M. le président. « Art. 2 bis . _ Compte tenu du taux de chômage dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, des mesures d'application spécifiques de la présente loi, s'appuyant sur le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, seront déterminées par décret. »
Sur l'article, la parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Le projet de loi relatif à l'emploi des jeunes suscite dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon beaucoup d'espoirs, plus encore qu'en métropole.
Nos clignotants sont tous au rouge. On recense, en effet, 28 % de chômeurs en Guadeloupe et en Martinique, 41 % à la Réunion, qui compte au total 112 000 chômeurs, dont 26 000 de dix-huit à vingt-cinq ans, soit un taux de chômage des jeunes quatre fois plus important que le taux national !
A la Réunion encore, nous comptabilisons 5 000 diplômés chômeurs et, chaque année, 7 000 nouvelles offres d'emploi apparaissent.
Dans ce contexte difficile, les jeunes des départements d'outre-mer suivent avec attention et impatience nos débats, à l'Assemblée nationale et au Sénat.
En effet, lors des dernières campagnes électorales, beaucoup de promesses leur ont été faites.
Pourtant, depuis 100 jours, ces jeunes n'ont pas vu leur situation évoluer favorablement. Bien au contraire, pendant les vacances, un décret est venu diminuer les crédits votés par l'ancienne majorité pour ces départements de 231 millions de francs, 70 millions de francs de moins pour le logement social et 100 millions de francs de moins sur le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Et il faut ajouter que ces crédits sont alimentés par supplément local de TVA payé par les Domiens.
Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, l'illusion a encore été entretenue. On a alors annoncé aux jeunes de l'outre-mer que la loi tiendrait compte du taux exceptionnel de chômage des jeunes d'outre-mer, et cela avant même le vote en première lecture ! Le chiffre de 12 000 emplois-jeunes, pour 26 000 chômeurs, a même été avancé à la Réunion !
Qu'elle ne fut pas l'amère désillusion de nos jeunes à l'issue des débats à l'Assemblée nationale !
En effet, madame le ministre, vous avez refusé le principe du traitement spécifique du chômage outre-mer, principe pourtant adopté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui instaurait l'égalité des chances entre jeunes chômeurs de métropole et jeunes chômeurs des départements d'outre-mer.
Vous avez refusé, madame le ministre, l'amendement Bello, qui instaurait la non-fongibilité entre les fonds de la loi Perben et ceux des emplois-jeunes. Cela veut dire que, demain, les fonds Perben, encaissés sur les consommateurs d'outre-mer, pourraient être détournés vers le financement des emplois-jeunes, alors que la simple justice sociale supposerait au contraire un déploiement plus accentué des emplois-jeunes dans ces départements par rapport au reste du pays, compte tenu de la situation explosive qui règne outre-mer.
Vous avez refusé, madame le ministre, les amendements des députés qui souhaitaient une modification des règles de fonctionnement de l'Agence départementale d'insertion dans le sens d'une gestion plus souple, plus efficace, plus rapide des fonds à l'échelon local.
Alors, que reste-t-il en faveur de l'outre-mer ?
Un texte qui rend obligatoire le transit des fonds par le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, et ce par simple souci de présentation du budget des départements d'outre-mer pour 1998.
En effet, grâce à cet artifice de présentation, les fonds FEDOM transitent par le budget des départements d'outre-mer et non par celui du ministère de l'emploi. On peut donc annoncer une progression de 7 % du budget des DOM pour l'année prochaine, alors que la vérité est tout autre : hors emplois-jeunes, ce budget n'augmentera que de 2 % et le nombre d'emplois-jeunes pour les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon ne s'élève qu'à 3 260, chiffre qui tient compte du seul critère de population mais nullement du taux de chômage des jeunes.
La colère gronde dans nos îles ! Des mairies - de gauche pour le moment - sont occupées par des jeunes révoltés par les promesses non tenues de ceux qui ont gagné les élections. Des violences, qu'on doit condamner mais qu'on doit aussi comprendre, ont eu lieu la semaine dernière à Saint-Denis, d'autres sont à craindre, qui ont justifié l'arrivée à la Réunion, samedi dernier, d'un escadron de gendarmes mobiles en provenance de Belfort. A défaut de travail, nos jeunes auront droit à la matraque !
Il est donc nécessaire que le Gouvernement modifie son comportement vis-à-vis des jeunes de l'outre-mer !
Madame le ministre, comme je l'ai demandé au secrétaire d'Etat à l'outre-mer, la situation particulière des départements d'outre-mer mérite un plan spécifique d'éradication du chômage des jeunes. En effet, les difficultés des départements d'outre-mer n'ont rien de commun avec la situation métropolitaine : chez nous, le chômage des jeunes augmente et atteint, à la Réunion, je le répète, quatre fois le taux métropolitain. En métropole, le chiffre des jeunes chômeurs a diminué de 400 000 en six ans, pour se situer aujourd'hui à moins de 600 000. Seulement, si je puis dire !
Ce plan spécifique ne saurait faire l'impasse sur la nécessité d'orienter les crédits disponibles vers le secteur marchand, qui seul peut prendre en charge, en particulier dans les départements d'outre-mer, l'insertion véritable dans des activités pérennes.
Ce plan devra faire l'objet d'une consultation préalable des collectivités locales, procédure qui a été négligée dans la présente loi.
Pour en revenir au projet de loi que vous nous présentez, madame le ministre, sa rédaction actuelle ne nous permet pas de soulager sensiblement le chômage des jeunes de l'outre-mer.
En effet, compte tenu de notre insularité, nous n'aurons pas accès aux embauches des grandes entreprises nationales telles que la SNCF, la RATP, Air France et des grandes entreprises privées chargées d'un service public.
Outre-mer, les collectivités locales ne pourront pas faire face à leur quote-part de 20 % sans augmentation insupportable des impôts locaux. Pour la seule île de la Réunion, en effet, la part des collectivités locales serait - si l'on respecte l'égalité des chances entre les jeunes Réunionnais et les jeunes Métropolitains - de 275 millions de francs, ce qui représenterait 125 % de hausse de la taxe d'habitation et de la taxe foncière non bâtie !
Avec M. Lagourgue, qui m'a demandé d'intervenir en son nom, j'approuve les conclusions de la commission des affaires sociales, qui a présenté des amendements pour améliorer la qualité et l'efficacité de la loi.
Toutefois, avec Mme Michaux-Chevry, MM. Lagourgue et Reux ainsi, je l'espère, qu'avec le soutien de M. le rapporteur, je défends un amendement de suppression de l'article 2 bis pour que le droit commun soit applicable dans nos régions ultra-marines.
Nous estimons, en effet, que cet article 2 bis est inutile et dangereux, pour trois raisons.
Tout d'abord, il allonge le processus d'instruction et de décision, en rendant possible, voire inévitable, le transit des fonds par le FEDOM.
Ensuite, il peut permettre, à cause de la fongibilité des fonds FEDOM, un détournement des fonds Perben vers le financement des emplois-jeunes.
Enfin, il retarde fortement la date d'application de la loi outre-mer. Et cela n'est pas envisageable pour des raisons d'ordre public. Je vous rappelle que la situation est très tendue outre-mer et qu'un traitement différencié entre jeunes de métropole et jeunes des départements d'outre-mer entraînera de nouveaux troubles, aux conséquences lourdes pour nos territoires.
Si nous passons par le FEDOM, un décret d'application devra être pris, après consultation des cinq conseils généraux.
Il faut appliquer ce projet de loi en outre-mer et supprimer cet article 2 bis, il faut appliquer le droit commun dans les départements d'outre-mer sinon une consultation des cinq conseils généraux est obligatoire préalablement à la saisine du Conseil d'Etat et à la parution du décret.
Seule l'application des règles de droit commun nous permettra d'aller plus vite peut-être et d'éviter des troubles. Elle seule bloquera toute tentation de faire financer ces emplois par des fonds destinés à un autre usage.
De plus, que nous apportera un décret d'application, sinon du retard ? En effet, madame le ministre, vous avez déclaré refuser de fixer des quotas qui tiendraient compte de l'importance relative du chômage en outre-mer, en précisant que les crédits seront débloqués en fonction de la qualité des projets, ce qui sera, je pense, la règle sur l'ensemble du territoire français.
Je remercie mes collègues de bien vouloir adopter cet amendement de suppression.
Madame le ministre, je voterai le projet de loi avec les modifications proposées par la commission des affaires sociales, tout en étant convaincu de son inadaptation aux besoins de l'outre-mer, qui sont d'un autre ordre.
Je crains que ces mesures, qui partent d'une louable intention, n'aboutissent en fait qu'à augmenter la détresse des jeunes qui auront vite le sentiment d'avoir été abusés par de beaux discours et d'être abandonnés au bord de la route. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur Lauret, puis-je considérer que vous avez d'ores et déjà présenté votre amendement n° 59 ?
M. Edouard Lauret. Oui, monsieur le président.
M. le président. Toujours sur l'article 2 bis, la parole est maintenant à M. Lise.
M. Claude Lise. L'article 2 bis a au moins un mérite à mes yeux : il repose sur la reconnaissance d'une situation particulière dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour cette raison, je ne peux pas suivre mon collègue Edmond Lauret, même si je partage son désir de voir pris en compte le particularisme des départements d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
De plus, je ne vois pas en quoi la suppression de l'article 2 bis , qui reconnaît précisément un certain nombre des particularités à prendre en compte, pourrait améliorer la situation.
Madame le ministre, j'aurais préféré, c'est vrai, que les dispositions rendues nécessaires par la situation particulière des départements d'outre-mer soient inscrites dans la loi, comme d'ailleurs tous les élus de ces départements. Toutefois, puisqu'un décret est prévu, je ne peux qu'attirer votre attention sur ce qui doit, à mon sens, vous guider pour sa rédaction.
Premièrement, ce décret doit garantir la non-fongibilité des crédits au sein du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. J'aimerais que vous nous donniez des assurances à ce sujet. Sur ce point, en effet, je rejoins mes collègues de la majorité sénatoriale : nous ne pouvons pas laisser les crédits affectés à l'emploi des jeunes se perdre dans les crédits affectés à d'autres usages au sein du FEDOM.
Deuxièmement - et c'est encore plus important - ce décret doit assurer un élargissement des possibilités offertes par l'article 1er sexies en matière d'imputation de la contribution des conseils généraux des départements d'outre-mer sur les crédits d'insertion.
Cet article réserve cette possibilité au seuls RMIstes de la métropole. Cela nous pose un problème car, je l'ai dit dans mon intervention, nous devons prendre en charge une masse de jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans qui ne sont pas RMIstes. Ces jeunes ont souvent au moins un CAP ou un BEP. En Martinique, ce sont en effet au moins huit jeunes sur dix qui ont un CAP. Nous avons donc précisément besoin de les intégrer au dispositif en question.
Or, je l'ai expliqué tout à l'heure, les conseils généraux ont déjà des charges considérables : les crédits à inscrire obligatoirement à leur budget pour l'insertion sont très importants. De plus, ils devront aider les utilisateurs d'emplois-jeunes.
Dans le même temps, les agences d'insertion ne parviennent pas à consommer la totalité des crédits que les conseils généraux sont obligés de leur verser : elles ont donc accumulé des excédents de 120 millions de francs en Martinique, d'environ 90 millions de francs à la Réunion. Pour les quatre DOM, ce sont entre 300 et 400 millions de francs qui sont gelés !
Nous pensons donc qu'il faut permettre aux conseils généraux des DOM - je précise bien des DOM - d'utiliser un pourcentage - je ne dis pas la totalité - des crédits que ces conseils généraux continueront à verser aux agences d'insertion.
L'objectif est précisément d'aider ces conseils généraux à aller aussi loin qu'ils le souhaitent dans la mise en oeuvre du dispositif emplois-jeunes. On me rétorquera que pas un centime destiné aux RMIstes ne doit aller à des non-RMIstes. J'ai eu ce même débat il y a quelques années avec le délégué interministériel au revenu minimum d'insertion. C'est grâce à un arbitrage du Premier ministre de l'époque, Michel Rocard, à propos des logements sociaux que nous avions pu, dans les DOM, faire du surfinancement de logements locatifs très sociaux.
Il y a donc un précédent : nous utilisons déjà des crédits d'insertion pour faire des logements sociaux, et comme il n'est pas question de créer des ghettos, on n'y trouve pas que des RMIstes. Nous pouvons donc réclamer qu'une partie de ces crédits servent à des non-RMIstes, mais à des non-RMIstes qui deviendront des RMIstes une fois qu'ils auront atteint l'âge requis. Il s'agit donc de la même population, et c'est sur cela que se fonde notre demande.
Je souhaite donc, madame le ministre, que vous nous rassuriez sur l'esprit dans lequel le décret sera rédigé, car mieux vaut un décret d'application pour précisément inscrire notre spécificité que la suppression de l'article 2 bis.
Je souhaite aussi que vous nous donniez l'assurance que notre demande est bien comprise et, surtout, que vous êtes convaincue de notre volonté de voir réussir votre plan outre-mer.
