M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères et la coopération : II. - Coopération (et francophonie).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ayant déposé au nom de la commission des finances un rapport écrit très complet et qui comporte de très nombreux éléments et de très nombreux renseignements, je me bornerai, à cette heure tardive, à quelques brèves observations.
Pour 1998, sont inscrits 6,5 milliards de francs au budget de la coopération en moyens de paiement, soit 239 millions de francs de moins - 3,5 % - que l'an dernier.
Les autorisations de programme s'élèvent à 2,3 milliards de francs, soit 104 millions de francs de moins - 4,3 % - qu'en 1997.
Cette diminution des crédits de la coopération résulte, d'une part, de la réduction des besoins de financement des pays de la zone franc, dont la situation a continué à s'améliorer depuis la dévaluation du franc CFA, d'autre part, de la poursuite de la politique d'économies en matière d'assistance technique.
Je voudrais rappeler brièvement les cinq éléments qui, selon moi, caractérisent l'aide publique française au développement, qui, au sein de l'OCDE, représentait 38 milliards de francs en 1996, soit 0,48 % de la richesse nationale.
Premier élément : l'effort de la nation en cette matière, repose sur un dispositif complexe. A vrai dire, monsieur le secrétaire d'Etat, on a parfois du mal à s'y retrouver. Mais vous n'en êtes pas responsable ; en effet, notre dispositif se singularise par le grand nombre d'acteurs concernés, une quinzaine au total. Quatre ministères principaux sont impliqués : économie et finances, coopération, affaires étrangères, recherche, sans oublier la Caisse française du développement.
Je constate par ailleurs la prépondérance du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, par lequel transite plus de la moitié des crédits d'aide au développement, le ministère de la coopération, dont nous examinons les crédits ce soir, ne finançant quant à lui que 30 % de l'effort de coopération.
Deuxième élément : l'effort français en faveur de l'aide au développement est parmi les plus élevés des pays occidentaux.
C'est vrai en pourcentage de la richesse nationale puisque l'effort de la France en faveur de l'aide publique au développement - 0,55 % en 1995 - est deux fois plus important que l'effort moyen consenti par les pays de l'OCDE - 0,27 % - et bien supérieur à la moyenne des pays de l'Union européenne - 0,38 %.
C'est vrai aussi en valeur absolue, puisque notre aide, qui représentait 8 milliards de dollars en 1995, est plus importante en volume que celle de l'Allemagne et des Etats-Unis et représente plus de deux fois l'aide accordée par le Royaume-Uni.
Troisième élément : l'effort français est un effort constant.
En effet, notre effort ne date pas d'aujourd'hui. Sa récente diminution en pourcentage de la richesse nationale ne saurait faire oublier que notre aide représente, depuis de longues années, entre 0,40 % et 0,60 % de la richesse nationale française.
On observera en outre que le tassement des flux d'aide publique vers les pays du Sud a été plus que compensé par l'augmentation des flux de capitaux privés : en 1996, 58 milliards de francs.
Quatrième élément : l'effort français reste marqué par la prépondérance de l'aide bilatérale, qui représente en moyenne 74 % de l'aide publique française. Cette forme d'aide a cependant tendance à décroître et ne devrait plus représenter que 70 % en 1998.
L'aide multilatérale s'élevait à 9 milliards de francs en 1997, sur un total de 31 milliards de francs. Sur ces 9 milliards de francs, 5,2 milliards de francs ont été versés au budget de l'Union européenne.
Cinquième et dernier élément : l'effort français est encore majoritairement dirigé vers les pays d'Afrique, qui drainent 42 % du total de l'aide bilatérale. En cela, d'ailleurs, on observe une certaine complémentarité avec l'aide qu'apporte la Communauté européenne, qui bénéficie de plus en plus aux pays de l'Europe de l'Est et du bassin méditerranéen.
La distinction entre les pays dits « du champ » et les pays dits « hors champ » perd de sa pertinence puisque, en 1996, ces derniers bénéficiaient de 64 % du total de l'aide bilatérale.
J'en viens maintenant, aux principales observations de la commission des finances.
D'abord, la diminution des crédits de la coopération n'est pas illégitime.
Dans le contexte actuel, il n'est pas illégitime, en effet, que les crédits de ce département ministériel continuent à décroître. On observera, d'ailleurs, que la diminution prévue pour 1998 est inférieure à celle des années précédentes : 7,8 % de moins en 1997.
Outre les difficultés budgétaires rencontrées par notre pays, on constate que la situation économique de nombreux pays du champ évolue favorablement - la dévaluation du franc CFA n'y est pas pour rien - plusieurs pays africains ayant, cette année encore, enregistré une croissance économique supérieure à leur croissance démographique. La croissance des pays d'Afrique subsaharienne a globalement été de 5,5 % en 1997.
Par ailleurs, la hausse des cours des matières premières conjuguée à des politiques économiques pertinentes favorisant l'apparition d'une nouvelle croissance a permis une amélioration sensible des balances des paiements et une réduction des déficits publics.
L'intégration régionale, dans laquelle la France a joué un rôle non négligeable, a eu aussi un effet favorable dans la mesure où elle sécurise l'investissement, grâce à l'amélioration du cadre institutionnel et de l'environnement juridique et financier.
Enfin, la production agricole, que ce soit pour le coton, le cacao ou les cultures vivrières, connaît des progrès très significatifs, et la dévaluation du franc CFA semble avoir dynamisé l'ensemble.
De ce fait, les programmes d'ajustement structurels peuvent continuer à être réduits, même s'il convient de rester attentif aux difficultés sociales que connaissent les pays en phase d'ajustement. Nous vous l'avons dit en commission, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il faut garder présent à l'esprit qu'une coopération réussie est une coopération qui s'amenuise progressivement.
Pour autant, il convient de ne pas limiter par excès des crédits qui engagent l'action internationale de la France et qui sont un élément de sa crédibilité sur le plan mondial.
Il est donc essentiel - c'est ma deuxième observation - que la France maintienne son aide publique au développement à un niveau significatif.
D'abord, la dépense de coopération est utile pour les pays qui en sont les destinataires. Je n'ai pas besoin de m'étendre sur cette idée, tout le monde la comprend. Il suffit de voir les résultats que nous obtenons grâce à l'aide française, en particulier pour l'amélioration de l'état sanitaire des populations africaines, la diminution du taux d'analphabétisme chez les adultes et la présence plus forte que par le passé de l'Afrique dans le domaine culturel.
La dépense en faveur de la coopération est également riche de retombées pour la France, en termes aussi bien politiques qu'économiques.
Un certain nombre d'études démontrent que l'aide française multilatérale connaît des taux de retours commerciaux « en rapport avec le rang économique de la France », selon un rapport récent du ministère des affaires étrangères. »
Les votes à l'ONU, quand la France a été mise en cause, par exemple lors de la reprise des essais nucléaires à Mururoa, ou lorsque notre pays fait des propositions d'actions ou encore soutient certaines positions, prouvent la fidélité de la grande majorité des pays bénéficiaires de l'aide bilatérale. La même constatation vaut aussi pour des enjeux permanents tels que la francophonie, qui entre maintenant, si je puis dire, dans le champ du secrétariat d'Etat à la coopération.
Je me félicite du fait que les crédits du fonds d'aide à la coopération, le FAC, augmentent, alors qu'ils avaient diminué régulièrement les années précédentes, car cet instrument joue un rôle particulièrement important dans la gestion de l'aide-projet. Les crédits qui lui étaient affectés avaient malheureusement atteint un niveau en deçà duquel il n'était pas souhaitable de descendre. Si M. le président de la commission des finances était là en cet instant - il s'est absenté quelques minutes - je dirais que tout cela était dû sans doute à la régulation budgétaires dont tout le monde sait dans cette assemblée l'admiration et l'affection qu'il lui porte. (Sourires.)
Dans un contexte où l'aide publique au développement diminue, tout en restant nécessaire, il semble impératif de continuer de s'efforcer de faire mieux en dépensant moins. C'est mon observation.
La nécessité d'accroître l'efficacité de la dépense de coopération suppose de réorienter notre aide en privilégiant l'aide-projet par rapport à l'aide structurelle et l'assistance de conseil par rapport à l'assistance de substitution. Il est heureux que ces orientations soient partagées par l'actuel gouvernement, comme elles l'étaient du reste par l'ancien. De ce point de vue, la commission a noté la continuité de l'action.
Mais elle suppose également d'étudier à nouveau la question de l'organisation des structures.
A cet égard, force est de constater que la réforme mise en oeuvre en 1996 a eu des effets positifs.
Faut-il aller au-delà et fusionner le secrétariat d'Etat à la coopération avec le ministère des affaires étrangères ? Faut-il envisager, comme on en a parlé ici ou là, la création d'une agence pour la coopération ?
La commission considère qu'il s'agit-là de fausses pistes. Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous vouliez vous y engager, je ne peux pas dire que vous seriez assuré de notre soutien...
D'une part, le secrétariat d'Etat à la coopération doit demeurer distinct du ministère des affaires étrangères. Cette structure ministérielle constitue en effet l'interlocuteur irremplaçable de nombreux pays africains et contribue, de ce fait, au maintien de l'influence de la France dans cette partie du monde. Par ailleurs, les personnels de la « coopération » disposent d'un savoir-faire distinct, qui complète utilement celui des autres administrations mettant en oeuvre des actions d'aide publique au développement.
D'autre part, la création d'une agence, à l'instar de ce qui existe aux Etats-Unis, aurait pour effet, du fait de la pluralité de tutelles dont elle dépendrait immanquablement, d'affaiblir la marge d'action du Gouvernement dans un domaine qui se situe au coeur des missions régaliennes de l'Etat. Elle rendrait plus difficile aussi le contrôle parlementaire dans un domaine où l'opinion publique exige de la rigueur - et nous sommes ici l'oeil de l'opinion et des contribuables. De surcroît, la mise en place d'une telle structure pourrait avoir des effets inflationnistes. Enfin, une telle modification de notre dispositif ne semble pas correspondre aux souhaits de nos partenaires étrangers, notamment européens.
Plus simplement, la commission des finances suggère que soit approfondi l'effort de coordination entre tous les acteurs de l'aide publique au développement et que les procédures d'octroi de l'aide soient améliorées.
Il serait souhaitable notamment de procéder à un examen systématique de la représentation française dans les pays du champ afin de réduire les doubles emplois entre les personnels de la Caisse française et ceux des missions de coopération qui font la même chose, mais dans des bureaux différents et chacun dans son coin.
Il serait également souhaitable d'élaborer un règlement financier du FAC - observation déjà faite l'an passé - afin d'assurer une exécution plus rapide et plus efficace des projets et, d'éliminer les crédits dormants puisque le FAC engage des opérations qui quelquefois, deux ou trois ans plus tard, n'ont pas eu de commencement d'exécution.
Un conseil général qui serait géré de cette manière ferait certainement l'objet d'observations très sévères de la part de la chambre régionale des comptes. L'ancien président du conseil général des Côtes d'Armor - ancien, non pas qu'il ait démérité ou qu'il ait été privé de son poste par une sanction abusive - doit très bien comprendre ce que je veux dire !
