve, au romantisme, bref qu'ils ont droit aussi à des images qui leur fassent aimer la vie.
« On n'a pas le droit de former les jeunes générations à l'indifférence face à la violence. »
Le Journal officiel signale que la fin de l'intervention de Mme Ségolène Royal fut saluée par des applaudissements sur tous les bancs.
Que s'est-il passé pendant huit ans ?
Le second témoignage qui, huit ans après, répond comme en écho, émane de quelqu'un de particulièrement concerné, puisqu'il s'agit du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, M. Hervé Bourges en personne.
Voici ce qu'il déclare : « Ne suffit-il pas d'appuyer sur la télécommande pour prendre la télévision en flagrant délit de massacre ? On tue, on bousille, on casse, on explose, on désintègre, c'est l'apocalypse à jet continu, à longueur de matins et de mercredis, aussi bien dans les dessins animés américano-japonais que dans les films, séries et téléfilms made in Hollywood. »
C'est le tuteur de la télévision, M. Bourges, qui déclare cela, et il est parfaitement crédible.
Qu'a-t-on fait pendant huit ans, sinon des rapports quasi confidentiels à propos desquels on discute sur le point de savoir si la télévision est le reflet de la violence ou si, au contraire, elle la provoque ? Là n'est pas la question.
En réalité, personne ne peut nier que son étalage permanent accroît l'agressivité, comme l'écrivait si justement un journaliste de Télérama : « Lorsque les publicitaires assurent qu'ils parviennent à nous faire changer d'habitudes de consommation en quelques spots, qui peut imaginer qu'il ne restera rien de ce bain quotidien et prolongé de violence ? On sait que les enfants sont une cible privilégiée pour les annonceurs. Comme par miracle, ils seraient épargnés par les scènes brutales ? »
En réalité, l'école parallèle, c'est-à-dire la télévision, semble à longueur d'année contredire les valeurs que l'école s'efforce d'apprendre à nos enfants : le respect de l'autre, la tolérance, la fraternité, le culte de l'effort, le sens civique, le devoir moral.
On n'empêchera jamais, bien entendu, la représentation à l'écran d'un certain nombre de scènes de violence parce qu'elles font partie de la vie. Mais ce qu'il y a de grave, c'est leur banalisation. J'ai conscience que les scènes de plus en plus fréquentes qui se déroulent à la porte de nos établissements scolaires ou à l'intérieur de ces établissements ont un rapport avec les scènes que nos enfants ont vues à la télévision la veille ou l'avant-veille.
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. André Diligent. L'intention qui consiste à signaliser et à classer les programmes en fonction de leur nature et de l'âge de l'auditoire - rectangles, triangles, cercles - est louable. Pourtant, je suis sceptique. Je demande en tout cas que, d'ici à six mois, on dresse un bilan de cette expérience. En effet, je vois déjà les difficultés qui vont en découler.
Imaginez une famille nombreuse avec quatre ou cinq enfants. Le père ou la mère dit : « Louise, va te coucher, il est huit heures et demie, mais Joseph peut rester jusqu'à neuf heures et demie, et Arthur a le droit de regarder la télévision jusqu'à dix heures et demie, en raison de la nature du programme et des signes affichés sur l'écran ».
Cette expérience va être difficile à mettre en oeuvre, mais je m'incline devant la bonne volonté évidente des auteurs de cette initiative.
J'ai eu l'honneur d'être désigné par la commission des affaires culturelles pour représenter le Sénat au conseil d'administration de France 3. J'y ai rencontré des gens de grande qualité ; je pense au président Gouyou Beauchamps et à l'ensemble du personnel de cette chaîne, à qui je rends hommage pour le remarquable redressement qui a été accompli ces dernières années.
Il y a un certain nombre d'années, à feu l'ORTF si discutée à l'époque et qui m'a laissé un souvenir mitigé, se tenait un comité des programmes. Il était bien entendu consultatif, mais il était aussi représentatif car on y trouvait des représentants non seulement d'instituts, mais aussi de la culture populaire, des associations familiales, de l'éducation nationale, des professionnels de l'audiovisuel et, d'une manière générale, de ce que l'on appelait les forces vives.
Aujourd'hui, qui a la responsabilité des programmes ? Je me le demande encore !
Quelques fonctionnaires, sous la responsabilité du président-directeur général, choisissent les émissions, mais qui discute des grandes orientations, qui mène une réflexion permanente sur ce sujet ? Je me le demande ! Je crois que les forces vives de la nation, c'est-à-dire ceux qui reçoivent les messages à longueur de soirée - les Français les reçoivent en moyenne trois heures pas jour - n'ont pas le droit de faire connaître leur opinion sur des sujets aussi sensibles, alors que tant d'organisations peuvent faire entrendre leur voix par les chambres de commerce, les chambres de métiers, les chambres d'agriculture et par le Conseil économique et social !
De même que l'on dit de la guerre qu'elle est une affaire trop importane pour être confiée aux militaires, de même je dirai des programmes de télévision qu'ils sont une affaire trop importante pour être confiés aux seuls fonctionnaires, quelle que soit leur qualité. C'est la raison pour laquelle, quel que soit l'avenir des statuts, je souhaite que, sous une forme représentative et consultative, vous puissiez mettre sur pied un comité des programmes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre excellent collègue M. Alain Joyandet, retenu par un empêchement, m'a demandé d'excuser auprès de vous son absence et de le remplacer dans ce débat où il était prévu qu'il prît la parole.
Monsieur le ministre, les orientations définies dans le projet de budget s'inscrivent dans la logique de la politique du Gouvernement. Elles recherchent les économies souhaitées, elles assurent la continuité de l'audiovisuel public, elles en prévoient un renouveau.
Le budget qui nous est ainsi soumis ne comporte ni augmentations frappantes ni diminutions drastiques. Il s'élève à 17 milliards de francs, soit une progression de 1,1 % par rapport à 1996.
Bien sûr, spécifiquement parlant, une augmentation budgétaire n'est jamais satisfaisante. Rappelons cependant qu'elle s'inscrit dans un contexte général de réduction des dépenses et qu'elle répond ainsi aux objectifs fixés par le Gouvernement afin de maîtriser le budget général de la nation. Vous y avez votre part tout comme les autres départements ministériels.
Notons cependant, concernant l'audiovisuel public et particulièrement la télévision publique, une diminution des ressources d'environ 3,9 % portant sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement des chaînes, soit 545 millions de francs d'économies décidées à la suite du rapport Bloch-Laîné de juillet dernier. Un effort est donc demandé aux chaînes publiques pour la rigueur de leur gestion.
Toutefois, toujours en cohésion avec la politique générale, vous avez décidé, pour la première fois depuis dix ans, de ne pas augmenter le montant de la redevance maintenue à son niveau de 1996. Rompant ainsi avec une longue tendance à la hausse, cette décision répond au souhait de stabilisation des prélèvements obligatoires.
Certes, notre rapporteur spécial, notre excellent collègue Jean Cluzel, souhaite, avec sa sagesse coutumière, qu'une réflexion soit engagée sur l'opportunité d'élargir l'assiette de la redevance pour la rendre plus efficace et plus rentable. Il n'en demeure pas moins que votre initiative, monsieur le ministre, évitera de pénaliser les foyers aux revenus modestes, ce qui est bien le souhait du Gouvernement.
Ainsi, la cohérence de votre projet de budget ne l'empêche pas d'être ambitieux puisqu'il prévoit la possibilité de mieux structurer l'audiovisuel public. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en débattre ultérieurement, dans le cadre du projet de loi sur la réforme de l'audiovisuel mais, d'ores et déjà, deux orientations semblent se dessiner : la création d'un véritable groupe France Télévision et le rapprochement des chaînes, la SEPT-Arte avec la Cinquième, réforme susceptible d'aboutir à terme à la création d'un holding grand groupe de l'audiovisuel public comprenant France Télévison, la SEPT-Arte, la Cinquième et RFO.
Une telle réforme paraît cependant risquée de par les difficultés qu'elle suscite, dont certaines, ne nous le cachons pas, peuvent la compromettre, et que notre excellent collègue Jean Cluzel ne craint pas de définir comme des « bombes potentielles ».
Si une clarification des compétences est tout à fait souhaitable, la création d'un véritable groupe public France Télévision reste néanmoins problématique et l'affaire récente des animateurs-producteurs est là pour le prouver.
En effet, si les activités des deux chaînes publiques semblent complémentaires, puisque l'une est généraliste et l'autre régionale, des différences n'en existent pas moins, notamment sur le plan salarial. Sur quelles bases en effet l'harmonisation des statuts devra-t-elle s'effectuer, particulièrement dans un climat de restrictions budgétaires ? Le coût du rattrapage des salaires de France 3 par rapport à ceux de France 2 est estimé, ne l'oublions pas, à 200 millions de francs.
