La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme est venue améliorer le dispositif d'indemnisation des victimes en reconnaissant le principe d'un droit à réparation intégrale des préjudices corporels subis. Ainsi, la loi prévoit qu'en cas d'infractions « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » les victimes seront indemnisées par le fonds de garantie suivant le principe de la réparation intégrale pour l'ensemble de leurs préjudices corporels, que ceux-ci soient patrimoniaux ou personnels.
Cependant, la loi se tait sur un point qui peut être essentiel pour une catégorie de victimes. En effet, si une personne peut subir, lors d'un tel acte, un préjudice corporel souvent dramatique, il peut également y avoir un préjudice matériel qui, dans certains cas, est important ; ce peut être le cas notamment de propriétaires d'un véhicule assuré au tiers soufflé par l'explosion, ou le cas de personnes qui doivent abandonner leur logement et ont à assumer les frais d'hôtel.
Le législateur, considérant que les contrats d'assurance civile couvrent normalement ces dommages, a évacué cette question. Or, on a pu relever un certain nombre de situations dans lesquelles les assurances ne prenaient pas en charge la totalité du préjudice matériel subi.
C'est le cas pour sept personnes sur les soixante-seize victimes de l'attentat de Villeurbanne perpétré le 7 septembre 1995. Le montant du préjudice non indemnisé s'élève à 214 181 francs. La multiplication des démarches auprès de l'Etat et des compagnies d'assurance n'a pas permis d'avancer sur ce point, à l'exception de la solidarité manifestée par la municipalité de Villeurbanne et certaines assurances allant au-delà des limites des contrats initiaux.
Le traumatisme subi par ces victimes d'attentats terroristes est lourd et réel ; elles ont le sentiment d'avoir tout perdu.
L'Etat peut-il les laisser se considérer comme les payeurs innocents d'une nouvelle forme de guerre, alors que c'est indéniablement au fondement de la République que les terroristes s'attaquent ?
Pouvons-nous accepter que certains de nos concitoyens soient abandonnés de la solidarité nationale ?
Une modification de la loi de 1986 semble tant opportune qu'urgente, afin de venir en aide à ceux qui se sentent les laissés-pour-compte du fonds de garantie et de permettre de prévenir d'éventuelles situations similaires dans l'avenir. En attendant cette modification, il souhaite que le Gouvernement réexamine la situation de ces sept victimes de l'attentat terroriste du 7 septembre 1995 et que des solutions soient trouvées pour permettre une indemnisation intégrale des préjudices qu'elles ont subis. (N° 23.)
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette question porte sur les difficultés rencontrées par certaines victimes d'attentats pour obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elles ont subis.
La loi qui s'applique - la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat - prévoit qu'en cas d'infractions « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » les victimes seront indemnisées par le fonds de garantie suivant le principe de la réparation intégrale pour l'ensemble de leurs préjudices personnels, que ceux-ci soient patrimoniaux ou corporels.
Cette loi a marqué une avancée importante par rapport à la situation antérieure. Cependant, elle ne traite nullement d'un point qui peut pourtant être essentiel pour une catégorie de victimes.
En effet, si une personne peut subir, lors d'un tel acte, un préjudice corporel souvent dramatique, il peut également y avoir un préjudice matériel qui, dans certains cas, est conséquent, mais n'est pas intégralement indemnisé. Ce peut être le cas de propriétaires de véhicules assurés au tiers, soufflés par une explosion, ou le cas de personnes qui doivent abandonner leur logement et ont à assumer des frais de relogement ; ce peut être encore des locaux commerciaux, du matériel, du mobilier, des marchandises diverses qui peuvent être détruits ou rendus inutilisables.
Le législateur, considérant que les contrats d'assurance civile couvrent normalement ces dommages, a écarté cette question. Or on a pu relever un certain nombre de situations où les assurances ne prenaient pas en charge la totalité du préjudice matériel subi.
C'est le cas pour sept personnes sur les soixante-seize victimes de l'attentat de Villeurbanne, perpétré le 7 septembre 1995. Le montant du préjudice non indemnisé s'élève à 214 181 francs. La multiplication des démarches auprès de l'Etat et des compagnies d'assurances n'a pas permis d'avancer sur ce point, à l'exception de la solidarité manifestée par la municipalité de Villeurbanne et certaines assurances allant au-delà des limites des contrats initiaux.
Le traumatisme subi par ces victimes d'attentats terroristes est lourd et réel. Les personnes ont le sentiment d'avoir tout perdu.
