M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 141 rectifié, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est complété, in fine, par un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut de réfugié est accordé par l'OFPRA aux victimes de persécutions de la part d'un groupe autonome sans lien avec un Etat. »
Par amendement n° 187, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« ... - La convention de Genève du 28 juillet 1951 s'applique aux personnes victimes de l'action de certains groupes lorsque les pouvoirs publics sont manifestement incapables d'assurer leur protection. Le droit d'asile peut donc être accordé à ces personnes par la France. »
La parole est à M. Rocard, pour défendre l'amendement n° 141 rectifié.
M. Michel Rocard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'élément qui est à l'origine du dépôt de cet amendement est transparent ; vous l'avez tous deviné.
Nous visons des situations semblables à celle que connaît aujourd'hui l'Algérie, mais ce n'est pas la seule.
Comme vous le savez, aujourd'hui, l'asile politique ne peut être demandé que par ceux qui sont victimes de persécutions de la part d'un Etat. Tels sont nos textes, l'Histoire les justifie. Ce furent d'ailleurs de bons textes. Mais, en Algérie, aujourd'hui - et le cas peut fort bien se répéter ailleurs - des femmes, des hommes, journalistes, universitaires, médecins, syndicalistes, militants des droits de l'homme ou simples partisans de la laïcité, sont harcelés, pourchassés, menacés chaque jour dans leur vie même par des extrémistes intégristes qui sont par ailleurs en lutte contre l'Etat algérien. Ces terroristes intégristes sont autonomes, sans liens avec un Etat, ce qui ne les empêche pas d'exercer de véritables persécutions sur des hommes, des femmes et des enfants dont l'Etat est incapable d'assurer la sécurité. Il s'agit notoirement de persécutions politiques, et il est clair que nous devons reconnaître le droit d'asile à ces courageuses victimes.
Il faut donc modifier la loi pour que ce droit leur soit assuré. C'est notre devoir évident envers ces hommes et ces femmes, qui s'opposent à l'intégrisme au nom même des valeurs dont se réclame la France. Il serait déshonorant de leur refuser notre secours sous prétexte que ceux qui les persécutent n'ont pas encore atteint leur but, qui est précisément de s'inspirer de l'Etat - algérien en l'espèce, mais pas seulement peut-être - pour faire régner leur ordre. La protection de la France serait mieux venue et plus respectable si elle était accordée avant et non pas après l'échec de leur combat démocratique.
Permettez-moi deux mots de plus.
L'argument au nom duquel ce secours serait refusé, nous le connaissons bien : quel précédent créons-nous, quelles ouvertures faisons-nous ! Je vous entends déjà, monsieur le ministre,...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai rien dit !
M. Michel Rocard. ... et je sais même que vous serez, là-dessus, de bonne foi.
Reste que, pour le moment, nous avons ce cas massif ; les autres, que l'on peut deviner, ne sont pas situés dans nos zones - on n'est pas en francophonie, là ! - et ne sont pas immédiatement dangereux.
Mais, dans le cas particulier de l'Algérie, nous avons vécu, ces dernières semaines, une critique du silence. Nous ne savons pas quoi faire. Le drame algérien est atroce, et chacun d'entre nous ne peut décider du « comment ». Nous n'avons plus que l'idée que le colonialisme est fini, que nous n'avons rien à dire, que nous n'avons pas, au nom de l'Histoire, de leçons de morale à donner.
Et, cependant, nous ne pouvons pas ne pas continuer à aider ce peuple financièrement - ce que nous faisons avec raison, monsieur le ministre, ma critique n'est pas là - mais nous devons savoir que cette aide, légitime, je le répète, est interprétée comme une aide à un gouvernement et non pas, ce qu'elle est, comme une aide à un peuple. Et, donc, nous sommes sous incrimination.