D'autres difficultés sont d'ores et déjà perceptibles, par exemple celles qui sont relatives au coût et à la nature de la construction du nouveau siège de France Télévision ; d'autres pourraient surgir, qui seront insolubles dans les années à venir compte tenu de la conjoncture.
En effet, si l'on considère l'évolution des différents budgets, au cours de ces dernières années, on constate un désengagement croissant de l'Etat compensé par un recours de plus en plus important aux ressources publicitaires. Depuis trois ans, le financement d'origine publicitaire a ainsi progressé de 5 %, provoquant une diminution symétrique des dotations de l'Etat.
Faudrait-il donc accepter, et dans quelle mesure, qu'une télévision publique destinée à assurer une mission de service public devienne dépendante de ressources commerciales ? Il faudrait alors éviter une dérive progressive, qui pourrait provoquer l'effritement, voire la désagrégation, des télévisions généralistes et de notre conception de l'audiovisuel public centré autour de France 2 et de France 3.
En conséquence, ne pourrait-on pas envisager de constituer un pôle de télévision publique renforcé, fidèle à sa mission de service public et réunissant par exemple Arte, La Cinquième et une seule chaîne publique, France 3 ou France 2 ?
Un tel schéma reviendrait évidemment à se séparer de l'une des deux grandes chaînes publiques qui, libérée de la tutelle, pourrait se consacrer à des programmes généralistes,...
M. Henri Weber. Nous y voilà !
M. Lucien Lanier. Vous ferez valoir votre opinion tout à l'heure, mon cher colègue.
... des programmes généralistes, dis-je, conformes à ses origines actuelles en récupérant les recettes publicitaires perçues par l'autre chaîne. Il existe, dès lors, deux possibilités.
La première serait de maintenir France 3 dans un pôle audiovisuel public. Cette chaîne pourrait alors renforcer la gamme des programmes régionaux qui ont su séduire le public. Le succès du 19-20, dont on vient de fêter les dix ans, en est l'illustration évidente. On se rapprocherait ainsi d'une télévision thématique de proximité et de qualité expurgée des messages publicitaires puisque financée uniquement par l'Etat.
La seconde possibilité serait de faire le choix du maintien de France 2 dans le secteur public, ce qui pourrait favoriser une gestion cohérente du service public, évitant les dérives auxquelles nous faisions allusion tout à l'heure.
L'un ou l'autre choix permettrait une plus grande éthique de la télévision publique, sans pour autant lui imposer une censure. Avec Arte et La Cinquième s'y joindrait une chaîne culturelle cohérente, dont les deux composantes conserveraient, bien entendu, leurs propres caractéristiques.
Ainsi esquissée, la situation de l'audiovisuel public y gagnerait de la clarté et surtout permettrait, dans un second temps, un déploiement de la télévision publique vers les bouquets numériques et les autoroutes de l'information. Ce déploiement pourrait se faire dans deux directions : d'abord, vers un effort accru de production publique française ou européenne de qualité, aussi variée, notamment, que la production de documentaires, d'émissions télévisées, de films propres à la télévision ou de films de cinéma - les artistes français de talent profiteraient d'un tel dispositif - ensuite vers les nouvelles techniques de l'information, en participant à des bouquets satellites numériques et de télévision interactive. Ces deux voies sont déjà envisagées avec le projet de télévision par satellites de France Télévision et la télévision interactive selon La Cinquième.
En tout état de cause, monsieur le ministre, la France ne peut pas et ne pourra pas rester en dehors de ces nouvelles technologies. Les rapports de nos excellents collègues Pierre Laffitte et René Trégouët nous l'ont, à l'évidence, prouvé.
En conclusion, serait-il possible de dire que la télévision publique pourrait prendre exemple sur les transformations qui ont marqué la radio publique, dont le succès est certain ? La télévision connaît les mêmes capacités d'adaptation, à condition, bien entendu, de faire preuve de rigueur de gestion, de souplesse dans ses structures, d'innovation dans ses programmes et sa mission.
Voilà, monsieur le ministre, quelques idées dont nous souhaiterions qu'elles puissent concourir à la réflexion aujourd'hui indispensable pour l'avenir de la télévision publique et auquel vous consacrez une grande part de vos soins. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République soutiendra votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : « Le foisonnement de nouvelles chaînes et de réseaux en ligne va multiplier par 100, en dix ans, le besoin de programmation, et donc la nécessité de les financer. Qui d'autre que la publicité y pourvoira ?
« L'avenir, c'est que les annonceurs s'instaurent copartenaires des programmes. Nous n'inventerons rien. Procter et Gamble lança ses premiers soap operas voilà trente ans. Unilever est propriétaire de La Roue de la fortune et il n'est plus aux Amériques un jeu, un show, une série qui ne soit pas commandité par une firme. Qu'attendons-nous pour agir ainsi en Europe ? Notre télévision continentale se bâtira sur ce principe. C'est pour moi l'aboutissement de tous mes rêves. »
Vous vous en doutez, monsieur le minisre, mes chers collègues, ce n'est pas moi qui parle, c'est Jacques Séguéla dans son dernier ouvrage paru il y a une quinzaine de jours. Cet avenir serait plutôt pour moi une vision de cauchemar.
Hélas, monsieur le ministre, je crains fort que, de reculs en désengagements de l'Etat, vous n'entraîniez l'audiovisuel public vers ce modèle. Votre projet de budget est un budget de démission, de mépris et d'abandon.
Cette démission financière remet en cause à la fois l'exécution des missions de service public, le développement stratégique des entreprises publiques et risque d'aboutir à l'étranglement de l'industrie de programme française.
Tout d'abord, le désengagement financier de l'Etat va remettre en cause l'identité du service public.
En effet, si le budget de l'audiovisuel public reste globalement constant à 17 milliards de francs - ce qui signifie tout de même une baisse en francs constants - sa principale caractéristique est la très forte diminution des ressources publiques, puisqu'il s'agit d'une diminution de près de 4 %.
France Télévision recevra ainsi environ 500 millions de francs de moins que l'année dernière, et l'ensemble du secteur aura perdu en deux ans 1 milliard de francs de ressources budgétaires. C'est l'asphyxie du secteur public qui est programmée.
Le secteur public devra donc essayer de compenser le désengagement de l'Etat par une considérable augmentation de ses ressources publicitaires. Faute de temps, je me contenterai de relever les conséquences les plus dommageables de cette dérive.
D'abord, le budget de France Télévision n'est ni réaliste ni conforme à ses missions de service public. Les deux chaînes sont mises devant l'alternative suivante : présenter un lourd déficit ou vendre leur âme.
Vous demandez à France Télévision d'augmenter ses ressources publicitaires de 14 %, c'est irréaliste et irresponsable.
C'est même doublement irréaliste : d'une part, au regard de l'évolution récente du marché publicitaire en stagnation au quatrième trimestre et compte tenu de la concurrence accrue de TF1, qui s'est vu octroyée deux minutes de publicité supplémentaires cet été par le CSA ; d'autre part, en raison des économies de quelque 200 millions de francs imposées par ailleurs sur les programmes de FR 2, compte tenu, bien sûr, de la nature des programmes de FR 3.
Cette politique est surtout irresponsable. « Je ne vois pas comment nous pourrions y arriver sans trahir nos missions », disait Xavier Gouyou Beauchamp devant la commission des affaires culturelle, mercredi dernier. Les recettes publicitaires en effet ne se décrétent pas, elles sont totalement liées à l'audience des programmes. Or vous prévoyez 300 millions de francs de publicité en plus sur FR 2, qui sera ainsi financée à plus de 50 % par la publicité, et 500 millions de francs de publicité en plus sur FR 3, dont la part du budget financée par la publicité passerait ainsi de 20 % à 30 %.
Cela est totalement incompatible avec les lignes éditoriales des chaînes telles qu'elles ont été définies dans la perspective de l'accomplissement de leurs missions de service public.
Faut-il encore le rappeler, au risque de passer pour archaïque, France 2 est une chaîne généraliste de qualité qui s'adresse au public dans son ensemble et ne le « saucissonne » pas en cibles publicitaires, contrairement à ce que souhaiterait Jacques Séguéla.
Quant à France 3, elle est une chaîne d'abord tournée vers les régions, plus culturelle et plus citoyenne. Ces lignes éditoriales ont d'ailleurs été couronnées de succès et ont permis au service public de dépasser régulièrement TF 1 depuis deux ans.
Quel dommage, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas pu être dans cet hémicycle le 7 décembre 1995 pour entendre M. Douste-Blazy nous déclarer avec conviction : « Je suis favorable à une diminution de la part des ressources publicitaires sur France 2 et France 3. » (Sourires.) Je vous renvoie au Journal officiel !
