M. le président. Par amendement n° 20 rectifié, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 2 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Pour développer des activités répondant à des besoins non satisfaits, l'Etat peut, à titre exceptionnel et jusqu'au 31 décembre 1999, faire appel à des agents âgés de dix-huit à trente ans, recrutés en qualité de contractuels de droit public pour une période maximale de cinq ans non renouvelable pour exercer des missions auprès des fonctionnaires des ministères de l'éducation nationale ou de la justice. Ces emplois sont financés en totalité par l'Etat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il définit notamment les missions de ces agents qui ne peuvent s'apparenter à celles qui relèvent, de par leur nature, des emplois occupés par des fonctionnaires titulaires, ainsi que les conditions d'évaluation des activités concernées. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 115 rectifié, présenté par M. Gournac et les membres du groupe du RPR, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 20 rectifié, à remplacer les mots : « des ministères de l'éducation nationale ou de la justice » par les mots : « du ministère de l'éducation nationale ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 20 rectifié.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit ici du recrutement des fonctionnaires des ministères de l'éducation nationale ou de la justice.
Le contrat de droit public apparaît à cet égard comme une clarification tant juridique que financière, puisqu'il sera financé à 100 % par l'Etat.
Je propose d'ajouter deux précisions afin d'éviter toute dérive dont les ministres concernés ne semblent pas soucieux de se prémunir.
Premièrement, et conformément au principe de la fonction publique qui précise que les emplois d'auxiliaires ne peuvent être créés que pour des emplois temporaires, je propose de limiter dans le temps le recours à de tels contrats.
Le Gouvernement soutient que ces nouvelles activités devraient être vouées à réjoindre la fonction publique si elles correspondent à de véritables nécessités. Rien ne justifie donc un recrutement banalisé sous statut contractuel. A l'horizon de cinq ans, les métiers utiles devraient être intégrés dans les concours.
Il m'a donc paru nécessaire de préciser que le recours à ces contrats de droit public était exceptionnel et limité au 31 décembre 1999.
La seconde précision est en quelque sorte la conséquence de la première. Si les emplois créés par ces deux ministères sont nouveaux, ils ne peuvent en aucun cas s'apparenter aux emplois occupés par des fonctionnaires titulaires. Il est important de le rappeler ; notre commission est en effet attachée au respect des grands principes de la fonction publique.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 115 rectifié.
M. Alain Gournac. L'amendement de la commission prévoit l'embauche de jeunes sans formation spécifique et sans que soit organisé leur accueil au sein des services du ministère de la justice.
Or le ministère de la justice a besoin de fonctionnaires pour des tâches d'exécution, la plupart des syndicats du ministère que nous avons auditionnés nous l'ont dit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 115 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ce sous-amendement semble satisfait par l'amendement n° 20 tel qu'il a été rectifié, puisqu'il ne fait plus désormais référence aux adjoints de justice.
M. le président. Monsieur Gournac, votre sous-amendement est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 115 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 20 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement.
Je crois avoir expliqué tout à l'heure combien il est utile pour des tâches régaliennes comme les tâches de la sécurité, des tâches de police, de maintien de l'ordre, que des dispositions spécifiques s'appliquent et notamment que les contrats soient de droit public.
S'agissant des fonctions qui participeraient, par exemple, à la médiation de justice - non pas celle de médiateurs de justice, ces derniers étant des juges d'instruction, mais des fonctions équivalentes à celles d'adjoints d'éducation, prévues par le ministère de l'éducation nationale - et qui répondraient à l'émergence de besoins nouveaux, elles ne devraient pas pour autant relever obligatoirement du statut de la fonction publique.
Peut-être, dans deux, trois, ou quatre ans, considérerons-nous que certains de ces emplois doivent être intégrés au statut de la fonction publique, et il faudra alors, effectivement, les intégrer, prévoir des concours publics. Aujourd'hui, nous n'estimons pas que ces emplois, dans leur grande majorité, contrairement à ce qui est le cas pour les auxiliaires de police, doivent devenir des emplois publics. Aussi, nous ne voyons pas l'intérêt de placer dès maintenant ces personnes sous statut de contractuels de droit public. C'est pourquoi nous sommes opposés à l'amendement n° 20 rectifié.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Il faut bien que, de temps en temps, il y ait désaccord entre le Gouvernement et la commission ! Cette dernière estime que les arguments qui sont valables pour les fonctions de police le sont également pour les fonctions d'éducation et de justice.
Le Sénat ne souhaite pas que les collectivités locales viennent au secours du ministère de l'éducation nationale ou du ministère de la justice pour créer des emplois « intermédiaires ».
Nous avons mis en place un système d'emplois pour les jeunes pour des métiers nouveaux et dans un cadre associatif, dans les collectivités locales notamment. A partir du moment où l'Etat annonce - malheureusement, il a un peu précédé le vote du Parlement, et même le dépôt du texte devant le Parlement - qu'il va recruter, il recrute, il paie : ce sont des contractuels de droit public.
Ainsi, la frontière est bien délimitée entre, d'une part, les emplois-jeunes, qui entraîneront une coopération entre l'Etat et les collectivités locales, et, d'autre part, les emplois qui bénéficieront d'un statut de droit public.
Si nous ne plaçons pas une frontière nette entre les deux, nous risquons de nous heurter à de grandes difficultés ; dans quelque temps, on viendra mendier auprès des collectivités territoriales non pas pour financer des emplois futurs mais pour prendre en charge le coût d'emplois fondamentaux dans ces deux ministères.
