M. le président. « Art. 8. - L'article 35 bis de la même ordonnance est ainsi modifié :
« 1° Il est inséré, à la fin du premier alinéa, un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit, ayant fait l'objet d'une décision de maintien au titre de l'un des cas précédents, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent maintien. » ;
« 2° Aux quatrième et cinquième alinéas, les mots : « vingt-quatre heures » sont remplacés par les mots : « quarante-huit heures » ;
« Au sixième alinéa, les mots : « six jours » sont remplacés par les mots : « cinq jours » ;
« 3° Il est inséré, après le quatrième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance. » ;
« 4° Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou son délégué de déclarer le recours suspensif. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, doit être formé dans les quatre heures qui suivent le prononcé des ordonnances précitées. Pendant ce délai, la personne est retenue dans les locaux du tribunal. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif, au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée et qui n'est pas susceptible d'appel. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. » ;
« 5° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la mesure d'éloignement ne peut pas être exécutée dans les délais prévus par le présent article en raison de faits ou de comportements constitutifs des infractions mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 27, le préfet en informe sans délai le procureur de la République et transmet à celui-ci les renseignements, procès-verbaux et actes de procédure concernant l'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons l'un des articles les plus importants et l'un des sujets les plus difficiles de ce texte.
Je marque tout de suite que l'article 8, tel qu'il est présenté à la Haute Assemblée, aboutit à altérer le délicat équilibre d'une procédure complexe, et je tiens à expliquer pourquoi. Notre attention a été attirée sur ce point de façon très pressante par les représentants des barreaux, mais aussi par les associations de défense des immigrés.
Je rappelle - ce n'est jamais inutile - le déroulement de cette procédure complexe.
Au point de départ existe, pour celui contre lequel intervient la procédure de reconduite à la frontière, la possibilité d'une rétention administrative. Conformément à la Constitution - qui, je le rappelle, confie au seul magistrat de l'ordre judiciaire la protection de la liberté individuelle - c'est un magistrat de l'ordre judiciaire qui intervient à l'issue des vingt-quatre heures de rétention administrative.
Dans le cadre de la procédure qui est maintenant soumise à notre examen, ce délai est porté à quarante-huit heures, ce qui correspond très exactement, je le reconnais volontiers, aux limites posées par une jurisprudence constitutionnelle.
Pendant ce délai, l'étranger se voit donc retenu. Or, dans le texte tel qu'il est, il est seulement précisé qu'il sera informé de ses droits, au besoin par un interprète.
Il est nécessaire de bien voir à qui nous avons affaire et de mesurer le degré de connaissance et de compréhension, pour l'étranger maintenu en rétention, de ce que sont ses droits dans une procédure si complexe.
Jusqu'à présent, après vingt-quatre heures, l'étranger était conduit devant le magistrat de l'ordre judiciaire et, évidemment, son avocat, dans les moments qui précédaient, le mettait véritablement au courant de ses droits - car une chose est de les lui exposer, une autre de les lui expliquer.
C'est à ce moment-là que, tout naturellement, l'étranger utilisait les voies de recours prévues et qu'il contestait la rétention en même temps que l'arrêté de reconduite.
Or cet étranger ne sera désormais conduit devant le magistrat qu'après quarante-huit heures. Aussi le délai de vingt-quatre heures prévu pour former un recours en annulation de l'arrêté de reconduite sera-t-il le plus souvent expiré.
A partir de ce moment-là, on peut dire que la reconduite à la frontière pourra s'effectuer sans que l'étranger ait été au courant de ses droits.
Tout à l'heure, M. Allouche a présenté un amendement - sans doute aurait-il été préférable de le réserver jusqu'à ce stade de la discussion - pour demander que le délai offert à l'étranger pour pouvoir contester la décision de reconduite à la frontière soit porté de vingt-quatre à quarante-huit heures. Il s'agissait d'établir un parallélisme de forme entre le délai pendant lequel l'étranger est placé en rétention administrative avant de voir le juge et le délai offert pour pouvoir utiliser effectivement les voies de recours.
C'est une exigence très importante des droits de la défense et, véritablement, je ne comprendrais pour quelles raisons, augmentant le délai pour présenter l'étranger devant le juge, gardien des libertés individuelles, on ne lui donnerait pas, de la même façon, vingt-quatre heures de plus pour exercer les voies de recours contre l'arrêté de reconduite.
Tel est l'essentiel de ce que je tenais à souligner. Il s'agit d'une question très importante concernant l'exercice des voies de recours. Vous savez toute l'importance qu'ont les droits de la défense dans ce domaine, leur essence constitutionnelle.
Je suis convaincu que, à cet égard, aussi bien M. le rapporteur que M. le ministre comprendront la nécessité d'ouvrir ce délai supplémentaire de vingt-quatre heures, lequel ne gêne d'ailleurs en rien puisqu'il s'écoule, je le rappelle, en rétention. Ce délai est nécessaire pour pouvoir exercer convenablement les voies de recours. L'équilibre sera ainsi retrouvé. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Sur l'article 8, je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 143 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 207 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 8.
Par amendement n° 26, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du 1° de l'article 8, de remplacer les mots : « à la fin du premier alinéa » par les mots : « après le quatrième alinéa ».
Par amendement n° 27, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du 2° de l'article 8, de remplacer les mots : « quatrième et cinquième alinéas » par les mots : « septième et dixième alinéas ».
Par amendement n° 28, M. Masson, au nom de la commission, propose d'insérer, après le premier alinéa du 2° de l'article 8, un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« Dans le dixième alinéa, les mots : "fixé au présent alinéa" sont remplacés par les mots : "fixé au huitième alinéa". »
Par amendement n° 29, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le second alinéa du 2° de l'article 8, de remplacer les mots : « Au sixième alinéa » par les mots : « Au onzième alinéa ».
