M. le présdient. Par amendement n° 26, Mme Borvo, M. Pagès, les membres du groupe communiste républicains et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er AA, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le début de la première phrase du premier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale est rédigé comme suit :
« Dès le début de la garde à vue,... (Le reste sans changement.) »
La parole est à Mme Borvo. Mme Nicole Borvo. Cet amendement a pour objet de permettre l'intervention d'un avocat dès le début de la garde à vue.
La garde à vue représente une épreuve humainement extrêmement difficile, ce n'est pas la peine que je vous le dise.
Dans le même temps, c'est un moment décisif, puisque c'est à partir du dossier constitué pendant la garde à vue que le magistrat instructeur prend sa décision quant à la détention provisoire, comme l'a dit M. Philippe Houillon, rapporteur à l'Assemblée nationale.
La présence d'un avocat dès le début de la garde à vue serait un progrès évident. Cela permettrait, d'une part, de rassurer le gardé à vue, souvent dans un état de grand désarroi et, d'autre part, de garantir le bon déroulement de la procédurre en évitant certains abus, tant la situation entre le gardé à vue et l'enquêteur est déséquilibrée.
Je vous rappelle que le principe de cette présence de l'avocat dès le début de la garde à vue avait été prévu dans la loi du 4 janvier 1993.
Cependant, son entrée en vigueur avait été reportée au 1er janvier 1994. Or cette disposition a été supprimée dans la loi du 24 août 1993, c'est-à-dire avant même qu'elle ait reçu une application concrète.
Dans le dispositif actuel, la présence de l'avocat n'est donc possible qu'à partir de la vingtième heure. Or, à l'origine, ce report ne devait être qu'une disposition transitoire.
Comme le montre la longue discussion qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, ce report à la vingtième heure n'a aucun fondement sérieux.
La commission des lois de l'Assemblée nationale s'est d'ailleurs déclarée favorable à la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue.
De nombreux arguments ont été avancés. Seul le Gouvernement s'y est opposé, estimant que ce n'était pas le bon moment, alors même que M. le rapporteur affirmait qu'il y avait un « lien évident - je reprends sa propre expression - entre la garde à vue et la détention provisoire ».
Je vous invite donc à adopter cet amendement, qui permettra de faire un grand pas en avant en matière de libertés individuelles.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai reçu assez récemment le rapport général d'activité du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l'Europe, en date du 5 août 1996. Je vous en donne lecture :
« Le comité se réjouit du soutien exprimé à l'égard de son travail ... et il a eu aussi la grande satisfaction d'apprendre par la réponse à la recommandation 1257 que le comité des ministres avait invité les autorités des Etats membres à se conformer aux lignes directrices en matière de garde à vue énoncées dans le deuxième rapport général du comité.
« A cet égard, il convient de noter que certaines parties à la convention se montrent réticentes pour mettre entièrement en oeuvre certaines des recommandations du comité concernant les garanties contre les mauvais traitements accordées aux personnes en garde à vue, et en particulier la recommandation selon laquelle de telles personnes doivent bénéficier du droit à l'accès à un avocat dès le tout début de leur garde à vue.
« Le comité tient à souligner que, d'après son expérience, la période qui suit immédiatement la privation de liberté est celle où le risque d'intimidation et de mauvais traitements physiques est le plus grand.
« En conséquence, la possibilité pour les personnes placées en garde à vue d'avoir accès à un avocat pendant cette période est une garantie fondamentale contre les mauvais traitements.
« L'existence de cette possibilité aura un effet dissuasif sur ceux qui seraient enclins à maltraiter des personnes détenues.
« En outre, un avocat est bien placé pour prendre les mesures qui s'imposent si les personnes sont effectivement maltraitées. »
C'est un rappel de ce que chacun sait. Il suffit de se souvenir de l'acquittement récent dans l'affaire de la cour d'assises des Alpes-de-Haute-Provence : l'intéressé avait passé des aveux pendant qu'il était en garde à vue. Il avait fallu que la cour d'assises, après une longue détention, intervienne pour établir qu'il y avait eu des mauvais traitements destinés à arracher de faux aveux.
Le Sénat avait jadis voté un amendement par lequel il demandait qu'au moins la bâtonnier ou son représentant ait, lui, un accès constant aux locaux de garde à vue. Finalement, cela n'avait pas été retenu à l'époque par l'Assemblée nationale. Il faudra bien, là aussi, que le progrès s'impose : il est évident que, même si l'avocat ne dit rien, même si l'on ne demande pas qu'il ait une connaissance du dossier qui n'existe qu'à peine, le seul fait qu'il soit présent est une garantie qu'il n'y aura pas de mauvais traitements ni d'aveux qui ne seraient pas spontanés et libres.
C'est pourquoi nous voterons, bien entendu, cet amendement.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er AA