M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 114 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 168 est déposé par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le texte proposé par l'article 3 pour insérer un article 8-2 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Par amendement n° 42, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere, François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour insérer un article 8-2 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, de supprimer les mots : « , à l'exclusion des voitures particulières, ».
Par amendement n° 43, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere, François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour insérer un article 8-2 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « quatre heures » par les mots : « six heures ».
Par amendement n° 115, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « quatre heures » par les mots : « deux heures ».
Par amendement n° 116, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la phrase suivante : « Le procureur de la République peut mettre fin à tout moment à cette immobilisation du véhicule. »
Par amendement n° 117, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, d'insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Le conducteur et, le cas échéant, les passagers du véhicule sont immédiatement informés de leurs droits de prévenir à tout moment leur famille ou toute personne de leur choix. Si des circonstances particulières l'exigent, l'officier de police judiciaire prévient lui-même la famille ou la personne choisie. »
Par amendement n° 12, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le troisième alinéa du texte proposé par l'article 3 pour insérer un article 8-2 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, après les mots : « La visite », d'insérer les mots : « , dont la durée est limitée au temps strictement nécessaire, ».
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Guy Allouche. Le nouvel article proposé pour l'article 8-2 de l'ordonnance de 1945 permet à la police judiciaire, qu'elle soit représentée par son officier ou par un agent, de procéder à la « visite sommaire » des véhicules, à l'exclusion des voitures particulières - c'est-à-dire des véhicules nécessitant un permis B et comptant jusqu'à huit places - dans la bande dite Schengen pour rechercher et constater la présence d'étrangers sans titre de voyage ou de séjour valable 20 kilomètres le long des frontières terrestres avec les autres pays membres de l'espace Schengen. Si le conducteur du véhicule refuse la visite, le véhicule est retenu quatre heures au maximum dans l'attente des instructions du procureur de la République.
L'objet de ce nouvel article est très clair : lutter contre les filières d'immigration clandestine et, surtout, les « passeurs ». Si ce but est louable, les socialistes que nous sommes n'ont de cesse de rappeler leur détermination à lutter contre cette pratique...
M. Jean-Jacques Hyest. C'est pour cela que vous en proposez la suppression !
M. Guy Allouche. Laissez-moi finir, cher collègue... la disposition, allais-je dire, est à la fois inutile et manifestement dépourvue des précisions législatives nécessaires.
Pourquoi cette disposition est-elle inutile ?
La bande « Schengen » connaît déjà un régime bien particulier quant aux pouvoirs des officiers et agents de la police judiciaire ou des fonctionnaires des douanes : l'article 78-2 du code de procédure pénale permet des contrôles d'identité dans cette zone ; l'article 67 quater du code des douanes va dans le même sens.
Ajouter à l'existant n'aura donc pratiquement pas de conséquence et l'intérêt de cet article nouveau se résume donc à un effet d'annonce.
A défaut de la suppression de cet article, il convient d'obtenir un renforcement des garanties entourant cette « visite sommaire ».
Puisque le véhicule, et donc son conducteur, peuvent être retenus quatre heures, il convient de permettre au conducteur de prévenir sa famille, son conseil ou toute personne de son choix, comme cela est la règle pour les vérifications d'identité. Sachant que cette disposition vise principalement les camions et autres véhicules à usage commercial, l'importance, pour le conducteur, de pouvoir prévenir son employeur, par exemple, se conçoit aisément.
De même, il importe de préciser les pouvoirs du procureur de la République et de prévoir, si possible de façon précise, que celui-ci peut interrompre à tout moment la rétention du véhicule.
Ces précisions sont en réalité commandées par la philosophie et l'inspiration qui ont présidé à la rédaction de cet article.
En effet, présenté comme calqué sur l'article 78-2 du code de procédure pénale, cet article 8-2 nouveau doit être encadré par les garanties déjà prévues par l'article 78-3 du code de procédure pénale en matière de contrôle d'identité dans la zone des vingt kilomètres.
D'ailleurs, pour justifier le raccourcissement du délai d'immobilisation du véhicule de six heures à quatre heures, cet article 78-3 a été invoqué.
Dès lors, il faut s'inspirer de l'ensemble des garanties prévues par ces prescriptions.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 168.
M. Guy Fischer. Nous proposons de supprimer cette possibilité de fouille de véhicule dans les zones frontalières pour des raisons évidentes qui ont déjà été évoquées par mon ami Robert Pagès dans son intervention générale.
Le fait de porter lourdement atteinte aux libertés individuelles et de circulation de tous et la certitude que ces fouilles de véhicules se transformeront à une écrasante majorité en des fouilles de véhicule au « faciès » justifieraient déjà largement cet amendement de suppression.
Cependant, il me semble nécessaire de revenir sur les logiques qui sous-tendent ces atteintes aux libertés des individus et qui ont pour racine l'idée qu'il est possible de contrôler et d'arrêter toute immigration nouvelle en comptant uniquement sur des dispositifs de contrôle policier à proximité des frontières ou en amont.
