CONVENTION FISCALE AVEC LA JAMAÏQUE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 171, 1996-1997) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Jamaïque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu. [Rapport n° 234 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention fiscale conclue entre la France et la Jamaïque le 9 août 1995, soumise aujourd'hui à votre approbation, appelle relativement peu de commentaires.
Ses dispositions vous sont déjà très largement connues puisqu'elles respectent pour l'essentiel celles du modèle de convention fiscale élaboré par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui inspire l'ensemble de l'activité conventionnelle française en la matière.
Je signalerai cependant quelques points.
D'une part, la convention exclut de son champ d'application les sociétés off shore qui sont visées par la législation jamaïcaine et qui pourraient favoriser une certaine évasion fiscale.
D'autre part, la convention institue un crédit d'impôt fictif en matière de dividendes, d'intérêts et de redevances, comme la France le fait classiquement avec les Etats d'un niveau de développement comparable avec celui de la Jamaïque. Ce dispositif, qui est un soutien indirect à l'économie du pays, a été encadré dans le temps, puisqu'il est limité à dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la convention, et dans son champ d'application, puisqu'il ne pourra s'appliquer qu'à certaines sociétés industrielles résidentes de Jamaïque.
Au total, cette convention assure à la France un traitement équivalent à celui qui a été négocié avec la Jamaïque par quelques-uns de nos plus importants partenaires comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne.
Les relations économiques franco-jamaïcaines sont plus que modestes. La Jamaïque n'est, en effet, que notre quatre-vingt-huitième fournisseur et notre cent-vingt-neuvième client !
Les investissements français y occupent également une place très réduite. Comme vous le savez, la Jamaïque est traditionnellement très liée à l'Amérique du Nord et à la Grande-Bretagne, dont elle a longtemps été une colonie. J'ajouterai que, corrélativement, la communauté française en Jamaïque est également peu importante, puisqu'elle est évaluée à environ cent soixante personnes.
Toutefois, en dépit de ces éléments peu encourageants, la convention fiscale franco-jamaïcaine, outre qu'elle témoigne de l'existence de relations diplomatiques cordiales entre nos deux Etats, présente au moins un double intérêt pour la France.
D'une part, des projets intéressants pour notre pays devraient venir à maturité à la faveur de l'ouverture, qui a eu lieu en 1996, de la garantie COFACE, la Compagnie française d'assurances pour le commerce extérieur, à moyen terme. Il s'agit de projets dans le secteur de l'eau et dans celui des transports.
D'autre part, comment oublier que la France est présente aux Antilles par trois de ses quatre départements d'outre-mer, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, qui totalisent une population d'environ 800 000 habitants ? Les exportations de la Guadeloupe et de la Martinique vers la zone caraïbe représentent moins de 1,5 % du total de leurs ventes à l'étranger, et ce pourcentage est encore plus faible pour la Guyane. Or, assurer le développement des départements français d'outre-mer par une meilleure intégration dans leur environnement régional reste l'un des enjeux majeurs de la coopération entre la France et les Etats de la zone caraïbe.
En créant un cadre juridique sûr et stable pour nos investisseurs potentiels dans cet Etat, la nouvelle convention fiscale franco-jamaïcaine du 9 août 1995 contribuera à atteindre cet objectif et devrait faciliter la stabilisation de nos échanges bilatéraux.
C'est à ces titres que le Gouvernement souhaite que vous l'autorisiez, aujourd'hui, à approuver cette convention qui vous est soumise en vertu de l'article 53 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la Jamaïque, Xaimaca, terre des bois et des eaux selon le nom que lui donnaient les Indiens arawaks, découverte voilà cinq cent trois ans par Christophe Colomb, fut, faut-il le rappeler, colonie espagnole jusqu'en 1655, puis anglaise de 1655 à 1962.
Cette magnifique île montagneuse des grandes Antilles, qui compte plus de 2,5 millions d'habitants répartis sur 11 000 kilomètres carrés, est donc indépendante depuis 1962. Elle n'en est pas moins demeurée, depuis lors, membre du Commonwealth. Monarchie parlementaire, la Jamaïque a encore pour chef de l'Etat sa majesté la Reine d'Angleterre, Elisabeth II.
