M. le président. « Art. 22. - A l'article 302 bis ZA du code général des impôts, le tarif de "4,24 centimes" est remplacé par le tarif de "8,48 centimes". »
Par amendement n° I-179, MM. Lombard, Barbier, Courtois, Eckenspieller, Emorine, Haenel, Jeambrun, Pourchet, Pourny, de Raincourt, Souvet et Joly proposent, dans le texte présenté par cet article pour fixer le tarif prévu par l'article 302 bis ZA du code général des impôts, de remplacer le tarif : « 8,48 centimes », par le tarif : « 9,70 centimes ».
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. La loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a créé, en son article 37, un fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN.
L'article 22 de la loi de finances pour 1995 a institué, pour alimenter ce fonds, une taxe sur les concessionnaires d'autoroutes ainsi que sur les titulaires d'ouvrages hydro-électriques concédés d'une puissance électrique totale supérieure à 8 000 kilovolts-ampères.
L'objet de notre amendement est d'abonder les ressources de ce fonds afin de permettre un accroissement de ses moyens d'intervention en faveur du transport ferroviaire, des voies navigables ainsi que des infrastructures du réseau routier national, domaines dans lesquels les attentes sont nombreuses et importantes ; les interventions des uns et des autres au sein de notre assemblée en apportent chaque semaine le témoignage.
La mesure préconisée permettrait, en particulier, la réalisation simultanée de la première phase du TGV-Est et de la première phase du TGV-Rhône, conformément à l'accord passé le 30 octobre 1996 entre les principaux élus soutenant les deux projets et conformément aux intérêts économiques majeurs de notre pays, qui ne doit être écarté ni de l'axe Nord-Sud ni de l'axe Ouest-Est des relations transeuropéennes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a considéré que l'article 22 donnait déjà satisfaction aux légitimes préoccupations qui viennent d'être exprimées et, s'agissant du financement du TGV-Est, vous imaginez bien, mes chers collègues, que le président Poncelet y est tout à fait attentif !
Ce financement ayant été trouvé, la commission des finances se permet de vous mettre en garde : la création d'un prélèvement supplémentaire de 243 millions de francs sur EDF, si nos comptes sont exacts, porterait à près de 7 milliards de francs le total de ces prélèvements en 1998, et une telle augmentation ne manquerait pas de se répercuter sur les tarifs de l'électricité. Il nous faut donc être prudents.
Votre préoccupation, monsieur Eckenspieller, c'est le financement des grands équipements que vous avez cités. Or ce financement est bouclé. En outre, l'augmentation du prélèvement aurait probablement un effet nocif sur les tarifs de l'électricité.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Le projet de loi des finances prévoit déjà un passage de 4,24 centimes à 8,48 centimes, soit un doublement. Il serait déraisonnable de passer à 9,7 centimes. De plus, cette augmentation porterait un préjudice à l'énergie hydroélectrique, qui doit rester, dans notre pays, une énergie compétitive.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-179.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais m'exprimer en qualité de membre du comité de gestion du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, qui a été créé par la loi Pasqua.
Ce comité de gestion comprend en effet trois sénateurs - le président Jean François-Poncet, M. Jean-Paul Delevoye et votre serviteur - ainsi que des députés et des représentants des associations d'élus locaux. Les élus sont, je le précise, représentés à parité avec l'administration.
Le comité de gestion a récemment été saisi du programme d'investissement pour 1998 et de son équilibre entre recettes et dépenses. Or la situation, telle qu'elle nous a été expliquée, me semble appeler au moins deux remarques.
En premier lieu, le ministre nous a convoqués quelques jours avant la séance, sans nous laisser le temps matériel de réexaminer en profondeur ses propositions.
En second lieu, le Gouvernement nous dit qu'il ne fera pas le canal Rhin-Rhône, qu'il n'en est plus question. Or ce projet bénéficiait d'une recette affectée, hors du FITTVN mais relevant bien du domaine précis des investissements dans les transports terrestres : il s'agissait d'un prélèvement sur la Compagnie nationale du Rhône et sur EDF, via une filiale spécifique, la SORELIF.
Si l'on ne réalise pas le canal Rhin-Rhône, où vont aller les recettes qui lui étaient affectées ?
Le Gouvernement doit apporter une réponse claire à cette question.
Dans l'esprit des sénateurs membres du comité de gestion, il serait tout à fait logique que cette recette soit maintenue et qu'elle soit affectée au FITTVN, en particulier pour servir deux objectifs.
Le premier, c'est la poursuite du programme fluvial. En effet, même si nous sommes tristes de la décision du Gouvernement d'annuler le canal Rhin-Rhône, nous n'oublions pas qu'il y a une autre grande réalisation fluviale en cours, Seine-Nord, qui a besoin de crédits car son financement risque de ne pas être assuré à un rythme suffisant pour garantir l'achèvement des travaux dans des délais acceptables, en vue de nous raccorder effectivement au réseau à grand gabarit de l'ensemble de l'Europe.