Par amendement n° 144, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le 2° du texte présenté par l'article 8 pour modifier l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Il est inséré, après le cinquième alinéa de cet article, un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la rétention, l'étranger est appelé à s'entretenir avec un avocat. Si il n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, il peut demander à ce qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Le bâtonnier est informé de cette demande par tout moyen et sans délai. »
Par amendement n° 30, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du 3° de l'article 8, de remplacer les mots : « après le quatrième alinéa » par les mots : « après le neuvième alinéa ».
Par amendement n° 211, M. Masson, au nom de la commission, propose d'insérer, après le 3° de l'article 8, un alinéa ainsi rédigé :
« 3° bis . Au onzième alinéa, les mots : "au septième alinéa" sont remplacés par les mots : "au huitième alinéa". »
Par amendement n° 31 rectifié, M. Masson, au nom de la commission, propose d'insérer, après le 3° de l'article 8, un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« 3° bis . Au douzième alinéa, les mots : "au septième et au onzième alinéas" sont remplacés par les mots : "au huitième et au treizième alinéas". »
Par amendement n° 32 rectifié, M. Masson, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le 4° de l'article 8 :
« 4°. Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, à titre exceptionnel, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est transmis immédiatement au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif, au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 58 rectifié est présenté par MM. Gournac, Demuynck et Pelchat.
Le sous-amendement n° 81 rectifié est déposé par MM. Ceccaldi-Raynaud et Courtois.
Tous deux tendent, dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 32 rectifié, après le mot : « toutefois », à supprimer les mots : « , à titre exceptionnel ».
Par amendement n° 33, M. Masson, au nom de la commission, propose de supprimer le 5° de l'article 8.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 71.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement a pour objet de supprimer la prolongation de vingt-quatre heures de la rétention d'un étranger, pour des raisons de droit, ainsi que la possibilité offerte au procureur de la République de demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de donner un effet suspensif à l'appel interjeté par le ministère public.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que des êtres humains sont parqués comme des animaux dans les zones de non-droit que sont les centres de rétention.
Dans les Hauts-de-Seine et à Paris, des centres de rétention ont fonctionné clandestinement pendant des années dans des conditions inhumaines.
Les centres de rétentions ont connu dès le début des dérives de ce genre.
Rappelons-nous qu'en 1978-1979 est découvert, à Marseille, plus précisément à Arenc, un hangar dans lequel sont entassés, depuis des semaines, des dizaines d'étrangers en situation irrégulière, que les autorités de police envisagent de refouler, mais qui, pour des raisons matérielles, ne peuvent quitter immédiatement la France. Ils sont là, sans aucune communication avec l'extérieur, et dans des conditions de salubrité et d'hygiène impensables.
C'est seulement en 1981 que l'on donnera un tant soit peu un statut juridique à ces zones de non-droit.
Un tant soit peu, dis-je, car ces zones s'apparentent toujours à ce qu'elles étaient au départ, c'est-à-dire à des endroits où la répression et la privation de liberté s'abattent sur de nombreux êtres humaines dont le seul crime est d'avoir tenté de franchir les frontières de la France pour y trouver asile, ou de rejoindre un parent, un mari.
Ce qui caractérise, la rétention des étrangers, c'est qu'avec l'application de la loi les pouvoirs du juge sont souvent ceux d'un simple agent de voyage : il constate les possiblités de départ pour les non-admis, se borne à consulter les horaires des compagnies aériennes et à proposer à l'administration de faire partir le non-admis par le premier vol disponible.
Quant au droit d'avoir recours à un interprète, il est exercé très souvent « à distance », par téléphone, ce qui n'est pas sans présenter de sérieux inconvénients pour l'étranger retenu dans ces centres.
Les demandes de soins médicaux, les demandes de visite d'un médecin sont fréquemment rejetées.
De plus, il semble que le service médical de certains centres de rétention, en particulier celui de Roissy, ne garde aucun double des certificats médicaux.
Les agents de l'Office des migrations internationales présents dans les zones d'attente à Roissy et à Orly se borneraient à vendre des cigarettes, des cartes téléphoniques, de la nourriture. Leur action est purement matérielle. Ils n'apportent aucune assistance juridique aux étrangers maintenus.
Les fonctionnaires de police surveillent les étrangers et accordent ou non un droit de visite de l'avocat, et, dans la pratique, ces visites s'apparentent souvent à celles qui sont faites aux détenus dans les prisons.
Les autres visites sont soumises également au bon vouloir du fonctionnaire de police.
Si l'on voulait forcer le trait sur la situation dans les centres de rétention, on dirait que la police est partout mais que la justice n'est nulle part !
En fait, la politique de l'immigration zéro crée ces zones de non-droit, que l'opinion publique connaît trop peu.
L'absence de dispositions relatives aux prestations qui doivent être fournies aux étrangers retenus dans ces centres explique également les conditions matérielles, parfois gravement défectueuses, dans lesquelles se déroule la rétention.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il est souhaitable de ne pas prolonger la rétention.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, je tiens à présenter quelques observations d'ordre général sur cet article 8, qui est essentiel, comme l'a dit M. Badinter à juste titre, et auquel j'attache la plus grande importance.
Cet article traite précisément de la rétention administrative des étrangers qui font l'objet d'une meseure d'éloignement, c'est-à-dire de personnes en situation irrégulière, d'étrangers qui ont troublé l'ordre public.
L'enjeu de la procédure est donc primordial pour la bonne application de la loi.
Nous avons vu - tout le monde en a parlé - que les conditions de rétention en France de ces catégories d'étrangers étaient encadrées d'une manière particulièrement stricte, et M. le rapporteur a montré, au début de ce débat, mardi dernier, combien les comparaisons internationales étaient défavorables à la France en ce qui concerne l'ordre public.
Ainsi, en Grande-Bretagne, patrie des droits de la défense, de l' habeas corpus, modèle judiciaire pour certains juristes...
M. Robert Badinter. Pas pour moi !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Pour moi non plus, monsieur Badinter. Mais c'est un modèle pour certains, et vous le savez aussi bien que moi, qui voudraient que l'on transpose en France le modèle judiciaire britannique.
En Grande-Bretagne donc la rétention administrative sans intervention du juge peut être indéfinie.
