M. le président. Par amendement n° 19, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 11, un article additionnel rédigé comme suit :
« La gestion des actifs des fonds d'épargne retraite est, dans tous les cas, déléguée à des prestataires de services d'investissement, agréés pour fournir le service visé au d) de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée.
« Le non-respect des dispositions de l'alinéa précédent est passible des sanctions prévues aux articles 82 à 88 de la même loi. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 161, présenté par le Gouvernement, tend :
I. - Au premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 19, à remplacer les mots : « est, dans tous les cas » par les mots : « peut être, en tout ou partie .»
II. - A supprimer le second alinéa du même texte. »
Le sous-amendement n° 85, déposé par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, vise à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 19 pour insérer un article additionnel après l'article 11 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds d'épargne procède au moins tous les cinq ans au réexamen du choix du prestataire de services d'investissement. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 19.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement particulièrement important.
Je voudrais résumer les données du débat.
J'ai rappelé hier que les fonds d'épargne retraite, organismes dotés de la personnalité morale relevant des dispositions du code des assurances, vont gérer, d'une part, des engagements vis-à-vis de leurs adhérents - ces engagements seront retracés au passif de leur bilan - et, d'autre part, des valeurs inscrites en contrepartie à l'actif desdits bilans. Il y a, d'un côté, une gestion des passifs, selon la technique des assurances et, naturellement, contrôlée par la commission de contrôle des assurances, dont la composition est modifiée, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, et, de l'autre, une gestion des actifs, gestion de titres de portefeuilles, de valeurs mobilières de placement, d'instruments placés dans le public, qui, dès lors, doit logiquement relever du contrôle de la commission des opérations de bourse.
Je voudrais être particulièrement clair sur cette question.
Notre amendement répond à un double souci.
Tout d'abord, un souci de prudence dans l'intérêt des adhérents : c'est la volonté d'établir une muraille de Chine la plus épaisse et la plus élevée possible entre des intérêts potentiellement contradictoires.
Quels sont ces intérêts ? Il s'agit, d'abord, des intérêts des adhérents, car c'est leur retraite future qui est concernée. Il s'agit, ensuite, des intérêts des actionnaires des fonds d'épargne retraite, de ceux qui vont apporter les fonds propres indispensables pour constituer la marge de solvabilité de ces fonds. Il s'agit, enfin, des intérêts des entreprises, les souscripteurs des plans, qui peuvent également défendre leurs propres intérêts.
La filialisation de la gestion des actifs, cela signifie que l'on souhaite que les responsabilités soient bien identifiées et qu'il existe le moins de risques possible de voir se produire des conflits d'intérêts entre ces différents acteurs. C'est le premier point.
Le second souci auquel répond cet amendement concerne le contrôle : il s'agit d'asseoir la compétence de la Commission des opérations de bourse sur la gestion des actifs financiers de façon incontestable.
Tels sont, monsieur le ministre, les deux aspects importants que notre amendement s'efforce de traiter.
J'ajoute que, bien entendu, si l'application de cette disposition, la filialisation, créait de réels problèmes pour tel ou tel organisme existant, il serait possible, - et c'est prévu par un autre de nos amendements, d'aménager un délai entre l'édiction de la disposition légale et la mise en conformité de la situation - organismes, compagnies d'assurance par exemple.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 161.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je serai sans doute un peu long pour expliquer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à présenter ce sous-amendement.
L'amendement n° 19 pose deux questions importantes, qui ont été rappelées par M. le rapporteur. Il s'agit, d'une part, du contrôle des fonds d'épargne retraite, et donc de la sécurité des épargnants, qui est évidemment une préoccupation première du Gouvernement à l'occasion de l'examen de ce texte. Il s'agit, d'autre part, du développement de la gestion d'actifs en France.
En ce qui concerne le contrôle, je voudrais, en premier lieu, souligner qu'il n'y a pas de déficit de contrôle dans le dispositif actuel de la proposition de loi, qui prévoit une répartition logique et cohérente des compétences en matière de contrôle des fonds d'épargne retraite.
