M. le président. La séance est reprise.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord remercier le rapporteur, M. Jean-Paul Hugot, de la très grande qualité du travail qu'il a accompli à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. Je le remercie également d'avoir compris que des réformes étaient indispensables au secteur public de l'audiovisuel.
Vous avez, monsieur le rapporteur, comme le Gouvernement, la conviction que les évolutions en cours, notamment les évolutions technologiques, imposent des adaptations ; la commission, dans le même esprit que le Gouvernement, a compris que, dans un paysage audiovisuel en pleine mutation, le pragmatisme devait prévaloir.
Si, apparemment à contre-courant de la convergence entre l'audiovisuel et les télécommunications, le projet de loi maintient la distinction entre les deux autorités de régulation de ces secteurs, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Agence de régulation des télécommunications, c'est parce que les préoccupations relatives aux programmes et aux contenus, dont la dimension est éminemment culturelle, sont d'évidence très différentes des préoccupations relatives à la régulation des télécommunications, qui, elles, sont de dimension technique.
Comme le Parlement dans son ensemble, je suis un ardent défenseur de l'exception culturelle, et c'est pourquoi il me semble indispensable de conserver une autorité de régulation centrée sur l'audiovisuel - le CSA - et même d'en renforcer la tâche.
Les amendements de la commission, sur lesquels je reviendrai lors de la discussion des articles, apportent pour l'essentiel, des précisions et des compléments utiles.
Mais, pour l'instant, je répondrai aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale.
Monsieur Ralite, je ne puis laisser dire que le Gouvernement n'a pas pris en compte les intérêts culturels en jeu dans le secteur de l'audiovisuel. Oui, nous pensons effectivement que, face à l'arrivée du numérique, il faut être pragmatique - ce n'est pas être « insuffisant », monsieur Weber ! - et refuser tout esprit de système.
Mon combat est clair : il porte sur le contenu et les programmes. Vous savez que j'ai mis toute ma conviction à défendre l'exception culturelle lors de l'élaboration de la nouvelle directive européenne « télévision sans frontière ». Ce texte encouragera la production audiovisuelle ; nous aurons l'occasion d'en débattre.
Pour la première fois, s'agissant des rapports entre les chaînes de télévision et le cinéma, des mesures fortes en faveur de la production cinématographique indépendante vont être arrêtées. Je prendrai ainsi, dans les prochains jours, des décrets visant à aider la production cinématographique indépendante.
Mon combat, je le répète, porte sur le contenu, et je crois que, sur ce terrain, à en juger par les résultats obtenus par notre cinéma, il n'est pas sans efficacité.
Monsieur Laffitte, je tiens à souligner la remarquable qualité du travail que vous avez réalisé à propos de la société de l'information. Je vous en remercie au nom du Gouvernement, car ce travail nous aide dans notre réflexion.
Vous avez su dégager les véritables enjeux du développement technologique et de la révolution numérique ; plus encore, vous avez très finement analysé la convergence entre télécommunications et audiovisuel.
Vous avez aussi très justement rappelé que le Sénat, à travers la mission que vous avez présidée et dont M. Trégouët était le rapporteur, avait été, en quelque sorte, le père de La Cinquième.
Je comprends donc votre attachement à cette chaîne, et je crois pouvoir vous assurer que les dispositions du projet de loi, modifiées par les amendements présentés par la commission, donneront toutes les garanties nécessaires au maintien de la ligne éditoriale de La Cinquième.
Quant au rapprochement avec France Télévision, que vous avez évoqué, j'y reviendrai à l'occasion de l'examen des amendements.
Monsieur Pelchat, concernant la diffusion par satellite, je partage votre analyse. Il faut, en effet, permettre aux chaînes publiques de participer à l'aventure du numérique, sachant que France 2 et France 3 se sont engagées dans le bouquet TPS et que celui-ci est bien lancé. Il convient de les conforter dans cette stratégie ; c'est aussi votre analyse, et je m'en félicite.
De même il me semble nécessaire et capital de permettre une diffusion accessible au plus grand nombre des chaînes du Cinquième réseau. Je vous suis totalement sur ce point.
M. Cluzel a fait part, notamment, d'un certain nombre d'observations relatives au CSA. J'approuve, en particulier, les remarques formulées sur la signalétique mise en place concernant la violence à la télévision, sur la nécessaire collégialité du CSA, ainsi que sur la nécessité d'opérer une régulation spécifique des services, en tenant compte de leurs supports de diffusion.
Enfin, M. Cluzel a dressé le schéma d'une organisation du secteur audiovisuel en trois pôles : un pôle généraliste, un pôle culture et connaissance, enfin un pôle international. Tel est effectivement mon projet. Le texte qui vous est présenté contribuera à cette réorganisation.
M. Trégouët a souligné la nécessité de préserver ce qui fait l'intérêt et l'originalité de La Cinquième. Je pense, notamment, à la diffusion de ses programmes sur de nouveaux supports et à la banque de programmes que La Cinquième expérimente. Je suis sensible à cette diversification, qui a été soutenue par le Gouvernement, et je suis prêt, sur cette question, à apporter des garanties.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, La Cinquième doit être l'élément principal, un pilier essentiel de cette diffusion des programmes d'accès au savoir à travers la banque de programmes. Je pense que, très vite, un enseignement sur deux se fera à distance, c'est-à-dire, en fait, à distance nulle, autrement dit devant son télévisieur. A cet égard, il faut féliciter les responsables de La Cinquième qui sont parvenus à faire de cette chaîne un outil pédagogique et éducatif important.