Notre amitié pour les nations du Commonwealth, l'éminente personnalité de la Reine Elisabeth II et la proximité de l'île de la Jamaïque avec trois de nos départements d'outre-mer, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe - je ne citerai pas la Réunion, madame le secrétaire d'Etat, compte tenu de sa situation géographique, mais nous pensons tous à elle (sourires) - nous font porter un intérêt marqué de sympathie à cet Etat actuellement dirigé par un gouvernement libéral affronté, nous le savons, à de graves problèmes, mais doté aussi de solides atouts.
Les ressources de la Jamaïque sont principalement de quatre ordres.
Le tourisme, avec plus de 1,7 million de visiteurs chaque année, contribue à apporter à la Jamaïque la moitié de son produit national brut, lequel se situait aux alentours de 1 500 dollars par habitant en 1995.
Ensuite, la Jamaïque est le troisième producteur mondial de bauxite et d'alumine, et Pechiney est à ce titre présent depuis fort longtemps dans cette île magnifique.
Par ailleurs, la Jamaïque dispose de ressources agricoles comme la canne à sucre, le café et la banane.
Enfin, les envois en argent ou en nature des très nombreux expatriés - ils sont pratiquement aussi nombreux que les habitants de l'île - constituent un revenu très important.
Malgré ces ressources, l'économie jamaïcaine, qui s'est pourtant bien redressée au cours des dernières années, est encore fragile. La croissance économique est faible, le chômage demeure élevé, les déficits de la balance des paiements et de la balance commerciale ont récemment atteint des niveaux records et le service de la dette extérieure est lourd : il représente 40 % des dépenses budgétaires et environ 20 % des exportations. En outre, l'inflation demeure encore proche de 25 % par an.
Nos relations bilatérales sont d'abord liées à la situation géographique de la Jamaïque, qui est l'un des Etats du bassin des Caraïbes. Ces relations ont notamment pour objet - vous l'évoquiez avec toute votre autorité, madame le secrétaire d'Etat - de favoriser une meilleure intégration régionale de nos trois départements d'outre-mer : la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, qui ne nous font pas oublier la Réunion, dans l'océan Indien.
Sur le plan économique et commercial, l'essentiel de nos relations concerne les secteurs de la bauxite et de l'alumine avec Pechiney, de l'automobile avec Peugeot et RVI, Renault véhicules industriels, de l'aéronautique - la compagnie nationale ayant acquis plusieurs Airbus - ainsi que le secteur de l'agroalimentaire.
Depuis le 1er janvier 1989, nous avons conclu plusieurs protocoles financiers, dont le montant total s'élève à 260,5 millions de francs, comprenant 15,5 millions de francs de dons et 117,5 millions de francs de prêts du Trésor. Dernièrement, les protocoles conclus ont permis de développer l'équipement dans le secteur des transports et la réhabilitation du réseau d'adduction d'eau de Kings-ton, la capitale.
Un accord d'encouragement et de production réciproques des investissements a été signé entre nos deux pays en 1993.
La présente convention fiscale vient compléter cet accord. Elle vise à créer un cadre fiscal favorable à un développement plus intense des relations de la France, notamment des trois départements d'outre-mer cités tout à l'heure, avec la Jamaïque.
La convention a été signée à Kingston en août 1995 et a déjà été approuvée par le parlement jamaïcain.
Comme vous l'avez rappelé, madame le secrétaire d'Etat, elle s'inspire pour l'essentiel du modèle de convention de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, et ne s'en écarte que pour tenir compte de la différence de développement existant entre les deux pays. Sur ce point, elle se rapproche du modèle de convention des Nations unies : c'est par exemple le cas pour la définition de l'établissement stable et pour la détermination des bénéfices de l'établissement stable ; c'est aussi le cas pour le régime applicable aux redevances et rémunérations pour services techniques.
Les impôts couverts par la convention sont l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la taxe sur les salaires. Il faut noter que des dispositions particulières sont prévues pour les sociétés qui bénéficient du régime fiscal de la loi jamaïcaine sur les sociétés offshore .
Telles sont - j'ai pu être bref grâce à l'exhaustivité et à la pertinence de l'analyse de Mme le secrétaire d'Etat - les principales dispositions de l'accord fiscal conclu entre la France et la Jamaïque.
La commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'autoriser l'approbation de cette convention entre la Jamaïque et la France, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôt sur le revenu.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Jamaïque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signée à Kingston le 9 août 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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