M. le président. Par amendement n° 3, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de remplacer le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-1 du code électoral par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les citoyens français, peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des dispositions de la présente section.
« Ainsi qu'il est prévu à l'article 88-3 de la Constitution, ce droit leur est ouvert sous réserve que l'Etat dont ils sont ressortissants accorde un droit équivalent aux Français qui y résident, dans les conditions prévues par le traité sur l'Union européenne et selon sa législation nationale propre.
« Les personnes mentionnées au premier alinéa sont considérées comme résidant en France si elles y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un caractère continu. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 31, présenté par MM. Habert et Darniche, et tendant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article L.O. 227-1 du code électoral par les mots suivants : « depuis au moins six mois ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement a deux objets.
D'une part, il tend à réécrire le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er en y intégrant deux précisions.
En ce qui concerne la réciprocité, nous prévoyons que « ce droit leur est ouvert sous réserve que l'Etat dont ils sont ressortissants accorde un droit équivalent aux Français qui y résident, dans les conditions prévues par le traité sur l'Union européenne et selon sa législation nationale propre ».
Nous savons bien - vous nous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre - que, en droit communautaire, la réciprocité s'interprète comme signifiant qu'un traité a été ratifié par tous. Si les directives ne sont pas transposées, on se trouve alors dans les hypothèses de manquement, mais les conditions de réciprocité sont acquises.
Or, ici, nous sommes dans un cas de transposition et nous entrons dans notre droit à nous, qui n'est pas le droit communautaire, qui ne se situe pas dans la même hiérarchie de normes et qui n'est pas justiciable des mêmes autorités. De surcroît, la Constitution le prévoit formellement au terme de la révision que nous avons votée, et il convient de garder à l'esprit que ce texte sera obligatoirement soumis au Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, cette rédaction est préférable, normale et même conforme au bon sens.
Prenons un exemple concret, celui de la Belgique, pays éminemment sympathique et que je considère, pour ma part, extrêmement proche de la France, monsieur le ministre. Je vous rappelle d'ailleurs que la Belgique fut française à une certaine époque, pour continuer dans les évocations historiques. (Sourires.) Or, malheureusement, nos amis belges, pour le moment, n'ont pas procédé à la transposition. Il serait tout de même assez singulier qu'un citoyen belge remplissant les conditions requises vote chez nous et qu'un citoyen français ne puisse toujours pas voter en Belgique !
Je le rappelais, l'article 55 de la Constitution prévoit une réciprocité appréciée texte par texte, Etat par Etat. Il est donc conforme à la Constitution et conforme au bon sens de rappeler que la réciprocité signifie que l'Etat concerné accorde un droit équivalent aux Français qui y résident. Cela me paraît être conforme à notre ordre juridique à nous, dont je reconnais sur ce point qu'il est différent. Au reste, cela n'a rien de surprenant : c'est toute la démarche européenne que de tendre à concilier l'ordre juridique européen avec des ordres juridiques nationaux qui continuent d'avoir leur vitalité et leur logique propres.
Nous sommes aujourd'hui devant un cas de transposition. Il nous faut donc intégrer une norme dans notre ordre juridique national et ce d'autant plus facilement que la Constitution, en son article 88-3, prévoit expressément la condition de réciprocité.
Le premier objet de cet amendement est donc, sur la question de la réciprocité, d'inviter à une appréciation concrète et de bon sens, en vertu de la Constitution française.
D'autre part, cet amendement tend à préciser les conditions requises en matière de résidence. Nous avons purement et simplement repris les dispositions qui figurent dans le texte que nous avons voté pour autoriser les Européens à voter aux élections européennes.
Là encore, soyons cohérents et reprenons les mêmes termes.
Nous proposons donc que, pour être « résident », il faille avoir son domicile réel en France - je rappelle que le domicile réel est le lieu du principal établissement - ou avoir une résidence de caractère continu. Pour certains, six mois de résidence suffiront à caractériser le caractère « continu ». Je ne sais pas si c'est suffisant, mais il y a là une question de jurisprudence sur laquelle je ne m'engagerai pas. Je préfère que nous en restions au texte qui a été voté ici et qui a finalement été adopté, relatif à la participation aux élections européennes.
M. le président. La parole est à M. Habert, pour défendre le sous-amendement n° 31.
M. Jacques Habert. Ce sous-amendement remplace, en fait, l'amendement n° 27, que j'avais déposé avec M. Darniche.
M. le rapporteur vient d'exposer excellemment l'économie de son amendement et les raisons pour lesquelles il propose une nouvelle rédaction de l'article L.O. 227-1 du code électoral.
Nous souhaitons, par notre sous-amendement, préciser ce qu'il faut entendre par « résidence continue ». Qu'est-ce qu'une résidence continue ? Que faut-il faire pour prouver la réalité du domicile ?