Aux Pays-Bas, elle peut être de trente jours ; en Espagne, de quarante jours ; en Belgique, de deux mois ; en Allemagne de six mois...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, je vous en prie !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Et en France ? Sept jours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il vous plaît !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je peux quand même rappeler les législations étrangères ! (Exclamations sur les travées socialistes.) Laissez-moi terminer !
Mme Nelly Olin. C'est la vérité !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne fais pas de théorie, je cherche uniquement, vous le savez, à mieux appliquer la loi. C'est l'objet de ce texte : pas plus, pas moins.
En l'occurrence, je cherche à faire en sorte que le Gouvernement, l'administration respectent la loi. Cette orientation motive chacune des dispositions de ce texte. Je vais les prendre une par une.
Vous connaissez tous la jurisprudence de la Cour de cassation, plus particulièrement l'arrêt « Rasmi » du 28 février 1996, qui nous amène à penser qu'il n'est plus possible de placer à nouveau en rétention un étranger pour l'éloigner s'il lui est arrivé d'y avoir été placé auparavant et de n'avoir pu être éloigné.
Une telle décision peut encourager des étrangers à s'opposer à leur départ puisque, s'ils agissent ainsi, on ne peut plus les éloigner.
Je considère que cela n'est pas acceptable, car cela veut dire clairement, compte tenu, hélas ! de la proportion d'échecs de nos tentatives d'éloignement, d'ailleurs liés à la brièveté des rétentions, que l'étranger qui a échappé à l'éloignement une fois jouit désormais de l'impunité.
L'application à la lettre de cette jurisprudence « Rasmi » conduit à frapper les arrêtés de reconduite à la frontière, les arrêtés d'expulsion ou même les interdictions judiciaires du territoire d'une sorte de caducité.
Je ne peux pas, en ce qui me concerne, l'accepter, et je crois que le Parlement, lui non plus, ne peut pas l'accepter.
Je ne peux l'accepter ni au regard de l'application de la loi ni au regard de mes responsabilités actuelles. Je me tourne donc vers le législateur pour faire prévaloir le simple bon sens.
Le deuxième élément est le suivant : faire passer de vingt-quatre à quarante-huit heures la première période de rétention n'est pas attentatoire aux libertés ni en droit ni en fait. Le Conseil constitutionnel l'a précisé, vous le savez, monsieur Badinter, le 9 janvier 1980. Mais, surtout, la prolongation de ce délai est nécessaire en pratique parce que, sans cela, l'administration n'aurait pas la possibilité d'argumenter juridiquement quant à la nécessité d'une prolongation en réponse aux demandes croissantes des juges. Les affaires de cet été l'ont montré, je ne veux pas y revenir.
J'en arrive au troisième élément. Là encore, les affaires de cet été ont souligné les défauts des pratiques actuelles. Les dispositions en vigueur ne prévoyant pas explicitement que le délai de vingt-quatre heures n'est pas un délai pour juger de la prolongation mais pour la demander, bien des décisions de refus de prolongation ont été motivées par un dépassement du délai de vingt-quatre heures au moment de l'audience. Mais on oubliait alors de tenir compte du fait que la demande de prolongation avait été faite avant et que le retard était imputable à la multiplication des moyens dilatoires, utilisés principalement par les intéressés. Cela non plus n'est pas tenable.
Quatrième élément : l'appel suspensif du parquet dans les conditions étroitement définies par le projet de loi est également une nécessité pratique.
A qui sert un appel si la Cour d'appel statue sans que sa décision puisse prolonger effectivement la rétention, puisque, à défaut d'effet suspensif, l'étranger sera introuvable ?
Mais il y faut prévoir des précautions - j'en conviens - d'où la lourde procédure mise en place à la seule discrétion de l'autorité judiciaire.
J'ajoute que cet appel n'est pas dissymétrique puisque le parquet n'est pas une partie à l'instance ; il est ici l'arbitre, garant de la bonne application de la loi ; c'est sa finalité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle est bien bonne !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, ne cherchez pas à opposer l'action de l'administration aux principes fondamentaux du droit, ni même l'administration aux juges, cela n'a rien à voir !
Nous sommes en police administrative ; celle-ci doit pouvoir agir au nom de l'ordre public, et je ne pense pas que ces procédures souffrent d'un défaut de contrôle juridictionnel. Le rapporteur, M. Masson, a bien montré qu'au contraire trois juges interviennent à tout instant : le juge administratif, le juge civil et le juge pénal. Cette procédure n'est pas remise en cause.
Il me semble cependant que nous devrons un jour nous engager dans la voie d'une simplification, sans pour autant affaiblir les garanties pour les intéressés.
Oui, cet article 8 est important. Oui, cet article 8 est nécessaire ! Oui, cet article 8 est utile. Et, surtout, il est conforme à notre droit et ne remet nullement en cause le contrôle juridictionnel.
Voilà pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de suivre le Gouvernement sur ce terrain. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 143.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article aggrave les lois de 1993, qui ne vous suffisent plus.
Il y a la rétention administrative, la rétention judiciaire et la prison - ne l'oublions pas ! - qui vous donne beaucoup de temps pour préparer vos reconduites à la frontière, ce qui d'ailleurs, bien souvent, ne vous suffit pas non plus. Il fallait le rappeler.
Vous citez les exemples d'autres pays, monsieur le ministre, mais nous avons nos traditions, notre conception de l'honneur.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, lorsque vous avez cité la durée de la rétention en Allemagne - six mois - et vous auriez pu préciser qu'elle y est renouvelable six mois, je vous ai interrompu. En effet, veuillez m'excuser de rappeler à M. Jacques Larché que cela me rappelle des souvenirs et que je trouve que ce n'est pas un exemple à nous donner ! (Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Vous n'avez pas le droit de dire cela !
M. Jacques Legendre. Ce n'est pas admissible !
Mme Nelly Olin. C'est de l'amalgame !
M. Michel Rufin. C'est scandaleux !
M. Dominique Braye. C'est indigne de dire cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai des raisons de pouvoir le dire, figurez-vous !
