M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par M. About.
L'amendement n° 100 est présenté par MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Foy, Habert, Maman et Moinard.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 15, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 227-28 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les prestataires de services privés ou publics sur réseaux télématiques ou Internet qui hébergent des serveurs ou sites transmettant une image ou représentation de nature pornographique d'un mineur ou tendant à inciter des personnes à commettre les délits prévus aux articles 225-7 à 225-12 et 227-25 à 227-27 sont punis de 500 000 F d'amende. »
La parole est à M. About, pour présenter l'amendement n° 83.
M. Nicolas About. Les réseaux télématiques et Internet sont parfois utilisés par des délinquants et des criminels qui peuvent, par ce biais, établir des réseaux de pédophilie ou de proxénétisme. Le Minitel et Internet ne sont pas la cause de la délinquance et de la criminalité, mais peuvent en être les moyens.
S'il faut prendre garde à ne pas attenter aux libertés privées en voulant réprimer ces délits, il convient toutefois de contrôler les échanges et communications publics. C'est ce à quoi vise cet amendement, en proposant de rendre pénalement responsables les prestataires de services privés - entreprises, associations, etc. - ou publics - universités - du contenu des sites Web ou des serveurs Minitel qu'ils hébergent.
Bien entendu, je ne vise pas ici les fournisseurs d'accès chez qui transitent seulement, sans contrôle possible, un certain nombre d'informations.
Mon amendement tend donc à obtenir le contrôle du contenu des sites hébergés par des prestataires français. De même que si nous, sénateurs, nous souhaitons avoir un site et le raccrocher à celui du Sénat, ce dernier vérifiera les informations que nous y ferons figurer, de la même façon chaque prestataire de service qui héberge un site peut être, comme un rédacteur en chef ou un directeur de journal, responsable de ce qu'il va diffuser à partir de son site.
Bien entendu, l'accès aux sites étrangers ne pourra être contrôlé, mais je pense que le vote de cet amendement permettra de faire un premier pas dans le contrôle des réseaux consitués grâce aux nouveaux modes de communication et de donner le ton sans attendre que la Cour suprême des Etats-Unis gère tout en ce domaine.
M. le président. L'amendement n° 100 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 83 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous retrouvons le problème soulevé par l'expression « tendant à inciter ». Je ne reprendrai pas le raisonnement qui a déjà été développé à cet égard et qui justifie l'avis défavorable de la commission sur cet amendement qui concerne la sanction des prestataires de services télématiques ou Internet hébergeant des serveurs transmettant des images de pédophilie ou tendant à inciter des personnes à commettre des actes de caractère pédophile. En la matière, nous nous trouvons devant un difficile problème de preuve, problème qui est, hélas consubstantiel au réseau Internet.
Si la preuve est apportée, de toute façon le prestataire tombe sous le coup de la complicité. C'est la raison pour laquelle la commission a déposé un amendement tendant à favoriser l'établissement de la preuve de complicité des offreurs de sites. Il s'agit de l'amendement n° 57, que nous examinerons tout à l'heure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le problème soulevé par M. About est un vrai problème.
Il est exact qu'Internet représente un formidable espace de liberté, mais son existence pose de redoutables problèmes nouveaux. A la question : notre droit est-il actuellement adapté ? je répondrai : non, évidemment.
Cela étant, il existe d'ores et déjà de nombreuses dispositions applicables en la matière ; je pense en particulier aux textes qui répriment les messages à caractère pornographique ou pédophile. Par ailleurs, le présent projet de loi institue des circonstances aggravantes liées à l'utilisation d'Internet.
On peut dire que, pour l'essentiel, nous sommes en mesure de lutter contre ce type d'infraction. Demeure cependant, en particulier, le problème de la détermination des personnes pénalement responsables. Comment réussir à identifier précisément l'auteur des infractions commises sur Internet, notamment lorsque les messages délictueux sont d'origine étrangère ?
Il nous faut donc, à l'évidence, développer l'entraide internationale dans ce domaine. C'est pourquoi j'ai demandé que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour d'une prochaine réunion européenne des ministres de la justice et de l'intérieur, ainsi, d'ailleurs, qu'à celui d'une réunion dont ma collègue américaine, Mme Reno, a pris l'initiative et qui se tiendra aux Etats-Unis au mois de décembre.
En tout cas, monsieur About, je suis tout à fait d'accord avec vous : il ne saurait être question de laisser cette activité se développer sans aucune espèce de régulation et sans qu'elle fasse l'objet d'une entente internationale.
Parce que c'est une question à la fois très importante et très complexe, une réflexion approfondie est actuellement en cours. Voilà quelques semaines, j'ai saisi Mme Trautmann, ministre de la culture et de la communication, pour lui faire part de certaines pistes de réforme sur lesquelles la Chancellerie a déjà réfléchi. Par ailleurs, M. le Premier ministre vient de confier au Conseil d'Etat une mission de réflexion sur le sujet. En outre, un groupe de travail interministériel - subdivisé en trois sous-groupes respectivement chargés du commerce électronique, de la propriété intellectuelle et des libertés publiques - se met en place et doit proposer au Gouvernemen les solutions concrètes les plus efficaces.
Dans ces conditions, il me paraît préférable de ne pas légiférer dans l'urgence, avant d'être sûr de pouvoir embrasser cette question dans toute sa complexité, dans toute son ampleur. C'est la raison pour laquelle, monsieur About, je ne suis pas favorable à votre amendement n° 83, tout en reconnaissant la réalité du problème que vous soulevez.
Dans la mesure où nous avons d'ores et déjà pris, dans ce projet de loi, certaines précautions pour nous permettre d'être plus efficaces, je souhaiterais que vous vouliez bien consentir à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur About, maintenez-vous l'amendement n° 83 ?
M. Nicolas About. Je prends acte, madame le garde des sceaux, du fait que les Français et les Européens vont débattre de ce sujet sans être à la traîne des Américains.
Il s'agit d'une question très importante et je ne voudrais pas donner l'impression d'offrir une solution bâclée en la traitant dans l'urgence. Dès lors qu'il est clair que le Parlement français n'est pas opposé à des mesures de ce genre, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.
Article 16