M. le rapporteur vient de faire allusion à une jurisprudence. J'aimerais qu'il nous dise laquelle. Je pense, moi, qu'il faut préciser. Un délai de six mois est généralement admis ; il est bon que cette précision figure dans le projet de loi organique. Prenons un exemple : si quelqu'un s'installe dans la commune et s'inscrit sur les listes électorales, est-il en résidence continue ?
J'ajoute que je vais exactement dans le sens de M. le ministre qui, dans son propos liminaire, a demandé que les règles applicables aux Européens soient les mêmes que celles qui s'appliquent aux Français. Or, un Français ne peut pas s'inscrire du jour au lendemain sur les listes électorales. Il doit le faire dans certains délais, généralement jusqu'au 31 décembre de l'année qui précède les élections. Des vérifications sont alors prescrites, concernant l'identité et le domicile. Tout cela prend un peu de temps mais, après cette enquête, on sait du moins que la personne est bien celle qui s'est présentée et qu'elle réside effectivement là où elle l'a indiqué. C'est cette précaution que je voudrais ajouter dans le texte.
Cela va tout à fait dans le sens des déclarations de M. le ministre de l'intérieur ainsi que de M. le rapporteur, qui a lui-même fait allusion à ce délai de six mois dans son rapport. Pourquoi ne pas le faire figurer dans la loi ? Ce sera plus clair et il n'y aura nulle ambiguïté sur ce sujet.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 31 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur Habert, nous avons repris la rédaction déjà adoptée, ce qui est la sagesse même, alors que la rédaction que vous proposez serait contraire à la directive et au traité sur l'Union européenne.
Vous avez rappelé vous-même, monsieur Habert, en citant M. le ministre, les termes du traité sur l'Union européenne : « Tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. »
Or, avec ce sous-amendement, vous ajoutez une condition supplémentaire. En effet, actuellement, pour être électeur ou éligible dans une commune de France, il faut ou bien y avoir son domicile réel ou bien justifier d'une résidence de six mois en France, ou bien encore - il faut prendre en compte toutes les éventualités - être imposable en France depuis cinq ans.
Un étranger communautaire peut fort bien « résider » en France, en vertu d'une résidence continue et non épisodique, comme le veut la jurisprudence, mais remplir, dans la commune où il veut s'inscrire, l'une des deux autres conditions, c'est-à-dire, par exemple, y acquitter l'impôt depuis plus de cinq ans. Le cas se présentera d'ailleurs probablement.
Supposez qu'un homme d'affaires étranger communautaire travaille et réside à Paris, mais possède depuis longtemps une résidence secondaire dans une commune du Périgord ou ailleurs et y paie donc des impôts depuis plus de cinq ans. Il souhaitera peut-être s'inscrire dans cette commune plutôt qu'à Paris. Il acquitte en quelque sorte son « droit d'entrée », par le fait qu'il réside en France d'une manière continue, ce qui s'apprécie au plan national, tandis que, lorsqu'il en vient à exercer son droit d'inscription, à ce moment-là, il est dans les mêmes conditions que le citoyen français et ces conditions ne comportent pas la résidence de six mois ou, si elles la comportent, c'est de manière alternative, avec les deux autres hypothèses que j'ai rappelées tout à l'heure.
Aussi, monsieur Habert, avec votre rédaction, nous allons tout droit à des difficultés majeures parce que vous introduisez une discrimination par rapport au citoyen français.
M. Jacques Habert. Je ne le pense absolument pas !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Mon cher collègue, avec tout le respect que je vous dois, il n'est pas ici question de savoir ce que vous pensez, mais il s'agit de savoir ce qui figure dans les textes !
Je vous rappelle, quelle que soit votre opinion sur ce point, que, pour participer aux élections municipales françaises, il faut soit que vous ayez votre domicile réel dans la commune, soit que vous ayez une résidence de six mois, soit que vous soyez imposable dans cette commune depuis plus de cinq ans. Donc, dès lors que vous autorisez ces électeurs européens à s'inscrire sur les listes électorales d'une commune, vous ne pouvez pas leur imposer des conditions différentes de celles qui sont imposées aux citoyens français, parce que ce serait discriminatoire ; or, ce n'est pas possible.
Ce n'est pas une question d'opinion, c'est une question d'analyse, de lecture pure et simple des textes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 et sur le sous-amendement n° 31 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur Habert, à partir du moment où l'on n'impose pas à un Français le délai de six mois, il est difficile de l'imposer à un étranger communautaire.
M. Jacques Habert. On le requiert déjà dans les textes !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mais nous tombons alors sous le coup de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
Je suis donc opposé au sous-amendement n° 31.
J'en viens à l'amendement n° 3. En ce qui concerne le problème de la réciprocité, j'ai déjà fait connaître mon point de vue. Je rappelle que cette mention de la réciprocité est sans effet pratique. Par conséquent, je suis contre le rappel de ce principe.
