M. le président. Par amendement n° 12, M. Hyest, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 674 du code de procédure civile (ancien), il est inséré un article 674-1 rédigé comme suit :
« Art. 674-1 - Sans préjudicier aux règles de publication, le débiteur dont le logement principal est saisi dispose d'un délai de six mois à compter de la signification du commandement pour procéder à la vente amiable de ce bien. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, il me paraît utile d'intégrer dans ce dispositif, afin de favoriser des procédures amiables - M. le garde des sceaux a d'ailleurs lui-même évoqué l'introduction d'une audience préalable permettant de trouver d'autres solutions que la vente à la barre - les dispositions que nous vous proposons.
Il est évident qu'une vente de gré à gré ne peut être organisée en huit jours. De plus, il faudra que les parties expliquent au juge qu'une telle vente constituerait pour eux une chance plausible de vente à un meilleur prix.
Permettre au débiteur saisi de disposer d'un délai de six mois à compter de la signification pour procéder à la vente de son bien immobilier ne me paraît pas contradictoire avec les grands objectifs de la réforme d'ensemble prévue par le Gouvernement. Ce serait une bonne mesure pour éviter des ventes aux enchères qui ne sont pas satisfaisantes, nous le savons bien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je voudrais indiquer, comme je l'ai fait dans la discussion générale - mais de manière plus détaillée - pourquoi je suis hostile à l'amendement n° 12 qui vise à instaurer un délai de carence, c'est-à-dire à éviter toute vente forcée avant un délai de six mois pendant lequel le débiteur pourra tenter de vendre son bien à l'amiable.
Je voudrais d'abord souligner quelques inconvénients pratiques de cette proposition.
Tout d'abord, du fait de l'allongement du délai, la dette du débiteur va s'accroître et les intérêts s'accumuler.
Toute prolongation du délai aggrave donc la situation, pour le créancier comme pour le débiteur. J'ajoute que, plus le délai est long, plus des manoeuvres dilatoires peuvent se produire.
Par ailleurs, non seulement l'instauration de ce délai me paraît incompatible avec les règles de procédure actuellement en vigueur pour les saisies immobilières, mais, surtout, la proposition de la commission, contrairement à ce que M. le rapporteur vient de dire, ne s'inscrit pas dans l'éventuelle réforme dont j'ai donné les lignes directrices, en particulier dans ce que j'ai appelé l'audience d'orientation.
Proposer de reporter de six mois la vente forcée s'inscrit dans une volonté de déjudiciarisation de la vente des biens des débiteurs. En effet, si l'on propose aujourd'hui un délai de six mois, on pourra, demain, proposer un an, puis deux ans, et remplacer ainsi le système de vente forcée et judiciarisée sous le contrôle du juge par un système de vente amiable. Voilà qui est contraire à l'idée qui me paraît pourtant être celle de tout le monde, notamment de la commission des lois, selon laquelle il faut maintenir la judiciarisation de la saisie immobilière.
Si la commission des lois n'accepte pas ce principe, on ne peut plus discuter sur les mêmes bases. Or il est clair que, depuis la remise du rapport Perrot au ministère de la justice, voilà trois ans, la réflexion s'est engagée, et a conduit à l'élaboration de l'avant-projet dont j'ai parlé tout à l'heure et à l'idée qu'il ne faut pas enlever au contrôle du juge la saisie immobilière, car cette procédure donne le maximum de garanties, notamment quant à l'équilibre des relations entre le créancier et le débiteur.
Cet amendement allant implicitement vers la déjuridiciarisation, il ne me paraît pas aller dans le bon sens. De plus, comme je l'ai déjà dit, il est incompatible avec le système de l'audience d'orientation, dont j'ai dit qu'il pouvait constituer une des novations de l'avant-projet que je présenterai.
Dans l'audience d'orientation, le juge réunit tout de suite toutes les parties pour essayer de trouver une voie autre que celle de la vente forcée ou, éventuellement, pour se résoudre à la vente forcée s'il n'y a pas d'autre solution. En revanche, le système proposé par M. Hyest ne prévoit pas de vente forcée pendant six mois, si tel est le souhait du débiteur. Les deux systèmes sont donc contradictoires.
Monsieur Hyest, vous avez dit à la tribune, et je vous ai entendu avec satisfaction, que vous ne souhaitiez pas que l'on prenne, à l'occasion de cette proposition de loi, des dispositions qui aillent à l'encontre des grandes lignes de la réforme future. Pourtant, l'amendement n° 12 ne me paraît pas aller dans le bon sens de ce point de vue. L'audience d'orientation permettra en effet au débiteur d'ouvrir une voie de gré à gré lorsque les circonstances s'y prêteront et lorsque toutes les parties se mettront d'accord sous le contrôle du juge. En revanche, avec votre proposition, le débiteur déciderait unilatéralement de s'accorder six mois pour effectuer la vente à l'amiable.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à l'amendement n° 12 de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Nous allons voter l'amendement n° 12 de la commission. Mais je me dois de relever certains propos de M. le garde des sceaux, notamment quand il parle de déjudiciarisation.
En effet, nous venons d'adopter, à l'article 1er, un 3° prévoyant notamment « l'indication que la partie saisie a la faculté de demander la conversion de la saisie en vente volontaire... » Si la partie saisie dispose de cette faculté, il lui faut un délai ! Or M. le rapporteur se borne à proposer un délai de six mois.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, si, comme vous l'avez dit, vous avez l'intention d'éviter les ventes forcées dans votre futur projet de loi, il faudra bien organiser des ventes amiables de gré à gré ! Il importera donc de prévoir un délai. C'est ce que propose la commission. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement n° 12.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Article 2