M. le président. « Art. 3. _ I. _ Dans l'article L. 324-11-1 du code du travail, les mots : "un mois" sont remplacés par les mots : "six mois" .
« II. _ L'article L. 324-11-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans des conditions définies par décret, le salarié obtient des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 324-12 les informations relatives à l'accomplissement par son employeur de la déclaration préalable à l'embauche le concernant. Dans le cas où cette formalité n'est pas accomplie par l'employeur, ces agents sont habilités à communiquer au salarié les informations relatives à son inscription sur le registre unique du personnel. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 62, MM. Jourdain et Ostermann proposent de rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - Dans l'article L. 324-11-1 du code du travail, les mots : "un mois de salaire" sont remplacés par les mots : "six mois de salaire, sauf dans le cas où le salarié a sciemment accepté cette situation". »
Par amendement n° 56, MM. Fischer et Pagès, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du paragraphe I de l'article 3, de remplacer les mots : « six mois » par les mots : « un an ».
La parole est à M. Jourdain, pour défendre l'amendement n° 62.
M. André Jourdain. L'Assemblée nationale a porté l'indemnité forfaitaire à six mois de salaire.
Cela est tout à fait justifié lorsque le salarié ignorait sa situation de travailleur dissimulé. En revanche - et cela a été dit lors de la discussion générale - chacun connaît des cas de « salariés » qui acceptent de ne pas être déclarés, voire qui demandent à ne pas l'être. Si un contrôle survient alors qu'ils sont dans cette situation, ils auraient une prime supplémentaire égale à six mois de salaire.
M. Ostermann et moi-même avons déposé un amendement qui vise à appliquer les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, sauf lorsque le salarié a sciemment accepté la situation de travailleur dissimulé.
Je reconnais d'emblée la difficulté d'application de cette disposition. Cependant, je voulais attirer l'attention du Gouvernement et la vôtre, mes chers collègues, sur cette situation. J'attends la réponse du Gouvernement, connaissant déjà celle de la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 56.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à renforcer les droits des travailleurs qui sont employés clandestinement et qui sont victimes d'une rupture de la relation de travail, en portant à un an de salaire l'indemnité forfaitaire dont ceux-ci bénéficient.
Nous proposons donc d'aller encore plus loin que l'Assemblée nationale, qui a déjà fait passer cette indemnité de un mois à six mois de salaire. En fait, nous proposons de renforcer le caractère dissuasif de cette mesure. Il s'agit de sommes particulièrement importantes et, comme le note M. le rapporteur, cette indemnité compensera, le cas échéant, l'absence d'allocation de chômage. Pour un grand nombre de chômeurs, un an est, compte tenu de la situation actuelle de l'emploi, un délai minimal pour retrouver un emploi.
Plus que de pénaliser les entreprises, il s'agit avant tout, selon moi, de contribuer à la défense des salariés qui sont les premières victimes du travail illégal.
Leur offrir des droits supplémentaires, c'est aussi les aider à refuser cette situation et agir contre leur employeur malhonnête.
Il n'existe donc nul désir de surenchère dans notre proposition. Il s'agit d'offrir une réelle réparation aux principales victimes de ces pratiques, le plus souvent taillables et corvéables à merci.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite, mes chers collègues, à approuver cet amendement, qui durcit le dispositif d'un article dont nous approuvons les dispositions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 62 et 56 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 62 comporte en quelque sorte deux parties. La première, qui prévoit une indemnité égale à six mois de salaire, est satisfaite. S'agissant de la seconde, qui vise à exclure le versement de cette indemnité lorsque le salarié a sciemment accepté la situation de travailleur dissimulé.
M. Jourdain a dit qu'il attendait la réponse du Gouvernement ; il connaît en effet déjà celle de la commission, qui s'est réunie ce matin.
Vous l'avez dit, monsieur Jourdain, se posera un très important problème de preuve. Il est évident que tout tourne autour de cette question. Comment apprécier, par exemple, la vulnérabilité de la personne, la difficulté à trouver un travail déclaré ? C'est la raison pour laquelle, ce matin, la commission a souhaité que vous retiriez votre amendement, sinon elle émettra un avis défavorable.