Par ailleurs, l'introduction dans la loi d'une définition de la notion de résidence - définition qui fait l'objet du sous-amendement présenté par M. Habert - ne se heurte à aucune difficulté. L'application de cette définition en la circonstance, conformément au principe de subsidiarité, va de soi. Toutefois, ce rappel ne peut qu'avoir une portée pédagogique. De toute façon, la même disposition figure déjà dans la loi du 5 février 1994 transposant la directive sur les élections européennes. Il est donc préférable de maintenir cette disposition, en vertu de la règle du parallélisme des deux textes.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 31.
M. Guy Allouche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, je demande un vote par division sur l'amendement n° 3, dont le premier alinéa est rédactionnel...
M. le président. Pour le moment, monsieur Allouche, nous en sommes au sous-amendement n° 31.
M. Guy Allouche. Pardonnez-moi, monsieur le président, je souhaitais m'exprimer sur l'amendement.
M. le président. Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 31.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je remercie M. Allouche de n'avoir pas d'objection à formuler contre mon sous-amendement.
M. Guy Allouche. Je n'ai pas dit cela ! (Sourires.)
M. Jacques Habert. Surtout, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir dit que ce sous-amendement, qui vise à préciser la notion de résidence, « ne se heurte à aucune difficulté ».
M. le rapporteur a défini trois conditions pour qu'il y ait une parfaite égalité entre les ressortissants français et les autres citoyens de l'Union européenne résidant en France. Pour ma part, j'avais avancé l'une d'elles, à savoir la notion de six mois de résidence.
Les trois conditions sont les suivantes : en premier lieu, il faut avoir un domicile réel, notion qu'il faudrait définir ; en deuxième lieu, il faut résider en France depuis six mois au moins ; en troisième lieu, il faut avoir payé des impôts depuis cinq ans.
Si vous souhaitez préciser ces trois conditions, qui sont celles qui sont imposées aux citoyens français, je suis prêt à modifier mon sous-amendement en ce sens. Ainsi, les Français et les ressortissants des autres pays de l'Union européenne seront dans les mêmes conditions. C'est ce que nous cherchons à faire. Dans la ligne de ce qui a été fait, nous voulons en effet que les Français et les citoyens de l'Union européenne résidant en France soient à égalité.
Le texte proposé par la commission est très vague. On a l'impression que, de toute évidence, les étrangers sont favorisés par rapport aux citoyens français. Il ne comporte aucune des précisions que je viens d'énoncer.
Je demande donc, pour satisfaire la commission, si elle le désire, que figurent les trois conditions imposées aux citoyens français. Ainsi, ce sera très clair et il y aura égalité parfaite entre les Français et les étrangers.
En tout cas, je m'oppose à des dispositions qui, manifestement, tendraient à donner aux étrangers en France plus de facilités que n'en ont les citoyens français.
M. Emmanuel Hamel. C'est normal !
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. J'approuve le sous-amendement n° 31. L'exercice de la souveraineté populaire, même dans la gestion des affaires locales, reste une question extrêmement importante. Aussi ai-je pris soin de consulter l'ensemble des maires de mon département à ce sujet. Plus des deux tiers d'entre eux acceptent que les citoyens européens soient électeurs et éligibles. Mais tous ont fixé une durée minimale de résidence pour l'exercice de ce droit, qui est, dans leur esprit, décomptée en année. Que ce soit possible ou non, je n'en sais rien. Comme M. le rapporteur l'a excellemment dit, il semble effectivement que des problèmes de nature technique ou constitutionnelle se posent.
Je me dois, après avoir consulté les maires de mon département, de rapporter leur avis. Ils souhaitent tout simplement vérifier l'authenticité de l'intérêt que peut porter un citoyen européen à la gestion des affaires locales. Une durée minimale de résidence de trois ou cinq ans eût certes été souhaitable. Cependant, même si votre sous-amendement est modeste, monsieur Habert, je le soutiendrai.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je suis quelque peu perplexe. Une durée minimale de résidence de six mois me paraissait raisonnable. Dans les faits, quand on demande aux personnes concernées d'avoir payé des impôts, elles ont sans doute une résidence en France depuis six mois au moins.
La proposition de MM. Darniche et Habert se justifierait sur le plan de la pratique. Cependant, il s'agit d'une mise à jour dans notre droit de la législation communautaire. Je le dis avec une grande franchise : il me paraît plus évident et plus simple de retenir les termes employés dans le projet de loi organique, à savoir : « Les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France résidant sur le territoire français peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des modalités particulières prévues, en ce qui les concerne, par la présente section. » Ces dernières découlent des droits qu'ils auront ou non.
Comment, au moment où l'on construit cette espèce de citoyenneté, par accord des Etats, peut-on distinguer en quelque sorte...