Nous sommes partis d'un constat simple, mais essentiel, selon lequel l'activité des fonds d'épargne retraite est une activité d'assurance : les plans sont mis en place par l'adhésion à des contrats collectifs d'assurance ; les fonds prennent à l'égard de leurs affiliés l'engagement de leur verser une rente, provenant de la mutualisation du risque viager entre les adhérents aux plans ; les plans sont gérés par des sociétés qui sont soit des sociétés d'assurances, soit des sociétés mutuelles d'assurance, soit des institutions de prévoyance ou des organismes mutualistes.
Cette activité doit donc être soumise, tout naturellement, pour des raisons d'efficacité évident, à la réglementation qui existe dans ce domaine : les règles d'agrément, les règles prudentielles et les règles de contrôle de la diffusion des contrats sont celles du code des assurances.
Le contrôle de ces règles doit donc être assuré par les corps de contrôle compétents en la matière. Une part essentielle du contrôle relève du domaine prudentiel.
Pour aller plus loin dans l'analyse, je relève que l'activité des fonds d'épargne retraite n'emporte pas appel public à l'épargne, qui est le critère majeur de l'intervention de la commission des opérations de bourse. En effet, la souscription des salariés passe par des contrats collectifs. Surtout, il n'y a pas de lien direct entre les actifs dont les fonds sont propriétaires et les créances détenues sur les fonds par les adhérents à un plan d'épargne retraite.
En revanche, en cas de délégation de la gestion des actifs à un gestionnaire pour compte de tiers, la commission des opérations de bourses retrouve son domaine naturel de compétence, telle que lui a confié la récente loi de modernisation des activités financières. Le Sénat a d'ailleurs joué un rôle éminent, et le rapporteur M. Marini tout particulièrement, dans la création du « bloc de compétence » de la commission des opérations de bourse en matière de gestion d'actifs.
Au demeurant, votre amendement ne remet pas en cause cette logique, très forte, de répartition des compétences.
Nous arrivons à la deuxième question que j'évoquais tout à l'heure : celle de l'industrie de la gestion de capitaux.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, la création des fonds d'épargne retraite ouvre de nouveaux horizons aux métiers de la gestion d'actifs. Il est donc fondamental que les fonds d'épargne retraite puissent déléguer la gestion de leurs actifs à des gestionnaires pour compte de tiers. A partir de l'accord sur ce point, deux questions de principe doivent être soulevées : faut-il qu'une possibilité devienne une obligation ? Quels sont les prestataires de services qui doivent bénéficier de cette délégation ?
S'agissant de la première question, le Gouvernement ne croit pas que cette obligation soit nécessaire.
D'abord, imposer la délégation par le fonds de la gestion de ses actifs risque de conduire à superposer plusieurs étages de coûts, et ce au détriment des adhérents aux plans d'épargne retraite. Le dispositif que nous mettons en place n'est déjà pas simple, ne le rendons pas encore plus difficile à gérer.
Ensuite, les fonds d'épargne retraite sont des investisseurs professionnels qui disposent des compétences nécessaires à la gestion de leurs actifs. Pourquoi leur imposer la gestion de leurs actifs par un tiers et ne pas les laisser décider eux-mêmes du soin de faire ou non cette délégation ? La pression de la concurrence suffira à imposer ce mouvement de délégation si celui-ci apparaît nécessaire.
Enfin, la cohérence technique du texte, qui fait le choix d'ancrer les fonds d'épargne retraite au sein du code des assurances, conduit à reconnaître à ces nouvelles sociétés la capacité de gérer un actif et un passif, dans une optique de mutualisation des risques. Ce point est essentiel, et tous les professionnels peuvent le confirmer, y compris les professionnels de la gestion pour compte de tiers, qui ne sont pas demandeurs d'une disposition de ce genre.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut souscrire à une obligation de délégation. C'est pourquoi il a déposé le sous-amendement n° 161, qui vise à substituer une possibilité à l'obligation qu'imposerait la rédaction de l'amendement n° 19, et qui supprime les sanctions que vous envisagez.
