M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bécart pour explication de vote.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi ne concerne en fait que la Guyane, seul département, si l'on excepte l'exploitation des carrières, où il existe une activité minière.
Cette activité essentiellement aurifère est actuellement le fait d'une centaine d'artisans orpailleurs, qui réalisent annuellement le quart de la production guyanaise, et de petites et moyennes entreprises, qui emploient environ 400 personnes et assurent la majeure partie du reste de la production.
L'inventaire minier réalisé entre 1975 et 1995 par le bureau des recherches géologiques et minières laissant espérer un important potentiel aurifère en Guyane, de grandes sociétés américaines, canadiennes et même australiennes semblent désormais s'y intéresser, tout comme la COGEMA.
Cela représente bien évidemment des perspectives économiques nouvelles pour ce département, qui connaît un taux de chômage très préoccupant, bien plus élevé qu'en métropole.
Dans ce dossier, la question de l'emploi est donc cruciale, ce qui implique de favoriser l'exploitation des gisements aurifères.
Il semble a priori possible d'envisager un régime juridique préservant les intérêts de chacun des intervenants locaux et misant sur la complémentarité des orpailleurs, des PME exploitant les gisements éluvionnaires et alluvionnaires, ainsi que des grandes sociétés organisant principalement la production à partir de gisements filoniens profonds.
Il convient donc d'encourager cette activité extractive sans rendre plus difficile la situation des actuels exploitants et en veillant au respect de la réglementation sociale et des équilibres écologiques si fragiles et si importants dans la forêt amazonienne.
L'actuelle législation minière en vigueur dans les départements d'outre-mer commençant à dater sérieusement et ne correspondant manifestement plus aux conditions et aux besoins de notre époque, il était devenu nécessaire de la modifier, en tenant compte des spécificités locales.
C'est, nous dit-on, l'objectif du projet de loi qui nous a été présenté. Mais les adoptations envisagées sont-elles judicieuses et suffisantes ?
Si, au terme de la discussion de ce texte, nous voyons certes un peu plus clair dans les intentions du Gouvernement, il nous semble cependant que le présent projet de loi devrait s'insérer dans un plan économique et social d'ensemble pour le développement de cette filière.
Nous estimons, par exemple, qu'il conviendrait de créer une taxe sur la production d'or en Guyane, taxe dont le produit serait affecté aux collectivités locales guyanaises qui ont un grand besoin d'équipements et d'infrastructures et qui pourraient ainsi aider au développement économique durable de leur département.
Ce serait, à notre avis, un excellent moyen pour qu'en compensation de la perte d'une ressource non renouvelable que recèle leur sous-sol les Guyanais puissent obtenir directement un minimum de retombées locales d'une activité extractive aussi lucrative que la production aurifère.
Le rapport de notre collègue M. Huchon fait bien quelque peu allusion à cette taxe, mais c'est seulement pour indiquer que l'éventualité de sa création n'en est qu'au stade de la réflexion et que ce point dépasse l'objet du présent projet de loi.
Nous souhaitons, pour notre part, que cette réflexion aboutisse très rapidement, car ce n'est qu'une mesure de justice envers les Guyanais.
Nous considérons également que l'arrivée massive des grandes sociétés anglo-saxonnes dans une activité aurifère guyanaise au sein de laquelle elles prendraient une part prépondérante n'est pas forcément à souhaiter.
La COGEMA, qui s'intéresse, nous dit-on, à l'exploitation des gisements aurifères guyanais et qui possède une certaine expérience dans les activités extractives, présente selon nous l'avantage d'être une entreprise nationale respectant la législation du travail ; on peut penser qu'elle aurait à coeur de respecter l'environnement en procédant notamment à la réhabilitation des sites après exploitation.
Pourquoi ne pas créer les conditions pour que la COGEMA participe activement à l'exploitation des gisements aurifères guyanais ?
Le texte qui nous est présenté va incontestablement dans le sens tant d'une modernisation de la législation minière dans les départements d'outre-mer que du développement des activités extractives.
Il représente certes un certain compromis entre les intérêts parfois divergents des acteurs économiques locaux présents et à venir.
Il peut faciliter la création d'emplois dans le département de la Guyane, qui est particulièrement touché par la crise économique.
Cependant, il manque de mesures d'accompagnement économiques et sociales et suppose de nombreux décrets d'application dont la teneur demeure toujours aléatoire au moment de la discussion parlementaire.
Il présente en outre l'inconvénient de mettre sur un même plan juridique les entreprises multinationales et les petites et moyennes entreprises déjà installées.
