M. le président. « Art. 4. _ Les deux derniers alinéas de l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement sont ainsirédigés:
« Les communes et leurs groupements concourent à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation, en fonction des orientations fixées par celui-ci, de terrains aménagés en vue du passage et du séjour des gens du voyage.
« Une convention conclue entre l'Etat, le département, la commune d'accueil et la région, ainsi que, le cas échéant, un établissement public de coopération intercommunale compétent et tout autre organisme public définit les modalités d'aménagement de l'aire et de prise en charge des dépenses qui en résultent. »
Par amendement n° 6, M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit cet article :
« L'article 28 de la loi n° 90-949 du 21 mai 1990, visant à la mise en oeuvre du droit au logement est ainsi modifié :
« I. - Le deuxième alinéa de cet article est ainsi rédigé :
« Tout commune de plus de 5 000 habitants prévoit les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire par la réservation, l'aménagement et la gestion de terrains destinés à cet accueil. Toutefois, plusieurs communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent charger cet établissement public de réaliser un terrain d'accueil commun. »
« II. - Cet article est complété par les deux alinéas suivants :
« Les aires d'accueil prévues à l'alinéa précédent sont réalisées dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi n° du relative aux conditions de stationnement des gens du voyage.
« Une convention conclue entre l'Etat, la région, le département et la commune d'accueil, ainsi que le cas échéant, un établissement public de coopération intercommunale compétent et tout autre organisme public définit les modalités d'aménagement des terrains ou des aires et conditionne la prise en charge des dépenses qui en résultent. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, et visant, à la fin de la seconde phrase du texte proposé par le I de l'amendement n° 6 pour le deuxième alinéa de l'article 28 de la loi du 21 mai 1990 à remplacer les mots : « peuvent charger cet établissement public de réaliser un terrain d'accueil commun », par les mots : « peuvent charger cet établissement public de cette obligation ».
Par amendement n° 1, M. Souvet propose, après les mots : « modalités d'aménagement de l'aire », de rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les deux derniers alinéas de l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement : « ainsi que les conditions de prise en charge des dépenses qui en résultent par les parties à la convention et par les utilisateurs ».
La parole est à M. Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit de réintroduire les dispositions principales de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, à savoir l'obligation de création d'aires d'accueil dans les communes de 5 000 habitants. J'ai entendu d'ailleurs que, même parmi ceux qui sont favorables à la proposition de loi, certains s'interrogeaient sur la suppression de ce seuil. Je crois qu'il est préférable malgré tout de maintenir cette contrainte.
L'amendement prévoit par ailleurs d'étendre la possibilité d'intervenir dans ce domaine aux établissements publics de coopération intercommunale.
Il fixe également un délai de cinq ans, qui n'existait pas et qui est assez long, pour la réalisation obligatoire des aires. Je crois qu'il est indispensable de fixer des délais.
J'ajoute - je l'ai dit dans mon intervention lors de la discussion générale - que c'est sans doute insuffisant malgré tout et qu'il faudrait des contraintes.
Monsieur le rapporteur, vous présentez les choses de façon un peu idyllique. Dans une construction intellectuelle, un tel dispositif fonctionne bien ; je ne suis pas sûr que, sur le terrain, il en soit de même.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre le sous-amendement n° 13.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement appréhende quelque peu un aspect du texte présenté qui pourrait donner à penser que, si les communes s'associent et chargent une structure de coopération de réaliser une aire d'accueil, l'obligation légale serait satisfaite. Si une seule aire d'accueil était créée sur le territoire d'un groupement de communes pouvant regrouper jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'habitants, je crois qu'elle serait absolument ingérable tant sa dimension serait importante.
Le Gouvernement souhaite donc qu'il soit inscrit dans la loi que cet établissement public peut être chargé de cette obligation, et non qu'il pourrait être chargé « de réaliser un terrain d'accueil commun ». Il prendrait alors les dispositions permettant de satisfaire au mieux l'obligation légale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 13 ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 13, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Louis Souvet. Il paraît nécessaire de faire clairement ressortir dans le texte de la convention, qui doit notamment fixer les modalités de prise en charge de l'aire d'accueil, que les dépenses pourront être couvertes non seulement par les parties à la convention, mais aussi, conformément à la pratique actuelle, par les utilisateurs eux-mêmes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 6 et 1 ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je voudrais rassurer M. Peyronnet : je ne nourris pas d'illusions. En revanche, je cultive quelquefois l'utopie, le rêve nous permettant d'envisager des quotidiens un peu difficiles !
M. Jean-Claude Peyronnet. Voyagez ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je rappelle simplement les propos que je tenais et que soutenait M. le secrétaire d'Etat : le système fonctionne dans certains endroits et pas dans d'autres ; il fonctionne quand on a réuni autour d'une table les nomades, les élus, les représentants de l'Etat et quelquefois les professionnels, ce que j'appelle l'ingénierie. Seule une telle rencontre permet de bien répondre aux besoins des uns et des autres.
La commission n'est pas favorable à l'amendement n° 6, qui maintient le seuil de 5 000 habitants, parce que le bilan dressé aujourd'hui prouve que ce seuil n'est pas du tout adapté.
Quant à l'approche intercommunale, elle nous paraît opportune.
Je rappelle que notre texte maintient l'obligation pour toutes les communes de concourir à la réalisation d'aires d'accueil et que c'est la réalisation de ces aires qui permettra de définir des aires d'interdiction.
