M. le président. « Art. 18. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, quelles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. »
« II. - Au troisième alinéa de l'article L. 12, aux premier et troisième alinéas de l'article L. 47, au premier alinéa de l'article L. 48, à l'article L. 49, au premier alinéa de l'article L. 50, au premier alinéa de l'article L. 76, au deuxième alinéa de l'article L. 103 et au troisième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, les mots : "de l'ensemble" sont supprimés.
« III. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les contrôles engagés par l'administration des impôts avant l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1996 (n° du ) ainsi que les titres exécutoires émis à la suite de ces contrôles pour établir les impositions sont réputés réguliers en tant qu'il seraient contestés par le moyen tiré de ce que ces contrôles auraient été effectués au moyen d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ou d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France. »
Par amendement n° 33 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer les paragraphes I et II de cet article.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 18 soulève un peu les mêmes questions que l'article 14 bis. En effet, les principes qui guident la rédaction actuelle de l'article créent un certain nombre d'obstacles.
Tout d'abord, l'article instaure une différence de traitement entre contribuables - il s'agit ici des non-résidents - quant à l'application des règles de contrôle fiscal.
Jusqu'alors, il s'agissait en effet de constater que la mise en oeuvre d'une procédure de contrôle fiscal - procédure toujours particulièrement délicate à mener lorsque les contribuables ne sont pas domiciliés sur le territoire français - pouvait porter sur l'ensemble de la situation fiscale du contribuable.
Désormais, si nous avons bien compris la rédaction de l'article, on procédera à une forme de limitation du champ du contrôle fiscal, ce qui pose la question traditionnelle des moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour lutter contre la fraude fiscale.
Il est bien connu aujourd'hui que l'essentiel de la fraude fiscale dans notre pays est due, d'une part, aux entreprises, qu'elle porte sur la taxe sur la valeur ajoutée ou sur l'impôt sur les sociétés, et, d'autre part, quand il s'agit des ménages, au comportement de ceux qui disposent de revenus non salariaux.
La fraude porte, notamment, sur des méthodes d'optimisation fiscale qui, au-delà de toutes les mesures déjà mises en oeuvre, visent purement et simplement, dans de nombreux cas, à tirer parti encore plus de ces dispositions incitatives.
Ces choix sont patents lorsqu'il s'agit, en particulier, de délocaliser certains revenus de capitaux - titres de dette publique détenus par des non-résidents - lorsqu'il s'agit d'aller plus loin dans les avantages liés aux PEA ou, comme on l'a vu ces dernières années, en matière de plans de souscription d'achat d'actions.
Ces choix sont contestables et il est clair que la fraude continue de peser lourdement sur le rendement des impôts et justifie, hélas ! le maintien de certaines dispositions. Ainsi, s'il n'y avait pas de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, on pourrait en ramener le taux normal à 18,6 %, peut-être même en deçà.
De même, la hausse de ce taux en juillet 1995 est assez tentante pour les professionnels de la fraude à la TVA et elle a, entre autres effets pervers, celui de la justifier encore plus.
Il ne convient donc pas de retenir l'actuel article 18, qui, par le biais de mesures de portée apparemment purement rédactionnelle, est en réalité une concession aux fraudeurs.
Nous en proposons donc la réécriture par suppression pure et simple des deux premiers paragraphes, qui ne visent, en fait, qu'à rendre prescriptibles des pertes de recette dont l'étendue n'est pas encore clairement définie, mais qui peut se révéler, à l'examen, particulièrement importante.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Monsieur le président, je me demande s'il n'y a pas un malentendu entre Mme Beaudeau et le Gouvernement.
En effet, l'objet de cet article 18 est très exactement de renforcer les moyens de contrôle des non-résidents pour leurs revenus de source française. Nous sommes donc tout à fait d'accord sur l'objectif. Or, le dispositif que nous proposons vise bien à obtenir ce résultat concret. L'article 18, tel qu'il est rédigé, tend non pas à alléger le contrôle, mais, au contraire, à améliorer ses fondements juridiques, qui ont été remis en cause par un arrêt du Conseil d'Etat, l'arrêt Dodi, et à améliorer ses modalités pratiques.
En effet, je le rappelle, le Conseil d'Etat, dans cet arrêt, a jugé irrégulières les procédures diligentées dans le cadre de ce que l'on appelle l'examen de situation fiscale personnelle, c'est-à-dire le contrôle approfondi, à l'encontre de personnes non résidentes pour leurs revenus de source française.
D'où l'article 18, qui a pour objet de permettre à l'administration fiscale de procéder légalement à des contrôles de domiciliation et de revenus de source française à l'égard de ces personnes, alors que, depuis l'arrêt Dodi, nous n'avons plus la possibilité juridique de le faire.
Cette mesure tend donc à conforter, sur le plan juridique, les moyens d'investigation que l'administration met en oeuvre dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, et non pas à les limiter, je le redis à Mme Beaudeau. C'est, au contraire, la suppression de l'article 18, par elle préconisée, qui ferait obstacle à l'engagement de ce type de procédure à l'égard des non-résidents.
J'ai vraiment la conviction, madame Beaudeau, que le texte de l'article 18 correspond pleinement aux préoccupations que vous exprimez, et que nous partageons.
Je le reconnais, la matière est assez technique et ceux qui, comme moi, ne sont pas des spécialistes de la fiscalité ont quelque difficulté à saisir tous les aspects de ce texte. Cependant, madame Beaudeau, si nous avons souvent des raisons de nous opposer, ici, en revanche, tant sur l'objectif que sur les modalités proposées, je ne crois pas qu'il y ait de divergence entre nous.
Si vous partagez cette analyse, peut-être pourrez-vous retirer votre amendement. A défaut, le Gouvernement s'y opposera.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19