M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Je voudrais dire, pour répondre à M. Gouteyron, que je n'ai point parlé ni du Déluge, ni de l'Arche de Noé, qui ne me concernent d'ailleurs pas tellement... L'important pour moi était de faire prendre conscience du danger, car il y a vraiment danger.
J'ai parlé, dans mon propos, d'une stratégie américaine nouvelle depuis « l'exception culturelle » acquise lors du GATT. J'ai dit qu'elle comportait sept points ; j'en ai lu trois, mais je peux en lire quelques autres.
Le deuxième point vise à « améliorer les conditions d'investissement pour les firmes US en libéralisant les régulations existantes. »
Le cinquième point tend à « s'assurer que les restrictions actuelles liées aux questions culturelles ne constituent pas un précédent pour les discussions qui vont s'ouvrir dans d'autres enceintes internationales. »
Le sixième point a pour objet de « multiplier les alliances et les investissements américains en Europe. »
Le septième point vise à « rechercher discrètement l'adhésion aux positions US des opérateurs européens affectés par les quotas ou les réglementations : télévisions privées, publicitaires, opérateurs de télécommunications... »
Certes, ce n'est qu'un programme, et les Américains ne gagnent pas toujours ; nous en avons eu la preuve avec le GATT. Mais je tenais quand même à « déplisser » la nouvelle stratégie qu'ils ont décidé d'utiliser pour remettre en cause ce qui est pour eux - j'ai repris l'expression de M. Jack Valenti - un « bacille » !
Il y a des droits de l'homme ; le droit d'auteur en est un. Sur ce point, je suis d'une intransigeance intraitable. Voilà ce que j'ai voulu dire, et rien d'autre, et c'est aussi pourquoi je suis si sensible aux petites fissures.
De même, j'aurais été sensible au fait que nos deux amendements soient pris en considération, et cela d'autant plus que j'entends quelquefois dire, en cours de débat, que mes propos ne sont pas si mal ; mais, au moment des actes, des votes, rien ne suit !
Je pense à une très belle rencontre qui a eu lieu la semaine passée avec nos amis italiens, notamment le ministre de la culture, M. Veltroni. Cette rencontre a été très heureuse. Mais quel cri d'alerte nous y est venu d'Italie ! J'ai ressenti leur pessimisme, bien qu'ils aient enfin un ministre de la culture.
Personnellement, je ne suis pas de nature pessimiste, et cela parce que je suis arcbouté sur les traditions de notre pays. Mais je pense qu'il faut néanmoins alerter. Vous vous en souvenez, au cours de la première lecture, j'avais émis un vote d'abstention précisément pour alerter. Je continue aujourd'hui à émettre le même vote, pour alerter encore.
Je vous l'assure, les sociétés d'auteurs et les artistes sont inquiets. Tous pressentent la menace sur le droit moral, qui est un droit fondamental. Oui, je persiste à m'abstenir !
M. Pierre Laffitte, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Laffitte, rapporteur. Je voudrais simplement préciser, puisque nous avons retiré l'amendement n° 2, l'une des raisons pour lesquelles nous étions formellement hostiles à l'article 16 bis tel qu'il avait été rédigé par l'Assemblée nationale. Cette hostilité rejoint d'ailleurs les préoccupations brillamment exposées par M. Ralite.
Il nous semble que la rédaction de l'article 16 bis affaiblissait le droit exclusif. Il tendait à faire penser que, d'une certaine façon, le problème que pose la contrefaçon est uniquement un problème financier.
Or, le problème essentiel, c'est qu'on utiliserait l'oeuvre d'un auteur contre sa volonté, et d'une manière qu'il n'aurait pas acceptée, moyennant une rémunération. C'est donc pour des raisons de principe que nous nous sommes prononcés contre cet article.
La rédaction que nous avions suggérée dans notre amendement montrait bien qu'il s'agissait d'une compensation de nature tout à fait particulière, qui compensait le gain perdu mais qui ne touchait en rien la notion de droit d'auteur.
Il serait important, à l'occasion de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, que cette proposition de principe de notre commission soit maintenue et que nous obtenions gain de cause sur ce plan-là, d'autant que les auteurs ne toucheraient qu'un gain tout à fait symbolique puisqu'ils se placeraient après les créances superprivilégiées et les créances des salariés.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour explication de vote.
M. Jacques Machet. Le groupe de l'Union centriste votera ce texte.
Vos propos, monsieur Gouteyron, m'ont profondément touché. Alors que, pendant des semaines, il n'a été question que de chiffres, vous avez rappelé que l'homme n'était pas que chiffres, mais qu'il lui fallait, en raison même de son humanité, des sujets de société à évoquer, de la culture.
Monsieur le ministre, vous avez exprimé la même idée tout à l'heure avec beaucoup de conviction.
Enfin, s'agissant de M. Laffitte, je ne peux que le remercier. Il connaît tout, il est spécialiste de tout !
A tous, je dis sincèrement : bravo ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)