Il est clair que, en soumettant ainsi totalement la politique de programmes des chaînes à la contrainte publicitaire, c'est leur légitimité même de chaînes publiques que vous risquez de remettre en cause. Est-ce, monsieur le ministre, pour mieux préparer une de ces privatisations où votre gouvernement excelle en ce moment, comme cela vient, je crois de vous être suggéré par l'un de mes collègues ?
M. Henri Weber. C'est bien évident !
Mme Danièle Pourtaud. Je voudrais insister maintenant sur le mépris pour les entreprises du secteur dont témoigne votre budget, et l'absence de réflexion qu'il révèle.
Votre budget impose de manière arbitraire aux entreprises du secteur des économies comptables qui ne tiennent compte ni de la réalité des entreprises ni des modalités de mise en oeuvre. Ainsi Radio France, Arte et La Cinquième se voient dotées pour 1997 d'un budget qui applique aveuglément les économies préconisées par le rapport Bloch-Lainé.
Radio France doit économiser 40 millions de francs en supprimant la diffusion de France Inter en ondes moyennes. Or cette suppression coûtera, la première année, 76 millions de francs à l'entreprise. Il manquera donc à Radio France 116 millions de francs pour boucler son budget en 1997 ; j'y reviendrai au moment de la discussion de l'article 58.
Arte et La Cinquième devront réduire leurs dépenses de 145 millions de francs en réalisant des économies liées à leur fusion, mais cette fusion n'a pas encore été votée par le Parlement et elle aura aussi, au départ, un coût - déménagement, licenciements, etc. - sans parler des difficultés de mise en oeuvre liées à l'aspect plurinational d'Arte.
Plus ridicule encore : on impose à ces sociétés, pour réaliser 13 millions de francs d'économies, d'anticiper d'un an leur passage à la diffusion numérique. Sera ainsi supprimée d'un trait de plume la possibilité pour les téléspectateurs du bassin méditerranéen et de l'Europe de l'Est de recevoir ces programmes en français.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Exact !
Mme Danièle Pourtaud. Comme le soulignait le président du GIE/la Sept - Arte-La Cinquième dans un courrier adressé aux sénateurs, « cela représenterait un recul de la politique audiovisuelle extérieure de la France ».
Là encore, monsieur le ministre, c'est une constante de ce budget que de revenir sur la présence de la culture et de la langue française dans le monde ; c'est pourtant bien, là aussi, une mission essentielle de service public.
Quant au développement du cinquième réseau, il est stoppé : un grand nombre de Français n'ont donc toujours pas droit à ces programmes. Il y a là également abandon du service public.
M. Henri Weber. C'est scandaleux !
Mme Danièle Pourtaud. Enfin, ce budget révèle un total manque de stratégie à long terme pour l'audiovisuel public et menace gravement l'industrie française de programmes.
Là encore, je mentionnerai quelques exemples, et d'abord l'abandon de la politique de développement de France Télévision, qui se voit contrainte de « réduire la voilure », comme le dit pudiquement son président, en se forçant à croire que les projets ne sont que différés d'un an.
Il s'agit de la suppression de tout développement régional pour France 3, de la réduction du programme, voire de la suppression de France Supervision, enfin et surtout de la mise en veilleuse des projets de chaînes thématiques.
La création de la chaîne « régions » est reportée à l'année prochaine, alors qu'elle est, d'après toutes les études marketing, la plus attractive pour les téléspecteurs ; quant à la chaîne « histoire », elle attend un partenaire privé.
Ces retards ou ces abandons me paraissent particulièrement graves. En effet ils hypothèquent l'avenir et risquent de remettre en cause la place du secteur public dans l'audiovisuel de demain, tant il est vrai que le développement du numérique va accéler l'apparition de chaînes thématiques.
Aussi peut-on légitimement se demander s'il est bien indispensasble que France Télévision participe au capital de TPS, participation d'ailleurs ramenée au niveau symbolique de 8 %. Les sommes ainsi utilisées auraient peut-être plus utilement été investies dans les deux chaînes thématiques suspendues que je viens de citer, et ce d'autant plus qu'une disposition du projet de loi que nous examinerons au printemps, disposition que j'approuve, prévoit de réserver 20 % de temps de diffusion sur les bouquets satellitaires à des programmes indépendants de l'opérateur.
Mais il y a pis : ces budgets, s'ils restaient en l'état, compromettraient gravement la survie de l'industrie française de programme.
Monsieur le ministre, vous savez comme moi qu'en Europe, aujourd'hui, quatre cents chaînes diffusent 2,5 millions d'heures de programmes. La diffusion numérique permettra dans les années à venir de multiplier, au bas mot, ces chiffres par huit.
Permettez-moi de citer encore Jacques Séguéla : « Les tycoons du XXIe siècle seront les fabricants d'images et les possesseurs de catalogues et de droits. »
Et je citerai aussi encore ce que déclarait M. Douste-Blazy, le 7 décembre 1995 : « La bataille de demain sera celle des contenus. Ne nous trompons pas une nouvelle fois de combat. C'est par nos images que passera notre culture. »
Or quelle va être, à votre avis, monsieur le ministre, la conséquence des économies imposées aux chaînes ?
Qu'on en juge : 200 millions de francs d'économies sur les programmes affichées dans le budget de France 2 ; 140 millions de francs d'économies imposées à La Cinquième et à ARTE, alors que le budget de celle-ci est à 70 % consacré aux programmes. Elle a financé cette année 450 heures de production et permis à quatre-vingt producteurs indépendants français de trouver un débouché pour leurs productions.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Notre industrie de programmes est-elle si florissante, monsieur le ministre, qu'elle puisse envisager de voir réduire son chiffre d'affaires de montants aussi importants ?
A ce rythme, vous aurez bientôt un souci en moins : il va, hélas ! devenir inutile de défendre l'exception culturelle et les quotas de diffusion, car nous n'aurons plus de programmes français !
Démission, désengagement de l'Etat, bradage de notre industrie de programmes, asphyxie de l'audiovisuel public : voilà ce qu'organise ce projet de budget ! Je n'imagine pas un seul instant, monsieur le ministre, que vous n'entendiez pas nos appels et ceux d'un des meilleurs connaisseurs du secteur, M. Cluzel, et que vous ne nous annonciez pas tout à l'heure que tout cela n'était qu'un mauvais rêve, que l'Etat rajoute de 500 millions à 1 milliard de francs au budget de l'audiovisuel public.
En attendant, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne peut que rejeter ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'audiovisuel, la presse sont des secteurs qui accompagnent au plus près de leur quotidien des millions de nos concitoyens et qui appellent, selon nous, un débat d'une tout autre nature que celui de ce soir.
L'audiovisuel public voit son budget pour 1997 amputé de 4 % des ressources de l'Etat. Une nouvelle fois, la publicité est mise à contribution, alors que l'on connaît ses limites, pour alimenter les défaillances du subventionnement public.
Vous exigez de l'INA, de RFO, de Radio France, de RFI, de France Télévision, d'Arte et de La Cinquième des économies ; celles-ci se feront sur la qualité des programmes.
Le déficit de 300 millions de francs que vous exigez de France 3 aura des conséquences en termes de production au moment où l'exercice 1996 s'achève sur un résultat positif de 60 millions de francs.
Il est regrettable que FR 3 ne puisse développer en temps, en moyens et en personnel le volume de ses émissions régionales.
Les 41 millions de francs d'économies demandées à La Cinquième amèneront cette chaîne soit à rediffuser plus souvent les programmes acquis soit à acheter davantage à l'étranger, au détriment de notre production nationale.
Radio France, qui ne fait jamais appel à la sous-traitance et qui produit l'essentiel de ses programmes, n'est pas mieux lotie ; les économies exigées se feront aux dépens de la qualité de sa programmation et de l'originalité de son travail.
Dans le même temps, ne pas donner au secteur public de l'audiovisuel les moyens de son existence, c'est laisser le champ libre à ceux pour qui l'audiovisuel est une manne financière.
Ainsi, les chaînes privées numériques se multiplient, la règle des quotas de films est dévoyée par la télévision à la commande, proposée par voie satellitaire ou par câble.
Le secteur public de l'audiovisuel accuse, en matière de numérique, un retard qui devrait s'accroître encore au vu du budget qui nous est proposé.
La redevance audiovisuelle n'augmentera pas, soit ! Il n'en demeure pas moins que l'insuffisance des financements publics pour nos chaînes pèsera sur la production et sur la programmation, ce qui drainera en plus grand nombre les téléspectateurs vers le secteur privé.
L'audiovisuel public est un instrument important de notre démocratie. Il est pour nombre de foyers, souvent parmi les plus démunis, la seule petite ouverture sur le monde. Il appelle un engagement politique volontaire et résolu pour oeuvrer à sa défense et à sa promotion.
Le rapport Tongue adopté au Parlement européen insiste sur « la nécessité d'une télévision publique indépendante des pouvoirs politiques et économiques, exigeante quant à ses contenus et qui ne renonce pas à son rôle civique de transmission des valeurs démocratiques ».
Privatisation de la SFP, bradage de Thomson-multimédia, baisse des budgets de nos chaînes sont à l'opposé de la politique de service public qu'il faudrait mettre en oeuvre.
Quant à la presse écrite, elle traverse une crise tout à fait alarmante et de grandes incertitudes pèsent à terme sur l'avenir de nombreux titres.
Nous avons la chance de disposer d'une presse écrite, élément déterminant de la vie démocratique. Mais on a l'impression que le Gouvernement le regrette ou que, pour le moins, il ne l'aime guère, cette presse écrite !
Le projet de budget pour 1997 est ainsi une addition de mesures plus inquiétantes les unes que les autres : diminution de 25 % de l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires ; diminution de 15 % de l'aide à la presse régionale, départementale et locale, pénalisée déjà par de faibles ressources publicitaires ; diminution pour la presse régionale hebdomadaire, qui ne bénéficiait pourtant de cette aide que depuis un an.
Cependant, un amendement du Gouvernement vient atténuer la dureté de ce traitement, et nous en prenons acte.
Je ne peux m'empêcher de comparer ces chiffres et ce refus d'aider la presse en difficulté à la décision prise par le CSA d'augmenter la durée des coupures publicitaires au milieu d'un film pour TF1 et M6. C'est un manque à gagner de près de 1 milliard de francs pour la presse. La baisse inquiétante de recettes publicitaires mériterait que soit mise à l'étude une augmentation significative du prélèvement sur les revenus publicitaires des chaînes de télévision.
L'augmentation prévue de 5 % dans les cinq ans des tarifs postaux, assortie d'une modification des critères de fixation des prix, si elles étaient confirmées, seraient dramatiques pour nombre de titres.
Pour certains journaux, appartenant en particulier à la presse hebdomadaire régionale, la vente repose majoritairement sur l'abonnement, car ils ne peuvent se payer le « droit d'entrée » dans les kiosques et ont besoin de ce système d'avance financière.
Plus fondamentalement, est posée la question des missions d'un service public comme La Poste. Les tarifs postaux préférentiels sont une aide aux lecteurs. On ne peut les considérer comme un dispositif commercial liant des clients et des fournisseurs.
A la lecture de ce tableau, malheureusement incomplet, des réductions des aides à la presse et que ne combleront pas l'augmentation de l'aide au portage et le fonds multimédia, on mesure mieux les conséquences qu'aura la suppression de l'abattement de 30 % dont bénéficient les journalistes, qui était devenu un élement de survie pour bon nombre de titres.
C'est à se demander, comme l'a fait récemment le président du syndicat de la presse quotidienne régionale, s'il n'y a pas, de la part de l'Etat, une « véritable intention de nuire » !
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Ivan Renar. M. Hamel avec nous !
M. Emmanuel Hamel. Quand vous avez raison, je suis avec vous !
M. Ivan Renar. Ce projet de budget pour 1997 marque non un abandon comptable ou financier mais un abandon démocratique.
Il s'agit non de défendre un outil dépassé mais de promouvoir l'écrit, qui reste la forme la plus adaptée à l'intelligence humaine, qu'il sollicite sans cesse.
La liberté de la presse est un des critères fondamentaux sur lesquels se juge le degré de démocratie dans un pays. La liberté de la presse est une liberté fondamentale qui garantit l'ensemble des autres libertés. C'est elle que l'Etat doit appuyer face à la mainmise de l'argent sur les grands moyens de communication et d'information.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Ivan Renar. Après ce que j'ai dit, vous le comprendrez, monsieur le ministre, je ne puis que voter contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes. - M. Hamel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent », avait coutume de dire le regretté président Edgar Faure, qui ne manquait pas de talent, ni de cynisme.
Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, s'inspire de cette triste maxime. Il prend le contre-pied de vos déclarations au moment de la crise des animateurs de France 2, comme il contredit les propos que vous aviez tenus à l'université de Hourtin. Vous vous engagiez alors non seulement à préserver l'équilibre, jugé raisonnable et fécond, entre les chaînes commerciales privées et les chaînes publiques, mais encore à réduire la part des recettes publicitaires dans le financement de France 2 et France 3, afin que ces chaînes puissent mieux assumer leur mission de service public et affirmer leur spécificité.
Or à quoi assistons-nous aujourd'hui ? Le niveau de la redevance est bloqué, l'apport de l'Etat est réduit de plus de 600 millions de francs et les chaînes sont incitées à trouver une part croissante de leur financement sur le marché publicitaire. En effet, 52 % des ressources de France 2 et 33 % de celles de France 3 doivent provenir de la publicité, objectifs excessifs et au demeurant irréalistes, hors de portée, notamment pour France 3, à un moment où l'autorisation donnée à TF1 d'augmenter de deux minutes ses écrans publicitaires ponctionne de 500 millions de francs le marché de la publicité télévisuelle au profit de la chaîne privée.
Si votre budget surestime les recettes publicitaires et le montant des économies annoncées, il sous-estime, en revanche, le niveau des dépenses et des charges. Son impact sur le développement des chaînes publiques et de l'industrie française des programmes est déplorable.
La direction de France Télévision s'est d'ores et déjà déclarée incapable d'appliquer en 1997 l'accord passé avec les producteurs audiovisuels représentés au sein de l'USPA, qui visait à porter à 17 % la part des recettes consacrées à la commande de programmes de patrimoine.
Les économies promises du fait de la fusion Arte-La Cinquième, à supposer qu'elles soient vérifiées, ne sauraient intervenir avant la fusion elle-même. C'est dire que leur effet sera pratiquement nul en 1997.
Nous ne nions pas qu'il y ait des économies à faire. Encore que, par comparaison avec le budget des chaînes privées et les autres télévisions européennes, France 2 et France 3 paraissent, contrairement aux idées reçues, relativement économes.
Je n'ai certes plus le temps d'énumérer la liste des économies possibles, mais vous pourriez réduire encore, comme plusieurs de mes collègues vous l'ont suggéré, la participation de France Télévision au capital de TPS. Il serait préférable d'utiliser tout ou partie des 64 millions de francs annuels ainsi dépensés pour créer des chaînes thématiques et financer de nouveaux programmes.
Plus généralement, et s'agissant de l'implication du service public dans les bouquets numériques, il est urgent d'adopter des dispositions qui assurent, à l'utilisateur, la gratuité et la simplicité d'accès aux programmes du service public, grâce à un système de décodage qui permette, par une procédure de type « simulcript », de recevoir le programme des différents bouquets par le biais du décodeur de n'importe lequel d'entre eux.
Par ailleurs, il est urgent d'adopter des dispositions qui renforcent la fonction éditrice des chaînes publiques et qui développent une offre de programmes thématiques complémentaires des services publics.
En conclusion, avec une redevance bloquée, une réduction de l'apport de l'Etat, des objectifs de recettes publicitaires excessifs et irréalistes, ainsi, toutefois, qu'une exigence réaffirmée de développement de l'audience et de qualité des programmes, ce que votre budget demande aux chaînes publiques porte un nom : c'est la quadrature du cercle. Il mène tout droit ou bien à la chute de qualité et d'audience ou bien à un déficit évalué à 350 millions de francs.
Il est bien difficile de ne pas y voir malice. Si le Gouvernement voulait préparer la privatisation d'une des chaînes publiques, il ne s'y prendrait pas autrement. Tel est d'ailleurs également le souhait du RPR, si l'on en juge par l'intervention de M. Lucien Lanier.
Dans tous les cas, c'est la production française de fictions, de documentaires et de dessins animés qui sera pénalisée, et ce au moment même où les chaînes de télévision doivent opérer des choix de développement importants, pour leur avenir, compte tenu de l'émergence des technologies numériques.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes attachés à un pluralisme audiovisuel fondé sur l'équilibre entre télévisions commerciales privées et chaînes de service public, nous voterons contre votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Fischer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, le budget de la communication audiovisuelle suit les voies divergentes de la nécessité et de l'ambition. Je ne commenterai pas la première, car elle est évidente. La seconde consiste à rassembler, à coordonner et à rationaliser les moyens de l'audiovisuel. Tel sera l'objet du projet de loi dont le Parlement aura à débattre. Je tiens d'ailleurs à vous rappeler que le Sénat, par des propositions de loi, s'est aussi fixé cet objectif. Mais il ne suffit pas de légiférer pour remettre d'aplomb un secteur audiovisuel qui claudique.
Je me joins aux rapporteurs, et en particulier à ceux de la commission des affaires culturelles - M. Cluzel me le pardonnera, mais fonction oblige - ...
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Je vous en prie monsieur le président !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. ... pour demander au Gouvernement de fixer aux organismes publics, sur une base contractuelle pluriannuelle, des objectifs et des moyens clairement définis.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, et Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Les difficultés budgétaires actuelles nous y obligent, monsieur le ministre.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Mais, puisque j'ai la chance d'intervenir en dernier, je tiens à souligner que la commission des affaires culturelles, au nom de laquelle je m'exprime est, dans son immense majorité, attachée au secteur public dans sa configuration actuelle.
Mme Danièle Pourtaud. Absolument !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je tenais à faire cette mise au point car elle me paraît actuellement nécessaire.
La discussion budgétaire doit nous aider à préciser la portée de certaines économies. Je songe ici à Radio France, qui devra économiser 40 millions de francs en ne diffusant plus sur ondes moyennes, ce qui aura quelques conséquences sur la diffusion même, tout particulièrement dans certaines régions.
Mais Radio France devra aussi, par voie de conséquence, verser un dédit de quelque 60 millions de francs à TDF, en exécution d'une clause contractuelle prévoyant l'indemnisation du préjudice que représente l'arrêt de l'exploitation d'un réseau de diffusion dont la modernisation vient tout juste d'être achevée. Vous nous donnerez votre avis sur ce point, monsieur le ministre, mais cette économie-là ne paraît pas évidente.
J'évoquerai également la presse en quelques mots, compte tenu du temps qui m'est imparti. La conjonction de propositions jusqu'à présent rigoureuses et de circonstances difficiles semble faire planer un doute sur l'engagement de l'Etat en faveur de la presse. J'ai eu l'occasion, avec MM. Hugot et Gérard, de vous dire que vous deviez profiter des débats au Sénat pour annoncer des mesures en faveur de la presse.
Le Gouvernement vient de faire distribuer des amendements tendant, si j'ai bien compris, à « restituer » à la presse la totalité du produit de la taxe sur la publicité télévisuelle, dont une partie seulement lui revenait jusqu'à présent. Je m'en réjouis beaucoup.
Si ce signal est important, toutes les difficultés n'en sont pas pour autant résolues. Je n'oublie pas « l'affaire » des fameux 30 %. Il faudra que nous sachions rapidement à quoi nous devons nous en tenir.
Je sais qu'un médiateur a été désigné, mais il n'a pas encore, à ma connaissance, déposé ses conclusions. Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de ne pas trop tarder à nous fixer car ce climat d'incertitude est délétère.
Toujours à propos de la presse, monsieur le ministre, j'ajouterai qu'il faut, là aussi, sortir des débats ponctuels ou annuels. Nous devrions pouvoir nous fonder sur des dispositions suffisamment stables pour éviter, précisément, ces à-coups annuels ou ces craintes récurrentes qui sont fâcheuses pour la presse à laquelle nous avons, en démocratie, toutes les raisons de tenir.
Monsieur le ministre, nous attendons vos explications et nous comptons sur vous pour nous donner des raisons de voter ce budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, la construction du budget de la communication pour 1997 repose sur trois axes qui traduisent une volonté politique forte.
Il s'agit, d'abord, d'une volonté de réforme de l'audiovisuel public, qui est indispensable et qui a d'ailleurs été beaucoup trop longtemps différée. Nous savons que, dans notre pays, il n'est jamais facile de réformer et que souvent ceux-là mêmes qui appelaient la réforme de leurs voeux l'année précédente prêtent parfois une oreille attentive, l'année suivante, à tous les conservatismes, toujours prompts à se mobiliser.
Il s'agit, ensuite, d'une volonté de maîtriser les finances publiques qui passe par le refus de l'augmentation de la redevance à laquelle nos concitoyens sont justement très sensibles et par une contribution du secteur de l'audiovisuel public à la réduction du déficit budgétaire, ce qui correspond à la volonté du Gouvernement et d'ailleurs à celle de la majorité parlementaire.
M. Henri Weber. Démagogie !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Enfin, et M. le président de la commission des affaires culturelles vient de le souligner, il s'agit d'une volonté de consolider les aides de l'Etat à la presse. Je tiens à dire d'emblée que, pour tenir compte de la situation difficile dans laquelle se trouvent les entreprises de presse, Jean Arthuis, Alain Lamassoure et moi-même avons décidé, au nom du Gouvernement, d'abonder au Sénat de 30 millions de francs les crédits de la presse adoptés à l'Assemblée nationale.
M. Jacques Habert. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Le projet de budget consacré à l'audiovisuel public pour l'année 1997 est marqué par un souci de réformes de ce secteur. Ces réformes doivent permettre de consolider les chaînes publiques, en rationalisant les structures.
Pour la première fois depuis des années, des réformes structurelles importantes sont menées en réorganisant l'existant et non pas en rajoutant toujours une nouvelle chaîne ou une nouvelle structure.
Le Gouvernement a ainsi retenu deux mesures très importantes. La première concerne la réunion de La Cinquième et de la SEPT-Arte en une seule société et la seconde vise la réorganisation de l'action audiovisuelle extérieure, sous la forme de deux pôles distincts, à savoir un pôle en charge de la radio dirigé par RFI et un pôle en charge de la télévision.
En effet, je crois profondément que la dispersion des moyens ainsi que l'absence de synergie et de coopération entre les chaînes nous auraient conduits, faute d'engager les réformes indispensables, à une « paupérisation » et à un affaiblissement du secteur pubic audiovisuel, voire à la disparition programmée à terme de telle ou telle chaîne.
Prenons l'exemple de la réunion de La Cinquième et de la SEPT-Arte en une seule société. Cette évolution permettra de constituer un nouveau pôle public fort, à côté de France Télévision, davantage tourné vers le choix d'une télévision de l'offre et vers ces missions spécifiques et essentielles du service public que sont l'accès au savoir, l'éducation et la culture.
Je crois qu'il s'agit d'une véritable ambition et d'une réelle chance pour ces deux chaînes et il faut que tous les personnels de La Cinquième et de la SEPT-Arte, qui sont aujourd'hui un peu dans l'expectative, et c'est normal, puissent se mobiliser sur ce projet, qui dépend naturellement d'eux.
Concernant l'audiovisuel extérieur, le Gouvernement a décidé de restructurer cette action essentielle pour le rayonnement de notre pays selon trois axes.
Le premier concerne une modification de l'organisation générale, qui sera structurée en deux pôles spécialisés par métier, à savoir un pôle radiophonique, adossé à RFI, et un pôle télévisuel, Télévision France Internationale, constitué autour de TV 5 et de CFI.
Le deuxième axe consiste à rapprocher les chaînes nationales et l'audiovisuel extérieur, dans un souci de synergie et d'efficacité.
Ainsi, France Télévision, La Cinquième et la SEPT-Arte participent au capital de Télé France Internationale à concurrence respectivement de 39 % et de 5 %.
Enfin - et ce sera le troisième axe - le Gouvernement a décidé d'encourager une réforme de la politique éditoriale. Ainsi, RFI a déjà orienté sa programmation sur l'information et les responsables de Télé France Internationale ont pour objectif de créer une chaîne dans laquelle l'information sera très présente.
BBC World et CNN apportent beaucoup aux pays émetteurs, et si nous voulons jouer un rôle de plus en plus important à l'échelon international, nous avons intérêt à soutenir cette chaîne audiovisuelle extérieure.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes ces réformes visent à instaurer une plus grande cohérence dans l'organisation du secteur audiovisuel public, mais également une plus grande complémentarité entre ses différentes entités.
J'ajoute que sans ces réformes structurelles, et j'en viens ainsi au deuxième axe de ce projet de budget, la stabilisation au niveau de l'année précédente du montant de la redevance audiovisuelle pour 1997 n'aurait jamais été possible.
Les deux axes forts de ce projet de budget, à savoir la réforme des structures et le programme d'économies, répondent à un double objectif. Ils tendent, d'abord, à consolider durablement le secteur audiovisuel public. Je tiens ici à vous préciser, madame Pourtaud, que je ne veux pas privatiser l'une des quatre chaînes publiques, et donc certainement pas France 2. (M. Jean-Paul Hugot applaudit.)
Mme Danièle Pourtaud. Si vous tenez cette promesse aussi bien que les autres...
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je reviendrai sur la citation du Journal officiel que vous avez évoquée, madame Pourtaud.