Si l'objectif est le développement de la gestion pour compte de tiers, alors il faudrait envisager qu'en cas de délégation seuls ces derniers pourraient gérer les actifs des fonds. C'est pourquoi il me paraîtrait logique, et cohérent avec ce qui vient d'être décidé par le législateur dans le cadre de la loi de modernisation des activités financières, que la délégation ne puisse être effectuée qu'au bénéfice des sociétés de gestion de portefeuilles, qui, à la différence des autres prestataires de services d'investissement, ne peuvent exercer ni les missions de dépositaire, ni celles d'intermédiaire. Cette décision serait un vrai signe en faveur d'une filialisation de la gestion, que nous appelons de nos voeux, et en faveur de l'accroissement de la visibilité internationale, en quelque sorte, de notre industrie de la gestion. Mais, vous le savez, monsieur le rapporteur, il y a des débats sur ces sujets, les professionnels sont très partagés. Notre sentiment est qu'il est souhaitable qu'il y ait concertation avec eux avant que le législateur ne décide d'imposer des mesures qui peuvent avoir des conséquences lourdes pour certains établissements, notamment pour les plus petits.
Nous préférons donc, à ce stade, monsieur le rapporteur, en rester au texte que vous proposez pour ce qui concerne les bénéficiaires d'une délégation, dont le Gouvernement souhaite qu'elle ne soit qu'une possibilité - c'est l'objet de notre sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour présenter le sous-amendement n° 85.
M. Marc Massion. Il est prévu un réexamen du choix de l'assureur, et il conviendrait, à notre sens, de faire de même avec les prestataires de services d'investissement. Il ne nous semble pas, en effet, qu'il y ait, a priori tout au moins, de raison d'avantager les banquiers par rapport aux assureurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 161 et 85 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Le sous-amendement n° 85 est dans la logique de l'amendement 19 et va dans le sens d'une plus grande concurrence. Par conséquent, j'émets un avis favorable sur ce texte. Je précise que je le fais à titre personnel, la commission ne s'étant peut-être pas livrée à un examen suffisamment exhaustif de cette question.
J'en viens au sous-amendement n° 161.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre argumentation, qui est d'une grande transparence et d'une grande honnêteté. Vous nous avez dit que la démarche de concertation avec les professionnels était en cours. Cette démarche débouchera sur un texte concernant l'industrie de la gestion de capitaux.
Nous savons que les professionnels se sont réunis, notamment dans le groupe de travail animé par Gérard de la Martinière. Si la plupart des gens comprennent, certes, qu'il faut se diriger vers la filialisation de la gestion des actifs soit dans les groupes bancaires, soit dans les groupes d'assurances, cela pose néanmoins des problèmes en termes d'organisation, notamment, aux grands groupes bancaires et aux grands groupes d'assurances.
Est-ce aux professionnels de déterminer de façon stricte la loi, en quelque sorte de faire la loi ? Allons-nous leur déléguer le vote de la loi sur une question de ce genre ?
C'est un point très difficile, car il s'agit de sujets techniques et il faut que les choses puissent fonctionner. Il faut donc que les professionnels soient associés à la démarche et au choix. Mais, pour autant, le législateur doit-il purement et simplement s'en remettre aux professionnels ? Je ne le crois pas. C'est pourquoi la commission persiste à vouloir rendre obligatoire la filialisation de la gestion des actifs par l'amendement n° 19.
Nous savons bien que nous aurons à examiner d'autres textes sur ce sujet. Néanmoins, l'adoption de l'amendement n° 19 permettrait au Sénat de donner un signal, de montrer que cette obligation de filialisation va dans le sens de la déontologie, de la « muraille de Chine », de l'indépendance des gérants, principes auxquels nous tenons.
Nous savons bien, je le répète, que des ajustements devront être opérés ; mais, à ce stade de l'examen de la proposition de loi, la commission préfère bien marquer les principes, afin que la loi soit, en définitive, la meilleure possible.
C'est dans cet esprit, monsieur le ministre, que la commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 161.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 85 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 85, qui vise à introduire une nouvelle obligation en contraignant les fonds d'épargne retraite à un examen tous les cinq ans du choix de leurs délégataires de gestion. Il s'agirait donc non pas d'une possibilité, mais d'une obligation, d'une contrainte. Ce serait, à mon avis, un excès de réglementation. Pour le coup, laissons les gestionnaires de fonds décider de ce genre de disposition dans le cadre des accords collectifs.
Le fonds d'épargne retraite professionnel du domaine confiera la gestion de ses actifs à un délégataire en toute connaissance de cause. Il ne paraît pas justifié que le législateur se substitue aux professionnels pour décider des conditions dans lesquelles les contrats de gestion seraient réexaminés.
