M. le président. « Art. 2. - Après le cinquième alinéa de l'article 690 du code de procédure civile (ancien), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de la mise à prix fixée par le poursuivant peut faire l'objet d'un dire, pour cause d'insuffisance manifeste ou pour tout autre motif. Le tribunal tranche la contestation en tenant compte de la valeur vénale de l'immeuble ainsi que des conditions du marché, le cas échéant, après expertise. »
Par amendement n° 2, M. Hyest, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour insérer un alinéa après le cinquième alinéa de l'article 690 du code de procédure civile (ancien) :
« Le montant de la mise à prix du logement principal du débiteur fixé par le poursuivant peut faire l'objet d'un dire pour cause d'insuffisance manifeste. Le tribunal tranche la contestation en tenant compte des conditions du marché. Cette décision n'est pas susceptible d'appel. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, tend à remplacer les deux dernières phrases du texte proposé par l'amendement n° 2 par la phrase suivante : « La partie qui conteste la mise à prix doit apporter les justificatifs de l'inadéquation flagrante de celle-ci au prix habituellement pratiqué sur le marché des enchères immobilières pour des immeubles comparables. »
Le sous-amendement n° 10, déposé par M. Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés, vise, à la fin de la deuxième phrase du texte proposé par l'amendement n° 2, à insérer les mots suivants : « , le cas échéant, après expertise ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme je l'ai déjà souligné, cet amendement restreint la faculté de présenter un dire sur le prix du logement principal du débiteur, qui constitue l'objet initial de la proposition de loi. Il précise que le juge tranche la contestation en tenant compte des conditions du marché. Par ailleurs, il supprime la mention de l'expertise.
Le juge peut toujours ordonner une expertise, mais il est souhaitable, pour que les procédures ne soient pas trop longues, qu'il ne soit pas explicitement incité à y recourir systématiquement.
L'amendement précise également que le montant fixé par le juge n'est pas susceptible d'appel dans la mesure où - nous le verrons lors de l'examen de l'amendement tendant à introduire un article additionnel après l'article 3 - à défaut d'enchères sur ce montant, il est procédé à une remise en vente immédiate sur baisse de la mise à prix, le cas échéant jusqu'à la mise à prix initiale.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n° 6.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis d'accord avec M. le rapporteur sur l'orientation de l'amendement n° 2 de la commission des lois.
En revanche, prévoir, comme le fait la deuxième phrase de l'amendement, que le juge tranche la contestation en tenant compte des conditions du marché risque d'engendrer des difficultés considérables, dans la mesure où les conditions du marché immobilier sont très difficiles à connaître.
C'est pourquoi le Gouvernement propose dans son sous-amendement de demander au débiteur - puisque c'est lui qui conteste la mise à prix - d'apporter au juge des justificatifs propres à permettre à ce dernier de vérifier s'il existe une inadéquation flagrante entre la mise à prix proposée par le créancier et les prix habituellement pratiqués.
C'est, en fait, exactement la même technique que celle qui est retenue dans l'article 17 de la loi Méhaignerie et qui consiste, pour fixer le prix du bail, à apporter des justificatifs concernant notamment les montants des baux appliqués dans les zones périphériques du quartier.
Cette technique est préférable à celle qui consiste à se référer aux conditions du marché, notion qui est naturellement extrêmement difficile à appréhender.
De plus, il me paraît superflu d'inclure la précision selon laquelle la décision relative au montant de la mise à prix n'est pas susceptible d'appel, car la rédaction de l'article 731 de l'actuel code de procédure civile exclut nécessairement une telle possibilité.
Voilà pourquoi je serai favorable à l'amendement n° 2 de la commission des lois, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 6 destiné à rendre la disposition à la fois plus précise et plus exacte.
M. le président. Avant de donner la parole à M. Allouche pour défendre le sous-amendement n° 10, j'indique au Sénat que je viens d'être saisi d'un amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 2 pour insérer un alinéa après le cinquième alinéa de l'article 690 du code de procédure civile (ancien) :
« Le montant de la mise à prix du logement principal du débiteur fixé par le poursuivant peut faire l'objet d'un dire pour cause d'insuffisance manifeste. La partie qui conteste la mise à prix doit apporter les justificatifs de l'inadéquation flagrante de celle-ci au prix habituel du marché pour des immeubles comparables. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 2 rectifié ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis d'autant plus favorable à cet amendement n° 2 ainsi rectifié - profondément transformé, même - qu'il est tout à fait dans l'esprit du sous-amendement n° 6 du Gouvernement. Je retirerai donc mon sous-amendement au profit de cette transformation bénéfique.
M. le président. Le sous-amendement n° 6 est retiré.
La parole est à M. Allouche, pour défendre le sous-amendement n° 10.
M. Guy Allouche. Afin de tenir compte des difficultés évoquées voilà un instant par M. le garde des sceaux sur la connaissance du prix du marché, nous souhaitons permettre au juge de s'en remettre à un expert immobilier. C'est la raison pour laquelle ce sous-amendement tend à réintroduire la notion qui figurait dans le texte de l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 10 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette disposition ne nous paraît pas nécessaire, car, je l'ai dit, le juge peut toujours recourir à un expert.
Personnellement, je considère qu'en matière civile on est déjà systématiquement tenté d'avoir recours à des experts, au point qu'on se demande même quelle est la part de l'expertise et quelle est celle de la décision judiciaire ! Je ne souhaite donc pas qu'on renforce encore, dans un texte particulier, cette tendance qui me paraît non seulement quelque peu pernicieuse, mais aussi coûteuse pour le débiteur. En effet, je vous rappelle, monsieur Allouche, que c'est ce dernier qui devra faire l'avance, puisqu'en matière civile c'est celui qui demande qui avance les frais. Je ne vois donc pas du tout, compte tenu de sa situation, comment il pourra le faire !
M. Guy Allouche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je comprends l'argumentation développée par M. le rapporteur et, dans un instant, je retirerai mon sous-amendement.
Je voudrais cependant lui dire que, dans la mesure où la nouvelle disposition va permettre au débiteur de contester la mise à prix, celui-ci va devoir apporter la preuve de sa contestation. Il va alors effectivement pouvoir faire appel, s'il le désire, à des experts immobiliers ou à des notaires.
Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, vous pensez bien qu'un débiteur soucieux de ses intérêts - et je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas - préférera dépenser le coût d'une expertise et récupérer peut-être bien davantage sur le prix de vente plutôt que de s'en remettre uniquement à la mise à prix !
Je comprends néanmoins votre logique, et c'est la raison pour laquelle je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 10 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3