Il convient aussi de supprimer ou de réduire les moyens administratifs dans des pays qui ont maintenant assuré leur décollage économique. Je plaide ainsi depuis plusieurs années pour qu'il n'y ait plus de missions de coopération qui ne paraissent pas indispensables, à l'île Maurice ou aux Seychelles. On y arrive tout doucement, enfin ! Tant pis, on ira bronzer ailleurs ! (Sourires.)
Il faut aussi promouvoir une meilleure coordination entre les services de la Commission européenne et les représentants des Etats membres pour éviter que nous ne soyons soit ignorants des projets de l'Europe, soit en concurrence ; les services de la commission se mettent, en effet, quelquefois en travers des initiatives françaises.
Enfin, il serait souhaitable de préciser la situation de la coopération dans les nouveaux pays du champ.
La commission des finances du Sénat a relevé avec satisfaction le rééquilibrage intervenu entre les crédits du fonds d'aide et de coopération, le FAC, et ceux de la caisse française du développement, la CFD. Cette orientation semble la bonne, dans la mesure où, comme j'ai pu le constater à l'occasion de mon dernier contrôle budgétaire, les projets de la caisse française de développement ne sont pas, monsieur le secrétaire d'Etat, aussi bien contrôlés, aussi strictement contrôlés que ceux du FAC et visent parfois à satisfaire davantage les souhaits de la direction du Trésor que ceux du secrétaire d'Etat à la coopération ! Naturellement, pour ne pas vous nuire, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne sera pas répété en dehors de cette enceinte ! (Sourires.)
Quatrième observation : il est indispensable de ne pas laisser se distendre le lien privilégié entre la France et certains pays africains.
La politique restrictive des visas - dont vous n'êtes pas responsable - accordés aux étudiants, enseignants et chercheurs menée depuis plus d'une dizaine d'années, conjuguée à la diminution continue des crédits relatifs aux bourses de formation ont conduit bon nombre d'universitaires, notamment africains, à se détourner des universités de notre pays et à effectuer leurs études ailleurs, spécialement en Amérique du Nord. Aussi, le nombre de dirigeants africains qui ne sont pas passés, à un moment ou à un autre, dans nos filières d'enseignement supérieur, augmente-t-il chaque année. Je le constate personnellement lorsque je me rends en mission dans ces pays : je rencontre de moins en moins de responsables contents de m'apprendre qu'ils ont étudié à Montpellier, à Toulouse ou ailleurs. En revanche, de plus en plus me disent être allés étudier à Montréal. J'en suis heureux pour eux, mais pas pour la France !
Les conditions du dialogue entre les responsables de haut niveau français et africains sont donc insensiblement en train d'évoluer. Et l'on peut craindre que la disparition de ce mélange de complicité intellectuelle, de compréhension mutuelle, de confiance et d'estime réciproques, qui faisait que les interlocuteurs étaient, sinon toujours en mesure de s'entendre, du moins de parler un langage commun, ne soit en train de disparaître.
Il semble donc souhaitable, d'une part, d'ouvrir plus largement les conditions d'accès de notre territoire aux universitaires les plus sérieux de nos partenaires francophones et, d'autre part, de veiller au maintien des crédits affectés aux bourses d'études. Même si la diminution de l'ordre de 3 millions de francs opérée cette année est modeste, elle traduit une tendance qui préoccupe la commission des finances.
Cinquième observation : il faut veiller aussi à ne pas laisser l'usage du français disparaître des pays du champ.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Force est de constater que la pratique du français recule dans bon nombre des pays du champ et que son usage est parfois en passe de disparaître complètement, comme j'ai pu le constater au Viêt-nam ou dans certains pays d'Afrique, sans parler d'Haïti, où l'absence de la France, en raison des événements dont nous nous souvenons les uns et les autres, a permis une forte implantation de l'Amérique, de ses habitudes alimentaires, linguistiques et autres, qui sont particulièrement nuisibles.
Je sais que cela a été un des thèmes du récent sommet de la francophonie. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce domaine, il vous reste du pain sur la planche !
Enfin, sixième observation : il convient d'encourager la coopération décentralisée.
Au moment où les collectivités locales s'investissent de plus en plus dans la coopération, le fait que les crédits affectés à cette action diminuent, même s'il convient de prendre en compte les crédits affectés à cette action qui transitent par le FAC, ne constitue pas un bon signal.
Voilà, mes chers collègues, les quelques observations que la commission des finances m'a chargé de vous présenter. Elles ont été enrichies par les interventions des très nombreux membres de la commission des finances qui ont tenu, en présence de Mme Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, à s'exprimer sur ce sujet et que j'ai scrupuleusement reprises dans mon rapport.
Au nom de la commission des finances, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter sans modification les crédits du secrétariat d'Etat à la coopération. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, du rôle que nous jouons en Afrique dépendra la place de la France dans le monde. C'est, pour moi, une conviction profonde qui s'est renforcée au fil des ans et au fur et à mesure de mes différents voyages. Et c'est en fonction de cet enjeu fondamental que nous devons analyser, d'une part, les objectifs de notre politique africaine et, d'autre part, l'évolution, que j'estime préoccupante, des crédits dévolus à la coopération.
A la veille de réformes importantes pour notre coopération, je rappellerai quelques-unes des priorités qui doivent guider notre action et je ferai à ce sujet trois remarques.
Première remarque : il faut restaurer la cohérence de notre politique africaine tout en préservant l'identité de notre action en Afrique.
Au chapitre de la cohérence, il convient de réaffirmer le rôle du ministre des affaires étrangères dans la définition de la politique africaine sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre.
Cependant, à l'instar de l'Europe, l'importance de l'Afrique justifie le maintien, au sein du Gouvernement, d'un responsable en charge de la coopération. En effet nos partenaires africains ont besoin d'un interlocuteur spécifique, d'un bon connaisseur du continent, qui ait le titre de secrétaire d'Etat ou de ministre délégué.
De plus, il importe de préserver, sur le terrain, l'atout précieux et sans exemple dans d'autres pays que représente le savoir-faire de nos coopérants.
Je ne vois pas dès lors ce que nous aurions à gagner d'une fusion envisagée entre services de la coopération et des affaires étrangères.
Pour conclure sur ce point, c'est au sommet qu'il faut rétablir la cohérence des choix politiques. Mais, à la base, la distinction des « métiers » en fonction de la diversité des situations doit demeurer.
Deuxième remarque : il faut encourager et renforcer la présence française en Afrique car elle est le meilleur vecteur de notre influence. A cet égard, je retiendrai trois axes d'action.
En premier lieu, un effort particulier doit être fait en faveur de nos PME-PMI, notamment locales, qui forment la base même de notre présence économique sur le continent. Or la Caisse française de développement, qui est par ailleurs un instrument performant et indispensable de notre coopération, ne met aucune ligne de crédit spécifique à disposition de cette catégorie d'entreprises.
En deuxième lieu, la mise en place d'un socle de garanties pour les Français établis en Afrique est indispensable. Ces Français doivent se sentir soutenus par leur gouvernement. A cet égard, la réponse au problème de la dévalorisation - après dévaluation du franc CFA - de la pension servie par les caisses de retraite africaines à nos compatriotes, aurait dû être exemplaire. Mais cela n'a pas été le cas.
Actuellement, par exemple au Congo, il conviendrait d'aider certains de nos compatriotes qui ont été frappés de plein fouet par les récents événements. La France apparaît, dans le contexte actuel, en mesure d'obtenir, pour un certain nombre d'années, des autorités de Brazzaville des compensations sous forme, entre autres, de dégrèvements d'impôts ou d'exonérations de droits de douanes. Cela doit être négocié, négocié vite, si nous voulons obtenir satisfaction.
En troisième lieu : un dispositif militaire français est nécessaire, car son rôle dissuasif est essentiel pour sécuriser nos compatriotes expatriés en Afrique. A cet égard, beaucoup trop d'incertitudes demeurent encore sur les moyens de préserver nos capacités opérationnelles à la suite de la réduction des effectifs sur nos différentes bases. On nous dit que cette réduction permettra « d'agir mieux et plus vite ». Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des explications précises ?
Ma troisième et dernière remarque porte sur les orientations de notre coopération. Notre aide doit continuer à privilégier l'Afrique, même s'il s'agit d'une Afrique élargie au-delà du cercle des pays francophones.
L'appui de la France est en effet fortement sollicité par plusieurs Etats anglophones ou lusophones et il serait dommage de ne pas saisir cette opportunité. Cela dit, sur le plan de nos méthodes d'action, il faut absolument rechercher la rapidité des interventions, car cette rapidité constitue le meilleur gage d'efficacité et de réussite.
Je souhaiterais maintenant en venir à l'analyse rapide des principales orientations du projet de budget pour la coopération.
Première observation : ce budget traduit une fois de plus une certaine incohérence entre choix politiques et choix financiers. En effet, alors que votre compétence, monsieur le secrétaire d'Etat, s'étend maintenant à l'ensemble des pays en développement, les moyens consacrés à la coopération baissent de 3,5 %. Est-ce logique ? Est-ce cohérent ? Ne vaudrait-il pas mieux, pour le moment, revenir à l'ancienne délimitation géographique de notre coopération ?
Ne vaut-il pas mieux rester les premiers et être parfaitement performants dans un nombre plus restreint de pays que de nous disperser, ce qui présenterait le risque - faute de moyens financiers suffisants - d'être « médiocres » ou, en tout cas, insuffisants partout ?
Personnellement, je préfère que nous restions les premiers dans des pays dans lesquels la France a investi depuis des années dans tous les domaines - humains, techniques, financiers - où nous avons un solide capital d'amitié et de confiance. Je préfère que nous conservions les dividendes de notre action. Ces dividendes, nous les avons obtenus, ne l'oublions pas, grâce non seulement au rayonnement de la France et à énormément de sacrifices, mais également à la qualité d'un certain nombre de nos compatriotes qui ont parfois consacré toute leur vie à faire comprendre et aimer la France dans cette région du monde qui est devenue proche de nous.
M. Jacques Habert. Très bien !
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis. Par contre, lorsque nos moyens budgétaires nous le permettront, nous pourrons étendre notre influence à d'autres continents tout en gardant une priorité indiscutable sur le continent africain.
Seconde observation : ce projet présente toutefois un motif de satisfaction car il permet, grâce à une répartition différente au sein de l'enveloppe des crédits, de renforcer ce qui fait le coeur de notre coopération, à savoir l'aide-projet dont les crédits progressent de 7 %.
Cependant, il faut le rappeler, l'aide-projet, en particulier les crédits du fonds d'aide et de coopération, demeurent trop souvent une variable d'ajustement pour les économies budgétaires décidées en cours d'année. Ce n'est pas tolérable, car c'est tout le fragile équilibre de notre coopération qui serait alors remis en cause. Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, d'y veiller attentivement.
Troisième observation : le projet de budget accentue des évolutions qui me paraissent extrêmement préoccupantes pour l'avenir.
La diminution continue des effectifs de l'assistance technique civile et militaire, avec la suppression de 305 postes en 1998, apparaît aujourd'hui très inquiétante. Cette diminution risque de remettre en cause un élément fondamental de notre coopération qui se fonde sur une forte présence humaine sur place.
Cette présence n'est pas seulement l'instrument d'un remarquable savoir-faire, elle constitue aussi une garantie certaine pour une bonne utilisation de nos crédits.