M. le président. Sur l'article 2 bis , je suis saisi des deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 59, M. Lauret, Mme Michaux-Chevry, MM. Lagourgue et Reux proposent de supprimer cet article.
M. Lauret a déjà défendu cet amendement en s'exprimant sur l'article.
Par amendement n° 21, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 2 bis :
« Dans le respect des principes mis en oeuvre en métropole, les modalités particulières d'application de la présente loi aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 21 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 59.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 21 de la commission est partiellement d'ordre rédactionnel. Il ne fait pas mention expresse du FEDOM. Il reprend une rédaction inspirée de la rédaction de l'article 51 de la loi de 1988 relative au RMI.
S'agissant de l'amendement n° 59, j'y suis très sensible. En effet, ayant des attaches familiales sur l'île Bourbon, je suis ce qui s'y passe. J'ai encore reçu ce soir deux fax sur les événements qui se sont produits dernièrement.
Je comprends bien, tout comme la commission, les difficultés qui sont celles de nos collègues. Pour autant, bien évidemment, nous n'ignorons pas celles des élus de la Guadeloupe et de la Martinique.
Avant de nous prononcer sur cet amendement n° 59, nous souhaitons entendre l'avis du Gouvernement.
Toutefois, la commission vous fait savoir qu'elle est prête à retirer son amendement n° 21 au bénéfice du vôtre si tel était votre souhait, monsieur le sénateur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 59 et 21 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dois dire que je ne comprends pas très bien ce souci de voir supprimer l'article 2 bis.
Cet article a été rédigé à la demande des députés des départements d'outre-mer - je ne peux pas dire à l'unanimité, mais je crois tout de même les avoir tous rencontrés - au sujet d'un dispositif financier concernant les DOM, je veux parler du FEDOM, mis en place par M. Perben.
Tous les députés des DOM nous ont dit qu'ils ne voulaient pas de traitement différencié. Sur ce point, nous sommes d'accord : nous voulons appliquer ce projet de loi de la même manière à l'ensemble des DOM. Nous savons - M. le rapporteur vient de le rappeler - que les jeunes l'attendent et combien, malheureusement, cette attente est désespérée ; certains événements violents le prouvent.
Hier matin, le président du conseil général de la Réunion m'a dit, tout comme les députés, qu'il fallait agir vite. Or, pour cela, il nous a semblé qu'il fallait utiliser les circuits appropriés, notamment ceux qui ont été mis en place par la loi Perben et, en l'occurrence, le FEDOM.
Pour les mêmes raisons que celles que vous avez évoquées, monsieur le sénateur, nous ne souhaitons pas la fongibilité des crédits regroupés dans le FEDOM. En effet, je l'ai dit dans la discussion générale, les emplois que nous voulons proposer aux jeunes des DOM vont, peut-être pour la première fois, être non pas des dispositifs d'assistance, des petits boulots ou des emplois précaires, mais bien de vrais emplois qui aideront à valoriser les départements d'outre-mer.
J'ai donc demandé - et M. Queyranne en est d'accord - la non-fongibilité de ces crédits au sein du FEDOM. J'ai également demandé qu'il soit possible de vérifier étape par étape, pour chaque bloc de crédits - d'où l'affectation des 300 premiers millions de francs - qu'il s'agit bien de nouvelles activités, de nouveaux besoins, cela conformément aux conditions posées dans ce projet de loi.
C'est exactement ce qui figurera dans le décret : il y sera bien précisé que notre action passe par le FEDOM et que les crédits ne sont pas fongibles.
Ce décret doit être pris très vite - je ne souhaite donc pas, monsieur le rapporteur, qu'il s'agisse d'un décret en Conseil d'Etat - et il sera publié dans les heures qui suivront la promulgation de la loi. Nous respectons la Constitution et nous ferons figurer dans le décret ce qui est d'ordre réglementaire.
C'est donc dans un souci d'efficacité que nous avons souhaité utiliser le FEDOM, et cela, je le rappelle, à la demande d'une grande majorité de députés des départements d'outre-mer.
Pour ma part, je suis convaincue que ce programme peut être une chance pour les jeunes des départements d'outre-mer. Je souhaite donc que nous puissions l'appliquer rapidement.
Vous avez dit, monsieur le sénateur, que j'avais refusé un grand nombre d'amendements. Je ne vois pas de quels amendements vous voulez parler, à l'exception de l'un d'eux que j'ai refusé parce qu'il prévoyait un pourcentage du nombre d'emplois total réservé aux départements d'outre-mer en fonction du taux de chômage des jeunes de ces départements. Je l'ai refusé parce que nous ne sommes pas dans une logique quantitative ; nous sommes dans une logique qui privilégie l'intérêt des projets.