C'est un enjeu essentiel pour l'enseignement à distance, pour la mise à disposition d'outils audiovisuels pédagogiques pour les écoles et pour les centres de formation. Je suis prêt à ce que cette mission et cette fonction essentielle soient reconnues dans la loi. Toutefois, n'oubliez pas que Arte peut aussi apporter des programmes à cette banque de programmes. Je vous remercie, monsieur Trégouët, de vos propos. Je suis totalement d'accord sur l'importance du rôle éducatif de La Cinquième.
Madame Pourtaud, vous m'interrogez sur l'audiovisuel extérieur, et notamment sur une éventuelle CNN internationale à la française. Je préfère l'exemple de la BBC World.
Mme Danièle Pourtaud. Je n'ai fait que vous citer !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je tiens à vous rassurer sur ma détermination d'avoir un audiovisuel extérieur avec une composante d'information de qualité. Il me semble important que nous aussi, Français, nous ayons un pôle télévisuel extérieur permettant de défendre notre vue du monde. M. Jean-Paul Cluzel va remettre prochainement au Gouvernement son rapport, qui ne négligera pas cet aspect.
Permettez-moi simplement, madame Pourtaud, de sourire. Le numérique va être une révolution, dites-vous. Nous le savons. Dans le même temps, vous demandez pourquoi les chaînes publiques ne font pas des chaînes thématiques pour le numérique. Moi aussi, j'ai envie que le secteur audiovisuel public fasse des chaînes thématiques. Toutefois, n'oubliez tout de même pas que, voilà encore six ou huit mois, vous me reprochiez de faire entrer France Télévision, c'est-à-dire le secteur audiovisuel public, dans le numérique et dans TPS. Vous l'avez d'ailleurs dit à nouveau tout à l'heure.
Mme Danièle Pourtaud. Cela n'a rien à voir !
M. Henri Weber. Cela n'a aucun rapport !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Aujourd'hui, la présence de France Télévision dans le bouquet numérique TPS est une chance. Certes, France Télévision aurait pu faire partie du bouquet de Canal Satellite ; mais la question n'est pas là, car, à l'époque, ce n'était pas possible. Le secteur audiovisuel public est présent dans la bataille du numérique. C'est important pour l'avenir du secteur audiovisuel public.
Enfin, madame Pourtaud, vous avez formulé deux souhaits : apporter des aménagements sur le principe de reconduction automatique des concessions et renforcer les seuils empêchant la concentration. Sur ces deux points, la commission des affaires culturelles a apporté des aménagements qui me semblent parfaitement adaptés.
MM. Carle et Hérisson ont posé le problème des médias, des décrochages locaux et des marchés publicitaires. Je tiens ici à réaffirmer que, selon moi, la publicité locale doit être réservée uniquement à la presse écrite et que, à aucun moment, y compris lors des décrochages locaux, les chaînes de télévision ne peuvent avoir accès ni à la publicité locale ni à la grande distribution, qu'il s'agisse de parrainages ou de publicités. Pour moi, c'est fondamental.
Depuis cinq ans, quatre à cinq milliards de francs de publicité sont transférés de la presse écrite à la télévision, ce qui fait beaucoup de mal aux quotidiens nationaux. Si l'on attaque des quotidiens régionaux par la télévision locale, ce sera la fin de la presse quotidienne régionale. Il s'agit là d'un élément très important. Il en irait tout autrement si, en revanche, l'ensemble des garanties était assuré.
M. Weber a dit que les moyens techniques du CSA sont faibles par rapport à ceux qui sont mis à la disposition de ses homologues anglo-saxons. Je souhaite, comme lui, que le CSA puisse disposer de moyens techniques supérieurs afin d'accroître son efficacité. Toutefois, je tiens à rappeler que le CSA est déjà doté d'un budget important, à savoir 200 millions de francs.
Enfin, vous avez estimé, monsieur le sénateur, que la présence de deux directeurs généraux à la tête de la société résultant de la fusion entre La Cinquième et la SEPT-Arte rendrait la situation ingérable. Il s'agit d'un problème très important, auquel, je l'espère, notre débat apportera une solution.
M. Huriet a très justement évoqué les questions relatives à la déontologie des programmes. Il a fait, à cet égard, un parallèle avec le monde de la médecine, que, comme vous pouvez l'imaginez, je ne renierai pas. Je souscris totalement à ses propos. Il me paraît très important d'introduire l'éthique dans cette discussion sur l'audiovisuel. Je suis naturellement d'accord avec la mission éthique qu'il souhaite pour le CSA.
Monsieur Sérusclat, il existe tout de même une complémentarité entre l'éducation, l'accès à la connaissance, l'accès au savoir et la culture. Dans une épicerie, on peut trouver sur un même rayonnage de la mayonnaise à côté d'une meringue ! Je comprends très bien ce que vous avez dit. Si la fusion entre La Cinquième et la SEPT-Arte faisait perdre à ces deux chaînes de leur intérêt, ce serait une erreur colossale. A contrario, si l'on met cette fusion à profit pour obliger ces deux chaînes à travailler ensemble, à réaliser des coproductions, tout en gardant deux lignes éditoriales, et pour faire de La Cinquième, comme M. Trégouët et vous-même l'avez dit, l'outil essentiel de l'enseignement à distance par la télévision éducative, La Cinquième conservera sa vocation essentielle que constitue l'accès à la connaissance et au savoir.
En revanche, je suis très sensible à votre raisonnement concernant la maternelle, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire et l'université. Il faudra bien garder comme essence même à La Cinquième, sur le plan éditorial, l'accès au savoir et à la connaissance et ne pas la mettre en situation de trop grande dépendance par rapport à Arte. C'est fondamental, je le reconnais, et c'est toute la difficulté de l'exercice.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter en cet instant. Je voudrais vous remercier du caractère très positif et très enrichissant pour moi du débat qui s'est déroulé jusqu'à maintenant. Je suis prêt à discuter de tous les amendements. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er