M. le président. Restons-en, je vous prie, à l'amendement n° 143, mes chers collègues.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi de dire qu'une rétention administrative est, par définition, une mesure de privation de liberté prise dans des conditions qui ne dépendent pas du juge.
M. le rapporteur et moi-même sommes allés visiter des centres de rétention, à Nice, à Marseille. M. le rapporteur pourra vous le dire, ce que nous avons vu ne nous a pas paru digne de notre pays. C'est ainsi !
Lorsque vous portez à quarante-huit heures la durée de la rétention administrative en prétendant que quarante-huit heures, ce n'est pas beaucoup, vous souhaitez en fait - c'est écrit dans le rapport et vous le reconnaissez vous-même, monsieur le ministre - éviter que l'intéressé ne soit amené devant le juge, alors que celui-ci pourrait au moins lui faire connaître ses droits. Certes, il est précisé que l'administration doit l'en tenir informé mais, dans la pratique, il ne l'est que lorsqu'il est devant le juge. Sur ce point vous n'avez pas répondu.
Et l'on comprend votre silence lorsque l'on sait que la jurisprudence a estimé que vingt-quatre heures, puis six jours, puis éventuellement, exceptionnellement, soixante-douze heures de rétention administrative étaient suffisants, et que l'on ne pouvait pas, au bout de sept jours, reprendre l'intéressé et recommencer ! Alors qu'avec un seul arrêté de reconduite à la frontière, vous dépassez les six mois plus six mois de nos voisins allemands, à condition qu'il y ait chaque fois sept jours entre-temps ! Nous ne sommes pas d'accord !
Vous demandez que l'appel soit suspensif, avec cet argument extraordinaire : le procureur ne serait pas partie au procès. Mais comment ! Qu'est-ce qu'une partie au procès ? Monsieur le ministre, vous le savez aussi bien que nous : c'est quelqu'un qui prend part au procès, qui donne son point de vue et qui dispose des mêmes armes que les autres. Si le procureur, et lui seul, peut demander que l'appel soit suspensif, il n'y aura plus égalité des armes.
Dans le droit commun, la personne accusée d'un crime grave - ce n'est plus un malheureux irrégulier venu en France pour pouvoir vivre, pour pouvoir manger ! - est obligatoirement présentée au juge d'instruction après vingt-quatre heures de rétention administrative. Et si le juge d'instruction décide de la mettre en liberté, l'appel n'est pas suspensif : elle est immédiatement mise en liberté.
Voulez-vous traiter quelqu'un qui est seulement un irrégulier plus mal que quelqu'un qui est peut-être accusé d'un crime ou d'un délit grave ? Cela ne nous paraît pas possible !
Lorsque vous écrivez dans votre texte...
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il vous reste seize secondes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un débat important, monsieur le président...
M. le président. Douze secondes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et l'article est long.
M. Dominique Braye. Vous aussi !
M. Philippe François. On coupe !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ajoute que, en attendant de savoir si l'appel sera suspensif, l'intéressé reste retenu. Autrement dit, la décision est déjà suspensive avant même d'être prise, ce qui n'est pas admissible non plus. Voilà une aggravation considérable !
M. Pasqua avait estimé que ce qu'il nous avait demandé en 1988, puis en 1993, le 24 août, puis le 30 décembre, lui suffisait. Mais cela ne vous suffit jamais et vous foulez de plus en plus aux pieds les principes de l'indispensables respect des droits et garanties fondamentaux. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Jack Ralite applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 207 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 26, 27, 28 et 29.
M. Paul Masson, rapporteur. Ce sont des amendements rédactionnels.
M. le président. La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 144.
M. Robert Badinter. Cet amendement s'inscrit exactement dans la ligne de la préoccupation que j'ai exprimée, préoccupation à laquelle, en analysant les dispositions de l'article 8, vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre.
Je rappelle quelle est cette préoccupation : il s'agit de donner à celui qui fait l'objet de la décision administrative, afin qu'il puisse contester celle-ci, un délai de quarante-huit heures puisqu'il ne sera réellement informé de ses droits qu'au moment où s'enclenchera la procédure de contrôle par le magistrat de l'ordre judiciaire. Cela permettrait de faire en sorte que, concrètement, les droits de la défense, au sens le plus fort du terme, soient pleinement assurés.
Je précise une nouvelle fois que cela ne change rien au maintien de l'intéressé en rétention. Cela lui permet simplement d'être véritablement informé de ses droits.
L'amendement n° 144 prévoit que, au bout de vingt heures de rétention administrative, l'intéressé puisse s'entretenir effectivement avec un avocat.
Comme l'a rappelé fort justement Michel Dreyfus-Schmidt, c'est ainsi que les choses se passent pour ceux qui font l'objet d'une procédure pénale : au bout de vingt heures, ils peuvent s'entretenir avec leur avocat. On ne saurait donc concevoir que, dans le cas qui nous occupe, il puisse en être autrement. On ne peut pas traiter l'étranger en situation irrégulière plus mal qu'on ne traite celui qui fait l'objet d'une procédure pénale.
Bien entendu, monsieur le ministre, il s'agit ainsi de faire en sorte que non seulement ses droits lui soient notifiés par l'administration - il n'y comprend trop souvent rien, il faut bien le dire - mais encore qu'un avocat lui explique précisément quelles garanties lui offre la loi. C'est l'exercice effectif et le respect effectif des droits de la défense que nous demandons.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Si je comprends bien, monsieur Badinter, vous proposez la venue de l'avocat à la vingtième heure.
M. Robert Badinter. C'est cela !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mais, en vertu des ordonnances de 1945, l'étranger placé en rétention administrative peut demander l'avocat tout de suite !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, il « peut » !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Or, moi, je propose qu'on maintienne les ordonnances de 1945.
En fait, vous me dites : « Non, pas tout de suite, à la vingtième heure. » Il y a là quelque chose qui m'échappe ! Finalement, vous allez bien plus loin que l'ordonnance de 1945. Eh bien, moi, je dis : « Restons-en à cette législation ! » (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 30, 211, 31 rectifié et 32 rectifié.