J'ai été l'un des négociateurs des accords avec l'Algérie, dont vous gérez la continuité. Donc, nous parlons sans méfiance. Vous êtes sous la pression d'une demande, d'un message neuf, et vous ne voulez pas, ne pouvez pas, n'osez pas, n'avez pas envie - et je ne vous donne pas tort - de passer à une condamnation de l'Etat algérien actuel puisqu'il donne l'impression de ne jouer que la répression : vous savez que ce serait une politique dangereuse.
Dans ces conditions, vous êtes, monsieur le ministre, en recherche d'un signal, d'un signal qui voudrait dire que la politique de la France vis-à-vis de l'Algérie n'est pas seulement un soutien qui, bien que donné à un peuple, se traduit et est interprété comme le soutien à un gouvernement.
Pourquoi pas cette occasion-là, qui serait comprise et légitimerait la continuité de notre aide ? C'est un problème grave, très grave. Nous sommes attendus.
Il me vient un voeu stupide.
Il vous faut, monsieur le ministre, répondre en séance, tout de suite. Moi, je préférerais vous laisser la nuit pour réfléchir au fond, mais la procédure ne nous le permet pas.
Pensez tranquille, monsieur le ministre. De toute façon, nous n'en sommes qu'à la première lecture au Sénat, nous nous reverrons sur ce sujet, qui est très lourd, très grave, et qui ne permet pas l'emphase car il est très important. Comme l'Algérie ne sera pas le seul cas pour l'avenir, la dignité des peuples, des grands peuples, comme le nôtre, se jouera aussi sur leur faculté de reconnaître que les persécutions ne sont pas seulement le fait des Etats.
Merci d'une attention aussi superbe. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 187.
Mme Hélène Luc. Nous proposons, par cet amendement, que la France applique désormais dans sa plénitude la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés.
La France, en effet, adopte une conception particulièrement restrictive de la commission de Genève, contrairement aux recommandations du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Notre pays écarte ainsi toute persécution émanant d'un agent autre que l'Etat, sauf si le demandeur parvient à prouver que ce dernier est complice.
Cette attitude extrêmement et excessivement stricte a eu pour conséquence, par exemple, en 1995, la seule acceptation de 30 demandes d'asile sur les 2 208 dossiers déposés.
Connaissant la situation algérienne - des femmes, en particulier - et les exactions horribles des groupes fanatiques, une telle position de notre pays n'est pas digne de nos traditions démocratiques.
Je tiens enfin à souligner que le Parlement européen a, tout récemment, adopté une résolution sur les garanties minimales pour les procédures d'asile.
Le deuxième point de cette résolution est très clair. Je vous le lis, mais vous devez le connaître : « Le Parlement européen demande aux Etats membres de respecter les recommandations du Haut commissariat aux réfugiés, qui, en conformité avec les termes du paragraphe 95 du guide des procédures et critères à appliquer pour la détermination du statut de réfugié, réaffirme que la convention de Genève s'applique aux personnes victimes de l'action de certains groupes lorsque les pouvoirs publics sont manifestement incapables de les protéger. »
Le Sénat va-t-il se situer aujourd'hui en deçà de ces exigences démocratiques, qui nous apparaissent minimales ? Nous espérons que non et nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 141 rectifié et 187 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Le débat que nous venons d'avoir au détour des deux amendements n°s 141 rectifié et 187 a déjà été abordé ce matin. Je ne vais donc pas, ce soir, répéter ce que j'ai dit il y a quelques heures.
Cela étant, monsieur Rocard, je ne sais pas s'il est opportun, au détour d'un amendement et dans un débat qui n'a rien à voir avec l'affaire qui nous occupe, d'évoquer la convention de Genève et le dispositif de l'OFPRA. (M. Dreyfus-Schmidt et Mme Luc protestent.)
Quand je dis que l'amendement n'a rien à voir avec l'affaire qui nous occupe, je veux parler du projet de loi tel que le Gouvernement nous l'a présenté !
Est-il opportun d'évoquer la loi de 1952, qui a acquis ses lettres de noblesse, sa forme, sa procédure, son contentieux, sa jurisprudence, et de chambouler tout ce système parce que l'on se croit obligé, à un moment ou à un autre, de « faire un effet » vis-à-vis de l'extérieur ? Je ne sais pas si c'est pour cela que nous sommes là ce soir, ou s'il s'agit d'aborder un texte avec la modestie que son examen requiert.
En tout cas, la commission des lois ne se croit pas autorisée à juger, à travers cet amendement, d'événements extérieurs qui sont prodigieusement compliqués et dont les résonances sont profondes.
J'appelle encore une fois l'attention de la Haute Assemblée sur le fait que le Gouvernement a toute latitude pour accorder l'asile territorial à qui le souhaite. C'est un droit régalien que la France a toujours pratiqué avec générosité, qui a été consolidé par la récente révision constitutionnelle et qui figure en toutes lettres dans notre Constitution.
Mme Hélène Luc. Vous savez très bien que ce n'est pas vrai, monsieur le rapporteur !
M. Paul Masson, rapporteur. A quoi bon, ce soir, ici, revenir sur un dispositif qui est parfaitement rodé ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai, la convention de Genève ne s'applique pas !
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne crois pas que ce soit l'heure ni le lieu d'évoquer, au détour d'un amendement, des événements de cette nature.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 141 rectifié.
M. Michel Rocard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard. Je suis sensible au fait que M. le rapporteur ait cherché, dans cette conversation délicate, à ne pas dramatiser le ton, à ne pas tomber dans l'outrance.
Quel est notre métier, monsieur le rapporteur ? Nous sommes législateurs. Ce métier consiste à faire la loi en fonction de tout ce qui se passe : tout responsable politique est toujours instantanément saisi de tout ce qui se passe partout, et nous sommes ici dans une assemblée de la République pour en faire la synthèse sous forme législative.
Je connais le pouvoir régalien de donner asile. Reste que des fragilités demeurent au contentieux et que l'écriture de la loi qui décrit le droit d'asile comme conditionné par la Constitution d'un Etat est une inhibition pour tous les organismes qui sont sous vos ordres. Je le sais fort bien, et c'est ce que je demande que l'on lève.
Quant à l'opportunité, monsieur le rapporteur, j'eusse préféré que vous ayez raison et que nous n'ayons pas lieu de le faire. Mais l'urgence est là ! Voilà ce qui m'incite à ne pouvoir tenir pour recevable la réponse de M. le rapporteur.
Nous sommes bien obligés d'introduire dans la loi son objet ! Car, enfin, monsieur le ministre, pourquoi nous avez-vous saisis, sinon pour décrire législativement, de manière claire, les conditions dans lesquelles des étrangers dont nous décrivons les situations - certaines ne relèvent que du droit de séjour, d'autres peuvent relever du droit d'asile - sont autorisés à séjourner régulièrement, avec un titre régulier, en France ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parfaitement !
M. Michel Rocard. Cette définition de l'objet même qui vous a conduit à nous proposer de légiférer ensemble fait que le drame que j'ai évoqué relève de notre compétence législative d'aujourd'hui.
Aucun d'entre nous ne l'aurait souhaité, je vous en donne acte ! Mais avons-nous le droit, ne le souhaitant pas, devant cette horreur, de faire comme si elle ne nous saisissait pas au coeur de la loi ?
Monsieur le rapporteur, aucun d'entre nous, ici, ne vous a pris pour un ultra. Nous avons eu souvent, au cours de cette séance, des moments d'émotion à vous entendre, sachant même que, parfois, vous étiez tiré plus loin que vous ne l'auriez intellectuellement voulu ; les motivations des phrases de votre beau rapport nous l'ont fait comprendre. Vous êtes dans une automaticité.
Il reste que votre réponse ne peut nous satisfaire. C'est pourquoi, contre l'avis de la commission, je voterai mon amendement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je souhaite également dire un mot sur cette grave question.
On nous dit, encore une fois, qu'on traite d'une question technique et qu'il y a urgence à traiter de cette question et pas d'une autre. Je l'ai dit hier dans mon intervention, à force de reporter l'essentiel au nom de l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel.
Vous ne pouvez imaginer le nombre de visites - et je ne crois pas que mon cas soit unique ! - que le maire d'une ville qui compte beaucoup d'Algériens - je suis ce maire - reçoit de personnes anxieuses, dramatiquement anxieuses, devant tant et tant d'assassinats qui les touchent et dont on sait bien qu'ils existent !
M. le rapporteur dit que la situation est compliquée. Mais la mort de dizaines, de centaines d'Algériens victimes de l'islamisme intégriste, ce n'est, malheureusement, pas compliqué !
Donc, ce soir, une possibilité nous est offerte, dans le cadre de la loi, de faire un grand geste, un geste qui n'est d'ailleurs pas seulement demandé par le groupe socialiste, au nom duquel vient de s'exprimer M. Michel Rocard, et par le groupe communiste républicain et citoyen, au nom duquel a parlé tout à l'heure Mme Hélène Luc.
Le collège des médiateurs a tenu ses assises ici même, au Sénat, le 18 novembre dernier. Il a voulu définir une nouvelle politique d'immigration. Il a annoncé quelques urgences, précisant qu'une des plus importantes, à ses yeux, était relative au droit d'asile.
Permettez-moi de lire un extrait de l'appel qu'il a lancé : « Là encore, le climat de méfiance systématique à l'égard de certains étrangers a conduit à des conséquences inadmissibles.
« L'asile doit être accordé à tous ceux qui doivent fuir leur pays devant la persécution qui les menace, que cette menace provienne de l'Etat lui-même ou qu'elle soit le résultat de sa carence. Plus largement, l'asile humanitaire doit être étendu, au-delà d'une définition pointilleuse de la persécution, aux cas d'extrême détresse.
« Dans tous les cas, les risques encourus par les demandeurs d'asile doivent être appréciés avec réalisme et humanité, sans excès de juridisme soupçonneux et en tenant compte des difficultés de preuves inhérentes à de telles situations. »
Parmi les hommes et les femmes qui ont rédigé ce texte, on retrouve MM. Pierre Lyon-Caen, Edgar Morin, le philosophe Paul Ricoeur, M. Laurent Schwartz, Mme Germaine Tillion, MM. Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, André Costes, de la revue Etudes, Stéphane Hessel, l'ambassadeur Paul Bouchet, qui préside la commission consultative, les résistants Lucie et Raymond Aubrac ; des juristes, Monique Chemillier-Gendreau, Mireille Delmas-Marty...
Vraiment, il faut traiter de cette question. Les deux amendements qui sont proposés sont de l'ordre de la conscience.
Nous avons besoin de gestes symboliques parce que eux seuls peuvent condenser à l'usage de tous une signification indubitable. Il y a des gestes symboliques nécessaires, et nous pouvons en faire un ce soir. S'ils sont inaccomplis, leur manque est assez évident pour être ressenti par la conscience des contemporains.
C'est un vote de conscience que nous vous demandons, au nom de nos traditions et au nom de ce monde dont nous sommes, avec les Algériens, les enfants solidaires. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Les Algériens, qui depuis maintenant quatre ans sont victimes d'une guerre effroyable parce qu'on ne sait plus où sont les ennemis, ont besoin de la France.
Les plus menacés, nous le savons, sont ceux qui, par leur culture et par l'usage de la langue française, sont les plus proches de nous. On motive leur assassinat par le fait qu'ils appartiennent au parti de la France, ne l'oubliez pas !
Ces hommes et ces femmes résistent de façon extraordinaire. Je vais régulièrement en Algérie : il faut voir ce que représente cette résistance, ce que représentent, par exemple, le fait d'arriver à faire passer le baccalauréat partout dans le pays, le fait d'aller voter, comme ils l'ont fait, pour l'élection présidentielle.
Nombre de ceux qui demandent à se réfugier en France ne demandent pas à le faire de façon définitive. Ils ont besoin de respirer un peu, de reprendre leur souffle, de se retrouver en sécurité pendant quelques mois. Or, cela, nous ne le leur accordons plus.
Je vous rappelle deux chiffres concernant les visas : en 1996, nous n'avons accordé en tout et pour tout que 48 000 visas d'entrée en France pour ce pays, alors qu'à une certaine époque, avant que le conflit ne commence, nous en avons délivré jusqu'à 800 000 par an !
Ce cordon sanitaire que nous avons établi entre l'Algérie et la France fait que le peuple algérien, qui résiste aux islamistes, a le sentiment que nous le lâchons, que nous n'avons que méfiance envers lui et que le seul soutien que nous apportons à l'Algérie, c'est un soutien à un gouvernement qu'ils récusent aussi.
Humainement, ce que nous faisons est une erreur. Mais c'est aussi une erreur politique, lourde de conséquences pour l'avenir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Michel Rufin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rufin.
M. Michel Rufin. On ne sera pas étonné que je suive l'avis de la commission, et ce pour une raison fort simple : dans ma commune, j'ai créé, voilà maintenant près de huit ans, un CADA, c'est-à-dire un centre d'accueil de demandeurs d'asile, qui est contrôlé et vérifié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
De tels centres, il y en a, à ma connaissance, trente-trois en France. Quel est leur rôle ? Accueillir des demandeurs d'asile. Or, dans mon CADA, il y a des Algériens, des journalistes algériens, qui sont menacés de mort par le FIS, le Front islamique du salut, ou par d'autres mouvements. Donc, la France les accueille.
Mais elle accueille aussi, dans mon CADA, des Maliens, ainsi qu'un couple d'Egyptiens, lui aussi en délicatesse avec son gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils n'auront pas le droit d'asile !
M. Michel Rufin. Je vous prie de me laisser parler, monsieur Dreyfus-Schmidt ! Vous ne connaissez pas ce centre, vous ne l'avez pas visité ! Alors, laissez-moi expliquer ce qui s'y passe. C'est invraisemblable !
Il y a également deux couples de Soudanais parce que, au Soudan aussi, il y a des problèmes : le gouvernement arrête et martyrise une partie de la population, notamment pour des raisons de religion. Il y a encore des Rwandais.
Ainsi, certains collègues apprennent avec stupéfaction qu'en France on héberge déjà des demandeurs d'asile, aux frais de l'OFPRA, c'est-à-dire de la France !
J'ajoute que l'on héberge non seulement des couples, mais aussi des enfants. Ces enfants fréquentent l'école de ma commune, où un maître spécialisé, muni d'un diplôme ad hoc, s'adresse particulièrement à eux.
Alors, de grâce, messieurs, n'exagérez pas, ne poussez pas trop loin le bouchon, ne nous prenez pas pour des demeurés. La France a toujours rempli son rôle de puissance accueillante et elle a toujours hébergé ceux qui étaient dans le malheur. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Rocard. Bravo, monsieur Rufin, c'est très beau, mais mettez-le dans la loi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vois pas ce qui peut faire dire à M. Rufin que nous pousserions le bouchon trop loin ou que nous prendrions qui que ce soit, en particulier nos collègues, pour des demeurés. Ce n'est pas le cas !
C'est vrai, je ne connais pas personnellement votre CADA, monsieur Rufin, mais j'en connais d'autres. Il y en a un tout près de chez moi, à Lure, où l'on accueille, en effet, les demandeurs d'asile.
Je me permettrais simplement de dire, tout à l'heure, que vous donniez l'exemple d'étrangers auxquels, malheureusement, la législation et la convention de Genève ne permettent pas d'accorder le droit d'asile. Je n'ai rien dit d'autre. En effet, la convention de Genève ne permet d'accorder le droit d'asile qu'à ceux qui sont persécutés pour leur combat pour la liberté par leur Etat et non pas par d'autres que leur Etat, en particulier par des groupes internes.