Nous souhaitons également que les petites et moyennes entreprises et les artisans orpailleurs puissent mieux exercer leur activité en surface, sur des territoires où les grandes entreprises ont obtenu le droit d'exploiter les gisements filoniens profonds. Le texte qui ressort de nos travaux ne nous semble en effet pas apporter de garanties suffisantes à cet égard.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendront lors du vote sur ce projet de loi ; ils souhaitent que la discussion à l'Assemblée nationale et la deuxième lecture permettent d'améliorer ce texte de façon à pouvoir, en définitive, l'approuver pleinement.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous avons examiné aujourd'hui vise à rendre applicable aux départements d'outre-mer le code minier métropolitain.
Le dispositif répond à l'urgence de réformer un régime minier qui a été défini en régime autonome par des décrets datant de 1955 à 1956 et qui touche uniquement l'exploitation aurifère en Guyane. Il répond ainsi à la nécessité d'un cadre juridique adapté aux nouvelles réalités économiques de ce département, pour lequel l'or représente un potentiel de développement non négligeable.
Ce dispositif n'oublie pas, par ailleurs, de répondre aux spécificités de la Guyane en permettant aux trois catégories d'opérateurs miniers que sont les artisans, les petites et moyennes entreprises et les sociétés internationales de développer leurs activités dans de meilleures conditions.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi constitue le premier palier de la nouvelle disposition qui fera des orpailleurs le fer de lance d'une partie de l'économie guyanaise, et il permet de baliser ce qui pourrait être, demain, une plus grande réglementation de l'attribution des permis.
Néanmoins, ce texte ne permettra incontestablement pas à la Guyane de se développer économiquement et aux collectivités locales guyanaises de bénéficier des retombées de l'exploitation aurifère. La substantifique moelle ne pourra être retrouvée que lorsque des dispositions fiscales seront adoptées par voie législative.
Nous souhaiterions d'ailleurs que le rapport réalisé par Boisson perde son caractère confidentiel, afin de permettre d'éclairer les collectivités locales sur le bien-fondé des dispositions qui pourraient être retenues.
Le mois prochain, M. le ministre délégué à l'outre-mer participera en Guyane aux assises d'un développement économique réel et durable de ce département d'outre-mer. Si la totalité des informations sur le problème de l'or n'est pas communiquée, le peuple guyanais et la profession n'adhéreront pas à ce texte de loi qui, j'en suis persuadé, sera adopté par la Haute Assemblée.
Je ne serai pas marri de l'adoption de ce projet de loi, qui, je le répète, constitue un premier palier. Le Sénat, dans sa très large majorité, n'a pas apporté son soutien aux amendements que je proposais. Qu'à cela ne tienne ! Alea jacta est ! Cette avancée permettra peut-être de trouver des solutions à la réduction des délivrances d'AEX et de permis ; elle permettra également aux élus siégeant dans une commission des mines de se prononcer, même si le préfet, doté du pouvoir décisionnel, est libre de suivre ou non l'avis de cette commission consultative.
Ce texte est un premier palier. En conséquence, monsieur le ministre, je ne pourrai que m'abstenir dans le vote sur ce projet de loi. Je ne suis pas contre les avancées, et les membres de la Haute Assemblée sont des hommes sages et de progrès. Mais, dans sa très grande sagesse, le Sénat sait aussi reconnaître parmi ses pairs ceux qui savent s'abstenir pour des problèmes de raison.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, au nom du groupe de l'Union centriste, à féliciter M. le rapporteur de grande maîtrise du sujet.
S'entretenant avec moi avant la séance, il me disait : « de toute façon, tu ne feras qu'écouter, car tu n'y connais rien ! » (Sourires.) C'est vrai, mes chers collègues, et je l'admets en toute simplicité.
Mais, contrairement à moi, M. le rapporteur a une grande connaissance du sujet dont nous traitons aujourd'hui et une force de conviction qu'il faut saluer. C'est donc derrière lui que les membres du groupe de l'Union centriste voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le dire M. Machet, les métropolitains que nous sommes ont une certaine peine à se représenter les incidences réelles de ce texte. En effet, si des orpailleurs ont jadis travaillé en métropole - il y en avait à Aurillac, et je crois qu'il en reste encore quelques-uns à Salsigne, dans la région de Carcassonne - l'orpaillage ne constitue évidemment plus une activité essentielle, contrairement à ce qu'il est pour la Guyane.
Ce texte vise à moderniser la législation minière en l'adaptant, autant que possible, aux spécificités de la Guyane, et à permettre ainsi le développement de l'activité économique.
Monsieur Othily, vous avez souhaité que ce soit un premier palier. Je ne suis pas assez compétente pour savoir quel pourrait être le second. Puisse en tout cas ce projet de loi apporter du bienfait en Guyane et y générer un supplément d'activités économiques ! Les choses évoluant, de nouvelles possibilités d'amélioration se présenteront peut-être dans l'avenir.
En conséquence, les membres du groupe des Républicains et Indépendants voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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