La baisse des effectifs apparaît donc d'autant plus préoccupante que, dans le même temps, la substitution du volontariat à l'obligation du service national pose la question des quelque 800 postes actuellement pourvus par des coopérants du service national. Il s'agira de trouver non seulement les effectifs nécessaires, mais aussi des jeunes gens qualifiés. Il y a là de graves incertitudes pour l'avenir. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous apporter des garanties sur ce sujet ? En effet, nous ne savons toujours pas comment seront remplacés les VSN, les volontaires du service national.
En conclusion, je crois qu'au-delà des vicissitudes du quotidien, il ne faut jamais perdre de vue que le continent africain comportera 1,25 milliard d'habitants en 2025, soit 18 % de la population mondiale.
Il y a là un double enjeu pour notre pays : il faudra contribuer au développement harmonieux de l'Afrique ; en retour, l'influence de la France sur le continent permettra à notre pays de tenir son rang sur la scène internationale et de rester une grande puissance dans le monde.
Notre coopération doit donc être à la mesure de ces enjeux essentiels non seulement pour l'avenir de l'Afrique, mais aussi pour notre avenir. Aussi est-il urgent d'inverser la tendance actuelle à la baisse des moyens financiers consacrés à l'aide au développement. Cela n'a pas été possible cette année. Mais cela doit être notre objectif pour l'année prochaine.
Malgré toutes ces réserves, il faut reconnaître que nos amis africains ne comprendraient pas que nous rejetions les crédits, même insuffisants, dévolus à la coopération.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable au projet de budget du secrétariat d'Etat à la coopération. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. L'année 1997 restera l'année du sommet de Hanoi. A cette occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne portiez pas le titre de secrétaire d'Etat à la francophonie, mais j'apprends que cette regrettable lacune est désormais corrigée.
Je m'en réjouis car le Gouvernement montre ainsi à nos partenaires, à nos amis, l'importance qu'il attache à la francophonie.
Je ne suis pas pour autant totalement satisfait, car les pays francophones ne s'identifient pas parfaitement avec les pays dont vous avez la responsabilité.
La francophonie, ce sont des pays d'Afrique noire certes, que votre secrétariat d'Etat connaît bien, c'est aussi l'Afrique du Nord, le Viêt Nam, le Laos et le Cambodge, les pays du Nord, comme le Canada, la Belgique et la Suisse, et les pays de l'Europe centrale, qui sont de plus en plus nombreux. Or, tous ces pays ne reconnaissent pas le secrétariat d'Etat à la coopération comme leur interlocuteur naturel.
Il faut bien dire aussi que le secrétaire d'Etat chargé de la francophonie n'a pas les moyens de son action s'il ne peut intervenir directement que grâce aux modestes crédits gérés par le service des affaires francophones, soit un peu moins de 62 millions de francs, qu'il convient de comparer à l'effort français en matière de coopération, qui dépasse les 5 milliards de francs.
Vous ne disposez qu'en tant que de besoin de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, qui est pourtant le principal instrument de notre politique de présence culturelle extérieure.
Je crois profondément nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de regrouper entre les mêmes mains les services et les crédits qui concourent au développement de la francophonie, des relations culturelles extérieures et de l'audiovisuel extérieur de la France, et cela, bien évidemment, sous la tutelle du ministère des affaires étrangères.
En préconisant une telle formule, je n'innove pas : en son temps, ce fut le domaine dévolu à Mme Catherine Tasca.
Il est, me semble-t-il, urgent de traduire une volonté politique forte par une organisation concentrée et efficace qui signifie clairement aux autres pays que la France croit à la diplomatie culturelle et qu'elle attache une grande importance à la dimension francophone de sa présence au monde.
En 1997, les crédits d'intervention mis à votre disposition, monsieur le secrétaire d'Etat, s'élevaient à 62,7 millions de francs, dont 49,7 millions de francs destinés aux opérateurs et 13 millions de francs devaient rester à votre disposition pour les subventions aux associations froncophones.
Du moins était-ce la situation lors du vote du budget, car un gel en avril, devenu annulation le 9 juillet, retirait 2,7 millions de francs - ô magnifique continuité de Bercy et des gouvernements ! - tandis que 1,4 million de francs étaient transférés à la direction des relations culturelles et techniques pour la mise en route de TV 5-USA, soit une amputation de 36 % des crédits votés par le Parlement.
Pour 1998, les crédits d'intervention se montent à 61,7 millions de francs - soit moins 1,6 % par rapport au projet de loi de finances initiale - dont 53,4 millions de francs sont affectés au fonds multilatéral unique. Il ne vous reste donc véritablement que 8,3 millions de francs pour le soutien aux associations et institutions de la francophonie.
Il doit être bien clair que les crédits destinés aux associations ont subi une diminution telle qu'il ne doit plus être possible de les amputer encore. De nouvelles opérations de gel et d'amputation seraient ressenties par la commission comme insupportables et inadmissibles.
M. Adrien Gouteyron,. président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Notre examen ne saurait se limiter aux crédits du service des affaires francophones. En provenance de huit ministères, des crédits français concourent à des actions multilatérales.
S'agissant de la coopération francophone, pour le bien-num 1996-1997 avait prévu 625,4 millions de francs. Le bien-num 1998-1999 a prévu 662,6 millions de francs, soit 37,2 millions de francs de mesures nouvelles, annoncées à Hanoi.
Ces crédits serviront, entre autres, au développement des info-routes, à la promotion du français dans les relations internationales, à l'observation de la démocratie et au secrétariat général de la francophonie, pour 2,5 millions de francs.
Il est difficile de suivre la mise en place et l'utilisation de ces crédits. Je souhaite vivement qu'ils soient clarifiés et que les circuits de mise en oeuvre soient simplifiés. L'article 102 de la loi de finances de 1987 fait obligation au Gouvernement de dresser chaque année, lors du vote du budget, un tableau d'ensemble de l'effort français pour la défense de la langue et le développement de la francophonie.
Pour 1998, cet effort peut être estimé à 5,134 millions de francs, soit 16 millions de francs de plus qu'en 1997.
Ces fonds proviennent pour 68 % du ministère des affaires étrangères et pour 25 % du ministère de la coopération.
Le choix de ces crédits est un peu artificiel. Ils montrent, toutefois, que l'effort de la France reste très important et significatif.
L'intérêt porté par la France à la défense de sa langue chez elle est suivi avec beaucoup d'intérêt par les francophones des autres pays. C'est non pas à vous mais au ministre de la culture qu'il faudrait en parler, monsieur le secrétaire d'Etat.
Toutefois, il me faut regretter à nouveau publiquement la formule ambigue utilisée par M. Allègre, ministre de l'éducation nationale, quand il a déclaré que l'anglais ne devait plus être considéré comme une langue étrangère en France. Nous comprenons ce que veut dire le ministre. Il devient en effet nécessaire à un jeune de connaître l'anglais, mais cela n'en fait pas pour autant la deuxième langue de la République. Dans la bouche d'un ministre de l'éducation nationale, la formule a choqué, et je la crois, en effet, regrettable.
Il convient aussi de veiller à l'application de la loi du 4 août 1994, dite loi Toubon. Cette loi a prévu que des associations agréées puissent poursuivre devant les tribunaux les auteurs d'infractions. Certains tribunaux ont contesté cette possibilité ouverte aux associations par le législateur.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah, s'il s'agissait du tabac ! ...
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Qu'il soit permis à l'ancien rapporteur de la loi Toubon de rappeler à cette tribune que le législateur a incontestablement voulu donner cette possibilité aux associations agréées.
Je crois enfin devoir, une fois de plus, demander la plus grande vigilance et la plus grande fermeté au Gouvernement pour que soit défendue la place de notre langue dans les institutions internationales.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je voudrais attirer tout particulièrement l'attention sur le comportement inadmissible de certaines directions de l'Union européenne, en particulier de celles qui sont chargées des contacts avec les pays d'Europe centrale, qui font véritablement de l'anglais la langue et la seule langue internationale de l'Union.
Le devoir du Gouvernement est de s'opposer avec la plus grande énergie à une telle dérive : si le Français cessait d'être une des grandes langues de l'Union, il perdrait le meilleur argument qu'il puisse faire valoir pour rester une grande langue internationale.
Glorieux, mais parfois acrimonieux, le sommet de Hanoï emporte des acquis importants. Il faut le dire, car la presse n'en a pas assez rendu compte.
Une nouvelle charte de la francophonie améliore de manière importante et réelle les structures de celle-ci. L'élection d'un secrétaire général de la francophonie de dimension internationale, M. Boutros Boutros-Ghali, lui donne enfin la notoriété souhaitable.
Mais la pompe des sommets ne doit pas faire oublier que la francophonie doit d'abord être vécue au quotidien par des associations, des collectivités locales, des particuliers, des étudiants, des créateurs. Il convient, à l'occasion de ce débat, de leur rendre publiquement hommage.
Monsieur le ministre, il me faut conclure.
Nous sommes appelés à voter sur un budget. Ne sera-t-il qu'apparence ou est-ce véritablement la réalité sur laquelle nous devons nous prononcer ?
Si je dis cela, c'est parce que la commission des affaires culturelles, à l'unanimité, tient à redire son opposition à toute mesure de régulation budgétaire qui dénature le sens même de nos débats. Nous ne pouvons plus accepter que l'on nous présente des budgets pour décider, quelques semaines plus tard, le gel de crédits, puis leur annulation.
Nous voulons discuter d'un budget véritable.
Sous cette réserve, la commission des affaires culturelles a décidé à l'unanimité de recommander au Sénat d'adopter les crédits dévolus à la francophonie. Mais elle entend qu'ils constituent un vrai budget et que vous puissiez disposer intégralement des crédits qui seront ainsi votés, monsieur le secrétaire d'Etat. Ces crédits sont tout juste nécessaires à l'affirmation de la francophonie comme dimension de la présence de la France dans le monde. Il s'agit de prendre la pleine mesure de l'importance de l'enjeu. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, compte tenu de l'heure tardive, les chiffres ayant déjà été présentés, je réduirai l'intervention que j'avais préparée de plus de 1,44 %, soyez-en sûr ! (Sourires.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Excellente initiative !
M. Robert-Paul Vigouroux. Lorsque l'on considère la situation des pays en voie de développement du point de vue de la croissance, l'année 1996 montre une nouvelle accélération, avec un chiffre moyen de 6,5 %.
En Afrique, de meilleures politiques ont stimulé la reprise des économies. La croissance du PIB régional a dépassé celle de la population pour la deuxième année consécutive, atteignant 4,9 % en 1996.
Par ailleurs, trente-quatre pays ont amélioré leur revenu par habitant, et certains pour la première fois depuis des années. Je me place dans un contexte international puisque le budget français a déjà été présenté.
Pourtant, la persistance de la pauvreté dans le monde, plus particulièrement en Afrique sub-saharienne, est préoccupante. Elle est illustrée par des disparités intolérables en termes de revenus, de santé, de nutrition, d'éducation et d'accès à l'eau potable.
Dans le domaine de l'éducation, on dénombre encore 1 milliard d'illettrés et 50 millions d'enfants non scolarisés.
Le dernier rapport de l'UNICEF souligne que, en affectant à l'éducation entre 3 milliards et 6 milliards de francs des 360 milliards de francs dépensés chaque année dans les armements, il serait possible de donner à tous les enfants une place dans une école décente.
