M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 64, M. Hyest propose de supprimer le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 50 rectifié, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale :
« L'enregistrement prévu par l'article 706-53 ne fait pas obstacle à des auditions ultérieures du mineur. »
L'amendement n° 64 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 50 rectifié.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a un double objet.
Tout d'abord, il vise à préciser que l'enregistrement de la déposition du mineur ne saurait faire obstacle à de nouvelles auditions.
Ensuite, il tend à supprimer - tel est l'objet de la rectification apportée, qui prend en compte l'amendement n° 64 de M. Hyest - la précision qui va sans dire selon laquelle le juge ne procède qu'à des auditions nécessaires.
En effet, l'enregistrement de la déposition du mineur est une procédure nouvelle, qui est d'ailleurs utilisée dans d'autres grands pays et qui ne vise, au fond, qu'un seul objectif : celui d'essayer d'éviter l'épreuve, pour les tout jeunes enfants, d'avoir à répéter des choses en général horribles qui se trouveraient fixées sur la pellicule de manière indélébile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est insuffisant. En l'état actuel des choses, il faut, à mon avis, voter contre le texte proposé pour l'article 756-52 du code de procédure pénale.
Je regrette de ne pas avoir eu la présence d'esprit de reprendre l'amendement n° 64, qui tendait à supprimer le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale. Une telle suppression aurait d'ailleurs été dommage, car elle n'aurait plus permis d'accrocher l'amendement n° 50 rectifié.
En fait, nous attendions de la commission que, tout en conservant l'idée contenue dans son amendement n° 50 rectifié, elle demande la suppression du début du texte proposé pour l'article 706-52, qui n'a pas sa place dans un code.
A l'appui de son amendement de suppression, notre collègue M. Hyest a, avec raison, fait remarquer que le fait d'écrire dans le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale que « le juge d'instruction ne procède aux auditions et confrontations des mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 que lorsque ces actes sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité » laisserait penser a contrario qu'un juge d'instruction pourrait procéder à une audition ou à une confrontation alors qu'elle ne serait pas strictement nécessaire à la manifestation de la vérité. Ce n'est évidemment pas pensable ! On ne peut quand même pas laisser subsister dans le code de procédure pénale cette offense faite à tous les juges d'instruction de France !
On ne peut considérer qu'un enregistrement dispense d'auditions ultérieures de la victime, fût-elle mineure, car il peut-être nécessaire de réentendre cette dernière en cas de survenance de faits nouveaux au cours de l'instruction, voire de la confronter avec un témoin ou une autre personne.
En tout état de cause, l'amendement n° 50 rectifié, dans sa rédaction actuelle, ne suffit pas, puisqu'il conserve le texte figurant dans le projet de loi initial dont l'expression n'est pas acceptable.
S'il reste en l'état, nous voterons contre cet amendement, car nous sommes opposés au texte proposé pour l'article 706-52 et nous n'avons pas quant, à nous, la possibilité de le réécrire. La commission l'a ; peut-être pourrait-elle demander une courte suspension de séance pour rectifier son amendement ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. Avant de donner la parole à M. le rapporteur, je voudrais vous rappeler, mon cher collègue - mais vous ne l'ignorez pas - qu'un amendement qui n'est pas soutenu ne peut être repris. Il faut pour cela qu'il ait été défendu, puis retiré.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. J'espère que tant ma proposition que la rapidité avec laquelle je la présente vont vous donner satisfaction, mon cher collègue ! (Sourires.)
Je rectifie donc à nouveau l'amendement n° 50 rectifié, afin de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale :
« Art. 706-52. - L'enregistrement prévu par l'article 706-53 ne fait pas obstacle à des auditions ou confrontations ultérieures du mineur. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 50 rectifié bis, déposé par M. Jolibois, au nom de la commission des lois, et tendant à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale :
« Art. 706-52. - L'enregistrement prévu par l'article 706-53 ne fait pas obstacle à des auditions ou confrontations ultérieures du mineur. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50 rectifié bis.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je pense que les membres de l'Assemblée nationale n'ont pas mesuré qu'ils introduisaient dans la procédure d'instruction une distinction qui, à mon sens, est contraire à la fois au principe de la procédure pénale et à celui de l'identité des conditions des justiciables.
En effet, s'agissant d'un crime, d'un viol commis par un majeur sur la personne d'une majeure, le code de procédure pénale prévoirait que le juge se livre à tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité, comme c'est le devoir de tout juge en présence de toute infraction.
S'agissant du même crime commis cette fois sur la personne d'un mineur, le code de procédure pénale stipulerait alors que le juge ne se livre qu'aux actes strictement nécessaires !
Non ! Dans les deux cas, le juge doit se livrer aux actes nécessaires. En l'occurrence, une pareille discrimination au regard des pouvoirs du juge d'instruction aurait - chacun le mesure - des conséquences néfastes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié bis, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi rédigé.
ARTICLE 706-53 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE