M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur les difficultés rencontrées par les conseils d'administration des hôpitaux franciliens pour préparer les budgets hospitaliers de 1998 et l'établissement des orientations budgétaires.
L'absence de directives nouvelles sur la présentation du rapport d'orientation budgétaire prévu par la loi hospitalière - article L. 71-466 du code de la santé publique - et obligatoire depuis 1992 conduit les conseils d'administration à travailler en s'appuyant sur la circulaire ministérielle du 10 mai 1994 fondée sur la définition des objectifs suivants : application du projet d'établissement, prévisions d'activités, présentation des objectifs 1998.
Elle lui rappelle que les conseils d'administration rencontrent des difficultés importantes pour établir ce rapport compte tenu du taux négatif de dotation, attribué en 1997, ayant nécessité des mesures drastiques et immédiates afin d'éviter tout dérapage financier important.
Elle lui demande quelles directives et quels moyens financiers il envisage pour permettre aux conseils d'administration des hôpitaux franciliens de préparer les orientations budgétaires de 1998.
Elle lui demande enfin de lui préciser les mesures de rétablissement à un taux positif des dotations pour les hôpitaux franciliens. (N° 16.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Elle avait été posée le 30 juin dernier, mais elle est d'actualité. En effet, ces jours-ci, les conseils d'administration des centres hospitaliers se réunissent pour examiner leur projet de budget pour 1998, la mise en forme de leurs projets nouveaux, l'établissement des tableaux d'effectifs médicaux et non médicaux.
L'inquiétude est grande car, pour les hôpitaux franciliens, la diminution de la dotation de l'an dernier avait provoqué un véritable traumatisme, avec des suppressions de lits, de services, des remises en cause des acquis, des remplacements, du droit aux vacances des personnels, et le report de nombreux projets nouveaux.
Cette année, monsieur le secrétaire d'Etat, vous annoncez une hausse de la dotation de 2,2 %. Même si j'apprécie bien sûr qu'il y ait une augmentation, je dois néanmoins constater que, l'an dernier, alors que la hausse s'élevait à 1,2 %, la répartition s'était traduite pour les hôpitaux franciliens par une diminution de 0,8 %. Quelle sera, en 1998, la répartition de cette dotation pour ces établissements ?
Vous avez affirmé que cette décision de majoration de 2,2 % était nécessaire pour réagir contre l'asphyxie des hôpitaux.
A ce propos, je vous pose la question essentielle : pensez-vous que ce taux de 2,2 % soit suffisant pour assurer une reconduction des moyens et pour amorcer un rattrapage au titre de 1997 ?
Actuellement, les propositions de budget par hôpital sur la base des besoins réels établis par les établissements se traduisent souvent par une augmentation bien supérieure à 2,2 %.
Je voudrais donc vous poser les questions que soulèvent actuellement les administrateurs des hôpitaux franciliens.
Premièrement, l'assistance publique est-elle concernée par les taux annoncés ?
Deuxièmement, prévoyez-vous un rattrapage entre le centre de la région et la périphérie francilienne ?
Troisièmement, des inégalités fortes subsistent en psychiatrie pour les départements du Val-d'Oise et de la Seine-et-Marne. Seront-elles prises en considération ?
Quatrièmement, prévoyez-vous toujours la modulation des budgets suivant une valeur du point ISA au niveau national de 15 francs, alors que cet alignement se traduirait par 10 000 suppressions d'emplois ?
Cinquièmement, pouvez-vous, dans un souci de transparence, nous faire connaître l'utilisation des fonds dont les hôpitaux franciliens ont été privés en 1997, soit un pourcentage de 0,8 % ? Des incertitudes subsistent sur les transferts de ces crédits qui ont dû être attribués aux hôpitaux de province.
Pour résumer, monsieur le sécrétaire d'Etat, pensez-vous qu'avec seulement 2,2 % d'augmentation on puisse répondre tout à la fois aux besoins de santé des Français en général et à ceux des Franciliens en particulier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame le sénateur, cette question est importante et il convient d'y répondre en apportant le plus de précisions possible.
Comme vous l'avez souligné vous-même, une augmentation de 2,2 % est préférable à une hausse de 1,2 %. Cela sera-t-il suffisant ?
L'Ile-de-France n'est pas la France entière ; il convient de balancer entre les besoins de santé de nos concitoyens dans les diverses régions. C'est ce que Martine Aubry et moi-même tentons d'apprécier au plus vite, après avoir relancé en particulier les schémas d'organisation sanitaire, qui sont des outils à la fois suffisants et relativement faibles.
Qu'est-ce qu'un besoin de santé ? Deux aspects sont à prendre en compte à cet égard : d'une part, les besoins des établissements, à la fois en personnel, en matériel et en financement ; d'autre part, les spécificités, les spécialités que les établissements ont l'habitude de mettre en avant.
Ainsi que vous l'avez souligné, madame le sénateur, au cours des deux dernières années, le personnel a été enserré dans un étau insupportable. L'ajustement des hôpitaux s'est fait en particulier par l'absence de renouvellement de contrats, par des départs en retraite non remplacés, par un certain nombre de mesures affectant le fonctionnement des établissements. Tout cela est vrai.
A l'intérieur de l'Ile-de-France, coexistent l'Assistance publique de Paris, concentration hospitalière digne d'éloges - c'est la première concentration hospitalière européenne - et d'autres hôpitaux. En effet, l'Ile-de-France, ce n'est pas seulement l'Assistance publique de Paris !