Le dispositif prévu par l'amendement n° 56 serait dur, monsieur Fischer. Pour autant, je ne suis pas sûr qu'il protégerait les salariés. En effet, l'indemnité serait avantageuse et pourrait inciter certains salariés à se satisfaire d'un emploi dissimulé quand ils pourraient faire autrement. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 62 et 56 ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Le Gouvernement souhaiterait, lui aussi, que M. Jourdain retire l'amendement n° 62. Il est vrai que la situation est assez difficile, comme l'a très bien dit à l'instant M. le rapporteur, et je sais que les débats qui ont eu lieu ce matin en commission ont été très instructifs. J'ajoute qu'il s'agit, là aussi, d'une mesure dissuasive à l'égard de l'employeur. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, il émettra un avis défavorable.
Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 56, l'indemnité ayant déjà été portée d'un mois à six mois de salaire à l'Assemblée nationale. La proposition présentée par M. Fischer est, à l'évidence, excessive.
M. le président. Monsieur Jourdain, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?
M. André Jourdain. Comme je l'ai dit, je connais les difficultés d'application d'une telle proposition, mais je voulais attirer l'attention sur le problème qui se pose. Il faut trouver un moyen de le résoudre. Je suis bien conscient que cet amendement ne permettra pas d'y parvenir. Aussi, je le retire, en espérant que l'on réfléchira à un dispositif permettant de sanctionner les comportements que j'ai mentionnés tout à l'heure.
M. le président. L'amendement n° 62 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amdement n° 56, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit le début du paragraphe II de l'article 3 : « II. - Ce même article est complété... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui s'explique par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur le président, Mme Couderc devant assister à une réunion à Matignon, permettez-moi de prendre le relais. Ce sera peut-être moins plaisant pour vous, mais, je l'espère, tout aussi sympathique ! (Sourires.)
M. le président. Vous me gênez, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Cela étant, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 6.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 34, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après les mots : « le concernant », de rédiger comme suit la fin du texte présenté par le II de l'article 3 pour compléter l'article L. 324-11-1 du code du travail : « ... ainsi que des obligations prévues à l'article L. 324-10. Le cas échéant, il obtient également les informations relatives à l'identification du donneur d'ordre, lorsque cedernier peut être mis en cause au titre de la solidarité financière. »
La parole est à M. Mazars.
M. Georges Mazars. L'indemnité due au salarié concerne tous les cas de travail illégal. Le projet de loi ne prévoit de lui communiquer que les informations relatives à la déclaration préalable à l'embauche et, éventuellement, les informations concernant la tenue du registre du personnel.
En revanche, il n'est pas prévu d'informer le salarié dans les hypothèses de non-conformité du livre de paie, d'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, de déclarations fiscales et sociales ; autant de formalités qui doivent constituer l'élément matériel du délit de travail illégal et qui ouvrent, par conséquent, droit à indemnité pour le salarié dont la relation de travail est rompue.
Par ailleurs, il est important que le salarié puisse faire valoir ses droits par la connaissance du donneur d'ordre dans le cas de sous-traitance lorsque son employeur est insolvable, voire quand il a organisé son insolvabilité.
Le salarié est la première victime de l'employeur qui a eu recours à ses services en omettant de le déclarer régulièrement. Il est donc souhaitable, pour obtenir plus facilement réparation et reconnaissance de ses droits, qu'il puisse disposer de l'ensemble des informations qui le concernent.
Le projet de loi ne prévoit de lui communiquer que les informations relatives à la déclaration préalable à l'embauche et, éventuellement, au registre du personnel. En revanche, il n'est pas prévu d'informer le salarié sur le livre de paie, l'absence d'immatriculation auprès des organismes consulaires, l'état des déclarations fiscales et sociales. Ces formalités peuvent constituer l'élément matériel du délit de travail illégal ou dissimulé et, par conséquent, elles doivent être prises en compte dans l'ouverture du droit à indemnité.
En outre, il est important que le salarié puisse aussi faire valoir ses droits lorsque l'employeur est insolvable ou a organisé son insolvabilité, en se retournant contre le ou les éventuels donneurs d'ordre qui sont à l'origine du délit. Le salarié doit donc avoir la possibilité d'identifier celui-ci et d'exercer un recours à son encontre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 34 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Elle considère que cette pratique transformerait le salarié en un véritable agent de contrôle, ce qui n'est pas le but que l'on cherche à atteindre.
S'agissant des renseignements dont il pourrait avoir besoin pour son indemnisation, le corps de contrôle auquel il s'adressera ou le tribunal pourront les lui fournir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement considère, lui aussi, qu'une telle disposition ne doit pas être adoptée.
Cet amendement vise, notamment, à élargir l'information du salarié à toutes les données relatives au respect, par son employeur, de ses obligations déclaratives, commerciales, fiscales et sociales. Une telle disposition ne peut pas être acceptée car il ne s'agit pas, pour le salarié, d'obtenir des informations qui dépassent largement sa situation personnelle dans l'entreprise. On comprend qu'il ait accès à ce qui le concerne ; il ne serait pas raisonnable de lui permettre d'accéder à toutes les données de l'entreprise. Un tel amendement serait sans doute très mal accueilli par l'entreprise.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 35,Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter l'article 3 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 324-12 sont habilités à délivrer une attestation au salarié. Cette attestation mentionnant les constats d'infraction à l'article L. 324-10 s'impose aux organismes en charge de la gestion de l'indemnisation des demandeurs d'emploi et de protection sociale. »
La parole est à M. Mazars.
M. Georges Mazars. Cet amendement tend à assurer une meilleure protection au salarié victime du travail clandestin, particulièrement dans ses relations avec l'ASSEDIC.
Cet amendement est également fondé sur le principe suivant lequel le salarié est la première victime du travail dissimulé. En tant que tel, il ne doit pas être sanctionné pour les délits commis par un autre puisque, en fait, il est la victime de ce dernier.
La relation de travail étant rompue, le salarié devra très certainement s'inscrire auprès de l'ASSEDIC. Il paraît donc de bonne justice que les périodes durant lesquelles il a travaillé sans avoir été déclaré puissent être prises en compte.
Il en est de même en ce qui concerne les organismes sociaux qui délivrent les prestations d'assurance maladie ou de retraite. Sur ce dernier point, le salarié peut être gravement lésé si sa situation clandestine s'est poursuivie plusieurs années. C'est pourquoi nous proposons que l'agent de contrôle puisse délivrer cette attestation.
J'appelle votre attention sur le fait que nous souhaitons que les agents soient habilités à délivrer cette attestation et qu'il ne s'agisse pas pour eux d'une obligation. Ainsi pourront-ils apprécier au cas par cas l'opportunité de délivrer ce document, et ne pas le faire en cas de doute.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 35. La logique retenue tant dans le code du travail que dans le projet de loi est de ne pas mettre les conséquences financières de la découverte du travail dissimulé, notamment l'indemnisation du salarié, à la charge de la collectivité publique. C'est pourquoi une indemnité de six mois dédommage le salarié.
L'adoption de l'amendement n° 35 aboutirait à changer la logique : l'attestation aurait nécessairement pour conséquence de mettre à la charge des salariés légaux, non dissimulés, la prestation versée aux salariés dissimulés.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 35.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. L'explication que vient de donner M. le rapporteur me paraît tellement claire que j'ai quelque scrupule à y ajouter des arguments.
La mise en oeuvre de la proposition de Mme Dieulangard reviendrait à généraliser l'appréciation faite actuellement au cas par cas par les Assedic. Elle poserait des problèmes importants.
Surtout, l'objectif de protection des salariés dissimulés puis licenciés est déjà satisfait, comme vient de le dire M. le rapporteur, par le versement d'une indemnité forfaitaire dont le montant a été porté de un à six mois de salaire.
Cet amendement ne semble donc pas opportun. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis