M. le président. La parole est M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Elle tient en quatre petits mots : faut-il y croire ?
Faut-il céder au devoir d'optimisme en ce début d'année ?
Les taux d'intérêt sont les plus bas depuis trente-cinq ans, le dollar, la livre et la lire se sont redressés, au point de rendre obsolètes les polémiques, naguère si vives, sur le franc fort et les dévaluations compétitives, le déstockage est enrayé, l'investissement va probablement reprendre, et l'on constate de meilleures anticipations chez les chefs d'entreprise.
Est-ce l'embellie ?
Si embellie il y a, sera-t-elle ressentie par les Français dans leur situation personnelle ? Surtout, sera-t-elle suffisante pour faire reculer le chômage ?
Les instituts de conjoncture, publics et privés, confirment désormais, monsieur le ministre, que la hausse du PNB sera de 2,3 %, ce qui correspond à l'hypothèse sur laquelle vous avez bâti votre budget. Au cas où la croissance serait plus importante, pouvez-vous en mesurer l'impact sur les finances publiques et nous éclairer sur l'usage qui serait fait de cette manne tant espérée ?
Il faut « aller plus loin dans la lutte contre le chômage », a dit le Président de la République.
Pour répondre à cet appel, je n'imagine certes pas que vous augmenterez la dépense publique, même si les besoins de recapitalisation des entreprises publiques s'accumulent, menaçants.
Pourriez-vous, deuxième hypothèse, aller plus loin dans la réduction de la dette de l'Etat ? A moins que - troisième hypothèse, sans doute la plus probable - vous n'entrepreniez de diminuer le poids des prélèvements qui étouffent l'emploi.
Mais par où commencerez-vous ?
Entendez-vous « raboter » la hausse conjoncturelle de la TVA décidée en 1995, accélérer la baisse de l'impôt sur le revenu ou alléger les cotisations sociales, notamment pour ce qui concerne les emplois les moins qualifiés ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. De toute façon, les résultats ne sont pas bons.
M. Jean Chérioux. Vous parlez d'expérience !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, votre question tient, vous l'avez dit, en quatre petits mots. Ma réponse pourrait, elle, tenir en cinq petits mots. (Sourires.) A la question : faut-il y croire ? je réponds qu'il faut garder le cap, comme vient de le réaffirmer avec force M. le Président de la République. (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'embellie n'est pas pour demain !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. L'économie française va mieux, et elle ira de mieux en mieux. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Robert Calmejane. Silence, les fossoyeurs !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Les indices convergents se multiplient.
Ainsi, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, les taux d'intérêt sont à leur plus faible niveau depuis trente-cinq ans, et les parités de change viennent aujourd'hui soutenir la croissance. Nous avons abouti à un renversement ordonné de ces parités : le dollar, par rapport à la moyenne des parités en 1996, progresse de 10 %, tandis que la lire et la livre sterling se sont appréciées de 15 %.
M. Jean-Louis Carrère. Et le chômage ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Il faut maintenant consolider ces ajustements.
Mais nous les avons obtenus sans qu'aient été pour autant modifiées les parités à l'intérieur du système monétaire européen. Autrement dit, l'appréciation du dollar n'a pas remis en cause la parité entre le deutschemark et le franc, et c'est très bien ainsi.
Telle est la tendance.
Nous devons maintenant garder le cap. Il s'agit de tenir les dépenses publiques...
M. René-Pierre Signé. Il s'agit de tenir !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et de ne pas s'imaginer que l'on disposera d'emblée d'une manne considérable. J'avais qualifié de réaliste, au mois de septembre, l'hypothèse selon laquelle le taux de croissance du PNB atteindrait 2,3 %. Cette affirmation suscitait alors quelque scepticisme ; mais aujourd'hui, et je m'en réjouis, ce taux est considéré comme un minimum. J'estime que la croissance sera supérieure à 2,3 %, et nous savons qu'alors la France créera à nouveau des emplois.
Pour nos compatriotes, ce qui compte, au-delà des indices, c'est, pour ceux qui sont au chômage, de retrouver un emploi et, pour ceux qui sont salariés, de constater, comme ils viennent de le faire, que leur salaire net a progressé.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. René-Pierre Signé. Surtout pour ce qu'il dit !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et que le montant de leur impôt sur le revenu se trouve allégé.
Le Gouvernement a choisi de donner la priorité à l'emploi. Je crois donc qu'il serait imprudent de répartir trop tôt les fruits de cette croissance. La priorité, c'est l'emploi, il faut par conséquent tenir le cap...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous vous répétez !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... pour alléger le poids de l'impôt sur le revenu et des charges sociales, qui entravent le développement de l'emploi. (Protestations sur les travées socialistes.)
Les fruits de la croissance doivent être affectés en priorité à l'emploi. Telle est notre orientation fondamentale.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Personne ne vous croit !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est le cap que nous tiendrons, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous devons réduire les déficits publics et alléger le poids de l'impôt. Nous allons dans la bonne direction, l'économie va mieux, et elle ira de mieux en mieux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE ALGÉRIEN