Les deux axes forts de ce budget tendent aussi à contribuer à la réduction du déficit et à la stabilisation du montant des prélèvements obligatoires.
S'agissant des ressources publiques, le produit de la redevance audiovisuelle s'établira à 11 milliards de francs. Le montant dû par chaque contribuable sera ainsi maintenu à son niveau de 1996, soit 700 francs pour un récepteur couleur et 449 francs pour un récepteur noir et blanc.
Les remboursements d'exonération de redevance audiovisuelle atteindront, quant à eux, 669 millions de francs. Ils représentent ainsi 6,6 % du financement du budget total du secteur, contre 10,7 % en 1996.
Dans une conjoncture budgétaire particulièrement tendue et compte tenu de l'existence de ressources propres importantes, le secteur de l'audiovisuel public contribue largement à l'effort de réduction des charges de l'Etat.
Je tiens d'ailleurs à être extrêmement clair sur ce sujet. Certes, on peut, comme l'a fait, par exemple, le CSA, regretter la réduction des financements publics.
M. Henri Weber. Il a eu raison !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Voilà un propos sur lequel tout le monde peut sans difficulté s'accorder.
Mais notre responsabilité, à nous, Gouvernement, comme à vous, parlementaires, s'exerce à l'égard de nos concitoyens et des contribuables français, et c'est sans doute ce qui nous différencie des autres.
Or demander plus de financement public revenait, d'une part, à refuser l'effort et la rigueur d'un plan d'économies proposé justement par la mission d'audit dirigée par M. Jean-Michel Bloch-Lainé et, d'autre part, à augmenter la redevance et à refuser de contribuer à la réduction du déficit public.
Ces deux conséquences ont-elles été prises en compte par ceux qui clament « plus d'argent public » ? (Oui ! sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber. Les économies doivent être réalisées ailleurs !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Quant à l'idée de supprimer massivement les exonérations de redevance, nous sommes, les uns et les autres, attachés à un certain nombre de valeurs, en particulier dans le domaine social. Est-il normal de demander à un RMIste, à quelqu'un qui ne paie pas d'impôts sur le revenu c'est-à-dire qui perçoit moins de 42 000 francs par an, soit moins de 3 500 francs par mois, de payer 700 francs supplémentaires ?
Mme Danièle Pourtaud. Ce n'est pas le problème !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Est-il normal de demander aux handicapés ou aux personnes âgées de payer 700 francs supplémentaires ?
M. Henri Weber. Vous avez bien augmenté la TVA pour tout le monde ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. J'en viens à présent aux ressources de publicité et de parrainage. Si elles sont en progression apparente par rapport à la loi de finances initiale de 1996, elles sont en fait en progression limitée par rapport aux prévisions de recettes des chaînes d'ici à la fin de 1996. (Mme Pourtaud proteste.)
Je vous répondrai sur la publicité dans un instant, madame Pourtaud, ne vous faites pas de soucis ! Ne soyez pas trop pressée !
Cette évolution s'explique essentiellement par la forte progression de l'audience de France 3.
Pour l'ensemble des ressources de publicité, aux prévisions de réalisation pour 1996 a été appliqué un taux de progression de 5,5 %, progression qui est cohérente avec l'évolution du marché. Je reviendrai, en réponse à la question posée par plusieurs sénateurs, sur le caractère réaliste de ces prévisions.
J'en arrive à présent aux crédits d'aide à la presse.
Nous avons décidé avec mes collègues Jean Arthuis et Alain Lamassoure, au nom du Gouvernement, d'abonder au Sénat de 30 millions de francs les crédits de la presse tels qu'ils ont été adoptés par l'Assemblée nationale.
Ces crédits supplémentaires sont les suivants : 10,7 millions de francs pour le fonds d'allégement des charges téléphoniques, le montant de ce fonds étant ainsi ramené au niveau de 1996 après gel ; 3 millions de francs supplémentaires pour le fonds d'aide à l'exportation de la presse française à l'étranger ; 2,75 millions de francs supplémentaires pour le fonds d'aide à la diffusion de la presse hebdomadaire régionale ; 1,2 million de francs supplémentaires pour le fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, cette augmentation permettant de remettre ce fonds au niveau de 1996 après gel ; 1 million de francs supplémentaires pour le fonds d'aide aux quotidiens départementaux ; enfin, 12 millions de francs supplémentaires pour les crédits d'abonnement à l'AFP.
Par ailleurs, le ministre de l'économie et des finances et le ministre délégué au budget proposeront au vote du Sénat des adaptations au régime de l'article 39 bis du code général des impôts, notamment afin de permettre l'usage des provisions constituées à ce titre pour les développements de la presse dans le multimédia.
Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite indiquer très clairement que ces crédits supplémentaires concernent les crédits d'aide directs « classiques » à la presse et que cette démarche est tout à fait distincte de celle qui concerne l'abattement de 30 % consenti aux journalistes...
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. ... que nous avons entreprise avec Alain Lamassoure en nommant un médiateur sur ce sujet spécifique.
En outre, les crédits présentés au Sénat prévoient la création, en 1997, d'une aide au développement du portage des quotidiens. Un crédit de 15 millions de francs est d'ores et déjà prévu à cet effet.
Cet effort supplémentaire en faveur de la presse me paraît important. Il correspond à la volonté du Gouvernement de défendre la liberté d'expression et de donner à la presse les moyens de cette expression. Il répond également à une préoccupation légitime de la Haute Assemblée.
De nouvelles adaptations de notre dispositif d'aide à la presse seront sans doute nécessaires dans les années à venir. Il s'agit, en l'espèce, de trouver les formes d'aide les plus efficaces, les plus judicieuses et, surtout, les plus conformes à l'exigence du meilleur emploi des deniers publics.
Dans les semaines et les mois à venir, j'entends mener avec la profession et mes collègues du ministère de l'économie et des finances une réflexion sur ce sujet, car celle-ci me semble particulièrement indispensable à un moment où certains journaux connaissent une situation financière difficile.
Je souhaite répondre maintenant à M. Cluzel, rapporteur spécial, qui a regretté la progression des ressources publicitaires et a proposé de supprimer un nombre important d'exonérations de redevances pour trouver un financement public supplémentaire.
Monsieur le rapporteur spécial, nous reviendrons sans doute sur ce point à l'occasion de l'examen des amendements portant sur ce sujet. Toutefois, je souhaite vous dire dès à présent que, en supprimant les exonérations de redevance à plus de 2 millions de foyers, on fera payer, je le disais à l'instant, 700 francs par an à ces foyers. Certes, on peut considérer que, 700 francs, ce n'est pas beaucoup. Mais on peut également considérer que, pour des ménages qui se trouvent en dessous du seuil d'imposition, 700 francs, ce n'est pas rien.
En ce qui concerne la fusion de La Cinquième et de la SEPT-Arte, vous avez fait remarquer, monsieur le rapporteur spécial, que, l'année dernière, vous étiez favorable non pas à une fusion, mais à la création d'une holding. Nous avons déjà la préfiguration d'une forme de holding, me semble-t-il, au travers du GIE, et les résultats ont été insuffisants.
Certains d'entre vous, notamment MM. Cluzel et Jean-Paul Hugot, ont fait état de leurs craintes quant au niveau de ressources propres arrêtées pour France 2 et France 3. En effet, les récentes informations relatives à l'évolution du marché publicitaire peuvent laisser penser que les prévisions de recettes de publicité de France 2 et de France 3 pour 1997 risquent d'être inférieures à celles qui ont été prises en compte par le Gouvernement à la fin de l'été 1996, date imposée par le calendrier budgétaire.
Aux prévisions de recettes pour 1996 avait été affecté un taux de progression de moins de 6 %. Ce taux est sensiblement inférieur au taux de croissance du marché de la publicité télévisée constaté ces dernières années, puisque ce dernier est de 9 % à 10 %.
L'évolution du marché - on ignore, à ce stade, s'il s'agit d'une tendance lourde ou d'un phénomène conjoncturel - est à l'origine des incertitudes évoquées par certains d'entre vous. Toutefois, on constate, c'est vrai, une stabilité des audiences de France 2 et de France 3.
Ces éléments me conduisent à ne pas remettre en cause les prévisions de ressources propres qui vous sont présentées.
Vous m'avez interrogé, en particulier MM. Cluzel et Pelchat, sur la présence de France Télévision dans le bouquet numérique dont le capital est majoritairement détenu par le secteur privé. Ce sujet est controversé, je le sais, mais nous devons analyser la situation avec objectivité.
Personne ne conteste le fait que le service public ne peut être absent de la télévision numérique et du satellite. Si la diffusion hertzienne est encore, pour de nombreuses années, le principal moyen d'atteindre les foyers français, le câble et le satellite se développent, et je ne souhaite pas que nos chaînes publiques brillent par leur absence dans la télévision de demain.
