M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai souhaité attirer votre attention et celle du Gouvernement sur le dossier particulièrement sensible des manipulations génétiques, car les décisions que sont amenés à prendre les pouvoirs publics en la matière seront particulièrement lourdes de conséquences pour l'avenir de notre société.
Aujourd'hui, on autorise la commercialisation d'un soja dont les gènes ont été modifiés. Il en sera de même pour le maïs transgénique dans un an et pour le colza dans trois ans.
Sont distribués dans le commerce de plus en plus d'aliments élaborés par génie génétique, qui contiennent donc des gènes issus de porcs, de poissons, etc.
Les scientifiques se veulent rassurants. Mais ils ne peuvent avoir le recul nécessaire pour juger de toutes les conséquences sur la santé humaine de telles manipulations.
La complexité des codes génétiques ne permet pas de prédire les effets de l'introduction de nouveaux gènes dans un organisme ou dans une plante.
Il n'est pas exclu, par ailleurs, que, une fois ces nouvelles modifications introduites dans les plantes, par exemple, celles-ci se croisent et modifient de manière irréversible l'écosystème.
Si, en soi, la recherche peut être admise, la sortie de laboratoire pose problème parce que la maîtrise n'existe plus.
L'utilisation de ces découvertes relève, enfin, d'une même démarche : la recherche de toujours plus de productivité, de toujours plus de rentabilité.
Hier, les fabricants britanniques ont décidé de moins cuire les farines à base de carcasses de moutons afin de réduire les coûts, avec les conséquences que chacun connaît. La démarche des fabricants de semences n'a d'autre objet que d'améliorer les rendements.
Monsieur le ministre, la plus grande prudence doit être de mise. Le simple étiquetage des produits, même s'il peut rassurer les consommateurs, ne saurait préserver l'avenir.
Aussi, je vous demande de saisir la représentation nationale de cette question fondamentale, en insistant sur la nécessité de renforcer la loi de 1992, qui réglemente les manipulations génétiques.
Je vous demande également de tout mettre en oeuvre pour que soit mis en place l'étiquetage complet de tous les produits contenant des ingrédients transgéniques et de donner au service de la répression des fraudes chargé des contrôles en la matière les moyens adéquats pour assurer sa mission. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, deux principes guident la politique du Gouvernement sur cette question très importante des organismes génétiquement modifiés : la sécurité ainsi que l'information et la transparence pour le consommateur.
Vous le savez, l'autorisation de mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés ne peut être donnée qu'à l'issue d'une double procédure, à la fois nationale et européenne, se fondant sur l'avis d'experts indépendants, généralement des chercheurs.
Le maïs génétiquement modifié dont il est aujourd'hui question est destiné à l'alimentation animale. Il a d'abord été évalué par la commission du génie biomoléculaire, présidée par le professeur Axel Kahn, ainsi que par le conseil supérieur d'hygiène publique en France. Leurs avis favorables ont été confirmés par trois comités scientifiques européens, qui ont conclu à l'absence d'effet négatif de ce produit pour la santé et l'environnement.
Mais, tant que la décision positive de la Commission européenne n'est pas notifiée, la France bloque les cargaisons de maïs transgénique en provenance des Etats-Unis. A cet égard, il convient de souligner la fermeté du Gouvernement, notamment du ministère de l'agriculture et du secrétariat d'Etat à la recherche.
Notre devoir consiste aussi à informer le consommateur. Comme vous l'avez souligné, monsieur Roujas, malheureusement, la loi de 1992 sur les organismes génétiquement modifiés ne prévoit pas d'étiquetage. Nous ne pouvons que le regretter. Je fais toutefois observer que ce n'est pas nous qui étions au pouvoir à l'époque.
Aujourd'hui, le ministère de l'agriculture s'emploie, pour l'alimentation animale, a prévoir un étiquetage volontaire des produits susceptibles de contenir des OGM, et un accord vient d'être signé entre les professionnels du secteur et les importateurs.
S'agissant de l'alimentation humaine, le Gouvernement appliquera le règlement européen « Nouveaux aliments », qui vient d'être adopté par le Parlement européen. Ce règlement est très important. Il imposera l'étiquetage de tous les produits alimentaires nouveaux, dont ceux qui sont obtenus par génie génétique, dès lors qu'ils présentent « la moindre différence par rapport aux produits classiques », ce qui est sage.
Ce règlement entrera en vigueur en avril, mais le conseil national de l'alimentation travaille dès à présent pour proposer - ce que souhaite le Gouvernement - un étiquetage qui soit clair, informatif, complet et compréhensible pour le consommateur. C'est cela la transparence.
Enfin, en ce qui concerne la culture de maïs transgénique sur le territoire français, elle ne pourra, bien sûr, être envisagée que lorsque la totalité du dispositif d'information des agriculteurs et des consommateurs aura été mis en place.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Paul Girod.)