M. le président. M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions financières de la distribution de lait dans les écoles, qui concerne en principe 7 à 8 millions d'enfants pour un budget de 200 millions de francs en 1997.
Il s'agit d'une pratique ancienne en France, puisqu'elle date d'environ quarante ans, et dont le financement a été pour partie transféré à la Communauté économique européenne il y a une vingtaine d'années. Ainsi, le budget national n'est-il sollicité qu'à hauteur de 7 à 8 millions de francs pour 1997. Cette distribution de lait revêt une très grande importance à une époque où la malnutrition enfantine est un phénomène en croissance.
Or les municipalités sont confrontées depuis quelques années à une augmentation de l'effort financier qui leur est demandé pour cette distribution, en raison de l'accroissement de l'écart entre le prix du lait et le niveau d'intervention de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, l'ONILAIT.
Certaines se voient donc contraintes de diminuer les quantités globales de lait distribuées, voire de renoncer à toute distribution, ce qui est pour le moins fâcheux. Cela est dû à la suppression, en application de la réforme de la politique agricole commune, de la taxe de corresponsabilité, aux termes du règlement n° 1029/93 du 27 avril 1993.
La Communauté économique européenne a alors décidé une économie de l'ordre de 50 % sur le programme de distribution de lait à l'école, dès lors que cette taxe intervenait à hauteur de 75 % dans le financement de celui-ci. Dans le même temps, le niveau de la subvention nationale a lui-même baissé de 25 %.
Il lui demande dès lors s'il considère que la distribution de lait dans les écoles lui semble nécessaire, s'il pense qu'elle a un avenir dans notre pays et quelles initiatives il compte prendre pour assurer la pérennité de son financement dans des conditions convenables et conformes aux habitudes françaises. (N° 2.)
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
L'Association des maires de France a été sollicitée par de nombreux élus qui s'interrogent sur la pérennité de la distribution de lait à l'école et, de façon plus générale, sur les problèmes de malnutrition.
La politique de distribution de lait a été communautarisée voilà une vingtaine d'années. Sur un financement total de près de 200 millions de francs, la participation nationale n'a été, en 1997, que de 7 à 8 millions de francs. Jusqu'en 1994, cette politique était financée à l'échelon communautaire pour les trois quarts par la taxe de corresponsabilité des agriculteurs et, pour le quart restant, par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA.
Or, en application d'un règlement du 27 avril 1993, Bruxelles a décidé de réduire de 50 % le montant de la participation européenne. Dans le même temps, la subvention nationale a diminué de 25 %. Aujourd'hui, la politique de distribution de lait est donc remise en cause.
Monsieur le ministre, peut-on envisager la poursuite de cette politique et, dans cette perspective, quelles modalités de financement conviendrait-il de mettre en place ? Ne devrions-nous pas engager une concertation plus ouverte sur la contribution des élus, des familles et de l'Etat afin de tenter de régler le problème plus fondamental de la malnutrition des jeunes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous l'avez rappelé, la distribution de lait dans les écoles a déjà une longue histoire, puisqu'elle a été instaurée sur l'initiative de Pierre Mendès France en 1954. Le dispositif a été maintenu depuis lors, mais, il faut en convenir, les règles de gestion, elles, ont évolué.
A l'origine, il s'agissait de stimuler la consommation de lait et de certains produits laitiers par les enfants, en créant une habitude alimentaire de consommation des produits laitiers et en offrant une véritable éducation nutritionnelle aux jeunes.
En outre, et c'est probablement cette orientation sociale qui est le plus important aujourd'hui, cette mesure a permis et permet encore de fournir un apport alimentaire indispensable à certains enfants issus de milieux particulièrement défavorisés.
Les règles générales relatives à la distribution de lait et de certains produits laitiers aux élèves dans les établissements scolaires ont été nationales jusqu'à la fin des années soixante.
Les bénéficiaires en sont les élèves des établissements d'enseignement préélémentaire, élémentaire et secondaire. Une aide à l'achat des produits laitiers est versée à l'organisme qui gère leur distribution au cours ou en dehors des repas et qui règle les factures correspondantes. Il peut s'agir d'un établissement scolaire, d'une municipalité ou d'une association gestionnaire d'école.
Afin d'illustrer l'importance de ce programme, je ne citerai qu'un chiffre : pour l'année scolaire 1995-1996, 16 700 organismes gestionnaires ont participé à ce dispositif.
Au 1er janvier 1994, la Commission européenne a mis en place un nouveau régime visant à réduire les dépenses communautaires de 50 %. Depuis, le total des soutiens au programme s'élève en France à environ 190 millions de francs, tous concours confondus.
Les pouvoirs publics français continuent d'apporter leur contribution à ce dispositif original ; la participation nationale, décidée pour l'année scolaire 1997-1998, a été approuvée par le conseil de direction de l'ONILAIT, et ce dès le 3 avril 1997.
Pour juger de l'importance de ce programme, il suffit de rappeler les quantités aidées au cours de l'année scolaire 1994-1995 ; elles représentent environ 11 millions de litres de lait entier et de yaourts, 15,3 millions de litres de lait demi-écrémé, 58,4 millions de briquettes de vingt centilitres de lait entier, ainsi que 12 100 tonnes de fromages, soit au total l'équivalent de 97 millions de litres de lait !
Enfin, je dois indiquer qu'un second programme de distribution de lait dans les écoles se met en place pour la présente année scolaire, géré, lui, par le ministère de l'emploi et de la solidarité, et qui contribue à hauteur de 10 millions de francs à la distribution de produits laitiers dans les zones d'éducation prioritaires.
Les deux ministères, celui de l'agriculture et de la pêche et celui de l'emploi et de la solidarité, travaillent actuellement à assurer la cohérence de ces deux programmes, et je souhaite, en tout cas pour le futur, orienter le plus possible le dispositif vers les zones qui en ont le plus grand besoin.
Monsieur le sénateur, le programme de soutien à la consommation de lait dans les écoles est un programme d'importance non seulement pour les besoins nutritionnels des enfants, mais aussi pour le développement de la filière lait.
J'entends poursuivre, en 1998, la mise en place du programme, qui bénéficie au demeurant d'un soutien communautaire substantiel.
C'est pourquoi j'ai décidé d'engager une réflexion interministérielle, avec, notamment, Mme Ségolène Royal, mais aussi M. Sautter, secrétaire d'Etat au budget, sur le principe et sur le financement du programme dans le respect des règles communautaires.
Il va de soi que les élus concernés au premier chef, les maires, seront consultés dans le cadre de cette réflexion interministérielle que j'entends conduire.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Voilà, quelques années - je pense que vous partagez cet avis - l'Europe avait une vocation économique et financière, alors qu'aujourd'hui elle est obligée de s'investir dans les problèmes sociaux. Dès lors, dans le domaine que vous avez évoqué, marier l'économique et le social est intéressant.
Pour ce qui nous concerne, en tout cas, nous sommes prêts à nous associer à votre réflexion sur ce problème majeur qu'est la luttre contre la malnutrition des enfants dans le milieu scolaire.
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