Cet amendement, tout à fait cohérent avec la position globale de la commission sur ce texte, est très important, en ce qu'il précise clairement la frontière, même si des espoirs sont nés alors que le Parlement n'avait pas encore été consulté. Ainsi certains seront-ils peut-être désormais conduits à penser qu'il vaut mieux d'abord discuter avec le Parlement plutôt que de se lancer sans concertation dans des opérations difficiles à financer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20 rectifié.
M. Jean Delaneau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Cet amendement est effectivement très important, tant par ce qu'il dispose que par ce qu'il suppose.
Si vous dites, madame le ministre, que des emplois actuellement créés par l'éducation nationale sans concertation aucune ni avec les maires ni avec les présidents de conseil général, et qui aboutissent à affecter des personnels à un certain nombre d'établissements, seront pris en charge à 100 % à la fois par votre budget, à hauteur de 80 %, et par le budget de l'éducation nationale, à hauteur de 20 %, ce sera susceptible de calmer certaines de nos inquiétudes.
Mais, au vu de la circulaire de M. Allègre, on s'aperçoit que sont prévus, pour l'instant, des recrutements de deux mois en deux mois, et que l'on verra, en fonction du texte qui résultera des travaux du Parlement, ce qu'il adviendra du sort de ces jeunes.
Mon inquiétude est également celle de tous les élus qu'ils soient maires ou présidents de conseil général et quelle que soit leur orientation politique.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je rappelle au Sénat ce que j'ai sans doute déjà indiqué au cours de ce débat : auprès de l'éducation nationale, il existe deux types d'emplois.
Les uns visent à remplir des fonctions d'assistance des enseignants à l'intérieur de l'école. Pour ceux-là, parce que les activité sont exercées à l'intérieur de l'école, en contact avec les enfants, le ministère de l'éducation nationale a souhaité instituer une procédure particulière de contrôle spécifique des candidats, qui donne lieu au recrutement par les recteurs de 40 000 jeunes.
Comme je l'ai indiqué, tant que la loi n'est pas votée, ces jeunes sont embauchés sous contrat à durée déterminée, payés à 100 % par l'éducation nationale. Ils entreront dans le dispositif, selon les modalités décidées par le Parlement, une fois que la loi sera votée. Ils continueront alors à être financés à 100 % par l'Etat, 80 % sur le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité et 20 % sur celui du ministère de l'éducation nationale.
Nous examinerons les fonctions qui pourront être pérennisées dans le secteur public et celles qui relèveront du secteur associatif extérieur à l'école.
Mais il est un second domaine, celui du périscolaire, que tous élus connaissent bien, qui est financé en partie par les collectivités locales. Ces dernières recevront une aide complémentaire de l'Etat, puisque l'Etat apportera désormais 80 % du financement.
Ce domaine correspond précisément au système que nous sommes en train d'élaborer avec les préfets par le biais de contrats d'objectif conclus avec les élus.
Je répète : les 40 000 jeunes embauchés aujourd'hui par les rectorats sont recrutés directement par l'éducation nationale, qui en assume la charge à 100 %, avec des contrats spécifiques. Ces emplois seront transférés sur les contrats que nous sommes en train de mettre en place, mais ils resteront financés à 100 % par l'Etat, à savoir 80 % par le ministère de l'emploi et de la solidarité et 20 % par le ministère de l'éducation nationale. Dès que la loi sera votée, ils entreront dans le nouveau système, et ce pour cinq ans.
C'est à nous qu'il reviendra d'apprécier, pendant cette période, ce qu'il doit advenir de ces fonctions. Sont-elles utiles, apportent-elles un plus à la fonction éducative qui relève de l'Etat ou, au contraire, à la fonction éducative au sens large, qui peut relever, par exemple, des associations ?
Par exemple, des expériences ont été menées par le Gouvernement précédent sur l'aménagement du temps de l'enfant. Nous poursuivrons dans cette voie pour distinguer ce qui relève de l'éducation nationale ou des associations culturelles ou sportives, par exemple. Nous devons expérimenter.
Pour ce qui concerne les activités exercées à l'intérieur de l'école, elles ne coûteront rien aux collectivités locales pendant cette période, je le réaffirme.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Madame le ministre, je souhaite vous poser quelques questions précises quant à ces emplois.
Tout d'abord, qui embauche ces jeunes ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce sont les collèges.
M. Louis Souvet, rapporteur. Ce sont donc les chefs d'établissement qui embauchent. Mais sur quelle base ? Est-ce sur la base d'un projet ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, bien sûr !
M. Louis Souvet, rapporteur. Ces embauches passeront donc par le préfet, de la même manière que les autres emplois créés ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui.
M. Louis Souvet, rapporteur. Qui donnera l'accord ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce sera également le préfet.
M. Louis Souvet, rapporteur. Ces emplois échapperont-ils à l'autre régime ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, le décret, dont je vous ai confié le projet qui évolue au fur et à mesure de nos discussions, le précise explicitement.
Il nous semble que, pour les tâches exercées à l'intérieur de l'école, il est bon de préserver une certaine homogénéité, il faut que les recteurs prennent connaissance des projets qui peuvent être mis en place. Mais ce sont les principaux de collèges - les collèges étant des établissements publics - qui peuvent, au sens de la loi, embaucher des jeunes de la catégorie de ceux dont nous examinons le cas actuellement, élaborer les projets, les présenter aux recteurs, ces derniers veillant à assurer une certaine harmonie sur l'ensemble du territoire. Ensuite, les jeunes ainsi embauchés seront « salariés » des établissements publics que sont les collèges. Leur employeur sera le principal de collège, qu'ils travaillent dans les collèges ou dans les écoles élémentaires qui se situent dans la circonscription de ces collèges.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 2 bis.
Article 2 bis