Si les départements d'outre-mer nous présentent des projets qui correspondent à l'esprit de ce texte et qui vont au-delà de leur pourcentage, ils bénéficieront de crédits plus importants que ceux que nous leur aurions affectés en tout état de cause.
Je le dis comme je le pense : les départements d'outre-mer ont été trop assistés. Or, ce que veulent maintenant leurs habitants, c'est être reconnus dignes et citoyens, c'est-à-dire avoir de vrais métiers et pouvoir gagner leur vie correctement, sans attendre une assistance financière venue de métropole. Ce projet peut les y aider. C'est la raison pour laquelle il est extrêmement important que cet article subsiste dans ce projet afin qu'il soit applicable très vite.
J'ajoute qu'à la demande du président du conseil général et des députés de la Réunion une mission se rendra sur place dès le début du mois de novembre pour analyser ces projets et aider à leur élaboration. Un membre de mon cabinet s'occupe de la mobilisation autour de ces projets. Il accompagnera M. Queyranne et Mme Demessine à la Réunion début novembre. Il n'y aura donc pas de temps perdu.
Nous souhaitons le sérieux de ces projets et nous voulons dépasser très largement les 300 millions de francs d'ores et déjà affectés au FEDOM pour redonner de l'espoir aux jeunes qui attendent - je partage là votre point de vue - dans la désespérance.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 21. En effet, faire passer le décret en Conseil d'Etat - ce que le droit n'impose pas - impliquerait des délais complémentaires non justifiés, ce dont j'ai fait part à l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 59 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
Quant nous, nous serions d'accord, madame le ministre, pour rectifier l'amendement n° 21 afin de supprimer la mention « en Conseil d'Etat », si cela pouvait aider à clarifier la situation.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'important étant que nous soyons d'accord sur le fond et que l'article 2 bis subsiste, car il sera la base de notre action dans les départements d'outre-mer, je m'en remets en tout état de cause à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 21.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 59.
M. Paul Vergès. Je demande la parole contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Notre collègue Edmond Lauret a analysé la gravité de la situation à la Réunion et a souligné la nécessité de prendre rapidement des mesures. Ses propos rejoignent ceux qui ont été tenus ici même sur d'autres travées.
C'est dans cet esprit que tous les députés de la Réunion sans exception, toutes tendances confondues, ont déposé un amendement qui a été cosigné par d'autres députés des Antilles. Par cet amendement, ils demandaient d'abord, que soit pris en compte le taux de chômage d'abord qui est, dans nos îles, plus important qu'en métropole.
Le Gouvernement a répondu à l'Assemblée nationale et au Sénat qu'il n'y avait pas de proportionnalité et qu'une réponse serait donnée à tous les projets qui seront présentés. C'est pourquoi les élus de la Réunion demandent que soient expertisés et validés le plus rapidement possible tous les projets des chômeurs, car nous espérons aller au-delà de cette proportionnalité. Nous avons donc satisfaction.
Notre collègue M. Lauret demande que des mesures soient prises rapidement. Le FEDOM est une structure qui existe dans les DOM et donc à la Réunion, mais non dans les départements métropolitains. Il était logique que tous les députés demandent que cette structure existante créée par la loi Perben, comme l'a rappelé notre collègue, joue immédiatement son rôle pour les emplois-jeunes et serve à financer le plus rapidement possible les projets.
Les députés ont demandé en plus qu'il n'y ait pas de fongibilité entre les crédits.
Nous souhaitons, sur tous les autres aspects, la même application des dispositions qu'en métropole.
A entendre notre collègue, les réponses de Mme le ministre, et à lire les débats de l'Assemblée nationale, nous avons entière satisfaction, vous et moi.
Si l'on a recours à un décret en Conseil d'Etat, il est certain qu'il devra être examiné, vous l'avez rappelé, par tous les conseils généraux. A ce moment-là, c'est non pas d'ici à la fin de l'année que nous pouvons espérer l'application des mesures, mais l'année prochaine ! Or ce n'est pas ce que vous recherchez.
Tout le monde a entendu votre message : pas de fongibilité, application du droit commun, rapidité des actions. Si nous sommes tous d'accord, je pense que vous allez faire un geste, et toute la Réunion l'appréciera : ayant reçu satisfaction par le biais des réponses qui vous ont été apportées, vous retirerez votre amendement pour permettre que des aides aillent le plus vite possible à la Réunion, selon ce que vous avez demandé.
M. Edmond Lauret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Nous sommes d'accord sur l'analyse, mais l'expérience montre que, si nous passons par le FEDOM, la procédure sera plus longue. C'est pourquoi je maintiens mon amendement. Ce que nous voulons, c'est le droit commun.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Madame le ministre, si vous aviez respecté les dispositions de la loi de 1982, qui faisait obligation au Gouvernement de nous consulter avant de soumettre au Parlement un texte intéressant les départements d'outre-mer, nous ne serions pas aujourd'hui confrontés à ces difficultés.
Vous nous affirmez que, aussitôt la loi votée, sera pris un décret qui fixera les modalités de son application aux départements d'outre-mer. Fort bien !
Cependant, quand vous faites état du FEDOM, je dis : attention ! Il se trouve que je siège au conseil d'administration du FEDOM. La loi qui a créé le FEDOM a donné lieu à un décret qui a fixé de façon limitative le champ d'intervention du FEDOM. Le FEDOM doit assumer un certain nombre de dépenses, mais rien n'est prévu pour ce qui ressortira au texte que nous examinons.
Voilà pourquoi, madame le ministre, vous aviez l'obligation de nous consulter en vue d'une modification des missions du FEDOM, puis de l'élaboration d'un texte d'adaptation aux départements d'outre-mer.
Cela dit, toutes les lois n'exigent pas une adaptation.
En vérité, nous ne pourrions retirer cet amendement que si le Gouvernement s'engageait tout de suite à saisir nos collectivités, afin que nous puissions faire savoir, à travers nos avis, ce que nous voulons voir apparaître dans le décret.
En effet, mes chers collègues, les décrets ont toujours transformé, dans un sens restrictif, les lois généreuses pour les départements d'outre-mer que vous votez ici, et cela quel que soit le gouvernement en place.
Ce qui, à mes yeux, pose un problème, c'est que ce texte prévoit l'intervention du FEDOM, alors que la loi sur le FEDOM ne permet pas d'intégrer le dispositif financier prévu dans ce cadre.
Dès lors, le dispositif qui est proposé ne pourra pas être étendu aux départements d'outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé la suppression de cet article : afin de rendre la loi applicable ipso facto aux départements d'outre-mer. A ce moment-là, le Gouvernement peut modifier son décret relatif au FEDOM et y faire entrer les fonds de l'emploi. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Rien dans la loi n'impose une consultation pour ajouter au FEDOM un dispositif qui ne modifie pas ses objectifs.
Lorsqu'on a créé les CIE ou les CIA, les conseils généraux n'ont pas été consultés. Le FEDOM est un fonds d'emploi pour les départements d'outre-mer et, dès lors, chaque fois qu'un dispositif pour l'emploi est créé, il s'intègre à ce fonds.
J'ajoute que le loi Perben permet de faire en sorte que l'ensemble des dispositifs s'inscrivent dans le FEDOM. Ce que nous souhaitons, pour notre part, c'est précisément qu'il n'y ait pas fongibilité, afin que l'on puisse contrôler que le dispositif s'applique bien selon l'esprit dans lequel il a été institué.
Madame Michaux-Chevry, si nous devions vous suivre, dans un an, les départements d'outre-mer attendraient toujours l'application de ce texte. Je le sais parce que j'ai l'expérience du texte de 1982. Chaque fois qu'on a voulu attendre l'avis des conseils généraux des départements d'outre-mer sur un texte, on a perdu un an !
Eh bien, moi, je considère que, dans ces départements, la situation de l'emploi et particulièrement le problème du chômage des jeunes nous interdisent d'attendre un an !
Tout dans la loi permet aujourd'hui de passer par le FEDOM. Il y aura une non-fongibilité pour éviter que ces fonds soient utilisés à d'autres fins, et nous y veillerons. Mon collègue, le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, et moi-même ferons partie du comité de suivi. Mes services seront sur place dès le début du mois de novembre.
Je vous donne rendez-vous dans six mois. Il y aura déjà beaucoup d'emplois, beaucoup de projets sérieux et, j'en suis convaincue, beaucoup d'espoir dans les départements d'outre-mer.
Mme Lucette Michaux-Chevry. La rigidité n'est pas, madame, signe d'intelligence !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par le Gouvernement, et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est supprimé et l'amendement n° 21 n'a plus d'objet.
Article 3