MM. Emmanuel Hamel et Jacques Habert. On impose à chacun les mêmes règles !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Cabanel.
M. Guy Cabanel. Dans un premier temps, j'ai été séduit par le sous-amendement de MM. Darniche et Habert. Cependant, je ne peux vous suivre, monsieur Habert, car nous soulèverions des difficultés sur le plan de l'Union européenne. Les précisions proposées sont contestables. Tel est mon point de vue.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En l'occurrence, deux thèses peuvent être défendues. Ou bien on exige des étrangers qu'ils remplissent les mêmes conditions que les Français. C'est le cas.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est ce que nous faisons.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ou bien on exige d'autres conditions. Par exemple, on demande que les ressortissants de la Communauté européenne vivent depuis cinq ans en France. Prévoir une condition de résidence de six mois au moins, c'est revenir au texte initial qui comporte cette obligation. Par conséquent, votre sous-amendement n'ajoute rien. (M. Habert fait un signe de dénégation.) Nous ne pouvons donc pas le voter.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous sommes tout simplement dans une situation d'incompréhension du texte. Je vais essayer d'être aussi clair que possible et je reprendrai ce que M. Cabanel a dit tout à l'heure. S'il s'agit, mon cher collègue et ami Habert, de dire que les Européens qui remplissent la condition de résidence - c'est le préalable - s'inscriront dans la commune dans les mêmes conditions que les citoyens français, c'est dans notre texte, M. Ceccaldi-Raynaud l'a rappelé à l'instant. Donc il n'y a pas lieu de l'ajouter. Le premier alinéa du texte proposé par l'amendement dispose : « Les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les citoyens français, peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français... » C'était déjà à l'origine dans le traité sur l'Union ; c'est donc un principe fondamental.
Cependant, vous pensez - je vous demande instamment, monsieur Habert, de vous replonger dans le texte - que les conditions que vous avez énumérées tout à l'heure sont cumulatives. Or elles ne le sont pas. Il faut satisfaire à l'une de ces trois conditions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est alternatif, ce n'est pas continu !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Permettez-moi de rappeler les termes de l'article L. 11 du code électoral :
« Sont inscrits sur la liste électorale, sur leur demande :
« 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins... ». Ils doivent remplir l'une ou l'autre condition.
« 2° Le 2° se suffit à lui seul - "Ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales..." ».
« 3° Le 3° se suffit également à lui seul - "Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires publics." »
Il ne faut donc pas dire qu'ils doivent remplir les trois conditions. C'est l'une de ces conditions. Il faut qu'ils soient exactement dans la même situation que les nationaux. La meilleure façon, c'est non pas d'énumérer les conditions, mais de dire qu'il s'agit de ceux qui répondent aux mêmes conditions que les nationaux.
Si nous modifions un jour notre législation, si nous imposons à tous, d'une manière nouvelle et différente, une condition de résidence de six mois, nous verrons à ce moment-là. Pour l'instant, la France ne le fait pas. Cette idée, qui était d'ailleurs contenue dans la résolution du Sénat, je le reconnais, est justifiée dans l'esprit de chacun d'entre nous, mais elle ne peut pas passer parce qu'elle ne figure pas dans notre législation. Nous ne pouvons donc pas imposer à ces Européens autre chose que ce qui figure dans notre législation, une fois qu'ils ont franchi la condition de la résidence. C'est pourquoi nous avons voulu définir la résidence en précisant qu'elle devait avoir un caractère continu, afin qu'il n'y ait pas de confusion avec les résidences secondaires.
Aussi, je me permets, monsieur Habert, de vous suggérer de retirer votre sous-amendement. En effet, si ce que vous souhaitez c'est que les Européens accèdent dans les mêmes conditions que les citoyens nationaux, vous avez satisfaction à travers notre texte. Il ne me semble donc pas nécessaire de prolonger ce débat qui pose un problème de clarté mais qui peut se résoudre lorsqu'on lit attentivement les textes.
M. Philippe Richert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Les arguments de M. le rapporteur sont très convaincants, mais ils me laissent un peu perplexe. Si je comprends bien l'argumentation de M. le rapporteur, les critères qui sont aujourd'hui avancés par les deux auteurs du sous-amendement n° 31 sont repris dans le texte concernant l'ensemble des Français. Il n'y a donc pas lieu de les répéter, d'autant qu'une évolution interviendra peut-être par la suite à cet égard.
L'argumentation de M. le rapporteur me paraît se heurter à sa propre logique. En effet, il déclare que le sous-amendement ne peut être retenu car celui-ci créerait une discrimination entre les Français et les étrangers de l'Union européenne. Or il introduit, par l'amendement n° 3, une discrimination puisque la condition de résidence en continu qu'il prévoit n'est pas applicable au citoyen français.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'auteur du sous-amendement et ceux qui le soutiennent font une confusion entre les conditions pour être électeur et ce qu'est un résident.
Aux termes du traité et de la Constitution, les membres de l'Union européenne non français ont le droit de vote aux élections municipales dans les mêmes conditions que les Français. On sait ce que sont ces conditions : elles sont alternatives et M. le rapporteur les a rappelées.
En outre, ce droit de vote et d'éligibilité dans les mêmes conditions n'est accordé qu'aux citoyens de l'Union résidant en France. Le débat porte donc non pas sur les conditions pour être électeur ou éligible, mais sur les conditions pour être un résident.
Il est proposé de préciser que, pour être considéré comme un résident, la résidence doit avoir eu lieu de manière continue, l'objectif étant simplement d'exclure les résidences secondaires.
Mais en ajoutant une ancienneté quelconque, vous créez un ajout à la fois au traité et à la Constitution. Or telle n'est pas votre intention !
Je pense donc qu'il serait raisonnable de retirer votre sous-amendement. A défaut de quoi, nous serions navrés de voter contre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je rappellerai, pour éclairer tout à fait le débat, que l'article 4 de la directive dispose que, « si les ressortissants de l'Etat membre de résidence, pour être électeurs ou éligibles, doivent résider depuis une période minimale sur le territoire national, les électeurs et éligibles visés à l'article 3 sont réputés remplir cette condition lorsqu'ils ont résidé pendant une durée de résidence équivalente dans d'autres Etats membres. »
On ne peut donc pas poser la condition des six mois dans la mesure où l'article 4 de la directive communauaire constitue un argument de droit.
J'entendais M. Arnaud évoquer le sentiment des maires de son département, et je le comprends tout à fait : si les maires sont interrogés, ils répondent ainsi.
On peut penser comme vous, mais il y a la directive communautaire, et il faut l'appliquer.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je souhaite achever de clarifier les choses dans l'esprit de notre collègue et ami M. Richert, et je le ferai pratiquement comme M. Dreyfus-Schmidt tout à l'heure.
C'est une affaire dans laquelle il y a deux niveaux : un premier niveau pour accéder à la possibilité d'être inscrit sur les listes électorales municipales - c'est ce que j'appelle la clef d'entrée - et un second niveau pour s'inscrire parce qu'on en a le droit. A ce second niveau, l'inscription est soumise aux conditions générales qui s'appliquent à tous les Français, comme je l'ai dit tout à l'heure. Encore une fois, plusieurs d'entre elles ne sont pas cumulatives.
En revanche, au premier niveau, le texte fait référence aux résidents. Mais nous avons parfaitement le droit de définir la notion de résident. En effet, si un Français, dès lors qu'il remplit l'une des conditions dont nous parlions, n'est pas obligé d'être résident en France, un Européen, lui, doit résider en France ; c'est une disposition qui lui est spécifique.
Nous avons donc raison de ne pas donner la clef, en quelque sorte, du vote en France à quelqu'un qui n'y a qu'une résidence secondaire. Voilà pourquoi nous définissons cette clef comme nous l'avions fait voilà quelques années. (M. Richert fait un signe d'assentiment.)
Je constate que M. Richert est maintenant convaincu. Si la cause est entendue, comme l'on dit au tribunal, la plaidoirie doit alors cesser !
M. le président. Monsieur Habert, le sous-amendement n° 31 est-il maintenu ?
M. Jacques Habert. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 31, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir excuser mon intervention précédente, résultant d'une confusion.
Nous voterons contre l'amendement n° 3 en raison de son alinéa qui traite de la réciprocité et qui vise à introduire une définition très restrictive de la réciprocité en tentant de n'accorder le droit de vote qu'aux ressortissants des Etats qui l'accordent effectivement aux Français.
Il ne nous paraît pas possible de souscrire à cet amendement dont je doute de l'efficience dans la mesure où un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 26 février 1976 a décidé qu'un Etat n'adoptant pas dans le délai prévu l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires pour se conformer à une directive a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité. Cet arrêt stipule : « Attendu par ailleurs que les retards éventuels pris par d'autres Etats membres dans l'exécution des obligations imposées par une directive ne sauraient être invoqués par un Etat membre pour justifier l'inexécution même temporaire des obligations qui lui incombent ; qu'en effet le traité ne s'est pas borné à créer des obligations réciproques entre les différents sujets auxquels il s'applique, mais à établir un ordre juridique nouveau qui règle les pouvoirs, droits et obligations desdits sujets, ainsi que les procédures nécessaires pour faire constater et sanctionner toute violation. »
En outre, une telle conception de la réciprocité conduirait dans certains cas à retirer purement et simplement le droit de vote à certains ressortissants communautaires résidant en France. En effet, seuls quatre pays laissent le libre choix à leurs nationaux de voter dans leur pays d'origine ou dans leur pays de résidence. Dans tous les autres Etats, dès lors que les nationaux résident dans un autre pays, ils perdent leur droit de vote dans leur pays d'origine. Ainsi, ces derniers, compte tenu de l'amendement de la commission des lois, ne pourraient voter ni en France ni dans leur pays d'origine qui n'a pas transcrit la directive.
En outre, dans notre ordre juridique interne, la signature d'une convention internationale prime sur la Constitution. Nous savons tous que les conventions internationales prennent le pas sur notre loi fondamentale. Or le traité a été signé, et notre excellent rapporteur ne fait référence, pour soutenir son argumentation, qu'à la Constitution.
Puisque la souveraineté européenne est ainsi remise en cause, nous ne pourrons voter le deuxième alinéa de cet amendement. C'est pourquoi je vous invite à le modifier, monsieur le rapporteur. S'il n'en allait pas ainsi, je vous demanderai de procéder à un vote par division, monsieur le président. En effet, nous acceptons le premier et le troisième alinéas, mais nous sommes contre le deuxième.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis quelque peu surpris, et même interloqué, par ce que je viens d'entendre, monsieur Allouche !
Je me permets de vous indiquer, mon cher collègue, que les traités ne sont pas supérieurs à la Constitution. Ils sont supérieurs aux lois ordinaires sous réserve de réciprocité, ainsi que cela est rappelé tant dans le préambule que dans l'article 55 de la Constitution. La situation n'est donc pas celle que vous évoquez.
J'en reviens à notre texte. Je suis surpris, disais-je, par cette résistance à ce qui n'est que le respect de la révision de la Constitution que vous avez votée !
J'ajoute, monsieur le ministre, que, contrairement à ce que vous paraissez croire, la mesure que je propose sera efficace. Elle est donc à la fois nécessaire et efficace.
Elle est nécessaire du fait de la réforme de la Constitution que vous avez votée. Le nouvel article 88-3 reprend en effet une disposition déjà prévue dans l'article 55 de la Constitution, à savoir que les traités s'appliquent sous réserve de réciprocité : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité de l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. »
Sans une réforme de la Constitution, le traité aurait été anticonstitutionnel. Et vous savez quels ont été les débats sur ce traité ! C'est donc cette modification de la Constitution qui a permis la ratification du traité avec une majorité dont on rappelle encore souvent aujourd'hui qu'elle a été un peu juste.
Alors, vous n'allez pas demander au rapporteur et à la commission des lois de renoncer soudain à ce dispositif qui prévoit, en plus de la réserve de réciprocité générale, une sorte de réserve de réciprocité spéciale pour l'inscription des Européens aux élections municipales et qui sera soumis de nouveau au Conseil constitutionnel. Ce n'est pas possible ! Dès lors qu'une réserve de réciprocité spéciale, distincte de la réciprocité générale, figure dans notre constitution, laquelle prévaut en dépit des traités, nous devons absolument la respecter !
J'ajoute que ce respect me paraît utile et de bon sens, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Il serait en effet choquant que les Belges et les Grecs puissent participer aux élections municipales en France, alors que nos compatriotes ne peuvent faire de même en Belgique et en Grèce ! C'est une question de bon sens. Monsieur Allouche, cela ne vous choque-t-il pas un peu, vous, qui habitez à côté de la Belgique ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, je me permets de dire que cette disposition sera efficace ; en effet, grâce à cette dernière, les Belges et les Grecs, tant que leurs pays n'auront pas transposé la directive, ne pourront pas s'inscrire sur nos listes électorales complémentaires, ce qui me paraît tout simplement normal.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, vous avez beaucoup de talent et - cela se sent - vous avez étudié le dossier. J'ai néanmoins le regret de vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous !
Bien sûr, votre système pourrait être efficace ; mais vous connaissez le fait fondamental selon lequel nous nous situons désormais dans le cadre du droit communautaire. Je ne parle pas de la réciprocité exigée pour que les traités entrent en vigueur, car c'est un autre sujet, qui est réglé.
Nous nous situons à un autre niveau, qui est celui de l'application d'une directive communautaire. Or la jurisprudence est tout à fait claire, et il n'y a pas la moindre contestation sur ce sujet : même si la réciprocité avec les autres pays n'est pas acquise, nous ne pouvons pas introduire, comme vous le souhaitez, une clause de réciprocité spéciale.
Il me semble qu'il existe une propension à considérer que l'on peut encore fixer des règles qui instaureraient une égalité entre les étrangers communautaires et les Français. C'est un peu la logique dans laquelle s'est placé M. Habert.
Mais la logique dans laquelle s'inscrivent nos travaux d'aujourd'hui est tout à fait différente, et il est quand même curieux que je sois obligé de le rappeler : c'est la logique du droit communautaire. Ce droit est le même pour tous les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, et, si certains Etats ont du retard par rapport aux autres dans la transposition en droit interne de la directive, les pays ayant déjà transposé la directive ne peuvent plus exciper du fait que telle ou telle disposition n'est pas entrée en vigueur chez leurs voisins pour refuser qu'elle s'applique sur leur territoire.