J'aborde le secteur de la santé. Trois milliards d'individus ne disposent pas aujourd'hui de moyens hygiéniques d'évacuation des eaux usées et d'innombrables maladies résultent directement ou non de cette situation. Chaque année, 2 millions de jeunes meurent de maladies diarrhéiques.
Les pays en développement sont particulièrement touchées par les maladies sexuellement transmissibles, les MST ; ainsi, 90 % des 20 millions de séropositifs y vivent, et 8 500 personnes y contractent chaque jour le sida.
En matière de nutrition, la FAO vient d'indiquer qu'en 1997 vingt-neuf pays, dont la plupart sont situés en Afrique, souffrent de pénuries alimentaires, sans compter les effets de El Niño , qui risque d'arriver en 1998.
Lorsqu'on en vient à s'interroger sur les causes de ces échecs, car le monde y travaille depuis des années, il est souvent de bon ton, dans les enceintes politiques, à droite comme à gauche et dans les Etats concernés, de fustiger les institutions de Bretton Woods. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale seraient, par l'application de médecines ultralibérales, coupables des maux dont souffrent les populations. Je crois qu'il nous faut écarter ce cliché trop facile et réducteur, d'abord parce que ces institutions ne sont que les mandataires des Etats industrialisés actionnaires, ensuite parce que nous ne sommes plus à l'époque des ajustements rigides des années soixante-dix.
Même si l'initiative sur la réduction de la dette multilatérale a tardé à être mise en oeuvre, la Banque mondiale et sa filiale l'IDA accordent depuis longtemps la priorité à la lutte contre la pauvreté, ont intégré la protection de l'environnement dans leurs projets et ont mis l'accent sur l'importance des femmes dans le processus de développement, sur le partenariat et sur l'obtention de résultats concrets, tout en entamant une profonde rénovation interne.
Les responsabilités des échecs incombent surtout au manque de lucidité et à l'absence de volonté politique des Etats.
Du côté des pays en développement, et pour s'en tenir aux seuls pays de la zone ACP - Afrique, Caraïbes, Pacifique - le Livre vert sur les relations entre l'Union européenne et ces derniers dresse un constat sans complaisance.
Pour ce qui est des Etats industrialisés, l'aide publique a atteint en 1996 son niveau historique le plus bas depuis quarante-cinq ans, avec une moyenne de 0,27 % du PNB.
Du côté des donneurs, les perspectives ne sont pas favorables : le Japon, principal contributeur de l'aide publique au développement, l'APD, depuis 1988, vient d'annoncer une réduction de 10 % de son aide à l'Afrique dans son prochain budget. La France, qui a longtemps fait figure d'exception parmi les pays riches, avec une APD de 0,62 % du PIB dans les années 1984 et 1985, rentre dans le rang, avec un chiffre réduit à 0,48 % en 1996.
Cette baisse de l'aide publique peut-elle être compensée par le flux d'investissements privés en plein essor dans les pays en voie de développement depuis 1995, avec le chiffre record de 129 milliards de dollars en 1996 ?
Mais on touche ici aux limites de l'investissement privé : est-il légitime d'assurer la distribution d'eau potable aux classes moyennes et favorisées, seules solvables, au lieu d'aller vers ceux qui en ont le plus besoin ? Aider les Etats à bien négocier les contrats de concession, à apporter une aide appropriée aux populations défavorisées, c'est évidemment l'une des légitimations de l'APD.
L'aide publique est indispensable pour assurer un développement humain durable. Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue que, si les flux privés augmentent, ils sont très inégalement répartis : tandis que 42 milliards de dollars d'investissements étrangers vont vers la Chine, le total de ces investissements pour les quarante-huit pays les moins avancés atteint seulement 1,5 milliard de dollars. Si quelques pays d'Asie du Sud captent l'essentiel, l'Afrique dans son ensemble n'a recueilli que 5 milliards de dollars en 1996.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, qui ne représente que 11 % de l'aide publique française, accuse une baisse de 3,5 %, dans un contexte budgétaire serré.
Toutefois, en raison de la volonté de privilégier l'aide que ce budget traduit et des priorités qu'il affiche quant au respect de l'état de droit, à la réorientation du rôle des Etats dans l'économie, à la poursuite d'un développement humain durable, à l'encouragement, même s'il est trop modeste à mon sens, de la coopération décentralisée, je le voterai.
Je conclurai en rappelant un chiffre : selon l'ONU, quelque 60 millions de femmes qui devraient être vivantes aujourd'hui ont disparu en raison de l'avortement sélectif des foetus et de l'infanticide des nouveau-nés de sexe féminin : un véritable holocauste que, je le crains, beaucoup ignorent. (Applaudissement.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous étions nombreux à espérer un nouvel ordre fondé sur la justice et la coopération, sur la pleine souveraineté des nations du Sud sur leurs ressources naturelles, sur des échanges entre Nord et Sud fondés sur l'équité.
Nombreux nous sommes aujourd'hui à constater que l'écart entre le Nord et le Sud n'a fait que se creuser.
La mondialisation est telle que le sous-développement du Sud constitue une bombe à retardement, dont l'explosion n'épargnera pas le Nord.
Oui, mes chers collègues, l'ennemi mondial s'appelle la pauvreté, et c'est un mal implacable qui engendre violence, anarchie et drames à grande échelle.
Dans le même temps, le déséquilibre démographique s'accroît entre un Sud qui fait trop d'enfants et un Nord qui n'en fait pas assez.
L'ancien ministre Claude Cheysson déclarait voilà quelques années : « En fait, les véritables interventions de l'Occident ont lieu lorsque les intérêts économiques sont en jeu. Cette approche coloniale continue à être enrobée dans un discours moral très XIXe siècle : il faut apprendre à ces pauvres gens à ne plus se disputer, à laver leurs enfants, bref à leur apporter le progrès et non plus la religion, peut-être, mais le pluralisme. Dans ce monde, le seul critère du progrès pour les puissants, c'est le profit de la croissance. Ceux qui ne produisent rien qui y contribue, on s'en moque ; autant les exclure, les oublier ! »
Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez, avec l'ensemble du Gouvernement, la volonté politique d'agir pour modifier cet état de choses inique, mais je tenais à citer ces propos qui, s'ils ont peut-être le tort de manquer un peu de nuance, ont le grand mérite de dénoncer clairement la situation.
Votre projet de budget est en baisse de 3,5 % par rapport à celui de l'an dernier. Cette baisse ne nous réjouit pas, même si elle est essentiellement due à la réduction des crédits d'ajustement structurel visant à aider les finances des pays africains après la dévaluation du franc CFA de 1994.
Doit-on en déduire, comme certains, que c'est l'un des signes de l'amélioration de la situation des pays africains du « champ » ? Sur ce point, il convient d'adopter une position nuancée, voire une attitude mitigée.
A l'évidence, les avancées enregistrées récemment en ce qui concerne la plupart des PIB correspondent plus à la meilleure intégration de quelques secteurs marchands à l'économie mondiale et à une meilleure compétitivité commerciale, due notamment à la dévaluation du franc CFA, qu'à un réel mouvement en profondeur des sociétés de ces pays.
En fait, on a enregistré, ces toutes dernières années, un recul pour ce qui est des conditions matérielles d'existence des populations.
On assiste à un transfert des pouvoirs nationaux au profit de puissances privées dont les intérêts nécessairement à court terme ne peuvent qu'entrer en conflit avec les nécessités d'un développement durable, équitablement réparti, écologiquement acceptable.
Dans nombre de pays, les fondements déjà ténus de l'Etat de droit, là où ils existent, ont été encore fragilisés par des pertes de substance de l'appareil d'Etat dans ses domaines essentiels.
Peut-il y avoir développement à moyen et long terme dans un environnement qui n'obéit qu'aux seuls mots d'ordre de libre-échange, de privatisation, de déréglementation ?
Par exemple, l'Afrique est obligée de dépenser quatre fois plus pour le financement de sa dette que pour ses services de santé. On ne s'étonnera pas, dans ces conditions, de la recrudesence de plusieurs maladies et de la baisse, ici ou là, du taux de vaccination.
M. le ministre de la santé du Burkina-Faso disait récemment que la dévaluation du franc CFA s'était traduite par une chute de 50 % en un an des importations de médicaments dans l'ensemble de la zone franc et que cela avait des répercussions sur l'espérance de vie. Il indiquait que si cette espérance de vie se maintenait à soixante ans et plus dans les villes, elle pouvait tomber à trente ou trente-cinq ans dans les campagnes éloignées des centres de soins. Le paludisme, le sida et les maladies liées à l'insalubrité de l'eau restent les trois fléaux principaux.
En matière d'éducation, si le taux d'alphabétisation a largement progressé dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, il a maintenant tendance à régresser, conséquence de la forte baisse des budgets d'enseignement, baisse qui ne peut évidemment être compensée totalement par les efforts dans ce domaine des budgets de la coopération.
Le continent africain est le seul de la planète à avoir franchi le cap des années quatre-vingt-dix plus pauvre qu'il ne l'était dix ans auparavant. Comment imaginer qu'on puisse laisser un ensemble de 700 millions d'habitants - demain un milliard ! - à la dérive, avec des pays en voie de marginalisation, d'autres au bord du chaos ou en guerre civile périodique sans que cela puisse avoir des répercussions sur la France et sur l'Europe ?
« On peut prendre toutes les décisions administratives possibles, on ne résoudra le problème de l'émigration du Sud que par le développement des pays d'origine », disait fort justement, en 1993, notre collègue Charles Pasqua. Ces paroles de bon sens avaient été, hélas ! suivies par les fameuses lois du même nom, elles-mêmes aggravées par celles de M. Debré, lesquelles ont détérioré, à un point qu'il serait dangereux de sous-estimer, l'image de la France en Afrique. Quant à la politique restrictive que les deux personnages susnommés ont menée en matière de visas, elle a fait prendre à une bonne partie de la future élite africaine le chemin moins borné des universités américaines et canadiennes.
Contre l'émigration clandestine ou mal contrôlée, les charters d'investisseurs seront toujours plus efficaces que les charters de reconduits, lesquels ne resteront chez eux que le temps de récolter l'argent nécessaire pour payer de nouveau les passeurs.
Depuis trop longtemps, le Sud subit des lois d'inéquité. Producteur de matières premières, il a toujours été exclu des décisions fixant le prix de ses produits. Pendant que ces prix baissaient, ceux des produits industriels que le Nord lui envoie connaissaient des hausses continues.
Moins que de charité, c'est de justice dans les rapports internationaux que les habitants du Sud ont besoin pour rester vivre chez eux. Tant qu'ils n'auront comme seule perspective que l'aumône des riches, ils trouveront toujours les moyens de franchir les frontières et les murs, et contre cela, aucun discours de Le Pen, aucune loi Pasqua, aucune loi Debré ne pourront rien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ni aucune loi Chevènement !
M. Jean-Luc Bécart. C'est bien possible !
S'il est vrai que notre pays fait plus que beaucoup d'autres dans le domaine que nous examinons aujourd'hui, il ne peut à lui seul inverser totalement la logique des rapports internationaux. Le niveau européen devrait être plus adapté à cet égard. Mais les principaux pays européens ont-ils la volonté politique suffisante pour résister, sur ce plan, aux pressions américaines ?