L'Etat peut-il les laisser se considérer comme les payeurs innocents d'une nouvelle forme de guerre, alors que c'est indéniablement au fondement de la République que les terroristes s'attaquent ?
Pouvons-nous accepter que certains de nos concitoyens soient exclus de la solidarité nationale ?
Monsieur le ministre, serait-il possible d'envisager de modifier le plus rapidement possible la loi de 1986 afin de venir en aide à ceux qui se sentent les laissés pour compte du fonds de garantie ?
Je souhaiterais également que le Gouvernement réexamine la situation de ces sept victimes de l'attentat terroriste du 7 septembre 1995 et que des solutions soient trouvées pour permettre une indemnisation intégrale des préjudices qu'elles ont subis.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vais me livrer à un bref rappel historique.
Vous avez évoqué l'attentat perpétré à Villeurbanne le 7 septembre 1995. Une loi est intervenue le 9 septembre 1986 pour remédier à l'absence totale de dispositions visant à l'indemnisation des victimes.
Les compagnies d'assurance, qui, pendant très longtemps, avaient exclu de leur garantie les risques d'attentat, commençaient tout juste à couvrir les dommages matériels.
Quant au fonds de garantie contre les infractions dont les auteurs sont inconnus ou insolvables, il ne pouvait allouer une indemnité supérieure à 400 000 francs.
La loi du 9 septembre a créé un dispositif de couverture du risque attentat qui répond de la manière suivante au problème posé.
En premier lieu, cette loi organise un mécanisme de réparation du préjudice corporel, grâce à un prélèvement opéré sur chaque contrat d'assurance de biens. Ce prélèvement est reversé au fonds de garantie créé pour sa gestion.
En second lieu, la loi renvoie l'indemnisation du préjudice matériel, et non plus corporel, au droit commun des aussurances, mais, pour éviter que les victimes d'attentats ne soient écartées du système, elle a prévu, dans son article 9, paragraphe V, que les contrats d'assurance de biens ne peuvent exclure la garantie de l'assureur pour les dommages résultant d'actes de terrorisme ou d'attentat commis sur le territoire national. Je cite le texte : « Toute clause contraire est réputée non écrite. »
Est ainsi ouverte, me semble-t-il, à chaque assuré la possibilité d'adhérer à la garantie attentat. C'est pourquoi le fonds de garantie attentat-terrorisme et l'Etat ne sont pas en mesure de prendre le relais du régime d'assurance en vigueur pour l'indemnisation des préjudices matériels.
Bien entendu, je suis tout prêt à étudier de plus près la situation des sept personnes dont vous me parlez, monsieur le sénateur, mais il me semble que, normalement, leur cas a été pris en considération par la loi du 9 septembre 1986.
Cela dit, peut-être n'avons-nous pas eu le temps d'aller au bout de l'étude d'un dossier forcément assez complexe.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez d'apporter et de l'engagement que vous avez pris d'étudier, voire de réétudier, le cas des sept victimes non intégralement indemnisées de l'attentat de Villeurbanne.
Effectivement, la loi de 1986 qui a constitué, je le répète, un progrès important, ne permet pas de prendre en compte toutes les situations.
Or, en l'occurrence, il s'agit manifestement d'une situation d'exception pour le traitement de laquelle il serait bon de ne pas appliquer strictement les règles édictées par la loi.
Il s'agit, je le répète, d'attentats terroristes. Je souhaiterais qu'en la matière la solidarité nationale puisse s'exprimer au-delà de la loi.
Les victimes d'attentat doivent être considérées comme des victimes spécifiques. Or elles sont doublement victimes lorsque l'indemnisation des préjudices qu'elles subissent indirectement n'est pas intégralement couverte par les assurances.
Il ne faut pas laisser ces victimes sur le bord de la route. Il peut s'agir de personnes déjà démunies avant les faits et qui ont en outre subi un terrible choc psychologique.
En tout cas, le souhait des associations des victimes est de faire avancer la loi. Il me semble que le Gouvernement pourrait mettre en place une commission de réflexion chargée d'étudier ces situations pour améliorer les textes actuels et tenir compte des cas qui ne sont pas résolus, notamment celui des sept victimes de l'attentant de Villeurbanne. En attendant, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir examiner plus attentivement ce dossier.
carrière des directeurs généraux
et directeurs généraux adjoints
des conseils régionaux et généraux