Le deuxième objectif est le développement de toutes les autres infrastructures - les infrastructures fluviales ne représentent qu'une part minoritaire des crédits du FITTVN - c'est-à-dire les autoroutes - et je pense notamment au désenclavement du Massif central - et les investissements ferroviaires, spécialement ceux qui intéressent le TGV-Est.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est la position du Gouvernement en ce qui concerne la rente du Rhône ? Est-elle restituée à EDF ? Est-elle versée au « pot commun » du budget général pour faire face à l'ensemble des charges de l'Etat ? Ou bien reste-t-elle affectée aux investissements en matière de transports terrestres, par l'intermédiaire du FITTVN, notamment pour le TGV-Est, la poursuite du programme autoroutier et du programme fluvial à grand gabarit, c'est-à-dire Seine-Nord ?
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez répondre à nos préoccupations sur ce sujet.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Marini, la ressource provenant de l'abandon du projet de réalisation de la liaison fluviale à grand gabarit Saône-Rhin qui a été décidé par le Gouvernement viendra accroître les moyens du FITTVN, qui passeront ainsi de 3,1 milliards de francs en 1997 à 3,9 milliards de francs en 1998.
Cette réaffectation permettra, bien entendu, de financer des priorités en matière d'infrastructures de transports.
Lesquelles ?
Je ne veux pas transformer la Haute Assemblée en comité de gestion de ce fonds : elle y est, si j'ai bien compris, remarquablement représentée. Je souhaite donc seulement vous indiquer que le Gouvernement veillera au développement harmonieux des infrastructures de transports ferroviaires et qu'il est, par ailleurs, attaché à la liaison Seine-Nord, qui verra son achèvement intervenir en temps utile.
Je n'entrerai pas plus dans les détails, de manière à ne pas allonger cette discussion. Mais je vous rassure, monsieur Marini : les 800 millions de francs en cause viendront intégralement abonder le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables. Ce sont les gestionnaires de ce fonds qui lui trouveront les meilleures affectations.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-179, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 22.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. L'article 22 vise à procéder à l'augmentation des moyens du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de février 1995.
Il s'agit expressément de majorer sensiblement le montant de la taxe payée par les titulaires de concessions d'ouvrages producteurs d'hydroélectricité, en résumé par l'établissement public Electricité de France.
Nul n'ignore que nous avons, lors de la discussion de la loi en question, soulevé le problème de l'opportunité de la disposition créant le fonds d'investissement, attendu que nous ne sommes pas favorables au fait que ce qui relève de la pleine responsabilité de l'Etat, à savoir le développement des infrastructures de transport, soit ainsi progressivement débudgétisé au travers d'un fonds alimenté par des taxes annexes.
Nous nous interrogeons, en particulier, sur l'opportunité de mettre EDF en situation de jouer, pour le compte de l'Etat, le rôle de bailleur de fonds, qu'il s'agisse d'un projet aujourd'hui pour le moins abandonné, le canal Rhin-Rhône à grand gabarit, ou de projets structurants en matière de transports ferroviaires ou routiers.
Les chantiers ouverts sont importants, tels que celui du TGV-Est, celui des liaisons Lyon-Turin, de la desserte Nantes-Lyon par Vierzon ou bien celui des autoroutes A 20, A 28 ou A 9.
L'argent tiré des factures d'électricité peut-il suffire à la tâche ?
Nous n'en sommes pas convaincus et nous demeurons clairement partisans de la mise en oeuvre d'une budgétisation de ces entreprises, budgétisation qui passe notamment - et je crois que c'est là la volonté du Gouvernement - par une nouvelle procédure d'enquête publique et d'ingénierie économique en matière de choix des infrastructures réalisées.
On peut, par exemple, reposer ici la question de la desserte TGV du sud du pays ou de la réouverture de la ligne du Somport offrant l'opportunité de nouvelles liaisons avec l'Espagne par la traversée de la chaîne des Pyrénées.
Pour autant, certains de nos collègues nous proposent de majorer encore un peu plus la charge pesant sur Electricité de France pour répondre à quelques projets qui les intéressent.
Soyons clairs : deux taxes alimentent le fonds. La seconde, acquittée par des sociétés d'autoroute dont certaines ne sont pas loin du dépôt de bilan, ne peut être augmentée.
Pour autant, je rappellerai à nos collègues de la majorité sénatoriale qu'ils s'apprêtent à soutenir des propositions de réduction des dépenses budgétaires incompatibles avec la réalisation des investissements dont ils recommandent, par ailleurs, la mise en oeuvre.
Chacun vit avec ses contradictions, mais vous comprendrez aisément que nous ne puissions vous suivre dans cette voie hasardeuse. Nous voterons donc contre l'article 22.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Article 22 bis