CONVENTION CRÉANT L'ASSOCIATION DES ÉTATS DE LA CARAÏBE. - ACCORD RELATIF À LA PARTICIPATION DE LA FRANCE À CETTE ASSOCIATION

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 187, 1996-1997) autorisant la ratification de la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes). [Rapport n° 289 (1996-1997).]
- du projet de loi (n° 188, 1996-1997) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des Etat de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique. [Rapport n° 289 (1996-1997).]
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre. M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux textes que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui concernent directement le renforcement de la présence française dans la région des Antilles par l'adhésion de la France à l'Association des Etats de la Caraïbe, l'AEC.
C'est dans cette perspective que la France a signé la convention de Carthagène, créant l'AEC, et l'accord d'association signé avec cette organisation afin de préciser les modalités de notre participation à la vie de celle-ci.
La France a, depuis 1990, souligné sa volonté de promouvoir une meilleure insertion de ses départements d'Amérique dans leur environnement régional, c'est-à-dire d'oeuvrer en faveur d'un développement des échanges économiques, culturels et sociaux entre les départements français d'Amérique et les Etats voisins.
Cette volonté a bénéficié d'un contexte régional plutôt favorable.
En effet, ces Etats, après avoir perdu l'atout que constituait en quelque sorte pour eux la division du monde en blocs, ont vu se réduire, à partir de 1990, l'aide internationale dont ils bénéficiaient.
La mise en place à leurs portes d'un nouvel espace économique, l'accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, leur a en outre inspiré la crainte d'une marginalisation croissante.
Ces Etats ont ainsi pris conscience de la nécessité de prendre davantage en main leur destin, en donnant une plus grande cohésion à leur ensemble géographique. C'est dans ce contexte qu'ils ont créé l'Association des Etats de la Caraïbe, en juillet 1994.
L'affirmation par la France d'un intérêt croissant pour la zone des Antilles et les positions favorables aux pays d'Amérique, des Caraïbes et du Pacifique, dits pays ACP, qu'elle défend au sein de l'Union européenne ne pouvaient qu'être bien reçues dans un tel contexte. Je rappelle que, à l'exception de Cuba, tous les Etats insulaires de la zone ainsi que trois petits Etats continentaux - Belize, Guyana, Surinam - appartiennent à l'ensemble ACP.
L'objectif de la France était de permettre à ses départements d'Amérique de participer à la vie de l'Association. Cet objectif a pu être atteint avec l'acceptation d'un statut spécifique : la France est « membre associé au titre de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique ». La présence aux réunions de l'AEC de nos délégations, qui comprennent toujours des responsables des départements français d'Amérique, est désormais perçue comme allant de soi. Le statut de ces départements français d'Amérique, qui sont des départemens à part entière de la République et non des territoires dépendants, comme les possessions britanniques et néerlandaises de la zone, est mieux compris.
L'accord d'association a également réglé les difficultés qui auraient pu résulter de l'appartenance de la France à l'Union européenne. Il précise en effet que les décisions prises par l'AEC sur des questions relevant, pour nous, de la compétence des Communautés européennes ne s'appliqueront pas à notre pays.
L'AEC favorisera en outre une plus grande harmonisation des efforts engagés afin de lutter contre les problèmes d'envergure régionale : catastrophes naturelles, trafic de drogue, insuffisance des liaisons maritimes et aériennes, prédominance de certaines monocultures, entre autres.
La France, j'en ai la conviction, se devait de s'associer à ces efforts. Elle ne pouvait, sous peine de marginaliser les départements français d'Amérique, rester en dehors de ce mouvement général de resserrement des liens intercaraïbes.
La convention de Carthagène nous a déjà accordé un avantage important : elle a prévu pour la langue française - c'est fondamental - un statut identique à celui des langues espagnole et anglaise, précédemment dominantes.
Notre acceptation au sein de l'AEC représente donc un indéniable succès diplomatique. La France pourra mieux affirmer sa présence dans les Caraïbes, où les Etats-Unis conservent, en dépit de la réduction générale de leurs aides, une influence prépondérante. Les échanges des départements français d'Amérique avec les Etats voisins seront également développés.
