M. le président. « Art. 15. -Il est inséré, après l'article 227-28 du code pénal, un article 227-28-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-28-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions prévues par les articles 227-18 à 227-26.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 7°, 8° et 9° de l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
« Dans le cas prévu par le 4° de l'article 227-26, la peine mentionnée au 1° de l'article 131-39 est également encourue. »
Par amendement n° 74, M. Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de compléter in fine le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 227-28-1 du code pénal par la référence : « et 227-27-2 ».
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Il s'agit simplement d'un amendement de coordination avec le précédent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. En fait, cet amendement n'est pas tout à fait de coordination. Il prévoit la responsabilité pénale des personnes morales pour l'installation de sex-shops près d'un établissement pour mineurs.
Néanmoins, nous y sommes favorables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 74.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Mes chers collègues, véritablement je ne suis pas sûr qu'on ait mesuré la portée de ce qu'on est en train de faire ! Je n'ose penser aux malheureux collègues professeurs de droit qui auront à présenter à leurs étudiants ce texte concernant finalement la suppression pure et simple, par une voie détournée, des sex-shops !
En commission des lois, nous avons essayé de mesurer ce que représentait un périmètre de trois cents mètres. Nous sommes arrivés à vingt-sept hectares, je crois.
Nous nous sommes dits que ce n'était pas possible ! Si nous prenons la carte d'une ville et que nous traçons un périmètre d'un tel rayon autour de chaque établissement, nous couvrons toute la ville !
Cet amendement ne vise pas seulement, je le rappelle, des établissements d'enseignement maternel, primaire ou secondaire. Ceux-ci sont en effet couverts par le texte actuel, puisque les sex-shops vendent tous, nous le savons, des revues pornographiques. Il vise également tout ce dont parlait Mme Dusseau, à savoir : les établissements sociaux, médico-sociaux, d'animation culturelle ou de loisir pour la jeunesse, les aires de jeux. Cent mètres autour de chacun de ces établissements, c'est toute la périphérie qui est concernée !
Par conséquent, ce que vous faites en cet instant, par une voie détournée, c'est supprimer purement et simplement les sex-shops. Doit-on ou non les supprimer ? En cette fin de siècle, vous allez expliquer que l'installation ou exploitation d'un tel établissement devient une infraction pénale punie de 50 000 francs d'amende ? Non !
En ce qui me concerne, je m'opposerai à cet amendement de coordination. Ce n'est pas, dans un débat de cette importance, ce dont on devrait sérieusement débattre !
M. Emmanuel Hamel. Il faut pourtant en débattre !
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je voudrais répondre à M. Badinter. Cela ne fait pas vingt-sept hectares ! Cela ne ferait que trois hectares pour cent mètres. Mais ce n'est pas ainsi qu'il faut compter. Ces cent mètres doivent être calculés de façon linéaire à partir de la porte de l'établissement. Cela ne représente plus du tout trois hectares ! Cela ne concerne que la distance que l'enfant va parcourir de la sortie de l'école jusqu'à sa station d'autobus ou autres.
On peut donc parfaitement installer des sex-shops, puisqu'il s'agit non pas d'un rayon, mais d'une distance.
Mme Joëlle Dusseau. Qu'est-ce que c'est qu'une distance ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je ne sais pas si nous allons voter cette disposition. Personnellement, pour suivre ma commission, je me suis abstenu, car je considère que ce texte sera strictement inapplicable. En effet, en un an, on ne va pas supprimer tous les sex-shops mal placés.
Je m'étonne d'ailleurs qu'on ait oublié de citer certaines localisations, comme les églises, les temples ou encore les synagogues.
Mme Joëlle Dusseau. On peut les rajouter !
M. le président. On ne peut pas réécrire un amendement qui a déjà été voté !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement qui, encore une fois, est inapplicable.
M. Patrice Gélard. On aura posé le problème !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. On aura posé le problème mais, je le répète, le texte sera inapplicable.
En revanche, il se pose un véritable problème : celui de l'accès aux sex-shops. Là, c'est très simple, nous n'avons qu'à dire que les mineurs ne peuvent y avoir accès.
Pour les cinémas, on l'a prévu et c'est bien appliqué. Un mineur ne peut pas entrer, même accompagné, dans une salle de cinéma qui projette un film classé X.
C'est une mesure de réglementation morale qui est normale. C'est cela qu'on aurait dû faire, et c'est à cela qu'on viendra d'ailleurs lorsqu'on s'apercevra que les sex-shops demeurent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15, ainsi modifié.
(L'article 15 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, Mme le ministre m'ayant fait savoir qu'elle devait être présente à la Chancellerie à treize heures, il convient d'interrompre maintenant nos travaux.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. La commission des finances, qui s'est réunie ce matin, doit à nouveau se réunir dès quatorze heures trente pour écouter M. le président de la Cour des comptes. Une fois de plus, les membres de cette commission ne pourront assister au débat, ce que nous regrettons. Je tenais à le dire.
M. le président. Il y aura bien un représentant de la commission des finances pour donner son avis au cas où l'article 40 de la Constitution serait invoqué, ce qui ne me semble d'ailleurs improbable !
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures dix.)