Voilà pourquoi il convient de changer la législation si l'on veut - et, si j'ai bien compris, M. Rufin le veut - que ceux qui sont persécutés par des groupes autonomes sans lien aussi avec leur Etat puissent obtenir le droit d'asile de l'OFPRA.
Et puisque nous sommes d'accord, monsieur Rufin, c'est parfait : votez notre amendement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 187, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 188, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 32 bis de l'ordonnance de 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« A réception d'une demande de statut de réfugié par l'OFPRA ou d'un recours par la commission de recours, le demandeur est systématiquement convoqué à un entretien approfondi assisté d'un interprète, si besoin est, pour un examen complet de la situation. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement a pour objet d'organiser le débat de la procédure relative aux demandeurs d'asile.
Nous souhaitons en effet que, dès l'enclenchement de la demande du statut de réfugié auprès de l'OFPRA ou d'un recours devant la commission de recours, le demandeur soit systématiquement et sans délai convoqué à un entretien.
Cet entretien approfondi, réalisé en présence d'un interprète, si besoin est, servirait à faire le point sur la situation exacte du demandeur. Celui-ci pourrait ainsi d'emblée être informé des pièces et justificatifs dont il aurait besoin pour étayer son dossier.
Tout le monde sait en effet que les personnes qui demandent le statut de réfugié ont quitté leur pays dans des conditions difficiles et que, a priori, elles ne sont pas en possession de tous les documents qui sont susceptibles d'être demandés par l'OFPRA, sinon c'est la raison elle-même qui fait qu'on est réfugié qui donnerait lieu à interrogation.
Nous proposons donc de donner aux intéressés une information dès le départ afin qu'ils puissent réellement mener à bien leur démarche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Les moyens de l'OFPRA ont été considérablement renforcés ces dernières années. L'office accomplit une oeuvre tout à fait remarquable dans des conditions d'objectivité et de transparence totales. Il n'y a donc pas lieu de modifier les procédures en vigueur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... mises en place sous le gouvernement Rocard !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 188, repoussé par la commission et par le Gouvenement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 95, M. Plasait propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 37 de l'ordonnance n° 45-2658 précitée est abrogé. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 189, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« Devant la commission de recours des réfugiés, elle est accordée aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Notre amendement a pour objet de permettre aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'accéder à l'aide juridique à l'occasion d'un recours devant la commission de recours des réfugiés.
Les personnes amenées à exercer un recours devant cette commission sont souvent celles dont les revenus sont les plus modestes.
Or, pour elles, se faire assister d'un avocat serait à la fois indispensable, mais tout à fait impossible compte tenu de leurs moyens financiers.
C'est dans un souci d'équité et de respect des droits de la défense que nous proposons d'élargir aux demandeurs d'asile l'accès à l'aide juridique.
Il s'agit d'accorder un meilleur accès à la justice de notre pays à des gens qui sont confrontés, dans leurs démarches administratives, à des difficultés qui les dépassent bien souvent et pour lesquelles ils ont besoin d'un conseil.
Comment peut-on parler du respect des droits de la défense si l'on n'aborde pas la question clé, à savoir l'argent ?
Cette question se pose avec autant d'acuité pour toutes les familles à revenus modestes, qu'elles soient françaises ou immigrées.
Elle se pose néanmoins d'une façon encore plus aiguë lorsque la vie des personnes est en jeu, lorsque, demandant l'asile politique, elles doivent expliquer leur situation afin d'éviter l'expulsion, le renvoi dans leur pays.
C'est pourquoi nous souhaitons que, dans le cas précis des demandes d'asile, devant la commission des recours aux réfugiés, l'aide juridique soit accordée aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour.
C'est tout le sens de l'amendement n° 189.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La loi du 10 juillet 1991, en son article 3, deuxième alinéa, vous donne satisfaction.
Permettez-moi d'en donner lecture : « Les personnes de nationalité étrangère » - c'est bien d'elles qu'il s'agit - « résidant habituellement et régulièrement en France sont également admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle ».
En conséquence, cet amendement n'a pas lieu d'être, et l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7 bis