Je suis persuadé que les institutions régionales des trois départements français d'Amérique, qui ont déjà apporté une contribution importante à ce dessein, sauront poursuivre les efforts engagés.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent la convention de Carthagène créant l'AEC et l'accord d'association entre la France et l' AEC, qui font l'objet des deux projets de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Lucette Michaux-Chevry, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en place de l'Association des Etats de la Caraïbe et l'adhésion, maintenant souhaitée par les pays de la Caraïbe, de la France à cette organisation au titre de ses départements d'Amérique constituent une chance décisive pour instaurer un contrepoids à la présence du géant américain et assurer le rayonnement de notre pays. Tel est l'enjeu majeur des deux accords sur lesquels le Sénat est appelé à se prononcer.
De par leur histoire et leur statut, les départements français d'Amérique n'avaient de relations qu'avec la métropole. En dépit d'un passé commun avec leur environnement régional, leurs relations avec les Etats voisins étaient quasiment inexistantes.
Cette situation a évolué depuis le fameux discours de Cayenne, qui a lancé la coopération régionale décentralisée. Celle-ci s'est amplifiée puisque la France a accepté d'adhérer à l'Association des Etats de la Caraïbe.
La participation de notre pays en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique constitue une modalité nouvelle de présence dans une organisation internationale. L'Etat ne se dessaisit pas de la faculté d'arrêter ses positions au sein de l'AEC, mais il prend maintenant en compte les paramètres relatifs aux trois départements français d'Amérique.
Pour l'outre-mer, c'est la reconnaissance officielle de plus amples responsabilités au regard de son environnement.
L'intensification des contacts entre les départements d'outre-mer et leurs voisins apparaît comme un atout pour le développement social et culturel de ces territoires, mais aussi pour le rayonnement de notre pays.
L'AEC regroupe non seulement les Etats et territoires insulaires de la région, mais encore les pays continentaux riverains. Ainsi, la zone de la Caraïbe comprend, outre de petits Etats, des géants tels que le Mexique, la Colombie ou le Venezuela. Tous ces pays se trouvent aujourd'hui confrontés au défi de la mondialisation des échanges, qui se traduit notamment par la mise en place de vastes zones de libre-échange comme celle qui résulte de l'accord ALENA.
La dimension politique de l'AEC est évidente et la participation de la France à cette association va permettre le renforcement du rôle des départements français d'Amérique dans la région. Nos départements seront mieux à même de faire valoir la coopération régionale dans les domaines où nous disposons d'un savoir-faire reconnu : la recherche, la prévention des risques majeurs, la santé, l'éducation et la formation.
Par ailleurs, l'adhésion à l'AEC permettra de développer la concertation sur des sujets d'intérêt commun : je pense, en particulier, à la lutte contre le trafic des stupéfiants, à la maîtrise de l'immigration clandestine et à la protection de l'environnement.
Enfin, l'appartenance à l'AEC constitue une chance pour intensifier les échanges culturels favorables au rayonnement de la francophonie.
Notre adhésion présente, en deuxième lieu, un atout pour notre diplomatie et assure une meilleure approche des problèmes de la Caraïbe. La coopération régionale permet, en retour, d'obtenir le soutien des Etats de la région dont le poids n'est pas négligeable au sein des instances internationales.
Enfin, l'accord devrait favoriser une meilleure coopération économique entre les DFA, les départements français d'Amérique, et leur environnement régional. En effet, les DFA, partie intégrante du territoire douanier de l'Union européenne, admettent au titre de la convention de Lomé les produits concurrentiels des Etats et territoires associés voisins sans restriction quantitative ni droits de douane. A l'inverse, ces derniers imposent des negative lists prohibitives qui gênent les exportations des départements d'outre-mer.
Des accords commerciaux pourront ainsi être signés dans le respect de l'Union européenne à la faveur de la présente convention qui envisage notamment « l'intégration économique, y compris la libéralisation du commerce ».
En conclusion, l'Association des Etats de la Caraïbe constitue un défi, mais aussi une chance pour l'ensemble des pays de la zone. Il faudra incontestablement surmonter les obstacles de l'insularité, des clivages culturels et des disparités économiques. Mais cette association constituera aussi un vaste espace de dialogue dans lequel l'histoire vécue en commun par ces pays prendra tout son sens.
L'organisation veut dépasser ces clivages. La langue doit devenir le creuset d'une identité fondée sur l'unité géographique. Le bassin Caraïbe pourra ainsi, entre la dynamique de l'ALENA et celle du MERCOSUR, conjurer le spectre de la marginalisation et, peut-être, jouer le rôle de trait d'union que lui assigne la géographie.
L'adhésion de la France à l'AEC est aussi une chance pour l'Europe. Les DFA doivent servir de relais pour mieux coordonner les moyens disponibles au titre du Fonds européen de développement, le FED, et du Fonds européen de développement régional, le FEDER, et pour conforter ainsi une présence européenne nécessaire pour contrebalancer l'hégémonie américaine.
Particulièrement consciente des enjeux que représente l'adhésion de la France à l'Association des Etats de la Caraïbe pour le développement de nos départements des Antilles, la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à approuver ces deux projets de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne voulais pas laisser passer l'occasion d'abord de vous saluer, monsieur le ministre, et de vous faire part de notre plaisir de vous voir assis au banc du Gouvernement.
Je voulais ensuite, au nom du groupe socialiste, mais aussi au nom du groupe d'amitié sénatorial France-Caraïbe, apporter l'adhésion des uns et des autres à ces deux projets de loi.
Lors d'un voyage effectué au mois de février dernier avec Mme Bidard-Reydet et MM. Faure, Doublet et Pastor, M. Habert s'étant joint à nous pour la visite de Tahiti, nous avons eu l'occasion, dans la Caraïbe, de visiter Cuba, puis la Jamaïque.
Nous nous sommes rendu compte de l'amitié que porte à la France chaque Etat de la Caraïbe, qu'il soit de langue française ou non. Mais nous nous sommes également rendu compte des difficultés en matière de transport puisque, bien souvent, nous étions obligés de transiter par Miami pour nous rendre d'un Etat de la Caraïbe à l'autre. Travailler au rapprochement de chacun de ces pays, par la voie aérienne en particulier, pourra constituer l'une des missions de l'Association des Etats de la Caraïbe.
Je ne voulais pas, je le répète, laisser passer l'occasion de dire à quel point tous ceux - et ils sont nombreux au Sénat - qui éprouvent beaucoup de sympathie pour l'ensemble des pays de la Caraïbe se félicitent de cet accord entre ces Etats et la France, qui, grâce en effet à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Guyane, fait elle-même partie de ceux-ci. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je souhaite m'associer aux propos que vient de tenir M. Dreyfus-Schmidt. Ce traité est important car, à l'intérieur de la Caraïbe, la Martinique et la Guadeloupe ainsi que, plus au sud, la Guyane constituent des exceptions en ce sens que ces territoires ont souhaité rester rattachés à la France et n'ont pas voulu de l'indépendance dont se prévalent la plupart des autres îles.
Par conséquent, il était utile que la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane se joignent à cette association, qui témoigne de la nécessité d'établir dans ce coin du monde de réels accords de coopération entre tous les pays qui en font partie.
A cet égard, les dispositions prises en faveur de Sainte-Lucie, de la Dominique et des autres îles de langue française des Antilles, jadis possessions françaises, ont bien souligné la nécessité de nouer des liens étroits entre tous ces pays, et je remercie Mme Michaux-Chevry de l'avoir indiqué aussi clairement dans son rapport.
Nous nous associerons donc bien volontiers à l'approbation de ce traité, qui revêtira une grande importance dans cette région du monde. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

CONVENTION CRÉANT L'ASSOCIATION
DES ÉTATS DE LA CARAIBE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 187 :
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes) faite à Carthagène des Indes le 24 juillet 1994 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

ACCORD RELATIFS À LA PARTICIPATION DE LA FRANCE
À L'ASSOCIATION DES ÉTATS DE LA CARAIBE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 188 :
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des Etats de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, signé à Mexico le 24 mai 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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