M. Paul Masson, rapporteur. Les amendements n°s 30, 211 et 31 rectifié sont des amendements rédactionnels.
Avec l'amendement n° 32 rectifié, nous abordons l'une des modifications essentielles introduites dans le dispositif de la rétention administrative, puis de la rétention judiciaire.
Il s'agit de la possibilité donnée au procureur qui fait appel d'une décision du juge de remise en liberté, par le biais d'un refus de prolonger la rétention administrative, de demander que son appel ait un effet suspensif. Le cas visé est celui d'un étranger qui, pour une raison ou pour une autre, n'aurait pas été éloigné, soit que son identité n'ait pas été révélée, soit que sa nationalité ne soit pas connue, soit que le consul n'ait pas délivré à temps le laissez-passer provisoire.
Je ne reviens pas sur le débat qui s'est instauré autour des délais excessivement brefs de la rétention administrative. M. le ministre s'en est longuement expliqué voilà un instant. Moi-même, dans le rapport et dans ma présentation initiale du texte, j'ai largement fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la France du fait de cette brièveté.
Pour l'instant, il s'agit de savoir comment on peut pallier, sans mettre en cause ni les droits de l'homme ni les droits de la défense, les inconvénients de ce système, dont, il faut bien le dire, les effets pervers apparaissent évidents tous les jours.
A cette fin, la commission propose de resserrer le dispositif gouvernemental ; c'est l'objet de l'amendement n° 32 rectifié.
Nous proposons que, comme le prévoyait le texte initial du projet de loi, la transmission du dossier au président de la cour d'appel soit immédiate, rejetant toute idée de délai, celui-ci fût-il très bref. Nous pensons en effet que cette procédure, que nous qualifions par ailleurs d'exceptionnelle, ne doit pas souffrir le moindre délai.
En outre, je l'ai dit, l'amendement marque le caractère exceptionnel de la procédure d'appel suspensif prévu par l'article 8.
Par ailleurs, cet amendement précise que la demande d'effet suspensif doit être motivée par l'absence de garantie d'une représentation effective de l'intéressé. En clair, cela signifie évidemment que l'intéressé est susceptible de « s'évanouir dans la nature ». Si le procureur a le sentiment qu'un tel risque existe, il peut demander au président de la cour d'appel de déclarer le recours suspensif.
Mes chers collègues, je crois que vous apprécierez toute l'importance de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 58 rectifié.
M. Alain Gournac. Nous regrettons de ne pas pouvoir suivre notre éminent rapporteur.
En effet, pourquoi restreindre a priori le champ d'appel suspensif ? Ni le Gouvernement dans son texte initial ni l'Assemblée nationale dans sa rédaction ne l'ont fait ! Pourquoi donner ainsi matière à des jurisprudences restrictives de la part des juges ?
Faudrait-il, au cas où une série de décisions du même jour seraient manifestement erronées, que le procureur ne fasse appel que de certaines d'entre elles ? Comment faire le tri afin de garantir le caractère exceptionnel que prescrirait la loi, alors que le vice juridique fondant l'appel suspensif pourrait être le même pour toutes ?
Véritablement, le handicap que représentent pour la réforme les mots « à titre exceptionnel » paraît bien inopportun, d'autant que la portée juridique en est incertaine.
Ce n'est d'ailleurs pas cela qui nous immunisera contre les décisions du Conseil constitutionnel ! On se demande, bien au contraire, si, le caractère exceptionnel n'étant défini en aucune façon, on ne s'expose pas, en retenant ce critère, à une atteinte au principe d'égalité devant la loi.
En fait, nous avons besoin de la réforme que propose le Gouvernement. Ne la faisons donc pas à moitié. (« Très bien ! » sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud, pour défendre le sous-amendement n° 81 rectifié.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. A moi, comte rapporteur, trois mots ! (Sourires.) Je veux supprimer trois mots, soit presque une simple virgule. Mais quelle peut être l'importance d'une virgule ! Je vais en donner un exemple.
M. Mazeaud a dit : « Le Sénat ne sert qu'à modifier les virgules ». (Sourires.) On peut dire aussi : « M. Mazeaud, a dit le Sénat, ne sert qu'à modifier les virgules » ! (Rires.)
Vous voyez quelle importance peut avoir une simple virgule.
Moi, je demande la suppression de trois mots !
L'équilibre de cet article 8 est extrêmement délicat. Le Gouvernement y a réfléchi, et chaque mot a son importance, à la place où il se trouve.
Certes, j'aurais volontiers approuvé M. le président Badinter lorsqu'il a demandé que l'on s'assurât du respect des droits de la défense ; en tant qu'avocat, je suis immédiatement tenté de lui donner raison. Mais, tout le monde l'a vu, dès qu'il a voulu toucher à un mot du texte, il a abouti à un résultat contraire à ses espérances.
En indiquant, monsieur le rapporteur, que le procureur ne pourra présenter sa demande qu'à titre exceptionnel, vous imposez une condition qui s'ajoute à d'autres que vous avez introduites dans le texte, lesquelles prévoient déjà que le procureur doit motiver sa demande, et qu'il ne peut le faire que pour un seul motif, à l'exclusion de tout autre, celui de l'absence de garanties de représentation effectives.
Avec trois mots, trois simples mots, vous détruisez, comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure avec ma virgule, tout un équilibre délicat, extrêmement sensible, celui de l'article 8.
Je suis donc vraiment désolé, monsieur le rapporteur, je suis en désaccord avec vous. Mais soyez assuré que c'est à titre exceptionnel. (Rires et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 33 apporte à certains égards une détente après le débat intense que nous venons de vivre grâce à plusieurs de nos collègues.
Le 5° de l'article 8, qui a été ajouté par l'Assemblée nationale, revient sur ce qui est une pure évidence.