Comment peut-on harmoniser sérieusement le recueil des besoins en Ile-de-France et dans les zones voisines - les délimitations sont souvent très arbitraires - puis établir le dispositif qui nous permettra de faire face à ces besoins sans prendre en compte la modernisation, l'harmonisation, l'équilibre de l'Assistance publique de Paris ? Martine Aubry et moi-même travaillons sur ce dossier, madame le sénateur. Mais, comme vous le savez, le dispositif dont nous ne sommes pas responsables et dont nous avons hérité considérait l'Assistance publique comme un bloc que l'on abordait de front et dans son entier. Cela ne me paraît pas raisonnable. Mais nous aurons l'occasion dans les prochaines semaines, en particulier en considérant le fonctionnement de l'hôpital Georges-Pompidou, de revenir sur ce point.
L'augmentation de 2,2 % de la dotation, taux que vous avez considéré vous-même comme un succès, sera-t-elle suffisante ? En fait, il nous faut prendre en compte non pas l'enveloppe, non pas même les 2,2 % d'augmentation de la dotation, obtenus dans une année difficile et que nous considérons comme un succès, mais les besoins des Français, et seulement cela.
Pour ce faire, il nous faut veiller à la répartition, entre les hôpitaux d'une région, non seulement des enveloppes, mais aussi des possibilités offertes à chaque citoyen dans ces bassins sanitaires. Quel trajet un malade doit-il faire pour se rendre à l'hôpital ? Quelles demandes formule-t-il pour lui-même, pour sa famille, pour les spécialités ? Telle est l'étude que nous avons entamée. C'est un travail difficile que le ministre de l'emploi et de la solidarité et moi-même avons engagé et qui, je l'espère, portera ses fruits dans quelques mois ou au début de l'année prochaine.
A cette occasion, madame le sénateur, pour répondre peut-être plus largement encore, je vous indique que les états généraux de la santé seront centrés sur les questions précises suivantes : De quoi avons-nous besoin ? Qu'est-ce que la modernisation d'un hôpital ? L'hôpital de l'an 2000 sera-t-il le même que celui que nous connaissons maintenant ? Ne sera-t-il pas plus ouvert aux activités médico-sociales, aux médecins libéraux et à un certain nombre de sujets qui, pour le moment, sont un peu éloignés de son fonctionnement clos ? Toutes ces questions feront l'objet, j'espère, de vrais débats concernant les Françaises et les Français, dans les régions, dans un premier temps, puis à Paris, autour de la rentrée 1998.
En résumé, madame le sénateur, le fait de disposer d'un outil permettant d'apprécier les besoins de santé est notre préoccupation essentielle : cela s'impose tant dans la région d'Ile-de-France, où l'on enregistre une concentration énorme de population et de moyens, que dans le reste du pays.
Le taux d'augmentation de la dotation de 2,2 % suffira-t-il pour faire face aux besoins en personnel, en techniques et en matériels ? Pour le personnel, qui a souffert au cours des deux dernières années, nous y veillerons particulièrement. Pour le reste nous attendrons - mais cela sera assez court - de connaître un peu plus précisément les nécessités de l'harmonisation de ces services. Mais l'harmonisation n'est pas synonyme de destruction ou de fermeture. Il n'est pas question de décréter brutalement qu'un établissement ou un service dans un établissement est devenu caduc ou qu'il ne sert à rien. Il s'agit de donner du temps aux responsables, aux personnels, et d'apprécier ce qui est nécessaire pour la population, en Ile-de-France comme ailleurs.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos propos, même s'ils comportent des aspects positifs, notamment sur le constat, sont trop généraux et ne répondent pas aux questions précises que je vous avais posées sur les hôpitaux franciliens.
J'en reviens au taux national de 2,2 %. Vous n'avez pas précisé le taux qui serait alloué aux hôpitaux franciliens. Si l'on prend les chiffres de l'année dernière, on constate, en prenant comme base une évolution de 1,5 % de l'indice des prix en 1998 - une majoration de la valeur du point indiciaire de 1 % au 1er mars et de 0,5 % au 1er août - que pour une simple reconduction, les charges de personnel augmentent de 2,70 %, les dépenses médicales et pharmaceutiques de 3,5 %, et les autres dépenses de fonctionnement de 1,5 %, soit une moyenne de 2,59 %
En outre, les coupes budgétaires de 1997 ont entraîné, pour le personnel, la remise en cause de primes, d'avancements, autant de droits acquis qu'il faudra restituer et qui peuvent être évalués à 2,5 %.
Si l'on additionne ces deux chiffres, on arrive à 5 %. Par conséquent, une augmentation de 2,2 % ne pourra qu'entraîner de nouvelles amputations des moyens en personnel et en services. Cela ne pourra que se traduire par un nouveau recul de l'hôpital, avec des fusions d'hôpitaux pouvant aboutir, à terme, à une diminution de moitié du pouvoir des établissements, par des suppressions massives d'emplois - une diminution de 1 % du point ISA représente de 100 à 200 emplois de moins - et par une relance de l'activité des cliniques privées qui, en Ile-de-France, assurent déjà 60 % des actes chirurgicaux et se lancent dans une grande campagne offensive de modernisation.
Il faut que l'hôpital public retrouve toute sa place ! Cette augmentation de 2,2 %, même si je l'apprécie, demeure, à mon avis, insuffisante.
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