Regardez les grands networks américains : leur part d'audience était de 100 % voilà quatre ans, elle représente 60 % aujourd'hui. Pendant ce temps, les chaînes thématiques et les chaînes numériques sont passées de 0 % à 40 % de part d'audience. D'ailleurs, les chaînes allemandes préparent cette évolution.
Quand Canal Satellite était le seul bouquet en France, aucune place n'était réservée au service public sur le satellite.
M. Michel Pelchat. C'est dommage !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Par conséquent, France Télévision a dû monter son propre outil de diffusion. Il était indispensable, bien sûr, d'avoir des partenaires, étant donné le montant des investissements nécessaires, d'où le choix du bouquet TPS.
S'agissant de l'investissement financier de France Télévision dans la société TPS, il est vrai que les chiffres sont élevés. C'est pourquoi France Télévision a réduit sa participation à 8,3 %, ce qui en fait le plus petit des actionnaires. Mais, bien entendu, l'objectif est que la société TPS soit rentable. France Télévision n'investit pas à fonds perdus et compte bien récupérer au moins sa mise.
Enfin, vous avez considéré que France Télévision aurait dû se cantonner à l'édition de programmes et qu'elle n'aurait pas dû se diversifier dans des fonctions technico-commerciales d'opérateur de bouquets.
Je considère, comme vous, que la mission première du service public est de se concentrer sur les programmes. Toutefois, vous le savez aussi bien que moi, la présence dans des bouquets satellitaires n'est pas acquise et il a été nécessaire d'investir directement dans le bouquet pour assurer à nos chaînes une présence significative dans l'offre des programmes.
Ainsi, le service public n'est pas dépendant du seul bon vouloir des opérateurs privés et cette participation donnera à nos chaînes les moyens d'acquérir une expertise sur l'ensemble des métiers numériques, ce qui représentera, j'en suis convaincu, un atout dans l'avenir.
Je partage votre analyse, monsieur le rapporteur spécial, sur le fait que tous les pays de l'Union européenne, voire parfois la Commission, ne sont pas convaincus de l'intérêt d'une industrie audiovisuelle européenne forte.
Vous m'avez également questionné sur l'exception culturelle. Je regrette, comme vous, que la révision de la directive « Télévision sans frontière » n'ait pas été encore plus volontariste, malgré, soyez-en assurés, la détermination sans faille de la France, de son Gouvernement, mais aussi de ses parlementaires.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis, a souhaité qu'un plan de développement soit envisagé pour le service public, afin d'en dresser les perspectives à moyen terme. Bien entendu, je suis sensible à cette volonté, même si le cadre de l'examen budgétaire et le principe de l'annualité du vote du budget en limiteront toujours la portée.
M. Jean-Paul Hugot a également regretté l'arrêt du développement régional sur France 3. Je tiens à lui dire que 30 millions de francs seront prévus en 1997 pour les développements régionaux. Je suis, comme lui, tout à fait favorable au développement des programmes régionaux sur France 3. J'en avais d'ailleurs fait une priorité du budget de France 3 pour 1996. Toutefois, dans le cadre général des économies nécessaires, et après une année 1996 où les développements régionaux ont été importants, il est sans doute acceptable d'envisager une année de pause.
En réponse à MM. Jean Cluzel, rapporteur spécial, et Alain Gérard, rapporteur pour avis, qui s'inquiétaient des évolutions du système d'aide directe à la presse écrite, je soulignerai les points suivants en dehors de ceux que j'ai déjà développés.
Au-delà de l'évolution de telle ou telle ligne budgétaire pour 1997, je tiens à dire avec force que le soutien financier de la collectivité publique en faveur de la presse est important et pérenne : il est important, car il s'élève depuis plusieurs années à plus de 7 milliards de francs, et il est pérenne, car personne ne songe à remettre en cause un système qui garantit la liberté et le pluralisme de l'information dans notre pays.
Conscients des difficultés que traverse la presse écrite, nous avons abondé les crédits prévus.
Je répondrai maintenant plus particulièrement à MM. Cluzel et Gérard, qui s'inquiétaient de l'évolution du coût du transport postal de la presse et de ses conséquences sur les entreprises de presse qui connaissent une situation difficile. Je me bornerai à souligner quelques points.
Tout d'abord, la modernisation des relations entre la presse et La Poste était totalement indispensable. D'ailleurs, l'ensemble des éditeurs l'ont reconnu. Les travaux de la table ronde regroupant toutes les parties intéressées a permis de poser les bases d'une nouvelle relation entre la presse et La Poste : assouplissement de la réglementation, adaptation de la grille tarifaire et mise en place d'un indicateur de qualité.
En outre, la revalorisation tarifaire prévue s'accompagnera - j'ai beaucoup oeuvré dans ce sens - d'un ciblage de l'aide aux transports de presse en faveur de la presse quotidienne et hebdomadaire d'information politique et générale. Je tenais à le souligner.
Enfin, pour limiter les conséquences financières de la mise en oeuvre effective des accords du 4 juillet 1996, il a été prévu la mise en place d'un dispositif d'écrêtement des hausses, ainsi que la création d'un observatoire chargé de traiter les cas difficiles à l'intérieur des plafonds de l'écrêtement. Il est de l'intérêt de tous qu'un accord puisse être maintenant rapidement trouvé sur les questions qui restent en suspens. En outre, le Gouvernement met en place de nouvelles structures.
Je répondrai maintenant aux questions posées par MM. Pelchat et Cluzel sur l'audiovisuel extérieur. En créant le pôle télévision Télé France internationale, dont 49 % du capital sera confié à France Télévision, à La SEPT-Arte et à La Cinquième, nous souhaitons renforcer notre présence à l'étranger. Télé France internationale sera un holding qui comprendra TV 5 et CFI et sera indépendant du pôle radio extérieur adossé à RFI.
M. Pelchat a soulevé, très justement, la question des ayants droit. Les droits de diffusion représentent une partie importante des budgets des chaînes et nous devons, sans brader les intérêts des ayants droit, concilier les contraintes budgétaires et les objectifs de présence forte à l'étranger. La structure et les missions de Télé France Internationale répondent, me semble-t-il, à cette préoccupation. En effet, nous avons ainsi un interlocuteur unique, donc plus fort pour l'achat de droits de diffusion.
De plus, l'une des principales raisons de l'adossement de Télé France Internationale aux chaînes nationales est la recherche de synergies dans l'achat de droits de diffusion. C'est, à mon avis, l'une des clefs de voûte du système que nous voulons mettre en place.
Une présence à l'étranger plus cohérente, des synergies plus prononcées avec les chaînes nationales, des pouvoirs d'achat et de négociation des droits de diffusion renforcés, telles sont, monsieur Pelchat, nos priorités.
Vous avez également très justement posé le problème de l'assiette de la redevance. En effet, l'assiette de cette taxe pose au moins deux questions : d'une part, celle des exonérations - j'en ai parlé ; d'autre part, celle du risque de voir à terme cette assiette diminuer en raison de l'apparition de nouveaux modes de réception, et je pense, bien sûr, comme vous, au micro-ordinateur qui pourrait demain se substituer au poste de télévision classique pour recevoir les chaînes.
Je crois que c'est un sujet essentiel, car, si nous voulons éviter, dans les années à venir, de voir le taux de la redevance augmenter fortement, il sera indispensable de s'attacher à avoir une assiette de la taxe solide et étendue.
M. Diligent a regretté que les questions concernant les programmes ne soient pas suffisamment abordées à l'occasion de chaque conseil d'administration des chaînes publiques. Je partage complètement ce point de vue. Je précise toutefois que les questions relatives aux programmes ne sont pas aujourd'hui totalement absentes des débats des conseils d'administration puisque ceux-ci sont informés par les chaînes des obligations prévues par le cahier des charges.
En ce qui concerne la signalétique récemment mise en place contre la violence à la télévision, à la suite d'un accord intervenu entre le CSA et les diffuseurs, je trouve le jugement de M. Diligent très sévère. Avant de tirer un jugement définitif, il faut quelques mois de fonctionnement pour évaluer l'efficacité du dispositif retenu. Je voudrais ici saluer le travail du CSA, qui a beaucoup oeuvré avec les chaînes. Nous sommes le premier pays au monde à mettre en place une signalétique vis-à-vis de la violence à la télévision.
Je voudrais maintenant remercier M. Lanier car, au nom du groupe du RPR, il a relevé que ce budget marque la volonté du Gouvernement de responsabiliser les chaînes publiques. J'apprécie également, monsieur le sénateur, votre soutien à l'effort que ce budget présente en matière de contribution à la diminution de la pression fiscale pesant sur nos concitoyens.