Partons tout d'abord d'un constat : depuis un certain nombre d'années, les contrôles aux frontières n'interviennent plus de manière systématique et égalitaire. Ils s'opèrent en aval, à l'intérieur du territoire ou dans une zone frontalière - le texte renforce cet aspect des choses - et en amont, à travers notamment les systèmes de délivrance des visas et les accords de réadmission.
Ce contrôle en amont, qui a des aspects liberticides redoutables, entame non seulement la souveraineté des Etats qui sont supposés recevoir les flux, comme nous avons eu l'occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, mais aussi les droits les plus élémentaires d'une majorité des ressortissants des pays d'immigration.
En effet, comme a pu le relever le ministère de l'intérieur dans un rapport au Parlement concernant la responsabilité des transporteurs en matière de lutte contre l'immigration clandestine, on applique, comme aux Etats-Unis et au Canada, un transfert aux compagnies aériennes privées ou publiques des pouvoirs de police. Ces compagnies sont dans l'obligation, sous peine d'amende, de repérer les clandestins et les faux demandeurs d'asile.
En même temps, nous voyons apparaître par l'intermédiaire des ambassades des directives qui ont pour conséquence des comportements inacceptables et qui portent atteinte aux droits les plus fondamentaux des individus.
M. Emmanuel Hamel. On se moque de la législation américaine !
M. Guy Fischer. Ainsi une personne - monsieur Hamel, écoutez-moi - venant d'un pays visé par ces dispositions, qu'elle veuille visiter des membres de sa famille ou désire simplement faire du tourisme, est considérée a priori comme une menace pour la sécurité, car elle est supposée s'infiltrer sur notre territoire afin de profiter d'une situation économique plus favorable pour elle. Et vous êtes informé de la création, depuis août 1996, de l'OCCRIEST.
Cette logique a pour résultat que des ressortissants, par exemple de la Côte-d'Ivoire, doivent montrer au personnel de l'ambassade de France à Abidjan 400 francs pour chaque jour passé en France. Cette sommme doit être montrée au personnel de l'ambassade, abrité derrière des vitres blindés, qui exige que la moitié soit sous forme de traveller's-checks et l'autre moitié en liquide. Quand on sait qu'une grande partie de la population gagne cette somme en deux mois de travail, on peut en conclure que cette logique met le tourisme et le droit de se retrouver en famille à la portée d'une poignée de personnes du tiers monde bénéficiant de hauts revenus, qui, comme le démontre l'accueil particulièrement chaleureux réservé par la France au dictateur Mobutu, ne seront jamais inquiétés par ces mesures discriminatoires.
Ces logiques jettent donc le soupçon aussi bien sur le demandeur de visa à l'ambassade de France - voire dans un consultat - pour faire du tourisme ou rendre visite à sa famille qu'à un Français de peau noire ou foncée à bord de son véhicule. Elles se justifieraient selon les auteurs...
M. le président. Vous avez trente secondes pour conclure, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Eh bien, donc, vous avez compris que, pour toutes ces raisons.
Nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement.
Malheureusement, je n'ai pas pu finir mon propos. Mais la concision de mon argumentaire vous aura au moins appris un certain nombre de choses. (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Caldaguès, pour défendre l'amendement n° 42.
M. Michel Caldaguès. Mes chers collègues, voilà quelques semaines, j'étais invité avec plusieurs d'entre vous à un déjeuner de travail dans un ministère qui n'était pas le vôtre, monsieur le ministre.
Arrivant à la grille, j'aperçois un personnage en uniforme qui, après que je lui eus décliné mes qualités et montré mon invitation, me demande l'autorisation de procéder à une inspection sommaire du coffre de ma voiture.
Je me suis bien gardé de refuser, car je n'ai pas voulu manquer l'occasion, mes chers collègues, de me présenter devant vous comme une victime d'une abominable agression contre les droits de l'homme... (Sourires.)
M. Guy Allouche. Votre tête ne leur est pas revenue !
M. Michel Caldaguès. ... et de mériter peut-être ainsi la sollicitude de M. Badinter, de M. Dreyfus-Schmidt, de M. Allouche et peut-être même une déclaration de solidarité émue de Mme ben Guiga ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Mahéas. Une fois en passant, ça va, mais cela fait dix fois que vous racontez cette histoire !
M. Michel Caldaguès. Cet après-midi même, on m'a apporté ici à mon fauteuil une invitation à dîner la semaine prochaine chez le même ministre. (Rires.)
M. Guy Allouche. Vous êtes souvent invité, mon cher collègue.
M. Michel Caldaguès. J'ai réfléchi à l'attitude que j'allais adopter...
M. Guy Allouche. C'est un hôtel, ce n'est plus un ministère !
M. Michel Caldaguès. Si je refuse l'inspection de mon véhicule, le zélé fonctionnaire va peut-être devoir appeler la permanence du parquet, de telle sorte qu'il se prononce sur l'opportunité de cette fouille.
Je sais très bien comment cela va terminer : je manquerai mon dîner chez le ministre et je serai certainement obligé d'inviter à souper le substitut de permanence. (Rires.)
M. Guy Allouche. On dirait Gaston Lagaffe !
M. Michel Caldaguès. Alors, mes chers collègues, l'amendement que je dépose avec plusieurs de mes amis tend à dissiper le climat de byzantinisme qui entoure cette affaire d'inspection des véhicules et de distinction entre véhicules industriels ou utilitaires et véhicules particuliers.
Mes chers collègues, une voiture sans toit ni capote...
Un sénateur du RPR. C'est dangereux sans capote. (Rires.)
M. Michel Caldaguès. ... est-elle un véhicule particulier ? Un camion doté d'une couchette à côté de laquelle le conducteur range sa brosse à dents et son pyjama n'est-il pas un domicile particulier ?
Vous voyez combien la distinction est très difficile à établir, et ce d'autant plus que nous assistons à une diversification des modèles d'automobiles et que, bientôt, il faudra des juristes extrêmement spécialisés pour déterminer ce qui est véhicule particulier et ce qui ne l'est pas.
Je sais bien qu'il y a une jurisprudence du Conseil constitutionnel, et j'y ai fait allusion tout à l'heure. J'ai le plus grand respect pour les décisions de cette instance, toutefois, mes chers amis, lui c'est lui, et nous c'est nous.
Nous sommes le législateur, et nous devons prendre nos responsabilités. Nous n'avons pas à anticiper sur le contrôle de constitutionnalité, qui n'est pas dans nos prérogatives.
Laissons cette compétence au Conseil constitutionnel et décidons ce que nous croyons devoir décider pour le bien de l'intérêt général.
Est-il souhaitable que les véhicules, qu'ils soient utilitaires ou qu'ils soient privés, fassent l'objet d'inspections sommaires - avec l'autorisation du conducteur, cette condition figure dans le texte - pour éviter que les frontières ne soient des passoires ? Oui, selon moi, c'est souhaitable.
Avant-hier, tout près d'ici, un personnage qui défraie à nouveau la chronique, après avoir fait les beaux jours du pouvoir socialiste...
Un sénateur du RPR. Et du football français !
M. Michel Caldaguès. ... est sorti de chez lui clandestinement, dans une voiture particulière. Cela montre à l'évidence que les distinctions subtiles auxquelles on tente de nous acclimater sont contestables et nous autorisent à espérer une évolution de la jurisprudence.
Il est évident que si nous nouis inclinons à l'avance, si nous faisons de l'autocensure, si nous nous faisons les propres contrôleurs de la constitutionnalité de nos décisions, nous perdons toute chance de voir la jurisprudence évoluer !
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Michel Caldaguès. Mes chers amis, il y va de la dignité du Parlement. Je détiens, comme chacun de vous, une petite parcelle du pouvoir législatif, j'entends l'utiliser, je ne m'inclinerai pas à l'avance. Par conséquent, je ne retirerai certainement pas l'amendement n° 42.
M. le président. Vous avez à nouveau la parole, monsieur Caldaguès, pour présenter l'amendement n° 43.
M. Michel Caldaguès. Le texte initial du Gouvernement prévoyait que le représentant du parquet, si son intervention est sollicitée, c'est-à-dire si le conducteur refuse la visite du véhicule, dispose de six heures pour venir inspecter le véhicule, ce qui lui laisse le temps de faire une toilette rapide, si l'affaire surgit au cours de la nuit, et de se rendre sur les lieux.
L'Assemblée nationale a cru devoir ramener ce délai à quatre heures. Je ne vois pas très bien la satisfaction intellectuelle qu'on peut en tirer. S'agit-il d'abréger un peu plus le temps de sommeil du substitut de permanence ? Voilà qui ne me semble pas indispensable ! Dans ces conditions, je propose de maintenir le délai à six heures. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 115.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment, l'on peut considérer que la bouteille est à moitié vide ou à moitié pleine !
Dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, le délai est de quatre heures, et l'on fait tout pour nous faire croire que le Gouvernement et la commission des lois sont dans un juste milieu, ce qui n'est pas exact.
M. Michel Caldaguès. C'est vous qui le dites !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Du délai de six heures fixé initialement par le Gouvernement, nous en sommes à quatre heures et M. Caldaguès propose de revenir à six heures. Quant à notre amendement, il tend à instituer un délai de deux heures.
A la vérité, il s'agit, pour nous, d'un amendement de repli.
Combien de temps faut-il pour faire une visite sommaire d'un véhicule ?
M. Ivan Renar. Un certain temps !
M. Jean Chérioux. Les douaniers vous le diront mieux que quiconque.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une visite sommaire consiste à ouvrir les portes d'un camion pour vérifier s'il y a quelqu'un dedans. Cela doit prendre au maximum dix minutes ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Laissez M. Dreyfus-Schmidt s'expliquer, s'il vous plaît !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, si mes collègues veulent apporter quelques précisions, me dire que je me trompe et expliquer qu'un tel contrôle peut durer plus longtemps !...
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Dreyfus-Schmidt, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Hyest, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jacques Hyest. Depuis hier, j'assiste à un débat extrêmement intéressant. Des problèmes sérieux se posent. On a parlé notamment des certificats d'hébergement : cela ne méritait peut-être pas les excès de langage auxquels on a assisté, mais il s'agissait d'un problème sérieux.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous savez lire le français et le droit comme moi : la retenue du véhicule intervient dans l'attente des instructions du procureur de la République, et il faut quand même un certain temps. On n'a pas un procureur sous la main à tout moment !
On vous dit après : la visite des véhicules dure le temps strictement nécessaire. Ne mélangez pas les choses et ne soyez pas de mauvaise foi ! C'est ce que veut dire ce texte !
Pour ma part, j'en ai assez ! J'ai toujours respecté tous les arguments, monsieur Dreyfus-Schmidt, en pensant d'ailleurs que tout le monde était de bonne foi. Mais là, vous le savez fort bien, il ne s'agit pas du délai de la visite. Alors, cessons ce petit jeu ! (« Très bien ! » Et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, c'est la dernière fois que j'autorise M. Hyest à m'interrompre ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. La vérité fait mal !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, s'il avait bien voulu me laisser poursuivre, il aurait sans doute mieux compris ce que nous voulions dire et cela lui aurait évité de parler de jeu, car il ne s'agit pas d'un jeu.
M. Dominique Braye. Si, vous jouez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et si vous en avez assez, monsieur Hyest, permettez-moi de vous dire que vous n'êtes pas obligé de rester dans l'hémicycle ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. Mauvais joueur !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela dit, contrairement à ce que prétend M. Hyest, non seulement il y a toujours au parquet un substitut de permanence, mais également téléphone et fax. Dans ces conditions il n'est pas nécessaire d'attendre quatre heures pour recevoir les instructions du procureur et procéder à une visite sommaire.
De plus, si le délai prévu est de quatre heures au maximum lorsque l'intéressé a refusé son consentement et qu'il a fallu demander des instructions au procureur, aucune limite maximale n'est indiquée dans le texte, ce qui aboutirait à retenir longtemps des personnes qui n'ont rien à se reprocher, alors qu'elles ont autre chose à faire.
Je répète que nous proposons un délai de deux heures, alors que M. Caldaguès demande six heures et que le texte voté par l'Assemblée nationale prévoit quatre heures. Pourtant M. Caldaguès n'a pas eu à subir les insultes de M. Hyest !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, ne provoquez pas M. Hyest !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je vous en prie !
M. le président. Même si les propos de M. Hyest ne vous plaisent pas, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas à l'interpeller de cette façon.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais, selon vous, qui serait provoqué ?
M. Jean Chérioux. On ne vous a pas insulté ! Ne faites pas de fausse colère !
M. Dominique Braye. Vous autorisez un orateur à vous interrompre, puis vous mentez une fois de plus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. D'abord, M. Hyest me demande de m'interrompre pour me dire que je me livre à un petit jeu, ce que je n'apprécie nullement. Ensuite, ce que je n'apprécie pas non plus, vous me dites, monsieur le président, c'est que c'est moi qui provoque M. Hyest alors que c'est moi qui suis provoqué ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Vous savez très bien ce que vous faites !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela dit, nous proposons un amendement. Ceux auxquels il ne plaît pas ne le voteront pas ; les autres le voteront ! (Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne voudrais pas que la colère de M. Dreyfus-Schmidt continuât longtemps.
Il faut être très précis, monsieur le sénateur : quatre heures, c'est la durée maximale et, naturellement, la contrainte est nulle lorsque l'intéressé accepte la visite.
M. Jacques Mahéas. Il y a toujours le risque des mouvements d'humeur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Combien de temps ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Rien du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quelle est la durée maximale dans ce cas ?
M. Dominique Braye. Dix minutes, vous l'avez dit vous-même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. On ouvre les portières du camion, on regarde, on constate qu'il n'y a rien. C'est immédiat !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, la durée de quatre heures est un maximum et, si le parquet fait diligence, ce sera moins ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole et à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous enchaînons, si je puis dire !
M. le ministre de l'intérieur vient de dire que, si le parquet est diligent, la durée d'immobilisation sera inférieure à quatre heures. Nous aurions voulu que cela dépende non pas de la diligence du procureur - si l'on peut parler de diligence en matière de véhicules ! (Sourires) - mais de la loi. C'est précisément pourquoi nous présentons un nouvel amendement de repli.
Un délai de deux heures nous paraissaient déjà très long puisque, comme vient de le rappeler M. le ministre, la procédure ne doit durer que le temps nécessaire à l'obtention des instructions du procureur de la République, et que celui-ci peut être joint immédiatement par téléphone.
Le moins que l'on puisse demander dans ces conditions, c'est qu'à tout moment le procureur de la République puisse mettre fin à l'immobilisation du véhicule.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je tiens à préciser, parce que je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté, qu'à tout moment le procureur de la République ou son substitut peut mettre fin à une immobilisation. C'est un pouvoir naturel du parquet !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si je comprends bien, vous donnez un avis favorable à notre amendement n° 116, monsieur le ministre, puisque vous reprenez exactement nos termes.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Non, monsieur Dreyfus-Schmidt, n'anticipez pas trop !
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 117.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons qu'il soit précisé dans la loi : « Le conducteur et, le cas échéant, les passagers du véhicule sont immédiatement informés de leurs droits de prévenir à tout moment leur famille ou toute personne de leur choix. Si des circonstances particulières l'exigent, l'officier de police judiciare prévient lui-même la famille ou la personne choisie. »
Il nous a été répondu ce matin, en commission, que nous ne sommes pas ici en matière de garde à vue, que c'est le véhicule qui est visité et que le conducteur et les passagers sont libres.
Il est évident que les passagers ne sont libres que jusqu'à un certain point. Nous avons en effet affaire à un chauffeur et à des passagers qui peuvent refuser qu'il soit procédé à une visite sommaire du véhicule, peut-être pour de bonnes raisons d'ailleurs ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
A ce moment-là, j'imagine que les policiers ne laisseront pas les intéressés faire ce qu'ils veulent, notamment prendre la poudre d'escampette.
Il est donc pour le moins normal d'autoriser les personnes qui risquent d'être immobilisées pendant deux, quatre, voire six heures, suivant le délai qui sera retenu, à prévenir leur patron, leur famille et leurs amis. Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12 et donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 114, 168, 42, 43, 115, 116 et 117.
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 12 a simplement pour objet de revenir au texte gouvernemental, tel qu'il était avant le débat de l'Assemblée nationale, pour limiter la durée de la visite.
Quant aux amendements n°s 114, 168, 42, 43, 115, 116 et 117, ils ne manquent pas d'intérêt ! (Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Je trouve quelquefois le débat un peu long, mais, tel est le jeu des institutions et, après tout, le règlement est fait pour tout le monde.
Tout cela serait empreint d'une saveur pittoresque si, malheureusement, il n'y avait pas le sinistre rapport que M. le ministre a fait tout à l'heure concernant la mort de dix-huit Sri Lankais qui ont été trouvés étouffés dans un camion tentant de franchir clandestinement la frontière française.
M. Jean-Marie Girault. C'est vrai !
M. Paul Masson, rapporteur. En regard de tels faits, il devient sinistre d'inscrire, dans l'objet d'un amendement, que les contrôles d'identité suffisent.
Il y a eu dix-huit morts. Il s'agissait de braves gens qui, après tout, ne faisaient que tenter leur chance vers l'Eldorado, et qui ont été transportés dans des conditions sordides... (Léger brouhaha sur les travées socialistes.)
Ah ! cela vous fait rire ! J'en suis navré, mon cher collègue, car cela n'a rien de risible.
M. Claude Estier. Absolument pas !
M. Paul Masson, rapporteur. Alors vous ne m'écoutiez pas. C'est encore plus fâcheux ! (Rires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est moins fâcheux quand même !
M. Paul Masson, rapporteur. C'est moins fâcheux, je vous l'accorde, mais le fait divers est assez triste, monsieur Estier, pour qu'on l'évoque avec une certaine gravité et, je ne vous le cache pas, j'ai trouvé quelque peu choquant que, pendant que j'évoquais dix-huit cadavres, il y ait des sourires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'homme qui rit dans les cimetières, c'est une vieille histoire !
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne voudrais pas faire de l'éloquence. J'en ai dénoncé ce matin certains inconvénients, voire certains excès. Je ne voudrais pas faire non plus dans l'enflure, mais je voudrais que l'on observe que l'affaire est plus sérieuse qu'il n'y paraît et que les propositions faites par le Gouvernement ne manquent pas de fondement.
Après ces considérations générales, qui valent pour l'ensemble des amendements, je dirai que la commission est défavorable aux amendements identiques n°s 114 et 168.
J'en arrive aux amendements n°s 42 et 43.
Je suis très intéressé par les déjeuners ou dîners de notre collègue et ami Michel Caldaguès.
M. Guy Allouche. Il a de la chance !
M. Paul Masson, rapporteur. J'observe seulement, cher collègue et ami, que, quand vous vous déplacez dans les ministères, vous n'êtes pas dans la bande de Schengen. (Sourires). C'est évidemment une objection de droit qui me paraît incontournable, encore que je cède peut-être un peu au pittoresque.
M. Alain Gournac. C'est le faciès ! (Sourires.)
M. Paul Masson, rapporteur. Vous faites état, mon cher collègue, de décisions du Conseil constitutionnel. Je répondrai que je ne suis pas influencé par le Conseil constitutionnel quand je présente des amendements, au nom de la commission.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Paul Masson, rapporteur. Je rapporte ce que la commission me demande et je m'efforce de présenter objectivement les choses, sans référence au Conseil constitutionnel. J'observe d'ailleurs parfois une certaine dérive ou certaines incohérences de sa part, mais je ne me permets pas de critiquer quoi que ce soit.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La loi l'interdit.
M. Paul Masson, rapporteur. Les deux décisions du Conseil constitutionnel qui ont trait aux véhicules particuliers n'ont jamais, contrairement à une fiction qui est évoquée ici ou là, avancé la notion de domicile privé. L'une, celle de 1977, se réfère à des objectifs trop généraux pour pouvoir être délégués à des officiers de police judiciaire - il n'y était pas question de domicile privé - l'autre, celle de 1995, se réfère à des dispositions d'ordre public qui n'ont rien à voir avec le domicile privé.
Evacuons donc cette fiction qui voudrait que le Conseil constitutionnel considère que le véhicule est un domicile privé. Je ne sais pas s'il le dira un jour, ce n'est pas mon affaire. En tout cas, ce n'est pas pour cette raison que j'ai émis un avis défavorable à l'encontre de l'amendement n° 42.
Dans la bande de Schengen, est donnée la capacité de vérifier les identités à tout moment, sans aucune des contraintes qui pèsent sur les contrôles d'identité ailleurs.
Autant cette disposition n'est pas suffisante pour un camion qui transporte une cargaison, des sacs ou des paquets, autant, s'agissant d'un véhicule privé, elle me paraît de nature à permettre que le véhicule ne contient pas d'occupants cachés.
L'amendement n° 43 a, lui, pour objet de porter de quatre heures à six heures la durée maximale d'immobilisation du véhicule pour obtenir des instructions du procureur si le conducteur refuse la visite. Certains proposent de la ramener à deux heures.
Je ne voudrais pas que l'on taxe la commission de normande pour s'en être tenue à quatre heures. (Sourires.) Si nous nous arrêtons à ce délai de quatre heures, c'est qu'il est déjà pratiqué pour les contrôles d'identité. Nous recherchons une certaine homogénéité dans les dispositifs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas la même chose !
M. Paul Masson, rapporteur. En effet.
Je voudrais, mes chers collègues, que vous compreniez bien la procédure.
Des officiers de police judiciaire arrêtent un véhicule et demandent au conducteur l'autorisation de visiter celui-ci. S'il donne son accord, la visite est instantanée. Il ne s'agit pas d'une fouille. Je fouille dans ma poche. Ma femme fouille dans son coffre à bijoux. En l'occurrence, il s'agit d'une visite sommaire. Donc, les officiers de police judiciaire visitent le véhicule, constatent qu'il n'y a rien d'anormal, et le véhicule repart.
En revanche, si le conducteur n'autorise pas la visite de son véhicule - peut-être a-t-il de bons ou plutôt de mauvais motifs de ne pas donner son accord - les officiers de police judiciaire demandent des instructions au parquet. Il n'est pas question de demander au procureur de la République ou au substitut de se rendre sur place pour vérifier les conditions dans lesquelles s'opère la visite. Non, les officiers de police judiciaire cherchent le procureur pour lui demander des instructions. Le délai de quatre heures, pense-t-on, permettra de le trouver.
Bien évidemment, dès qu'on l'aura trouvé, il donnera ses instructions et la vérification s'opérera normalement sans que sa présence soit nécessaire. Tel est le mécanisme : il est clair et simple.
En conséquence, tous les amendements qui ont été proposés, à l'exception bien évidemment de celui de la commission, recueillent un avis défavorable de la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 114 et 168.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 42, je suis désolé d'être en opposition avec M. Caldaguès. Je ne raisonnerai pas par référence aux deux décisions du Conseil constitutionnel du 12 janvier 1977 et du 18 janvier 1995. Le Conseil a raisonné comme si les voitures particulières constituaient des sphères privées pouvant être assimilées à des domiciles...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, non ! C'est le contraire, M. le rapporteur vient de nous dire que ce n'est pas du tout cela !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je dis : « il a raisonné comme si ». Mais je n'argumenterai pas sur les décisions du Conseil constitutionnel.
Mon objectif est le démantèlement des filières qui utilisent des camions dans lesquels se dissimulent des étrangers. J'ai donné un exemple dramatique, je pourrais en donner un certain nombre d'autres. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de prévoir la visite des voitures particulières, car l'article 78-2, quatrième alinéa, du code de procédure pénale prévoit déjà, dans la bande des vingt kilomètres, une possibilité de contrôle d'identité indépendamment des cas de droit commun.
L'amendement de M. Caldaguès, dont je comprends la peéoccupation, me semble donc inutile et j'y suis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 43.
Le Gouvernement avait, certes, prévu dans son texte initial une durée maximale de six heures, mais il s'est rangé à l'avis de l'Assemblée nationale pour ramener cette durée à quatre heures. Je souhaiterais qu'on en reste là. En effet, c'est la durée qui est prévue dans d'autres circonstances par l'article 78-3 du code de procédure pénale. Il est bon de ménager une certaine harmonisation. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Il est également défavorable aux amendements n°s 115 et 116.
Sur l'amendement n° 116, j'ai dit qu'il allait de soi que le procureur de la République pouvait mettre fin à tout moment à l'immobilisation du véhicule.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 117 car, en l'occurrence, il ne s'agit pas d'une garde à vue, il n'y a pas retenue de personne.
Enfin, il est favorable à l'amendement n° 12.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 114 et 168.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. J'ai écouté tout à l'heure M. Fischer, qui exposait avec sincérité sa crainte de voir attenter à la liberté de circulation et, à un certain moment, je me suis même demandé s'il n'avait pas raison.
Je voterai cependant contre ces amendements n°s 114 et 168 parce que, après avoir entendu M. le rapporteur évoquer l'affaire des Sri Lankais je pourrais demander à M. Fischer où se trouvent, dans ce cas, les atteintes à la liberté de vivre ? (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 114 et 168, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je n'ai absolument pas été convaincu par les arguments de M. le rapporteur ni par ceux de M. le ministre tendant à établir une distinction entre les véhicules utilitaires et les véhicules particuliers.
Les frontières terrestres constituent un moyen de passage clandestin connu de tous et elles peuvent être utilisées comme telles aussi bien par des voitures particulières que par des véhicules utilitaires. Par ailleurs, contrôle d'identité ne veut pas dire visite sous peine de sanctions par les tribunaux.
Enfin, je ne vais pas discuter éternellement, mais, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous ne m'avez pas convaincu.
J'ajouterai que, jusqu'à maintenant, aucun amendement déposé par la majorité n'a réussi à se frayer un chemin, et j'en suis profondément choqué.
M. Jean-Jacques Hyest. Attendez, ce n'est pas fini !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. J'ai écouté avec une extrême attention les explications données à la fois par M. le rapporteur et par M. le ministre pour justifier l'avis défavorable qu'ils donnaient sur l'amendement n° 42.
Je ne suis pas cosignataire de cet amendement, mais j'en approuve les termes et je m'apprête à le voter pour deux raisons essentielles.
La première a été plutôt renforcée par la référence que M. le rapporteur et M. le ministre ont faite à ces malheureux qui ont été victimes d'un transport dans un véhicule entrant dans la catégorie qui devrait faire désormais l'objet de contrôles.
En effet, qui vous permet d'affirmer aujourd'hui que la situation dramatique qui a été vécue par ces hommes ne concernera pas un jour une ou deux personnes dans un véhicule particulier ? Personne ne peut dire ici qu'on ne peut transporter un ou deux individus dans un coffre de voiture.
Il y a, hélas, des exemples d'enfants, sinon d'adultes, transportés sur le territoire national dans des coffres de voitures avec des résultats identiques ; et il s'agissait de jeunes de nationalité française. Qu'en serait-il si l'on constatait de tels faits concernant des jeunes de nationalité étrangère ?
Il me semble que cet argument plaide en faveur de l'amendement de M. Caldaguès, et j'ai bien noté que l'avis défavorable du Gouvernement et de la commission sur cet amendement n'était pas lié à un problème constitutionnel.
J'en viens à la deuxième raison pour laquelle je voterai l'amendement n° 42.
Comment allez-vous expliquer à nos concitoyens que l'on va contrôler des véhicules parce qu'ils ont une capacité leur permettant de transporter un nombre important d'adultes et qu'on n'autorisera pas de tels contrôles sur des véhicules particuliers au motif qu'il s'agit de véhicules aux dimensions plus modestes ? En multipliant les passages de véhicules particuliers tout au long de l'année, on peut faire passer au moins autant d'étrangers qu'avec un seul véhicule utilitaire. Je pense donc que, au nom du bon sens, nos concitoyens seront majoritairement derrière nous si nous adoptons l'amendement présenté par M. Caldaguès.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Soyez assurés, monsieur Caldaguès, monsieur Vasselle que les dispositions que j'ai voulu voir figurer dans ce projet de loi ne sont pas inspirées de quelconques théories. Ce projet intervient alors que j'occupe depuis vingt mois les fonctions qui sont les miennes. Durant ces vingt mois, vous le savez, j'ai placé la lutte contre les filières d'immigration irrégulière et contre le travail clandestin au coeur de mon action.
Je vous le dis en toute franchise, je voudrais qu'on limite ce projet de loi aux mesures strictement nécessaires. Or je suis convaincu que, sur un plan purement pratique, cet amendement n'est pas porteur de valeur ajoutée pour les forces de police ou de gendarmerie.
Par conséquent, je souhaite qu'on en reste au dispositif que j'ai imaginé et qui, lui, est efficace.
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Je suis navré de la tournure que prend le débat à propos de l'amendement n° 42, présenté par notre collègue et ami M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Et plusieurs de ses collègues !
M. Paul Masson, rapporteur. Effectivement !
Nous avons déjà pu constater à quel point est délicate la matière dans laquelle nous sommes appelés à légiférer. Et ce n'est pas fini ! Nous devons naviguer, dans des conditions parfois hasardeuses, entre des extrêmes. Nous nous heurtons à des difficultés à la fois juridiques et techniques mais aussi à des réactions passionnelles.
Vous dites, monsieur Caldaguès, que vous êtes choqué parce que la majorité n'a pas, jusqu'à présent, été honorée d'un avis favorable sur l'un de ses amendements. Mais comprenez que le rapporteur de la commission des lois ne peut se prononcer qu'en fonction de critères aussi objectifs que possible. J'ai peut-être été maladroit dans la présentation de l'avis de la commission sur votre amendement. Si c'était le cas, je vous demande de bien vouloir m'en excuser.