Nous ne cacherons pas nos réelles inquiétudes pour l'avenir proche, notamment sur la préparation de l'après-Lomé, dont l'actuelle convention expire dans deux ans.
Plus précisément, nous nous demandons quelle suite sera donnée, au sein de la Commission européenne, aux excellentes propositions qu'a faites récemment le Gouvernement français et visait à consolider l'aide européenne au développement, avec des moyens financiers d'un bon niveau, mais aussi avec le souci d'une vision plus globale, incluant le dialogue politique pour la promotion de la démocratie, le respect des droits de l'homme, la lutte contre la corruption.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous en dire un peu plus aujourd'hui et lever les inquiétudes que peuvent susciter les intentions officieuses prêtées à l'Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas de réduire sensiblement leur contribution à la prochaine convention sous prétexte de réserver des fonds pour faire face à l'adhésion à l'Union européenne de pays de l'Europe centrale ?
On se souvient des sérieuses difficultés rencontrées voilà deux ans, pour financer la deuxième tranche de Lomé IV.
Autre sujet de préoccupation de mon groupe : le passage à la monnaie unique et ses conséquences sur nos rapports avec les pays africains. Nombre de cadres africains y pensent, non sans se poser des questions.
Votre prédécesseur avait affirmé que le passage à l'euro ne changerait rien dans les rapports monétaires avec le franc CFA. Comment peut-on être sûr de cela alors que notre pays n'aura plus de prérogatives monétaires ?
Pouvez-vous, là aussi, apaiser nos craintes ?
Quelles garanties la France pourrait-elle obtenir pour développer sa propre politique de coopération avec l'Afrique, spécificité française s'il en est, sans avoir sur la tête l'épée de Damoclès de la Banque européenne ?
Si nous regrettons la baisse de 3,5 % de vos crédits, nous tenons à marquer notre accord avec les intentions exprimées par le Gouvernement de rénover sa politique de coopération, ainsi qu'avec les premières mesures de remise à plat de notre politique africaine, singulièrement dans son aspect militaire. Vous le savez, nous n'avons eu de cesse dans le passé d'en dénoncer l'opacité et certaines dérives, et les relations privilégiées avec Mobutu ou le précédent régime rwandais n'étaient pas les moindres.
Si le temps qui m'est imparti ne me permet pas, hélas ! de m'exprimer plus avant sur le détail de votre budget dont les points forts mériteraient bien évidemment des développements, je souhaiterais exprimer ici le voeu de voir naître un vrai et grand ministère de la coopération, mettant en oeuvre la politique nouvelle qui s'esquisse et qui sort enfin du domaine réservé.
Pour mettre en oeuvre cette politique, monsieur le secrétaire d'Etat, nous serons à vos côtés et, pour l'heure, sur ce projet de budget que nous considérons comme un budget de transition, nous vous apporterons notre soutien actif. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. « Il ne faut pas renier l'histoire, ou l'histoire de son peuple, ou l'histoire de son pays ». Voilà ce que déclarait M. le Président de la République, Jacques Chirac, évoquant la période de l'empire colonial français lors d'une conférence de presse qui eut lieu à Brazzaville, le 18 juillet 1996.
On ne peut vraiment comprendre la situation actuelle, les difficultés et les retards des pays anciennement colonisés si l'on ne garde pas à l'esprit les conséquences des deux derniers siècles pendant lesquels l'Afrique a subi une véritable hémorragie de ses habitants et, par là même, de ses capacités d'initiative.
Dans les pays riches de l'Occident, qui connaissent eux-mêmes des problèmes, des difficultés, des misères, il règne parfois une sorte d'incompréhension quant à l'aide qu'ils peuvent apporter à l'extérieur.
Aussi faut-il faire prendre conscience à nos concitoyens qu'en faisant en sorte que l'économie de ces pays se développe on subit moins d'émigration.
Au-delà des raisons morales ou politiques, il existe des raisons économiques.
Le chiffre d'affaires et les exportations que la France réalise avec l'Afrique sont considérables et, par conséquent, font travailler un grand nombre de nos compatriotes.
Quand nous aidons l'Afrique, nous nous aidons nous-mêmes. Nous sommes un pays où un travailleur sur quatre oeuvre pour l'exportation. C'est dire le caractère fondamental de la production que nous exportons.
Le raisonnement économique que nous devons avoir à l'esprit est le suivant : il faut qu'il y ait solidarité et complémentarité au sein de notre politique de coopération et de développement.
Notre politique de coopération doit être guidée par trois concepts : la fidélité, l'ouverture et l'adaptation.
Quand on évoque la fidélité, on doit faire référence à l'engagement renouvelé. Il s'agit alors de la confirmation sans équivoque de l'attention et de la sollicitude que nous portons, notamment aux peuples africains, en particulier à ceux qui sont aujourd'hui victimes d'événements dramatiques.
La coopération française avec les pays africains, engagée par le général de Gaulle et poursuivie depuis lors, a eu des effets considérables. Elle a permis de tisser des liens d'amitié et de confiance réciproques qui rejaillissent aujourd'hui dans les domaines politique, économique, social et financier.
Quand on parle d'ouverture, on doit envisager, d'une part, de sortir de ce que l'on appelle le « pré carré » francophone et donner à la politique africaine une dimension continentale et, d'autre part, de faire preuve d'un engagement déterminé en Méditerranée et au Proche-Orient. La France doit persévérer, afin qu'une coopération économique et qu'un dialogue culturel s'installent dans les conditions les meilleures.
Enfin, il faut que la France envisage de reprendre sa place sur deux continents qu'elle a trop négligés : l'Asie et l'Amérique latine.
En effet, comme le disait M. Hervé de Charette en 1996, l'Asie doit être la nouvelle frontière de la diplomatie française.
Quant à l'Amérique latine, c'est un capital de sympathie exceptionnel que nous avons laissé dépérir. Il faut aujourd'hui renouer des liens et développer des relations vraies inscrites dans la durée.
Quand on parle d'adaptation, il faut envisager une aide au développement dont la ligne de conduite serait la suivante : « dépenser moins en aidant mieux ».
Afin d'accroître l'efficacité de la dépense de coopération, nous devons envisager de réorienter notre aide en privilégiant l'aide-projet par rapport à l'aide structurelle et l'assistance de conseil par rapport à l'assistance de substitution.
Il semble que ce soit la bonne voie à suivre, afin de moderniser et même d'actualiser notre schéma d'aide au développement.
Cette réorientation suppose-t-elle une modification structurelle ? Faut-il fusionner le secrétariat d'Etat à la coopération avec le ministère des affaires étrangères, par exemple ? Faut-il envisager la création d'une agence pour la coopération, création qui a été beaucoup évoquée ce soir ?
Les cabinets ministériels étudient actuellement, semble-t-il, plusieurs scénarios de réorganisation du dispositif d'aide au développement, qui se traduirait, dans tous les cas, par une disparition du secrétariat d'Etat à la coopération.
Le conseil des ministres devrait faire une communication prochainement sur les grandes orientations de la réforme. Je ne saurais vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, l'impatience avec laquelle nous attendons vos propositions.
M. Michel Charasse. rapporteur spécial. Et notre vigilance !
M. Daniel Goulet. En tout état de cause, une fusion entre le secrétariat d'Etat à la coopération et le ministère des affaires étrangères ne paraît pas être une idée concevable. Sur ce point, je partage tout à fait les propos fort pertinents que vient de tenir M. le rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'Etat, quand ferez-vous appel au Parlement pour en discuter et qu'attendez-vous de lui ?
Aujourd'hui, la France est le deuxième pays d'accueil au monde pour un nombre d'étudiants étrangers qui n'a cessé de croître depuis le début des années quatre-vingt. Mais qu'en sera-t-il demain ? En effet, en 1982-1983, ils étaient 121 211 et, en 1993-1994, plus de 140 000.
Si la France veut conserver sa place, elle doit allier cohérence et efficacité en matière d'actions en faveur des boursiers étrangers et, ainsi, s'adapter à la compétition mondiale dans le domaine de la formation.
En effet, aujourd'hui, la formation constitue un enjeu économique considérable. Le marché international en est estimé à 180 milliards de francs. Pour certains pays, elle constitue une source de revenus essentielle, notamment en Australie, où les étudiants étrangers sont à l'origine de la deuxième recette d'exportation.
La France, contrairement au Canada ou aux Etats-Unis, ne conduit pas une politique publique ou privée suffisamment active dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat.
Aussi me permettrez-vous de donner un exemple très précis pour illustrer mon propos : en 1996, 75 % des étudiants ivoiriens sont partis étudier aux Etats-Unis ou au Canada. Il est vrai que, dans ces deux pays, l'obtention de bourses et de visas se fait plus facilement qu'en France.
M. Michel Charasse rapporteur spécial. Et voila !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Eh oui !
M. Daniel Goulet. Notre système d'aide semble souffrir de différents maux ; j'en évoquerai deux.
Il s'agit, d'abord, de l'éclatement de la gestion des aides. En effet, plusieurs ministères tels celui de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de la défense ou encore de la culture disposent de crédits propres destinés à la coopération internationale et octroient des aides.
Notre modèle de formation semble mal adapté aux exigences de la compétition : la non-correspondance des niveaux de diplômes avec les pays non francophones nous nuit de plus en plus.
Le New York Times du 26 février 1997 rapporte le témoignage d'un étudiant marocain parfaitement francophone : « le système français apprend à devenir fonctionnaire ; l'américain, lui, enseigne comment se débrouiller par ses propres moyens. »
L'un des rares points positifs à relever est la politique dynamique qui est menée par les collectivités territoriales - M. Legendre, rapporteur pour avis, en a longuement parlé. Il faut soutenir et louer leurs initiatives.
Selon les aides, elles établissent leurs propres priorités thématiques ou géographiques. Ces interventions seront appelées à se développer avec la coopération décentralisée. Je suis sûr que vous nous en parlerez. Aussi, il conviendrait d'attirer l'attention du préfet auprès du ministre des affaires étrangères en tant que délégué à l'action extérieure des collectivités locales sur ce point et de lui demander de réfléchir aux moyens de combler ces carences.
En affichant ses relations privilégiées avec les pays qui lui sont proches, dans le partage de valeurs communes historiquement, culturelles et affectives, il est un domaine, monsieur le secrétaire d'Etat, à partir duquel la France ne doit nourrir ni complexe ni scrupule : c'est la francophonie !
Pour cela, elle doit affirmer des prérogatives qui lui sont spécifiquement reconnues dans son rôle de grande puissance, au moment surtout où se précisent de sérieuses tentatives d'hégémonie culturelle, économique et politique, notamment « américanophone », dans le Sud-Est asiatique et sur le continent africain.
Le signal fort donné à Hanoi par la création du haut-Commissariat général permanent de la francophonie, dont le Président de la République a été le principal artisan, illustre une volonté qui doit, sans tarder, se concrétiser au niveau du Gouvernement français.
La francophonie ce n'est pas uniquement un haut-commissaire général, un seul visage, une seule voix. La voix de cinquante pays, agissant de concert, est également capable de donner une certaine résonance aux décisions de l'organisation internationale.
Même si nous savons bien que la France ne peut plus être, à elle seule, l'incarnation unique de l'univers francophone, l'originalité de cette communauté ce sont, me semble-t-il, les centres d'intérêt et de rayonnement dont elle doit demeurer à la fois l'inspiratrice et le dénominateur commun.