En conséquence, le Gouvernement estime qu'il n'y a pas lieu de faire montre d'une trop grande précision dans la loi sur ce point.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 85.
M. Marc Massion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Je suis assez déçu de l'intervention de M. le ministre alors que M. le rapporteur avait parfaitement expliqué que le sous-amendement n° 85 était tout simplement un texte de cohérence avec les dispositions de l'amendement n° 19.
Mettre sur un pied d'égalité les banquiers et les assureurs était, à mon avis, une bonne chose et ne compliquait pas exagérément le déroulement du système.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 85, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 161.
M. Lucien Neuwirth. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Neuwirh.
M. Lucien Neuwirth. Je voudrais dire à mon collègue et ami M. Marini que je suis gêné par les mots : « dans tous les cas ». En effet, on ne sait pas comment va se développer la politique des fonds et on ne peut donc pas tout figer. C'est pourquoi je préfère les termes : « peut être, en tout ou partie », qui permettent de laisser une capacité d'appréciation aux responsables des fonds. On ne peut pas, à mon avis, bloquer la situation alors que l'on s'engage dans une voie que l'on ne connaît pas encore.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis sensible à la redondance que vient d'évoquer M. Neuwirth. En effet, le présent étant impératif en droit, l'expression « dans tous les cas » n'est pas indispensable.
Par conséquent, pour répondre au souci de M. Neuwirth, je rectifie l'amendement n° 19, dont le premier alinéa se lirait ainsi : « La gestion des actifs des fonds d'épargne retraite est déléguée à des prestataires de services d'investissement... », ce qui, à mon avis, est suffisant.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et tendant à insérer, après l'article 11, un article additionnel rédigé comme suit :
« La gestion des actifs des fonds d'épargne retraite est déléguée à des prestataires de services d'investissement, agréés pour fournir le service visé au d) de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée.
« Le non-respect des dispositions de l'alinéa précédent est passible des sanctions prévues aux articles 82 à 88 de la même loi. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Comme vient de l'expliquer M. le rapporteur, l'expression : « dans tous les cas » n'était pas juridiquement nécessaire pour obtenir l'obligation qu'il propose. Or, la position du Gouvernement est d'instituer non pas une obligation, mais une possibilité. C'est la raison pour laquelle il propose de remplacer le mot « est » par les mots « peut être » dans le premier alinéa et, dans le deuxième alinéa, de supprimer les sanctions qui, dans la logique du rapporteur, sont liées à l'obligation. Par conséquent, la divergence de vue subsiste entre la commission et le Gouvernement, et ce dernier émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 19 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 161.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je ne vois pas très bien où se situe la différence entre l'amendement n° 19 initial et l'amendement n° 19 rectifié. En effet, même si notre excellent collègue M. Marini accepte de supprimer l'expression « dans tous les cas », il maintient le mot « est », qui est impératif, ou presque.
Je n'arrive pas à être convaincu que les termes « pourrait » ou « peut être », qui laisseraient une plus grande liberté d'action, ne seraient pas aussi raisonnables !
C'est la raison pour laquelle j'opterai pour le sous-amendement n° 161 du Gouvernement, qui me paraît plus sage en la circonstance, à moins que l'on me prouve le contraire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 161, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
Par l'amendement n° 20, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 11, un article additionnel rédigé comme suit :
« Les organismes visés à l'article précédent sont tenus d'exercer effectivement, dans le seul intérêt du fonds d'épargne retraite, les droits de vote attachés aux titres, donnant directement ou indirectement accès au capital de sociétés, détenus par eux pour le compte du fonds.
« Les actionnaires d'un fonds d'épargne retraite doivent s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment des adhérents du fonds.
« Les dirigeants d'un fonds d'épargne retraite doivent faire prévaloir, dans tous les cas, l'intérêt des adhérents et, le cas échéant, être en mesure de conserver leur autonomie de décision.
« Le non-respect des obligations posées aux alinéas précédents est sanctionné par la Commission des opérations de bourse dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse.
« Un décret fixe les conditions d'application du présent article et, notamment, les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions du premier alinéa dans le cas où l'exercice effectif des droits de vote entraînerait des coûts disproportionnés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement comporte un premier point important, toujours dans l'esprit de ce que j'indiquais tout à l'heure au Sénat : l'obligation d'exercer les droits de vote attachés aux titres.
Certes, dans l'immédiat, il n'y aura peut-être pas énormément d'argent dans ces fonds. Mais, plus tard, ces derniers peuvent avoir une importance financière considérable sur les marchés, notamment dans les batailles boursières qui peuvent se produire dans telle ou telle situation de la vie des entreprises.
Par cette disposition, nous voulons manifester notre volonté de transparence et nous voulons que les gérants soient placés dans l'obligation de défendre, avant toute chose et exclusivement, les intérêts des adhérents.
Telle est la signification non seulement de l'obligation de vote, qui est d'ailleurs un principe de ce que l'on appelle « le gouvernement d'entreprise », mais aussi et surtout des deux alinéas suivants, lesquels ne reprennent d'ailleurs que des dispositions existantes de la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières : il s'agit encore de la logique de « la muraille de Chine », si je puis reprendre cette image.
Il est en effet important que les actionnaires d'un fonds d'épargne soient obligés de s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment de ceux des adhérents des fonds et que la réciproque soit vraie en ce qui concerne le comportement des dirigeants d'un fonds.
Bien entendu, ces dispositions étant posées, il est souhaitable de les assortir de sanctions et de laisser toute latitude à la Commission des opérations de bourse de jouer tout son rôle.
Je signale que, dans le deuxième alinéa du texte présenté par cet amendement, il n'est question que des « actionnaires d'un fonds d'épargne retraite ». On pourrait s'étonner, en considérant que les fonds pourront être constitués selon différentes modalités juridiques et pourront notamment être des organismes de forme mutuelle.
Pourquoi, dès lors, ne mentionnons-nous pas les sociétaires ? Tout simplement parce que nous reconnaissons la spécificité de la mutualité et parce que, dans les organismes d'essence mutualiste, il y a, par définition, confusion des intérêts des adhérents et de ceux des sociétaires.
De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la transparence et le principe exclusif de défense des intérêts des adhérents sont encore mieux assurés que par une structure classique de société anonyme avec ses actionnaires.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principaux éléments contenus dans l'amendement n° 20.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement comprend l'inspiration de cet amendement. Toutefois, là encore, il s'interroge sur l'opportunité d'instaurer une obligation ; il aurait préféré qu'une solution facultative soit offerte aux gestionnaires des fonds.
Cela étant dit, il s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
Par amendement n° 84, MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article rédigé comme suit :
« Les fonds d'épargne retraite relevant de la présente loi doivent obligatoirement appliquer à l'ensemble des plans qu'ils gèrent les principes de prudence et d'équité entre les générations d'assurés, notamment dans l'attribution des participations aux bénéfices ou aux excédents techniques et financiers. »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 20 de la commission.
Certaines sociétés d'assurances françaises ont pris l'habitude, pour des raisons purement commerciales, de majorer artificiellement les résultats des contrats qu'elles commercialisent au détriment des contrats plus anciens. Afin d'interdire de telles pratiques s'agissant d'engagements de longue durée, il est nécessaire de poser le double principe de prudence et d'équité entre les générations d'assurés. Il appartiendra, ensuite, aux assurés de comparer les résultats des différents plans qui seront proposés et, si nécessaire, de faire valoir leurs droits auprès des autorités compétentes.
Ce principe d'équité entre les générations d'assurés est affirmé dans le droit d'autres Etats de la Communauté européenne, notamment pour les sociétés d'assurance vie allemandes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Compte tenu de l'aspect technique de cette proposition, la commission s'en remet par avance à la solution qui semblera la meilleure au Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Cet amendement paraît superflu.
Le système français de l'assurance-vie connaît un grand succès auprès des épargnants, ce qui témoigne de la qualité des prestations qui leur sont fournies et permet de penser que le régime applicable par l'intermédiaire des plans d'épargne retraite est d'une grande qualité.
Le choix des structures dédiées au seul exercice de l'activité d'épargne retraite est une garantie supplémentaire pour les salariés puisqu'il évitera que les engagements à long terme pris à leur égard ne soient concurrents par des engagements à plus brève échéance, ce qui pourrait être problématique.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 84, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles 12 et 13