M. Michel Caldaguès. C'est bien le dernier des reproches que je vous ferai !
M. Paul Masson, rapporteur. Je m'efforce de m'en tenir à la position qui me paraît être la position moyenne dans une affaire qui, je l'ai dit plusieurs fois, ouvre des voies nouvelles dans le droit français.
Si le Gouvernement n'a pas demandé l'urgence sur ce texte, c'est précisément parce qu'il veut, tout naturellement, ajuster sa position en fonction des commentaires qui sont faits ici ou là. Mon cher collègue, votre commentaire est noté et, comme il n'y a pas conformité entre le texte adopté par l'Assemblée nationale et celui que le Sénat va adopter, il y aura une navette. Vous aurez la possibilité de faire valoir à nouveau votre argumentation, et il n'est pas définitivement exclu que votre proposition puisse être retenue.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. J'ai vivement déploré et je continue à déplorer qu'il ne soit pas possible à la majorité de faire passer un seul de ses amendements sur ce texte, confrontée qu'elle est à un véritable feu roulant d'avis défavorables qui élimine tous les amendements qui ont été présentés.
J'ai fait le geste de retirer quelques-uns de mes amendements pour faciliter la tâche du rapporteur et celle de la Haute Assemblée tout entière. Je ne me plaindrai pas de ne pas en avoir été récompensé, mais, je tiens à le signaler au passage.
Ce n'est pas sur l'amendement n° 43 que je vais recouvrer la moindre chance de faire prévaloir mon point de vue, non pas seulement parce que le Gouvernement et la commission y sont hostiles mais parce que je n'ai pas du tout l'intention d'être plus royaliste que le roi.
Monsieur le ministre, vous avez présenté un texte dans lequel figurait un délai de six heures. J'en ai conclu que ce délai vous paraissait nécessaire et c'est la raison pour laquelle j'ai entrepris de rétablir votre texte.
M. Guy Allouche. Il voulait vous faire plaisir, monsieur le ministre !
M. Michel Caldaguès. Mais, monsieur le ministre, vous n'avez pas une obligation de moyen, vous avez une obligation de résultat. Dès lors, si le maintien du texte de l'Assemblée nationale vous paraît suffisant pour nous garantir les résultats que nous attendons de votre politique, je n'ai aucune raison de maintenir cet amendement. C'est ce que j'appelle ne pas être plus royaliste que le roi.
M. le président. L'amendement n° 43 est retiré.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je souhaite remercier très sincèrement M. Caldaguès.
Oui, j'ai une obligation de résultat et, depuis vingt mois, je me bats pour que les résultats obtenus par les fonctionnaires du ministère de l'intérieur dans les domaines de la lutte contre l'immigration irrégulière et de la lutte contre le travail clandestin soient bons. Vous le savez, ces résultats sont déjà bons.
C'est pourquoi je peux affirmer que quatre heures suffisent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 115.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si nous devions nous plaindre parce que aucun amendement de l'opposition n'est accepté, cela nous arriverait bien souvent ! Cela dit, je peux rassurer M. Caldaguès : en commission, nous avons eu l'impression que nombre d'amendements de la majorité étaient retenus. Peut-être ne s'agissait-il pas d'amendements de M. Caldaguès, mais c'était tout de même des amendements émanant de la majorité.
Mais revenons à un sujet plus sérieux et à cette affaire concernant des Sri Lankais que vous avez évoquée, monsieur le ministre. Nous avons compris que vous cherchiez surtout à éviter des drames pour les irréguliers, et nous sommes unanimes à vouloir le faire. Cependant, nous sommes surpris que ce drame nous ait échappé. M. le rapporteur, qui ne nous en avait pas parlé en commission, l'a également évoqué. Nous nous permettons donc de vous demander quand s'est produit cet affreux fait divers, en nous étonnant que, semble-t-il, la presse n'en ait pas fait état. (Mais si ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Rufin. C'était dans tous les journaux !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, me permettez-vous de vous interrompre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'aime guère raisonner à partir de cas particuliers et je ne suis pas porté à étaler devant la représentation nationale ou devant les médias des faits dramatiques.
Je peux simplement vous dire que ces faits se sont déroulés au mois d'octobre 1996. J'en ai été informé immédiatement par mes services. Si les médias n'en ont pas parlé, ce n'est pas de ma responsabilité. En tout cas, vous ne me verrez jamais utiliser la misère des gens devant les caméras de la télévision. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Belle leçon !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Peut-être pourrez-vous nous dire aussi comment on s'est rendu compte de ce qui se passait et dans quelles conditions le camion dont il s'agit a pu être visité sommairement. Cela permettrait de vérifier si, comme nous le pensons, on a déjà les moyens de savoir ce qu'il y a dans un camion qui roule dans l'est de la France.
Pour le reste, je n'insiste pas, car je ne voudrais pas que notre collègue Jean-Jacques Hyest nous accuse de « jouer ». Nous continuons d'estimer que le téléphone portatif, d'une part, et le fax, qui peut être lui aussi portatif, d'autre part, permettent d'avoir des instructions du procureur de la République en beaucoup moins de quatre heures.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 115, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 116, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 8-3 DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945