Ces conditions réunies, quel rôle la France doit-elle jouer désormais au sein de ce grand espace francophone intercontinental qui se redessine sous nos yeux ? En tout état de cause, ce rôle, qui me semble irremplaçable, est capital pour elle.
Mais l'affichage d'une volonté n'est pas une fin en soi. La France, dans un contexte nouveau où elle doit mesurer tous les enjeux - aujourd'hui, il s'agit non seulement d'enjeux culturels et sociaux, mais également d'enjeux économiques et politiques - doit se doter de moyens structurels et matériels d'intervention significatifs et appropriés à ces nouvelles missions qui sont à la hauteur de la volonté et de l'ambition nationale exprimée par le chef de l'Etat.
Au demeurant, la communauté audiovisuelle française demeure le « véhicule » prioritaire naturel par excellence de la pensée et de l'action francophones.
Ce secteur d'intervention revêt une dimension telle que son impact et donc sa responsabilité sont d'autant plus grandes, mais elles restent très insuffisantes et parfois contestables dans leurs finalités.
Vous me permettrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, d'évoquer une autre forme de diffusion de la langue et de la culture française. Elle mérite d'être connue ; elle est souvent ignorée. Je veux parler de cette diffusion par le livre.
Vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, cette institution qui contribue, depuis quelques années, à édifier une oeuvre francophone originale et exemplaire.
Cette association est originale, parce qu'elle regroupe des éditeurs, des écrivains, des universitaires, des parlementaires, des diplomates, tous bénévoles, qui ont collecté puis acheminé vers quatre-vingt-dix pays répartis sur les cinq continents quelque cinq millions de livres ! Prochainement, nous étendrons cette collecte aux jeux éducatifs.
Cette association est exemplaire, ensuite, parce que, du même coup, elle a contribué à amorcer des relations particulièrement fécondes entre, d'une part, un certain nombre de collectivités locales, de bibliothécaires, d'établissements d'enseignement français et, d'autre part, des alliances françaises, des ambassades, des consulats, des instituts scolaires et des entreprises des pays destinataires.
Voilà, me semble-t-il, une nouvelle dimension peu coûteuse et efficace de la francophonie.
Je voulais, à cette tribune, souligner non seulement son importance et son bien-fondé, mais aussi le fait qu'elle recueille l'écoute et le soutien de votre secrétariat d'Etat, ainsi que l'écoute et le soutien des ministères des affaires étrangères et de la culture. Je tenais à vous en remercier, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je souhaite que cette institution continue de pouvoir bénéficier de vos encouragements.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais parler du budget, comme d'autres avant moi l'ont fait. Le projet de budget que vous nous proposez ne permet certainement pas de remplir toutes les obligations de coopération et de développement auxquelles nous sommes confrontés.
En effet, l'évolution des crédits de la coopération apparaît préoccupante au regard des différents problèmes qui se posent, en particulier la croissance démographique de certains continents, notamment de l'Afrique, qui comptera 1,25 milliard d'habitants en 2025. Cependant, nous voterons ce projet de budget car, si nous ne le faisions pas, nos partenaires africains ne comprendraient pas que le Sénat rejette les crédits de la coopération, qui les concernent au premier chef.
Je terminerai mon propos en faisant une nouvelle fois référence au Président de la République qui déclarait, à l'occasion de la xixe conférence des chefs d'Etat de France et d'Afrique à Ouagadougou, le 5 décembre 1996 : « La France, vous le savez, n'a cessé de plaider pour l'aide publique au développement qui est, aujourd'hui encore, irremplaçable. Partout, elle n'a cessé d'expliquer combien l'aide publique est vitale pour les pays les plus pauvres. Partout, la France a fait valoir ce devoir de solidarité qui s'impose aux nations les plus riches. »
Aussi, afin d'assumer ce devoir de solidarité, nous devons, sans tarder, monsieur le secrétaire d'Etat, nous adapter aux exigences du xxie siècle, sans pour autant que notre politique de coopération et de développement soit remise en cause dans son essence même, en combinant aides publiques et initiatives privées, ces dernières devant être de plus en plus encouragées et confortées.
Ainsi, la France pourra continuer à jouer son rôle de grande puissance mondiale et poursuivre sa noble mission qui, selon tous les pays amis, repose non seulement sur des valeurs historiques et affectives partagées, mais surtout sur un destin commun. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de la coopération est l'un des rares moments qui permet d'évoquer devant le Parlement la politique française de coopération.
Si l'on en juge par le recul constaté de 3,6 % de ce budget, on doit tirer la leçon que ce n'est pas une priorité de ce Gouvernement, quelle que soit la gymnastique arithmétique à laquelle on se livre.
Certes, le budget de la coopération n'est qu'une part, et ce n'est pas la plus substantielle, de l'aide française au développement. C'est pour moi l'occasion de rappeler que notre groupe regrette, une nouvelle fois, que cette aide ne nous soit pas présentée dans sa globalité, toutes sources de financement confondues.
Si tel avait été le cas, le rapide calcul auquel je me suis livré m'aurait conduit à vous dire que le recul est encore plus fort que celui que j'ai annoncé. Mais, aujourd'hui, je souhaite dépasser les chiffres, aussi médiocres soient-ils, et je voudrais en profiter pour poser les vraies questions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre Gouvernement conduit-il une politique de coopération à la hauteur des enjeux ? Ce n'est ni mon impression ni celle de mon groupe, et le sénateur des Français de l'étranger que je suis le regrette.
L'aide au développement, c'est avant tout un choix politique. C'est la responsabilité de notre nation, c'est notre devoir de pays riche, même si c'est l'héritage de l'engagement de notre pays pour les droits de l'homme, c'est la défense de notre langue et de notre culture, c'est l'avenir de très nombreux Français et de très nombreuses entreprises qui ont fait le choix d'assurer le présence de notre pays, dans des conditions parfois difficiles, dans le monde en développement.
C'est aussi une façon pour notre pays de faire face aux défis que nous lance l'Afrique, ce continent à nos portes.
Comme l'ont dit nombre de nos collègues, n'oublions jamais qu'en 2010 - d'autres dates ont été indiquées - l'Afrique comptera un milliard d'habitants, l'Afrique de l'Ouest, près de 460 millions, dont 60 % résideront en zone urbaine, antichambre de l'immigration.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que c'est en appliquant votre budget que la France assumera les responsabilités qui sont les siennes en la matière ?
La croissance économique est la seule réponse à ce défi majeur du xxie siècle. Tout montre que ni l'épargne locale ni le flux de capitaux privés ne suffiront à générer et à entretenir cette croissance. Il faut vous faire une raison, pour longtemps encore l'aide publique au développement restera indispensable. En aidant à créer des emplois sur place, on limitera beaucoup plus sûrement l'immigration et le chômage en France, qu'en légalisant, avec bien des contorsions, l'immigration clandestine.
Le sida et les maladies endémiques ravagent ce continent et l'ouverture des frontières les propage chez nous.
Pour ce qui est de la criminalité, la drogue et le blanchiment d'argent sale deviennent de confortables sources de richesse pour ces pays. Les conséquences sont telles que les récentes assemblées générales du fonds monétaire international et de la banque mondiale ont lancé à la communauté internationale des bailleurs de fonds un ordre de mobilisation générale pour lutter contre ce fléau.
L'environnement, enfin, est l'un des risques majeurs planétaires qui pèse sur nous. Le désastre écologique récent qui a frappé le Sud-Est asiatique est là pour nous rappeler à nos éminentes responsabilités.
Mais, au-delà de ces difficultés, hélas ! bien réelles, c'est aussi un message plus optimiste que je voudrais voir traduit dans votre politique de coopération. Partie intégrante de la politique extérieure de la France, elle est plus que jamais un facteur de rayonnement de notre pays.
Ce rayonnement se traduit, d'abord, au plan diplomatique, grâce à l'importante sphère d'influence que notre pays entretient par ses réseaux diplomatiques et consulaires, par la présence de millions de Françaises et de Français installés durablement dans ces pays, qui propagent notre langue et notre culture.
Ce rayonnement se traduit aussi au plan économique car ces pays offrent à nos entreprises des atouts majeurs en matière d'exportation de nos produits et de notre technologie ; ce sont des gisements immenses de richesses naturelles, stratégiques pour notre avenir. Et nous aurions grand tort de les laisser, comme nous le faisons trop en ce moment, à des intérêts concurrents.
Il est donc clair pour nous, monsieur le secrétaire d'Etat que la France a un intérêt direct et immédiat à l'aide au développement. Elle est encore l'une des nations les plus industrialisées qui consacre la part la plus élevée de son produit national brut à l'aide. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, s'il vous plaît, conservons cette caractéristique qui nous honore. En effet, si l'on regarde les chiffres de près, il n'y a aucune raison d'être satisfait. L'aide de notre pays est tombée à moins de 0,50 % de notre produit national brut, pour un objectif affiché de 0,70 %. Je vous rappelle que, en 1994 et en 1995, nous étions encore à 0,60 %.
Notre politique de développement doit s'appuyer sur des principes clairs et modernes. J'en développerai quatre, qui sont essentiels à mes yeux : avoir avec nos partenaires des liens équilibrés et responsables, lutter encore et toujours contre la pauvreté, poursuivre et intensifier notre soutien à la modernisation de l'investissement productif et, comme on ne peut ni ne doit porter seuls les malheurs du monde, se mobiliser avec les autres pays octroyant des aides internationales.
Il faut établir des liens équilibrés et responsables : le temps n'est plus où le donneur utilisait cette qualité pour imposer. Les pays receveurs doivent s'approprier notre aide, qui doit s'adapter à leurs besoins. Nous devons considérer nos interlocuteurs comme de véritables partenaires du développement plutôt que comme nos obligés. Cela implique qu'ils définissent leurs priorités, par exemple en complétant nos financements par des ressources locales.
Pour cela, appuyons-nous sur les nouvelles générations que représente si bien, par exemple en Afrique de l'Ouest, le réseau de l'entreprise. Encourageons la structuration de nouveaux acteurs du développement, tels que les groupements de villages, de quartiers et de femmes ainsi que les coopératives et les mouvements de jeunes. Tout cela, nous pouvons le faire avec nos instruments actuels du développement. Je songe au groupe de la caisse française de développement, aux actions françaises de la coopération décentralisée, aux régions, aux départements, aux communes et aux organisations non gouvernementales.
La lutte contre la pauvreté est bien sûr la finalité première de toute coopération et elle ne concerne pas, hélas ! que les pays en développement. L'exclusion est un mal international ; ne créons pas des exclus du développement.
Il faut donc mener des projets pour les populations de base portant sur l'eau, le désenclavement, la production agricole et artisanale et les équipements sociaux. Les besoins sont immenses. L'aide extérieure, à elle seule, ne peut les satisfaire. Une forte participation locale est bien sûr indispensable, ce qui pose donc le problème de la croissance économique.
Le problème de l'investissement productif sur lequel repose ce combat contre la pauvreté est également posé. Il faut donc en créer les conditions en modernisant les institutions publiques, les systèmes sociaux et les infrastructures économiques, faute de quoi l'investissement productif ne saurait prospérer. C'est un cercle qui, selon notre attitude, sera vicieux ou vertueux.
L'une des conditions, on ne le répétera jamais assez, est, bien sûr, l'instauration de l'Etat de droit. La marche vers la démocratie en est la première manifestation. Lente, fragile, incomplète, elle doit être accompagnée et poursuivie tout en mesurant les difficultés culturelles qu'elle engendre. Mais la liberté d'opposition et l'existence d'élections pluralistes ne garantissent pas, à elles seules, l'Etat de droit.
C'est pourquoi la sécurité des biens et des personnes doit être assurée au même titre que la transparence fiscale et l'équité judiciaire. Des réussites existent. Signalons le rôle joué par la France sous les précédents gouvernements dans la conclusion du traité entre les Etats de la zone franc sur le droit des affaires qui a permis une harmonisation des normes juridiques, la création d'une cour de justice régionale et d'une école régionale de formation des magistrats.
L'investissement ne se décrète pas. Les entreprises, parmi lesquelles figurent de nombreuses entreprises françaises de grande mais aussi de petite taille, trouvent en Afrique une terre d'expansion. Elles ne s'engageront dans ces pays ou n'y resteront que si elles y trouvent un environnement favorable ; notre devoir est de le rappeler. Nos partenaires ont la responsabilité de le faire.
Comme je l'ai déjà indiqué, la France, même si elle doit faire plus et mieux, ne peut agir seule. Nous devons mobiliser les autres partenaires internationaux, bilatéraux et multilatéraux, aux premiers rangs desquels se trouvent le groupe de la Banque mondiale et l'Union européenne, dont la France est l'un des principaux contributeurs.
Nous pouvons, à ce titre, nous féliciter du succès obtenu en 1995 dans le renouvellement des accords de Lomé IV, entre les pays de l'Union européenne et les pays ACP. Ce succès est celui de la France grâce à l'action du gouvernement de l'époque et à l'engagement personnel du Président de la République.
De même, la forte mobilisation de la France a largement contribué, en 1996, à la reconstitution des fonds de la banque mondiale au profit des pays les moins avancés. Nous arrivons à la veille du renouvellement de ces accords et nous comptons bien que le Gouvernement fasse entendre sa voix dans le concert européen, dans l'intérêt des pays en développement.
Je souhaite évoquer maintenant les moyens financiers, humains et instrumentaux de notre politique de coopération.
S'agissant des moyens financiers, je ne peux que rappeler mon inquiétude face à la nouvelle baisse que prévoit le budget de la coopération pour 1998. Au-delà de ce chiffre global qui traduit la rigueur budgétaire, le plus inquiétant est la baisse qui frappe les crédits du Fonds d'aide et de coopération et la diminution très forte de 15 % des crédits de la caisse française de développement, instruments pourtant destinés aux actions qui contribuent le plus directement au développement, à savoir le soutien aux secteurs sociaux, pour le premier, la croissance économique et l'appui efficace et reconnu à nos entreprises, pour la seconde.
Mais si le volume de l'aide est important, les modalités de sa mise en oeuvre le sont tout autant pour assurer une meilleure efficacité.
Pendant longtemps, l'aide était simple : il s'agissait de concours financier au profit des Etats et d'assistance technique. Aujourd'hui, tout a changé. Le « tout-Etat » est heureusement révolu. L'Etat doit désormais se concentrer sur ses missions régaliennes et cesser d'être agriculteur ou industriel, voire banquier. L'assistance technique de substitution doit disparaître au profit du développement des capacités locales.
Dans le même temps, de nombreux joueurs sont venus sur le terrain du développement. Je songe aux réseaux associatifs, aux organisations non gouvernementales - vous en savez quelque chose, monsieur le secrétaire d'Etat -, aux artisans, aux entreprises privées, aux réseaux d'entrepreneurs africains, aux systèmes bancaires et aux services publics marchands privatisés. Il faut s'en réjouir et les prendre en compte.
L'aide au développement doit se moderniser. Il faut créer et développer des instruments financiers plus diversifiés et mieux adaptés à des besoins différents.
Permettez-moi, enfin, de formuler deux observations : ce qui importe le plus en matière de coopération et de développement, comme dans les autres domaines, c'est d'avoir une stratégie qui soit définie, puis expliquée à tous les intervenants, justifiée et diffusée dans l'opinion publique. Le Parlement est, bien entendu, l'enceinte privilégiée où doit être débattue cette politique. L'organisation administrative n'en n'est que l'instrument.
Avant de conclure, permettez-moi d'évoquer brièvement deux sujets qui intéressent nos compatriotes expatriés.
Le premier concerne les Français titulaires d'une pension libellée en francs CFA qui ont subi de graves préjudices à la suite de la dévaluation de cette monnaie et en raison de la carence des organismes africains de sécurité sociale. C'est une question sur laquelle je reviens chaque année car, malheureusement, elle n'est toujours pas totalement résolue, en dépit de l'envoi d'une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales du ministère de la coopération et de celui des affaires étrangères dans plusieurs pays d'Afrique.
Le rapport remis au Premier ministre en juillet 1996, à l'issue de cette mission, a proposé un certain nombre de mesures à prendre afin de préserver, pour l'avenir, les droits de nos compatriotes, tels le fichier centralisé des assurés, l'assistance technique à la réorganisation des caisses africaines, la renégociation des accords bilatéraux existants, le développement de la communication à l'égard des Français qui s'expatrient et l'incitation à s'assurer à titre volontaire pour la vieillesse.
Qu'en est-il aujourd'hui de ces propositions, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Il semblerait donc juste, comme l'a souhaité le Conseil supérieur des Français de l'étranger, que, d'une part, ces crédits soient rouverts et que, d'autre part, pour pallier la carence des organismes locaux, les sommes dues aux Français de l'étranger constituent l'un des points d'application prioritaires des concours d'ajustements structurels consentis et mis en oeuvre par la France à l'égard de ces pays.
La seconde de mes préoccupations relatives aux Français installés dans les pays d'Afrique concerne l'indemnisation et le reclassement de nos coopérants qui ont eu à subir les soubresauts qu'a connus l'Afrique centrale ces derniers temps.
Nombre d'entre eux font appel à nous car, ayant perdu tous leurs biens lors des troubles politiques qui ont secoué le Congo-Kinshasa et le Congo-Brazzaville ou qui ont ébranlé la République centrafricaine au printemps 1996, ils se retrouvent le plus souvent en France avec pour toutes ressources le RMI. Une indemnisation est prévue par le secrétariat d'Etat à la coopération, mais elle reste toutefois limitée - elle est de 77 051 francs pour un coopérant civil ou militaire affecté par les événements de la République centrafricaine, par exemple - et sa mise en place demande un certain temps, ce qui met nos compatriotes dans des situations difficiles, voire précaires.
Le rôle de nos compatriotes en Afrique, qu'ils soient coopérants ou qu'ils appartiennent au secteur privé, est essentiel face à la présence croissante de nos partenaires mondiaux. Il est de notre devoir de les aider à maintenir cette présence. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est deux heures quarante-cinq du matin... Je souhaite, à cette heure avancée, donner l'exemple de la brieveté, en renonçant à mon intervention. (Sourires.) Je vois les sourires qui éclairent vos visages, je vous en remercie.
Après les excellents rapports de Mme Paulette Brisepierre, de MM. Michel Charasse et Jacques Legendre, après l'exposé philosophico-financier que vient de faire mon collègue représentant les Français établis hors de France Jean-Pierre Cantegrit et compte tenu des exposés que feront les deux orateurs qui vont suivre, je pense en effet qu'il faut éviter les redites.
Par conséquent, je me bornerai, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous poser très rapidement deux séries de questions, concernant la francophonie puis la coopération.
S'agissant de la francophonie, MM. Xavier de Villepin, Guy Penne, Jacques Legendre et moi-même avons participé, à des titres divers, au sommet de Hanoi. Personnellement, j'étais très heureux d'être là-bas, de voir les drapeaux des quarante-sept pays invités, de retrouver une atmosphère d'amitié et de convivialité, d'avoir l'impression que nous étions réunis, nombreux, pour une grande oeuvre culturelle, désintéressée.
Nous avons été un peu surpris, à notre retour, par les comptes rendus parus dans certains journaux et par certains commentaires que nous avons entendus.
Aussi, je vous pose la question, monsieur le secrétaire d'Etat : ce sommet a-t-il été un succès ou non ? Quels en ont été éventuellement ses enseignements ? Que pensez-vous que nous puissions en tirer ?
Ces divisions dont on a tant parlé en France existent-elles vraiment ? profondément ? Les départs du Rwanda et de l'ex-Zaïre vont-ils avoir des conséquences ou, au contraire, allons-nous, demain, nous retrouver ensemble ?
L'élection de M. Boutros Boutros-Ghali comme secrétaire général de la francophonie, que nous approuvons tout à fait, mais qui n'a pas entièrement fait l'unanimité, va-t-elle bien répondre à nos aspirations de dialogue, d'élévation et de paix ? Comment le secrétariat général va-t-il être organisé ? Puisque nous discutons de budget, d'où les crédits qui lui seront consacrés vont-ils provenir ? En effet, ils ne figurent nulle part dans le bleu budgétaire.
Ma seconde série de questions portera sur la coopération.
Le champ de la coopération n'est plus très nettement délimité. On vous dit maintenant, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez vous occuper de tous les pays en voie de développement. Vaste programme !
A Hanoi, les Vietnamiens nous ont demandé, notamment, s'ils allaient entrer dans le FAC et de quoi ils allaient bénéficier. Naturellement, nous leur avons répondu avec les mêmes sourires que ceux avec lesquels ils nous ont accueillis, sans nous exprimer sur le fond. Mais peut-être souhaiterez-vous le faire ?
A qui le FAC va-t-il être étendu ? D'ailleurs, est-ce le moment de l'étendre ? Mme Brisepierre a dit qu'à un moment où ses crédits diminuent de 4,5 %, il est un peu contradictoire de décider de nous occuper de plus de pays encore, alors que l'on a supprimé 305 postes d'assistant technique.
S'agissant des suppressions de postes, un autre point nous préoccupe, c'est la réforme du service national : nos 800 coopérants du service national d'Afrique. Ce sera un problème pour vous demain, monsieur le secrétaire d'Etat. Qu'allez-vous faire ? Comment allez-vous les remplacer ? Pensez-vous vraiment que les volontaires seront suffisamment nombreux ? Je l'espère...
Permettez-moi une question relative à la dévolution de vos attributions. A Hanoi, on a inauguré un nouveau lycée français, auquel a été donné le nom d'Alexandre Yersin, qui a découvert le bacille de la peste, et qui, là-bas, est considéré, à juste titre, comme un bienfaiteur de l'humanité. Ce lycée va-t-il relever de votre département ministériel, c'est-à-dire va-t-il entrer dans le champ de la coopération, ou bien le laissez-vous au ministère des affaires étrangères ? C'est évidemment un établissement de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger. Je vous recommande, comme mes autres collègues représentant les Français établis hors de France, d'être très vigilant s'agissant de tous nos établissements à l'étranger, et de celui-ci en particulier.
Je conclus sur la question la plus importante, la plus grave : que va-t-on faire pour Brazzaville ?
Brazzaville, c'est le drame de cette année, monsieur le secrétaire d'Etat. Les 8 et 9 juin derniers, en quelques instants, tout a été détruit, ravagé. Les Français établis là-bas depuis des générations ont tout perdu.
