M. le président. Par amendement n° 76, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - I. - Tout employeur ayant la qualité de personne morale occupant un ou plusieurs salariés doit s'assurer contre le risque de non-paiement des sommes dues dont il est redevable au titre de cotisations aux organismes du régime général de la sécurité sociale.
« II. - Le régime d'assurance est mis en oeuvre par une association créée par les organisations nationales professionnelles d'employeurs représentatives.
« Cette association passe une convention avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« III. - L'assurance est financée par les cotisations des employeurs qui sont assises sur les rémunérations servant de base au calcul des contributions au régime d'assurance chômage défini par la section première du chapitre premier du titre IV du livre III du code du travail.
« IV. - En cas de retard supérieur à deux mois dans le paiement des cotisations, l'union de recouvrement établit les relevés des créances que l'association lui verse dans les huit jours suivant la réception des relevés.
« V. - Un décret précise, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent article. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Les difficultés de trésorerie que connaissent régulièrement les organismes de protection sociale nous amènent à nous demander si toutes les pistes ont bien été explorées en matière de perception des recettes de notre sécurité sociale.
Assez régulièrement, dans notre pays, des entreprises ne s'acquittent pas de leurs obligations, et les cotisations non perçues pèsent finalement sur l'ensemble du système de protection sociale.
Nous mettrons de côté les dettes d'exploitation normales qui peuvent apparaître à la clôture du bilan d'une entreprise et qui résultent des différences de date existant entre les périodes de versement des rémunérations et celles de versement des cotisations assises sur ces rémunérations.
Demeure cependant un volume plus ou moins important de créances de la sécurité sociale qui ne sont pas recouvrées et sont même, dans de nombreux cas, finalement abandonnées.
Même si certaines proviennent d'entreprises dont les difficultés financières sont telles qu'elles ne les mettent pas en mesure de régler leurs cotisations sociales, il n'en reste pas moins qu'il y a lieu, aujourd'hui, de réfléchir à un système de mutualisation de ces dettes, comme il peut en exister en d'autres domaines.
Ainsi, d'une certaine façon, on mutualise le coût des allégements de cotisations d'impôts locaux de certains contribuables au travers de la perception des frais de rôle, même s'il apparaît que le montant perçu est inférieur au montant des allégements constatés.
En matière d'assurance, il existe une forme de compensation des sinistres par le montant des primes acquittées par l'ensemble des assurés.
Le principe même de la protection sociale est d'ailleurs de mettre en oeuvre cette compensation, les cotisations des uns permettant de prendre en charge les dépenses occasionnées par la maladie des autres ou par leur retrait de la vie active.
Il n'est donc pas inutile de prévoir un tel dispositif pour les cotisations patronales en vue d'en assurer la liquidité et de permettre à la sécurité sociale de bénéficier de tous ses moyens d'action.
Les dettes dont il est question s'élèvent chaque année à une somme comprise entre 15 milliards et 20 milliards de francs. On ne serait pas loin, si l'on résolvait ce problème particulier, de solder positivement les comptes du régime général.
Cela signifie que, dans tous les cas, il conviendrait de prévoir une majoration des cotisations patronales de 1 % à 2 %, ce qui représenterait une hausse globale de 0,4 point.
Par exemple, en matière de cotisations familiales, cela correspond à une hausse de un millième de point de la cotisation des entreprises.
La modicité de ce prélèvement permettrait, dans les faits, de modifier positivement la situation de notre régime général sans alourdir de manière inconsidérée les cotisations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Nous souhaiterions entendre l'avis du Gouvernement, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, je comprends bien les motivations des auteurs de cet amendement, qui vise à réduire le volume des cotisations patronales impayées. Effectivement, aujourd'hui, 2 % des cotisations qui devraient être acquittées ne le sont pas. On peut souhaiter les voir rentrer avec plus de certitude et plus promptement dans les caisses de la sécurité sociale.
Je précise que, au demeurant, ce taux, après quatre ans, durant lesquels sont menées un certain nombre d'actions de recouvrement, tombe à 0,75 %.
Cependant, sur un plan technique, je ne peux approuver la proposition défendue par Mme Borvo. En effet, la création d'un fonds de garantie pour les cotisations patronales reviendrait à faire financer par l'ensemble des entreprises les défaillances de certaines d'entre elles et entraînerait une sorte de déresponsabilisation des entreprises qui ne paient pas leurs cotisations.
Lorsqu'on poursuit certaines d'entre elles, c'est parce qu'on a de vraies raisons de le faire et non pas parce qu'elles sont en difficulté ou parce qu'elles ont été amenées à déposer leur bilan.
Il faut donc, selon moi, poursuivre les actions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. D'ailleurs, les efforts accomplis depuis une dizaine d'années ont fait descendre d'une manière très importante le niveau des dettes auprès de la sécurité sociale.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à l'amendement n° 76.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Je voudrais d'abord, en tant que président du conseil de surveillance de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui s'est réunie la semaine dernière avec l'aimable autorisation de Mme le ministre, tordre le cou à un certain nombre d'idées reçues.
Comme vient de le dire Mme le ministre, dès l'année de référence, 98,2 % du montant des cotisations sont perçus.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Même en Corse ?
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Cela c'est le problème des départements d'outre-mer et des îles. Nous avons lu le rapport de la Cour des comptes, mon cher collègue, et nous l'avons évoqué longuement au sein du conseil de surveillance. Nous y serons très attentifs.
Quoi qu'il en soit de la situation de ces contrées insulaires, globalement, sur l'ensemble du territoire, 98,2 % du montant des cotisations sont perçus au cours de l'année de référence, et ce n'est finalement que 0,75 % de ce montant qui est inscrit en non-valeur.
Il est certain que l'amendement n° 76 déresponsabiliserait les entreprises, et nous y sommes donc défavorables. En tout cas, même si les sommes en cause sont relativement importantes - 1,8 %, cela représente 19 milliards de francs - il faut cesser de considérer que le non-paiement des cotisations par les entreprises revêt une ampleur redoutable. Après tout, après quelques années, cela ne représente plus que 6 milliards à 7 milliards de francs de défaut de recettes, ce qui correspond à un ordre de grandeur acceptable au regard de la vie économique.
Un fonds de garantie, à l'évidence, déresponsabiliserait les entreprises, et certaines s'en remettraient simplement au fonds pour pallier leur défaillance.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 76, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
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