Je rappelle que l'article 40 du code de procédure pénale fait obligation à tout fonctionnaire - le préfet est un fonctionnaire, éminent, bien sûr, mais c'est un fonctionnaire - dans l'exercice de ses fonctions, de faire part sans délai au procureur de tout délit dont il peut avoir connaissance. Est-il nécessaire de le spécifier à nouveau dans la loi ?
Certes, supprimer le 5° de l'article 8 est plus grave que déplacer une virgule, mes chers collègues. Que M. Ceccaldi-Raynaud m'en excuse auprès du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et avertisse celui-ci que, parfois, le Sénat s'arroge d'autres rôles que celui de déplacer des virgules.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais dire quelques mots sur les sous-amendements identiques n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
Je comprends parfaitement la démarche de leurs auteurs. En effet, les mots « à titre exceptionnel » sont restrictifs. Ils ne figuraient d'ailleurs pas dans le texte initial du projet de loi, parce que l'expression est ambiguë »...
M. Alain Gournac. Très !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... et n'a pas de valeur juridique bien définie.
Par conséquent, à titre tout à fait exceptionnel (Sourires.), je ne suis pas d'accord avec M. le rapporteur, et j'accepte a contrario les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion, à l'exception bien sûr de ceux qu'elle a elle-même déposés, ainsi que sur les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié ?
M. Paul Masson, rapporteur. En ce qui concerne les amendements identiques n°s 71 et 143, l'avis de la commission est, bien entendu, défavorable. Nous n'allons pas reprendre les longues explications qui ont été données à ce sujet.
Je profite de cette occasion pour rappeler à notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt que nous avons visité ensemble les centres de rétention de Nice et de Marseille. J'ai fait un sort à cette visite dans mon rapport écrit en soulignant qu'il serait vraiment utile que le ministre de l'intérieur disposât de crédits permettant d'améliorer certaines de ces installations.
Cela n'a certes rien à voir avec le fond du débat, car ce n'est pas parce qu'un local est vétuste ou exigu que le fondement juridique de la rétention est remis en cause, mais je confirme, par loyauté, le constat que nous avons dressé, M. Dreyfus-Schmidt et moi, surtout à Nice et dans une moindre mesure, à Marseille.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Paul Masson, rapporteur. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais simplement rassurer M. le rapporteur et M. Dreyfus-Schmidt : des travaux importants de rénovation et d'extension du centre de rétention de Nice ont été entrepris, et il en sera de même très bientôt pour le centre de rétention de Marseille.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces précisions, qui ont, si j'ose dire, leur prix !
M. le président. Je viens d'être saisi d'un amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, après le 2° du texte proposé par l'article 8 pour modifier l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Il est inséré, après le cinquième alinéa de cet article, un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la rétention, l'étranger est appelé à s'entretenir avec un avocat. S'il n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, il peut demander à ce qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Le batônnier est informé de cette demande par tout moyen et sans délai. »
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Il me semble qu'une confusion est intervenue.
Si on lit avec attention le début du texte de l'amendement, on constate qu'il est bien précisé : « Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article... », c'est-à-dire que c'est l'alinéa auquel M. le rapporteur faisait allusion qui est visé.
Pour lever l'équivoque, nous avons rectifié notre amendement de la façon suivante : « Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article, lorsque vingt heures se sont écoulées, l'étranger » - et voici la rectification que j'ai apportée - « est appelé à s'entretenir avec un avocat. »
En effet, l'étranger doit absolument pouvoir entrer en contact avec un avocat qui le conseillera. Songez à qui nous avons affaire ! Quand on indique à l'étranger qu'il peut faire appel à un conseil, il ignore s'il ne devra pas rémunérer celui-ci. A l'expiration du délai de vingt heures, des garanties lui sont données.
Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Je vous rends la parole, monsieur le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 144 rectifié, ainsi que sur les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
M. Paul Masson, rapporteur. Cette rectification ne modifie pas, sur le fond, l'avis défavorable de la commission.
En effet, M. Badinter « cale » la rétention administrative sur la procédure qui est déjà prévue pour la garde à vue, d'où un commencement de confusion entre ces deux procédures qui ne sont identiques : la rétention administrative ne conduit pas forcément à une procédure judiciaire ou pénale. Il faut donc lever cette équivoque.
Pour ce motif, qui me semble essentiel, je ne suis pas favorable à l'amendement n° 144 rectifié.
J'ajoute que l'intéressé - on l'a précisé à propos de l'amendement n° 137 - est informé par écrit de ses droits et doit signer ce document lors de la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière.
Je crois donc que l'on ne peut pas dire que l'intéressé et ses conseils ne sont pas informés des conditions dans lesquelles l'appel peut être interjeté.
Par conséquent, l'amendement n° 144 rectifié me paraît malvenu, puisqu'il tend à instaurer une confusion entre deux dispositifs dont la nature juridique - nous en sommes tous d'accord - est très différente : on ne peut ni les rapprocher ni les fondre.
Par ailleurs, j'estime que les droits de la défense sont particulièrement protégés, puisqu'il s'agit sans doute de l'un des rares cas où l'intéressé est informé par écrit de ses droits dès la notification de la décision.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 144 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il ne sait pas lire ?
M. Paul Masson, rapporteur. En ce qui concerne les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié, je ne partage pas, bien évidemment, le point de vue de leurs auteurs. Qu'ils veuillent bien m'en excuser ! Cela prouve, entre parenthèses, combien nous faisons preuve, les uns et les autres, de liberté d'esprit, puisque nous pouvons ne pas être d'accord, tout en étant, dans bien d'autres circonstances, parfaitement en harmonie.
L'expression « à titre exceptionnel » ne nous est pas venue au hasard de la plume, ni dans le simple souci de déplacer une virgule. Vous avez dit, monsieur Ceccaldi-Raynaud, combien chaque mot pèse dans un débat comme celui-là, et combien, en définitive, tous nos travaux seront examinés à la loupe.