Imposer un seuil de 5 000 habitants revient à aller à l'encontre de ce que disait Mme Beaudeau tout à l'heure. Cela implique que les nomades doivent non pas respecter leurs traditions et épouser les chemins que l'histoire ou la géographie leur ont tracés, mais choisir les villes de 5 000 habitants. Il convient au contraire de réfléchir au périmètre départemental, d'adapter la localisation des aires en fonction des besoins et des traditions de déplacement des gens du voyage.
C'est la raison pour laquelle la commission n'est pas favorable à l'amendement n° 6.
Avec l'amendement n° 1, M. Souvet pose un principe tout à fait important et tout à fait équitable.
L'une des clés de la réussite des expériences que nous avons pu analyser réside dans la dimension adaptée des aires - petite le plus souvent - dans le gardiennage, assuré par des personnes de même ethnie, dans l'accompagnement social, la scolarisation, et dans un contact permanent.
Une autre clé de la réussite, c'est le paiement d'une redevance par les utilisateurs. Quand cette obligation est associée au gardiennage et à l'accompagnement social, elle ne souffre pas de difficulté et elle contribue à la réussite ; elle est même à la source d'une relative pérennité dans les intallations.
La commission souhaiterait cependant le retrait de cet amendement, parce qu'il appartient à chacun de fixer la participation des uns et des autres en fonction des situations locales.
La commission soutient totalement le principe du paiement de l'utilisateur des aires d'accueil, mais elle souhaiterait que l'application en soit décidée au niveau local et ne soit pas fixée dans la loi.
M. le président. Monsieur Souvet, maintenez-vous votre amendement ?
M. Louis Souvet. Le fait que cela soit prévu dans la convention ne gêne en rien la négociation, monsieur le rapporteur !
Cela dit, je retire l'amendement, pour être agréable à la commission.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, si j'ai bien compris, l'amendement n° 6 ne pourra pas plus « prospérer » que le sous-amendement du Gouvernement. Je donne néanmoins mon opinion sur ce texte, pour être constructif.
Il me semble que, si le Sénat voulait adopter l'article 4, il conviendrait qu'il retienne l'un des aspects de l'amendement de M. Peyronnet, qui me semble important : le délai de cinq ans.
Si M. le rapporteur ne voyait pas d'objection à intégrer ce délai dans le texte de la commission, nous ferions un pas en avant dans la solution des problèmes posés par l'accueil des gens du voyage.
M. le président. Monsieur le rapporteur, accédez-vous à la demande de M. le secrétaire d'Etat ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Votre proposition, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrait être acceptée car elle est intéressante, d'autant que vous avez fait part de votre volonté de concertation.
L'ensemble des parties prenantes pourraient accepter une contrainte de délai, mais seulement à partir du moment où les différents intervenants auraient pris un engagement précis. Ainsi pourrions-nous, dès à présent, entamer une réflexion avec la justice, la police, la gendarmerie, l'Etat, de façon à pouvoir concilier les points de vue.
Selon moi, il serait inéquitable d'imposer un délai de cinq ans aux collectivités locales sans que la population tsigane et l'Etat aient pris des engagements sur les responsabilités respectives de chacun. En revanche, à partir du moment où les parties seront directement concernées, il sera alors possible de prévoir un délai de cinq ans.
Je réaffirme, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il serait plus opportun, aujourd'hui, de s'appuyer sur la volonté de concertation exprimée par le Gouvernement et de nous y impliquer plutôt que de prévoir un délai précis de réalisation.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je pense, pour ma part, que l'avis de la commission, tel qu'il vient d'être exprimé, n'est pas défavorable à la notion de délai. J'ai simplement retenu qu'elle souhaitait que, préalablement, je réponde à l'invitation d'engager une concertation.
Bien sûr, je ne puis dans l'immédiat donner une réponse à une question qui n'a pas été posée à mes collègues du Gouvernement, mais je peux prendre l'engagement, dans l'esprit de toutes mes interventions depuis le début de cette séance, monsieur le rapporteur, que je proposerai à mes collègues concernés de constituer ensemble un groupe de travail interministériel, dans lequel nous pourrions associer, outre les ministères que vous avez indiqués, éventuellement des représentants non seulement du Sénat et de l'Assemblée nationale, mais aussi de l'Association des maires de France, de l'Association des présidents de conseils généraux et des associations d'usagers concernés.
En effet, si l'on veut que tout le monde se responsabilise, il faut que tout le monde participe à la réflexion à laquelle vous nous conviez, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. La commission modifie-t-elle sa position, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Monsieur le président, la fixation d'un délai ne saurait pour nous être que postérieure à la concertation et non pas préalable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Tout d'abord, s'agissant du seuil de 5 000 habitants, je maintiens qu'il s'agit d'une contrainte et que, sans contrainte légale, il ne se passe rien ou pas grand-chose.
Par ailleurs, je crains que le rassemblement de communes, quelle que soit leur taille, dans un cadre intercommunal ne risque de cantonner les nomades dans les zones ultra-périphériques, ce qui aurait pour effet d'accentuer l'exclusion.
Il faudrait de plus qu'ils acceptent d'y séjourner, ce qui ne serait vraisemblablement pas le cas. Le problème ne serait donc pas résolu, parce qu'ils s'installeraient de façon sauvage au coeur des villes ou, en tout cas, à proximité des agglomérations.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5