Je crois que c'est assez clair : le dispositif que nous étudions aujourd'hui relève du droit communautaire, et non plus d'un système d'engagements internationaux imposant la réciprocité.
Tout cela est terminé, dépassé !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous ne sommes plus souverains !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne mets personnellement aucune passion dans cette affaire. Nous nous battons un peu à fronts renversés, monsieur le ministre, et, soit dit au passage, cela m'amuse. Cependant, si les Belges peuvent voter en France sans que la Belgique ait transposé la directive en droit interne, je n'en ferai pas une maladie !
Je me place sur un terrain strictement juridique et j'essaie d'être cohérent avec un système que vous avez créé - pour mon malheur, je n'étais pas alors des vôtres ! - et avec l'article 88-3 de la Constitution qui dispose : « sous réserve de réciprocité ». Comment faut-il comprendre ce membre de phrase qui figure dans notre Constitution, monsieur le ministre ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le principe de réciprocité intervient à propos de la ratification : il est évident que le traité n'entre en vigueur que lorsque tous les contractants l'ont ratifié.
Je sais bien que certains excipent du fait que le Danemark ne l'a pas ratifié exactement sous la même forme. Mais, jusqu'à présent, personne n'a soulevé cette exception ! On a considéré que le traité avait été ratifié et qu'il était entré en vigueur. Par conséquent, il s'applique et, dès lors, la commission est habilitée à prendre des directives.
Nous ne nous battons pas à fronts renversés, monsieur le rapporteur ! Nous sommes dans un système juridique, et je dis aux juristes que vous êtes, au Sénat, ce qu'il en est sur le plan juridique ! Nous nous situons désormais dans ce cadre. Je vous ai lu l'article 4 de la directive, et c'est ce dernier qui s'impose !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Monsieur le ministre, autant que je m'en souvienne, j'avais bien dit, à l'occasion de la réforme constitutionnelle, que la réciprocité devait viser la mise en application, et non pas simplement le traité.
Bien sûr, le traité est ratifié. Mais supposez - on peut toujours raisonner par l'absurde - que le traité soit ratifié par tous - il l'est ! - et que cinq pays dont les ressortissants en France sont les plus nombreux décident de ne pas appliquer la directive ou se mettent en contradiction avec le droit communautaire. Tant qu'ils n'auront pas appliqué le droit communautaire, nous nous trouverons dans une situation qui n'est pas tolérable !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Ils seraient alors condamnés par la Cour de justice des Communautés européennes de Luxembourg !
M. Jacques Larché, président de la commission. Oh, vous savez, être condamné par les tribunaux, après tout, cela nous est tous arrivé ! (Murmures ironiques sur de nombreuses travées.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il y a là un certain relativisme dans lequel je vous invite à ne pas sombrer !
M. Emmanuel Hamel. Il est pourtant bien nécessaire, monsieur le ministre !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je remercie tout d'abord M. le rapporteur d'avoir corrigé une erreur : je voulais dire que le traité était supérieur à la loi, et non à la Constitution. Je vous sais gré, mon cher collègue, de cette précision.
S'agissant de l'article 88-3 de la Constitution, permettez-moi de revenir un instant en arrière. Le projet de traité de Maastricht contenait bien cette condition d'éligibilité, mais notre loi fondamentale ne l'autorisait pas et, pour ratifier le traité, il a été nécessaire de modifier la Constitution. Nous l'avons fait en juin 1992, avec l'introduction du membre de phrase que rappelait M. le rapporteur - « sous réserve de réciprocité » - mais c'était avant la ratification ! Depuis, tous les pays de l'Union ont ratifié le traité.
A partir de là, que prévoit la directive européenne ? Nous devons la transposer et l'appliquer, sans même attendre que tous les pays l'aient transposée dans leur droit interne. Voilà donc une explication que je livre à la réflexion de M. le rapporteur : nous avons prévu la réciprocité avant la ratification pour obliger les autres Etats à respecter eux aussi ladite réciprocité, mais, maintenant que la réciprocité est admise, il n'est pas nécessaire d'attendre que la Grèce et la Belgique aient eux-mêmes transposé la directive pour l'appliquer aux Belges et aux Grecs.
Voilà pourquoi je juge cet amendement superflu. Quoi qu'il en soit, d'ici peu, j'espère que l'ensemble des pays de l'Union auront transposé la directive et que la question ne se posera plus.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En attendant, cela reste scandaleux !
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je suis assez perplexe devant le tour que prend cette discussion ! Je me souviens de ce qui s'est passé en 1992 : l'article 88-3 a alors été voté, mais l'article 88-2, déjà, prévoyait le droit de réciprocité ! L'article 88-3 n'est qu'explicatif, il a pour objet d'appliquer, précisément, ce droit de réciprocité.
Nous serions-nous réunis à Versailles pour rien ? Je suis très inquiet ! Au demeurant, l'article 4 de la directive n'est pas aussi exigeant en la matière !
Je souhaiterais donc que la réflexion soit approfondie, car les arguments échangés ne me paraissent pas décisifs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si nous ne nous étions pas réunis à Versailles pour modifier la Constitution, il serait impossible aujourd'hui d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux ressortissants de l'Union européenne autres que les ressortissants français, c'est évident ! N'ayez donc pas de regret.
Pour le reste, il est normal que la Constitution dispose que ce droit est ouvert « sous réserve de réciprocité » ; mais, précisément, puisque le traité a été approuvé par tout le monde, la réciprocité est acquise. Voilà, je crois, ce qu'il faut comprendre : c'est très simple !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En fait, nous nous sommes trompés !
M. Guy Allouche. Mais non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En outre, il est tout de même curieux de rappeler dans une loi organique ce que dit la Constitution, surtout si c'est pour lui faire dire autre chose que ce qu'elle dit !
Quoi qu'il en soit, la Constitution reste ce qu'elle est et la loi organique est élaborée en application de la Constitution. Il est donc tout à fait inutile de le préciser. Ne prenez pas le risque de faire un contresens !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. Dreyfus-Schmidt vient de faire, me semble-t-il, un rappel utile.
On peut regretter la situation présente et vous connaissez mon vote personnel, je ne vais donc pas épiloguer ; mais, à partir du moment où le vote est acquis dans tous les pays signataires et où le traité entre en vigueur, il ne peut plus y avoir de clause de réciprocité !
De plus, monsieur Cabanel, ce n'est pas l'article 4 de la directive qui définit des conditions extrêmement souples pour l'interprétation de la notion de résidence, mais la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Ainsi, le 26 février 1976 - Commission contre République italienne - et le 14 février 1984 - Commission contre République fédérale d'Allemagne - la Cour a été tout à fait claire : « Ni la faute d'une institution communautaire ni le manquement d'un Etat membre ne peuvent justifier la violation par un autre Etat membre de ses obligations communautaires. Le retard éventuel pris par d'autres Etats membres dans l'exécution des obligations imposées par une règle communautaire ne saurait être invoqué par un Etat membre pour justifier l'inexécution, même temporaire, des obligations qui lui incombent. »
Tel est donc, me semble-t-il, le système dans lequel vous devez vous placer. Certains semblent découvrir les effets juridiques du traité de Maastricht. Mais le vin est tiré...
M. Guy Allouche. Il faut le boire !
M. Emmanuel Hamel. Nous ne le buvons pas !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est la jurisprudence antérieure !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur un débat juridique qui est quelque peu byzantin et dans lequel chacun peut développer son point de vue à l'infini, mais il faut quand même voir les choses avec bon sens et concrètement.
Le bon sens - nos concitoyens ont besoin de comprendre les lois ! - veut que, dans la mesure où nous ouvrons cette faculté à des Européens, les Etats d'origine de ces derniers nous l'ouvrent réciproquement et réellement, et non à travers des explications de texte raffinées. Ainsi, pour les Belges - le cas est moins vrai pour les Grecs - la situation va très vite se présenter ! Il nous faut donc légiférer aussi concrètement que possible, et il ne faut pas s'embarrasser indéfiniment de considérations juridiques. C'est un ancien élève de la faculté de droit qui le dit, le droit doit rester plein de bon sens. Votons donc des dispositions compréhensibles et acceptables !
Sans doute avez-vous eu raison, monsieur le ministre, de nous rappeler la jurisprudence et, même si je ne souscris pas à vos propos, j'admets très volontiers que votre thèse se défend. Mais que risquons-nous ? Un recours en manquement qui va durer trois ou quatre ans ? D'ici là, la transposition aura eu lieu en Belgique et en Grèce et, alors, le problème ne se posera plus !
En tout cas, pour ce qui concerne nos amis belges, si nous leur faisons sentir que nous sommes tout prêts à leur ouvrir ce droit - et nous en serions heureux car Dieu sait qu'ils jouent un rôle dans certaines régions de France - il faut qu'ils fassent de même de leur côté. Voilà qui ne pourra que les inciter à accélérer la transposition dans leur pays ! Incitons-les et, pour cela, posons ce principe de réciprocité qui, encore une fois, est un principe de bon sens.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je rappelle que j'ai été saisi d'une demande de vote par division sur l'amendent n° 3.
Je mets aux voix les premier et troisième alinéas de cet amendement.
(Ces textes sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le deuxième alinéa de l'amendement n° 3.
(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 227-1 du code électoral.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L.O. 227-2 DU CODE ÉLECTORAL