Monsieur Lanier, vous vous êtes interrogé sur des hypothèses de regroupements dans l'audiovisuel public qui iraient au-delà de ce qui vous sera proposé pour l'année 1997. J'ai bien pris note de vos observations, mais, dans ce domaine, vous me permettrez de m'en tenir aux réformes qui ont été décidées et annoncées par le Gouvernement, réformes qui, par leur importance, n'en appellent pas de nouvelles.
J'ai été également sensible à l'effort en faveur de la production de documentaires, de téléfilms et de films de cinéma que M. Lanier souhaite voir mené par les chaînes publiques. Je partage totalement son point de vue.
Enfin, je le remercie de son soutien concernant l'engagement des chaînes publiques dans les nouvelles technologies. Je crois, comme lui, que si nous avions refusé aux chaînes publiques la possibilité de prendre le tournant du numérique, nous aurions commis une erreur stratégique majeure, pour laquelle nous aurions dû, tôt ou tard, payer un prix très fort.
Madame Pourtaud, monsieur Weber, il n'est pas question de privatiser une chaîne de télévision, ni France 2 ni une autre.
Madame Pourtaud, vous ne m'en voudrez pas de sourire lorsque vous essayez de me faire la leçon sur l'augmentation de la publicité dans le budget des chaînes publiques.
Vous avez soutenu des gouvernements socialistes, ce qui est tout a fait respectable. Or, entre 1990 et 1993,...
Mme Danièle Pourtaud. Vous me l'avez déjà dit l'année dernière, monsieur le ministre !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. ... France 3 est passé de 455 millions de francs à 760 millions de francs de publicité, soit une augmentation de 68 %, proposée par les gouvernements socialistes de l'époque. Sans commentaire !
M. Henri Weber. Raison de plus pour inverser la courbe !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je ne vous permets pas non plus de parler de licenciements, madame Pourtaud, à l'occasion de la fusion entre La Cinquième et Arte. Il est des mots que l'on ne doit pas employer, même pour des raisons politiques.
Enfin, quand je vous entends, madame Pourtaud, et vous aussi, monsieur Weber, parler de mépris, de manque de stratégie et, en même temps, demander 500 millions de francs de plus de déficit public, je crois que les Français comprendront que le mépris et le manque de stratégie, vous les avez non seulement pour le secteur audiovisuel, mais aussi pour l'avenir du pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Henri Weber. On verra dans un an !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. MM. Ivan Renar et Alain Gérard s'inquiètent de l'évolution de la dotation du fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires. Je voudrais juste leur rappeler que la subvention de l'Etat à ces quotidiens a augmenté de 25 % en 1996 et qu'elle sera maintenue à ce niveau en 1997 puisque vous sera présenté un amendement qui vise à accorder 1,1 million de francs supplémentaire à ce fonds pour le porter au niveau des crédits disponibles en 1996.
Il me semble difficile de ne pas considérer qu'il s'agit là d'un traitement d'autant plus favorable que, comme vous le savez, monsieur Gérard, le Gouvernement s'est engagé dans un vaste plan de réduction et de maîtrise des dépenses publiques.
Toutefois, le Gouvernement a tenu à réaffirmer son soutien à cette catégorie de presse d'opinion particulièrement fragile en termes économiques. M. Gouteyron était venu me voir. Je sais que vous y tenez, et donc je souhaitais vous présenter cet amendement aujourd'hui.
Vous vous inquiétez, monsieur Weber, des conséquences d'un coût très élevé des droits sur la diffusion des événements sportifs à la télévision. Il est vrai que les chaînes à péage pourraient profiter de leur pouvoir d'achat pour acheter les droits de diffusion des principaux événements, au risque d'ailleurs de ne plus pouvoir les diffuser sur les chaînes en clair, et donc de limiter considérablement l'accès au grand public. Or tous nos concitoyens, quel que soit leur niveau de revenus, doivent avoir accès, s'ils le souhaitent, à la retransmission des grands événements sportifs. C'est pour cela que le Gouvernement souhaite que soit intégrée, dans la prochaine directive « Télévision sans frontière », une clause permettant aux chaînes en clair d'accéder aux images des principaux événements sportifs. Je suis totalement d'accord avec vous sur ce sujet.
M. Henri Weber. Nous sommes au moins d'accord sur un point !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Une telle clause a été présentée par le Parlement européen. Je la soutiens en ce moment même, lors de la procédure finale d'adoption du texte de la directive au conseil des ministres européens de la culture.
En réponse à MM. Adrien Gouteyron, Alain Gérard et Ivan Renar, qui se sont inquiétés des conséquences de la suppression de l'abattement de 30 % dont bénéficiaient les journalistes et du fonctionnement du fonds de compensation dont le Gouvernement a annoncé la création lors de la discussion sur ce point à l'Assemblée nationale, je souhaiterais faire quelques remarques.
Cette mesure intervient dans le cadre global de la réforme fiscale soumise au Parlement. Le Gouvernement a en effet décidé de proposer une réduction progressive du montant supplémentaire des frais professionnels pris en compte dans le calcul de l'impôt sur le revenu, avantage fiscal dont bénéficiaient notamment les journalistes, chacun le sait ici. Aussi, mon collègue Alain Lamassoure et moi-même avons confié à M. Jacques Bonnet, président de chambre à la Cour des comptes, la mission d'étudier les moyens de mettre en oeuvre un mécanisme de compensation financière, dont le principe avait été adopté à l'Assemblée nationale, pour les journalistes qui verraient augmenter leur cotisation d'impôt sur le revenu du fait de la réforme votée par le Parlement.
Dans le cadre de cette mission, le médiateur a reçu hier au ministère de la culture les représentants de tous les syndicats de journalistes et des patrons de presse. Il devrait remettre pour le 9 décembre prochain - nous sommes le 7 - ses premières conclusions sur le système susceptible d'être retenu et le montant des crédits nécessaires. Vous comprendrez donc que je ne puisse à cette heure vous dire quelles seront les analyses de M. Bonnet et quelles conclusions le Gouvernement en tirera. Le fonds de modernisation adopté par l'Assemblée nationale sera-t-il l'outil adéquat ? M. Lamassoure sera conduit, sur ce sujet, à éclairer la décision du Sénat au début de la semaine prochaine.
M. Gouteyron a observé que la suppression de la diffusion par ondes moyennes de France Inter conduisait, certes, à une économie de 40 millions de francs, mais qu'en 1997 cette économie donnerait lieu à une dépense supplémentaire en raison des indemnités que devrait verser Radio-France à TDF.
M. Henri Weber. Bonne remarque !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Sur ce sujet, le Gouvernement a demandé à TDF et à Radio-France de réexaminer et de remettre à plat l'ensemble de leurs relations. En fonction des accords et des désaccords que cet exercice permettra de constater, le Gouvernement se prononcera sur le versement des indemnités prévues au titre de la suppression de la diffusion de France Inter sur ondes moyennes.
Je dirai un dernier mot sur Radio-France. Elle devra poursuivre son développement sur le DAB et, à ce propos, je soulignerai une nouvelle fois le travail remarquable fait par M. Roland Faure.
Enfin, MM. Alain Gérard et Adrien Gouteyron se sont inquiétés de la baisse de la dotation du fonds d'aide à l'expansion de la presse française à l'étranger. Je rappellerai simplement quelques éléments.
Ce fonds est effectivement en baisse en 1997, mais la réduction de l'aide publique ne touchera pas l'aide directe aux éditeurs.
De plus, je souhaite réaffirmer, en tant que ministre de la culture en charge de la presse, mon attachement au rayonnement de la presse française dans le monde. Cette évolution budgétaire est le signe de la nécessité de réfléchir avec les professionnels à l'évolution d'un dispositif qui, il faut bien le reconnaître, ne donnait plus entièrement satisfaction.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Et avec le Parlement, monsieur le ministre !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. C'est la raison pour laquelle un amendement vous sera présenté pour augmenter les crédits de ce fonds pour 1997.
Je sais que le Sénat y est très attentif, tout particulièrement M. le président de la commission des affaires culturelles, auteur d'un rapport remarqué et remarquable sur la diffusion de la presse.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je voulais formuler sur le projet de budget pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous rappelle que nous venons d'examiner les crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel qui figurent à la ligne « services généraux du Premier ministre », dont les autres crédits ont été examinés le vendredi 29 novembre, et les crédits d'aides à la presse inscrits au budget de la poste, des télécommunications et de l'espace dont les autres crédits ont été examinés le lundi 2 décembre.
En conséquence, nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C, tout d'abord ceux concernant les services généraux du Premier ministre, puis ceux concernant la poste, les télécommunications et l'espace.
ÉTAT B