Si j'ai introduit l'expression « à titre exceptionnel » à cet endroit du texte, c'est par homothétie et par référence aux mêmes trois mots qui figurent dans un autre dispositif prévu par le même article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans ce cas, les mots : « à titre exceptionnel » n'ont pas fait l'objet de contestations juridiques majeures.
Je veux ce que l'on veut, et si je ne suis pas suivi sur ce point. Je n'en porterai pas le deuil. Mais, moi, je vous donne cependant rendez-vous : nous verrons, si le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer, à qui il donnera raison.
Les mots « à titre exceptionnel » n'ont pas pour objet de compliquer la procédure, et M. le ministre sait combien nous sommes attentifs à son combat et au dispositif courageux qu'il met en place.
Si je souhaite introduire ces mots dans le texte, ce n'est pas pour me faire plaisir ou pour plaire à quiconque dans cette enceinte ; c'est parce que je considère que la procédure prévue est exceptionnelle. En effet, elle permet à un procureur de dire : « Monsieur le juge, vous pouvez recourir à l'article 66 de la Constitution, mais, moi, je fais appel, je demande de surseoir à la mise en liberté de tel individu. La possibilité ouverte au juge de recourir à cet article est grave et exceptionnelle. C'est pourquoi je considère qu'il agit « à titre exceptionnel ».
On peut contester cette interprétation. Pour ma part, je considère qu'il ne s'agit pas d'une procédure ordinaire. J'ai la faiblesse de penser que les trois mots, « à titre exceptionnel », ne sont pas de trop.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 71 et 143.
En revanche, il est favorable aux amendements n°s 26 à 29.
En ce qui concerne l'amendement n° 144 rectifié, je maintiens ma position. En effet, pourquoi obliger celui qui ne veut pas d'avocat à en prendre un ? Je suis contre cette obligation et donc opposé à l'adoption de cet amendement.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 30, 211, 31 rectifié et 32 rectifié, ainsi que sur les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
Enfin, il est défavorable à l'amendement n° 33.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 71 et 143.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je remercie M. le rapporteur d'avoir bien voulu confirmer l'indication importante que je m'étais permis de donner tout à l'heure sur ce que sont, en réalité, les centres de rétention. M. le ministre a indiqué que des travaux étaient engagés. C'est bien. Cependant, ce n'est pas simplement un problème de travaux. C'est aussi, souvent, une question de personnel.
Voilà deux ans environ, M. Masson et moi-même sommes allés visiter les centres de rétention de Nice et de Marseille. Nous ne sommes allés qu'à Nice et à Marseille. Or, il serait sans doute bon que tous, ici, nous puissions visiter les centres de rétention administrative, les centres de rétention judiciaire, les zones d'attente, et ce systématiquement, afin que nous sachions ce qu'il en est. On ne peut s'appuyer sur l'exemple des pays étrangers pour affirmer qu'il faut retenir les individus longtemps. En effet, dans notre pays, les locaux ne permettent pas de retenir les personnes concernées dans des conditions décentes.
Il y a le droit et le fait. On ne peut créer le droit si le fait ne le supporte pas. C'est très important.
Nous avons déjà des textes à notre disposition. En l'état actuel, il est inutile de « tordre » ainsi le droit. Pourquoi prévoir des monstres juridiques comme celui qui nous est proposé, aux termes duquel, en attendant que le premier président décide si l'appel, qui n'appartiendrait qu'au seul procureur, est suspensif ou non, on rend l'appel déjà suspensif en retenant l'intéressé ? Voilà qui dépasse l'entendement ! Aussi, nous vous demandons fermement d'adopter notre amendement de suppression.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 71 et 143, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 144 rectifié.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. C'est la différence des délais, je tiens à le rappeler de nouveau, qui aboutit à cette exigence supplémentaire.
Nous le savons, en l'état actuel de la législation, c'est au terme du délai de vingt-quatre heures, quand l'étranger est présenté au juge, que, très généralement, il exerce ses recours, parce que jusqu'alors il n'a pas compris. C'est précisément parce que l'on porte le délai à quarante-huit heures sans augmenter le délai d'exercice des voies de recours que nous souhaitons introduire cette précaution supplémentaire.
Si l'étranger ne s'est pas entretenu avec l'avocat - on ne le force pas, on l'appelle à le faire - il aura un avocat commis d'office qui lui expliquera ses droits. Pourquoi à la vingtième heure ? Ce n'est pas par similitude avec la garde à vue - j'ai indiqué qu'on ne peut pas donner moins à l'étranger en rétention qu'à celui qui fait l'objet d'une procédure correctionnelle ou criminelle - c'est parce que, quatre heures plus tard, il sera trop tard. En effet, on pourra alors disposer de cet individu en lui disant qu'il n'a pas exercé de voie de recours. C'est pour empêcher ce manquement de fait aux droits de la défense que nous avons déposé cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 211, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il m'a semblé que M. le rapporteur défendait avec un peu de passion...
M. Paul Masson, rapporteur. Vous me connaissez mal !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ...mais agréablement, amicalement, fraternellement, les trois mots que plusieurs de mes collègues et moi-même combattons. Pour notre part, nous ne mettons aucune passion à défendre la modification que nous proposons. Surtout, il ne nous vient pas à l'esprit que, si cette modification était adoptée, ce désaveu pourrait vous atteindre, monsieur le rapporteur.
Nous considérons que, en l'occurrence, il existe un risque d'erreur. On verra ce qu'il en adviendra, avez-vous dit, monsieur le rapporteur.
Je vous fais remarquer que, s'agissant de cet alinéa, nous avons accepté, dans la joie, deux modifications.
D'abord, vous imposez au procureur de motiver sa décision, ce qui ne figurait pas dans le texte du Gouvernement. Cela va l'inciter à ne pas faire appel.
Ensuite, vous l'autorisez à intervenir seulement s'il démontre que l'étranger n'offre pas de garantie de représentation effective. Il ne peut recourir à aucun autre moyen ; vous l'avez en quelque sorte enchaîné.
Nous disons : cela suffit, il ne faut pas trop charger la barque en ajoutant qu'il ne peut agir qu'« à titre exceptionnel ». Ces trois mots ont une signification littéraire mais n'ont pas de signification juridique.
Il s'agit, je vous prie de le remarquer, non pas d'une décision, mais d'une simple demande, ce qui est différent. Il y a effectivement une différence entre la décision et la simple demande, la décision appartenant à un autre.
Si vous précisez qu'il agit « à titre exceptionnel », le procureur aura du mal à motiver pourquoi il en est bien ainsi, puisque les mots « à titre exceptionnel » ne constituent pas une notion juridique. Aussi, c'est inévitable, le président de la cour remettra l'individu en liberté.
J'insiste de toutes mes forces, monsieur le rapporteur, pour que vous renonciez à ces trois mots, car ils sont extrêmement dangereux.
M. Christian Bonnet Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. J'aurais souhaité pouvoir assister à la réunion de la commission des lois mercredi dernier, mais quand on est président de la commission des finances d'un conseil général et que c'est le jour du vote du budget,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui, il ne faut pas cumuler !
M. Christian Bonnet. A partir du moment où on ne cumule pas les fonctions, on peut se permettre de cumuler les mandats qui sont exercés de manière collégiale !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, la preuve !
M. Emmanuel Hamel. C'est un enrichissement de la personne ! (Sourires.)
M. Christian Bonnet. J'ai le sentiment que les termes « à titre exceptionnel » ouvriraient le champ à des interprétations divergentes au sein d'une même juridiction susceptibles d'être considérées comme portant atteinte au principe d'égalité des citoyens.
« A titre exceptionnel », cela veut tout dire et rien dire ! Cela permet tout et le contraire de tout. Je prends un seul exemple : à en croire le protagoniste de la session unique, nous ne devions jamais siéger en séance de nuit. Eh bien, nous voyons depuis trois jours ce qu'il en est ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Monsieur le président, je ne prolongerai pas le débat, même à titre exceptionnel ! (Sourires.) Si je suis battu, et, avec moi, la majorité de la commission des lois, ce ne sera pas un drame ; la terre ne s'arrêtera pas de tourner. C'est la logique du débat parlementaire. Croyez-moi, mes chers collègues, je n'ai pas mis la moindre passion dans la défense de ce texte. Si je l'ai proposé, c'est parce que j'avais et j'ai toujours la faiblesse de penser qu'il est meilleur.
Je ne veux pas affaiblir le dispositif à cet égard, et c'est donc le Sénat, dans sa sagesse, qui décidera.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Si vous gagnez, ce sera grâce aux voix socialistes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Bonnet a raison : il est dommage que nous soyons obligés de siéger en séance de nuit.
M. Albert Vecten. Exceptionnellement ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. La faute à qui ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Trois jours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il était évident que ne prévoir que trois petits jours pour la discussion d'un texte de cette importance - mais M. le ministre des relations avec le Parlement me voit venir (Sourires) - sans compter les questions orales sans débat, les questions d'actualité au Gouvernement et les réunions de groupe, mardi, c'était s'exposer à être obligé de travailler tardivement ce soir.
M. Alain Gournac. Cela a été plus rapide à l'Assemblée nationale !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Vous n'avez rien dit lors de la conférence des présidents !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, je vous l'ai dit, monsieur le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Toujours est-il que les sous-amendements tendant à supprimer les mots : « à titre exceptionnel » ont au moins le mérite de la franchise ! Je comprends en effet que M. le rapporteur n'accepte des procédures aussi exorbitantes du droit commun que de loin et en considérant... que c'est à titre exceptionnel !
Je voudrais rappeler - je regrette que M. Jacques Larché, qui n'aime pas travailler après minuit, nous le savons, ne soit pas là -...
M. le président. Je vous indique qu'il n'est que vingt-trois heures trente, monsieur Dreyfus-Schmidt ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes cruel de le faire remarquer. Moi, j'aimais mieux faire croire qu'il était minuit passé !
Toujours est-il que M. le président de la commission des lois - vous vous en souvenez - avait proposé un référé-liberté consistant à ce que l'intéressé puisse faire appel de la décision du juge d'instruction décidant de l'incarcérer devant le président du tribunal de grande instance.
Il avait été conduit à dire que, dans l'attente de cette décision, l'intéressé était gardé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Je vous rappelle la rédaction du début de l'amendement n° 32 rectifié : « Toutefois, à titre exceptionnel, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. » Je vous ai rappelé que, quand un juge d'instruction décide de mettre quelqu'un en liberté, il sort. « Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est transmis immédiatement au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. »
J'avais oublié de souligner l'effroyable rédaction « pour y statuer ». Vous pouvez voter cela si vous le voulez, mes chers collègues, mais cela paraît tout de même curieux ! Il est dommage que M. Maurice Schumann ne soit pas là non plus !
Mais je poursuis ma lecture de l'amendement n° 32 rectifié : « Celui-ci décide sans délai s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice »...
M. Alain Gournac. On l'a lu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... « jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue... ». Par conséquent, il n'a pas encore été décidé que l'appel est suspensif et, pourtant, on retient l'intéressé. Même à titre exceptionnel, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons accepter cela, et je pense que personne parmi ceux qui pourraient être amenés à contrôler les lois que nous faisons ne pourrait l'accepter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix les sous-amendements identiques n°s 58 rectifié et 81 rectifié, repoussés par la commission et acceptés par le Gouvernement.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 32 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. La commission des lois a considéré que cette disposition était parfaitement inutile dans la mesure où elle figure déjà dans des textes. Il n'est vraiment pas nécessaire de rappeler dans chaque texte particulier les dispositions générales, car il est évident qu'elles sont obligatoires. Ce point ne figurait d'ailleurs pas dans le projet de loi initial.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux souligner un « monstre » supplémentaire : celui qui permet, tous les huit jours, de libérer l'intéressé sept jours, et ce indéfiniment.
Je suis convaincu - je l'ai dit - que, Dieu merci ! l'article 8, tel que vous l'avez bâti, est tellement monstrueux qu'il est totalement contraire à la Constitution !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8 bis