RAPPEL AU RÈGLEMENT

Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
La grève des internes, qui entre dans sa deuxième semaine, continue de se propager. Vingt et un des vingt-six centres hospitaliers universitaires sont aujourd'hui dans le mouvement.
Les assistants, les chefs de clinique, les externes et les étudiants en médecine participent au mouvement, et trois syndicats de médecins de ville - le Syndicat des médecins libéraux, la Fédération des médecins de France et la Confédération des syndicats médicaux français - ont décidé de s'associer à la journée d'action et à la manifestation nationale organisée jeudi à Paris et soutenue par les usagers.
Tous dénoncent la convention médicale et la politique de rationnement des soins. En effet, contrairement à ce qu'affirme M. le Premier ministre, il ne s'agit pas d'un simple malentendu.
Certes, le Gouvernement dit que la convention médicale n'instaure pas de quotas individuels d'activité, d'honoraires ou de prescriptions.
M. René-Pierre Signé. Mais si !
Mme Hélène Luc. Si chaque praticien libéral ne se verra pas appliquer un quota d'actes à proprement parler, les pénalités seront individuelles au sein des régions qui auront trop dépensé, selon le volume et l'évolution des honoraires et des prescriptions de chaque médecin.
Donc, dans les faits, chaque médecin devra limiter ses prescriptions pour se mettre à l'abri de sanctions financières. Comme l'a dit hier à la télévision un interne : « Je n'ai pas fait dix ans d'études médicales pour devenir comptable, mais pour soigner des malades, pour sauver des vies humaines. »
Ce sont non plus les besoins en matière de santé qui sont privilégiés, mais des impératifs financiers. C'est ce que les internes n'acceptent pas, et nous non plus.
Le Gouvernement écrit encore que « le reversement ne s'appliquera pas de manière aveugle et confiscatoire ». Pourtant, plusieurs articles de la convention stipulent que les sanctions seront financières et s'appliqueront collectivement et sans discernement à tous les médecins.
Les internes, les médecins savent lire, monsieur le ministre ! L'accès aux soins sera bien limité par des critères financiers. C'est bien la porte ouverte à une médecine à deux vitesses.
Décidément, les gouvernements de droite qui se succèdent ne savent répondre que par le mépris - comme au moment de la modification de la loi Falloux, comme lors de la création du CIP, le contrat d'insertion professionnelle, ou pendant les grèves de novembre et décembre 1995 - à ceux qui résistent à la mise en oeuvre de leur politique.
Pourquoi ne pas avoir écouté les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et avoir repoussé tous leurs amendements quand ils affirmaient que le plan Juppé allait aggraver les difficultés de notre système de sécurité sociale ?
Les réductions autoritaires des budgets dans les hôpitaux réduiront partout les moyens. De 15 000 à 20 000 emplois y sont menacés. L'application du plan Juppé remet en cause la qualité des soins, sacrifiée à la satisfaction des critères d'austérité.
Le Gouvernement ne peut rester sourd plus longtemps aux exigences des internes et des médecins. Il doit entamer une réelle renégociation de la convention médicale.
Au-delà, notre pays a besoin d'un grand débat sur l'avenir de la protection sociale, sur la santé et sur la prévention. Il n'est en effet pas concevable que le Parlement demeure écarté de tout débat sur le contenu des ordonnances alors que nous avons demandé à plusieurs reprises leur discussion. Mais le Gouvernement craint ce débat et le repousse.
Il en va pourtant du respect des principes démocratiques. Le vote sans débat des lois d'habilitation en décembre 1995 ne fut qu'un simulacre de consultation des assemblées.
C'est pourquoi, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, je demande que le Gouvernement inscrive au plus tôt à l'ordre du jour du Parlement le projet de loi des six ordonnances réformant la sécurité sociale, qui a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale voilà près d'un an.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il serait temps !
Mme Hélène Luc. Effectivement !
Il n'est pas supportable que des catégories sociales toujours plus nombreuses s'élèvent contre le plan Juppé et que le Sénat et l'Assemblée nationale n'aient pas été saisis de ces textes fondamentaux pour l'avenir de notre système de santé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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