Notre collègue M. Cantegrit vient de nous dire que des indemnisations étaient prévues pour les coopérants, les fonctionnaires. Mais c'est surtout aux autres que je pense, à tous ceux qui s'étaient installés là-bas, avaient des petits commerces, des petites ou moyennes entreprises. Rien n'est prévu pour eux, aucune législation d'indemnisation n'existe !
Un millier d'entre eux sont arrivés en France depuis le mois de juin. Ils viennent nous voir. Nous nous efforçons de les aider à se réinsérer. Il n'a pas été facile de le faire dans bien des régions.
Maintenant, ils nous interrogent sur les possibilités d'indemnisation. Il est anormal qu'aucun système officiel nous permette d'aider automatiquement ceux qui sont dans cette situation, et de leur accorder un minimum de choses.
Les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, toutes tendances confondues, avaient déposé, au moment des événements du Golfe, une proposition de loi que nous avons reprise et qui vise à créer un mécanisme d'indemnisation. Nous souhaiterions vivement que cette proposition de loi, qui est en cours d'examen au sein de la commission des lois, recueille l'attention bienveillante du Gouvernement.
Et puis, surtout, ces hommes et ces femmes, courageux Français de l'étranger, veulent retourner au Congo, ils nous le disent. Il souhaitent revoir Brazzaville, s'y réinstaller, reconstruire. Pour qu'ils puissent le faire, il faut que la communauté nationale se mobilise !
C'est pour nous, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un devoir essentiel. Nous nous devons d'être avec eux, avec nos compatriotes de Brazzaville, pour qu'ils puissent retrouver leurs foyers. Il y va de l'intérêt et aussi de l'honneur de la France ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles que soient les analyses que l'on fasse du présent projet de budget, le Gouvernement sera confronté à la nouvelle donne internationale et à la redéfinition de la politique de coopération, avec de nouvelles ouvertures.
Nous souhaitons une autre forme de rapports d'Etat à Etat et de peuple à peuple. les Africains comprennent, eux aussi, que le monde a changé et que, en conséquence, nous les invitons à un partenariat d'un type nouveau, qu'il s'agit d'élaborer avec eux, côte à côte.
Pourquoi faut-il une nouvelle politique ?
Il convient de commencer par reconnaître que la politique africaine de la France a manqué de cohérence, et c'est pour tenter d'en obtenir davantage que je suis intervenu au cours des dernières années auprès de vos prédécesseurs, lors des discussions budgétaires ou par la voie de questions orales ou écrites.
L'arrivée d'autres acteurs, notamment les organisations non gouvernementales, les ONG, et les collectivités territoriales, a considérablement changé la donne. L'Union européenne, malgré quelques hésitations, a aussi un rôle à jouer.
En Afrique, de nouvelles élites sont apparues, qui n'ont pas la même approche de la réalité que leurs aînées. Elles demandent donc une autre relation avec la France, avec l'Europe.
La question de notre politique des visas trouve ici une tragique illustration. Refuser d'accueillir ces élites nous éloigne de l'avenir de ce continent.
La politique des visas restrictive, frileuse et indigne des traditions françaises menée par le gouvernement précédent, constituait un obstacle à la rénovation de notre présence en Afrique. Le Président de la République le reconnaissait lui-même récemment et déclarait : « Nous devons éviter de donner à nos amis africains le sentiment que nous leur fermons nos portes. » Nous pensons que de nouvelles dispositions doivent être rapidement prises en matière de visas, de bourses universitaires et d'accueil d'artistes, d'intellectuels et de scientifiques.
La présence de l'Etat est nécessaire.
Cela veut dire que la coopération de société civile à société civile sera de plus en plus importante, mais nous ne voulons pas pousser le processus jusqu'à la disparition de l'Etat. Il s'agit donc d'accroître le nombre des intervenants et des interventions, et non pas d'aboutir à moins d'action, moins de solidarité faute de moyens.
Le tout-libéral en matière de solidarité internationale conduirait à une impasse tragique pour le Nord et pour le Sud.
Une réforme du dispositif de coopération est sans doute nécessaire, mais il me semble encore plus important aujourd'hui de bien définir les priorités et les axes de la politique de coopération de notre pays.
Les ONG doivent procéder à des réglages importants dans leur fonctionnement, surtout en ce qui concerne la coordination de leurs actions. Les « pays bénéficiaires » doivent se réformer pour s'adapter aux nouvelles formes de coopération. Cependant, il est évident que ce que l'Etat français entreprendra servira de frein ou de moteur aux autres.
J'en viens à la réforme institutionnelle.
La politique du gouvernement Jospin nous donne déjà des indications que nous approuvons : le secrétaire d'Etat est chargé de la coopération dans l'ensemble du monde ; nous sommes donc sortis de la dichotomie entre « champ » et « hors champ ».
Son domaine d'action a été étendu à la francophonie et à l'action humanitaire extérieure. Il est positif de rapprocher, de réunir des domaines qui manifestent ainsi l'unité de la politique extérieure de la France.
Toutefois, pour que ce dessein soit complet et efficace, ne faudrait-il pas y joindre le commerce extérieur et certaines des attributions dans le domaine de la coopération détenues aujourd'hui par Bercy ?
S'agissant des crédits, la coordination devient une exigence urgente, totale. Or, est-ce toujours le cas ?
Il serait intéressant de connaître votre avis sur les propositions avancées ici ou là : simple rapprochement de vos moyens et de ceux de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, la DGRCST, ou toute autre solution ?
J'évoque maintenant la démocratie et le sens de la réforme.
Une coopération efficace suppose, au Sud comme chez nous, la transparence, le contrôle, le débat public sur l'utilisation de l'aide. Nous devrons aider les pays en développement à se doter d'institutions démocratiques ou à consolider celles dont ils disposent déjà.
J'en viens à la coopération, la France et l'Europe.
Il faut souligner un aspect très important : les pouvoirs publics doivent veiller à ce que les institutions de Bretton Woods prennent davantage en compte les analyses de la France. Par ailleurs, au moment où la Commission de Bruxelles réfléchit à la suite à donner à la convention de Lomé, il est nécessaire que la France participe activement au débat, qu'elle fasse connaître clairement ses positions et ses propositions afin de convaincre nos principaux partenaires européens de poursuivre une politique de solidarité internationale forte.
D'autres considèrent que c'est le commerce, et non pas l'aide, qu'il faut soutenir. Nous avons, quant à nous, une conception originale à défendre et à impulser.
Un moment de vérité viendra avec le passage de la zone franc à la zone euro. On nous dit que le passage à l'euro devrait être sans incidence sur le fonctionnement de la zone franc et que le renforcement du rôle de l'euro comme monnaie de réserve internationale pourrait même libérer les exportations de certains pays de l'emprise du dollar. Alors, s'il en est ainsi, il faut, dès maintenant, répondre à ces inquiétudes ou certitudes.
La Communauté européenne et ses Etats membres constituent la principale source d'aide publique au développement dans le monde. Ce sont des vérités bonnes à rappeler, alors que d'autres pays, moins généreux, sont surtout « donateurs » de leçons.
Je ferai maintenant quelques remarques sur le présent projet de budget.
Il convient de remarquer que le budget de la coopération n'a cessé de baisser depuis 1992, et qu'il a même diminué de 16 % depuis trois ans.
Nous constatons une réduction relative de notre aide budgétaire, mais, dans la mesure où la priorité est donnée aux projets de développement, cela ne nous dérange pas. Ainsi, le Fonds d'aide et de coopération, qui était en chute libre depuis 1992, disposera d'une dotation en augmentation de 52 millions, ce qui représente un accroissement de 4,35 %.
Un sujet nous préoccupe, c'est la diminution des effectifs de l'administration centrale. Ceux-ci atteignent un seuil dangereux.
Le budget de la coopération présente aussi une réduction des effectifs de l'assistance technique au profit du savoir-faire local, du renforcement de l'aide-projet et du soutien symbolique de la coopération décentralisée.
Toutefois, nous souhaiterions qu'un effort plus important de l'Etat puisse être fait en faveur de la coopération décentralisée.
Je regrette que vous n'apportiez pas davantage de lisibilité dans les crédits affectés à la francophonie et aux réformes de ses structures.
A Hanoi, j'ai pu constater la part prépondérante prise par le Président de la République, notamment dans son implication personnelle, pour imposer à nos partenaires son choix du nouveau secrétaire général de la francophonie, M. Boutros Boutros-Ghali. Espérons que ce sera le bon choix !
De toute façon, le Gouvernement devrait faire montre d'un plus grand intérêt, car il ne me satisfait pas en disant que la francophonie est un domaine partagé avec le Président de la République. Vous devriez peut-être procéder à des audits de différents organismes et favoriser le remplacement de responsables qui auraient pu faire preuve de carence ou de complicités douteuses dans l'exercice de leur mandat, avant de tailler inconsidérément dans les subventions.
S'il convient de faire le tri dans un foisonnement d'organismes budgétivores qui s'intéressent à la francophonie, je sais que l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française joue un rôle important et de référence pour faire avancer l'état de droit et la démocratie, dans des rôles pédagogiques et politiques.
Je voulais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous poser la question suivante : qu'en est-il exactement de l'appellation « francophonie », qui a maintenant disparu de l'organigramme gouvernemental ? Il me semble que notre collègue M. Legendre a tenu des paroles rassurantes à cet égard.
Pour l'aide humanitaire extérieure, la lisibilité n'est pas claire non plus, car cette aide dépend de plusieurs budgets. Ce que vous faites est bien, mais il s'agit de traitements curatifs. Lorsqu'il faut remédier aux cataclysmes climatiques, il est difficile de faire de la prévention ! Mais lorsqu'il s'agit d'affrontements ethniques ou autres, je souhaiterais que vous portiez toute votre attention sur la culture, la circulation et la commercialisation des drogues, qui touchent de nombreux pays, riches ou pauvres. C'est une création de ressources qui permet d'aliéner des populations pour mieux les détruire par les commerces d'armes ou les dépendances. Ce cycle est évident. L'ensemble peut conduire à la criminalisation de certains Etats. En ce domaine, la prévention est possible et c'est une tâche noble que je souhaiterais que vous meniez avec vigueur.
Il faudrait également, dans d'autres secteurs, instituer un fonds d'indemnisation suffisant pour nos compatriotes en détresse qui subissent des événements gravissimes et doivent être rapatriés en catastrophe.
En conclusion, le groupe socialiste votera ce budget de transition, dans la mesure où il commence à traduire des orientations que nous approuvons, à savoir qu'il tend à privilégier l'aide-projet, à responsabiliser les pays bénéficiaires et à accroître le rôle de la société civile, au premier rang de laquelle les ONG et les acteurs de la coopération décentralisée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les problèmes de population vont représenter, en cette fin de siècle, le plus formidable défi qui se soit jamais posé à l'humanité. Les enjeux de l'accroissement démographique de notre planète sont immenses. De l'avis de la plupart des experts internationaux, l'évolution anarchique de la population mondiale menace les grands équilibres de la vie biologique et sociale sur la terre.
Laissez-moi vous rappeler quelques chiffres. La population de la planète s'accroît de 250 000 personnes par jour et de 90 millions d'habitants par an. Un enfant sur trois est atteint de malnitrition et ne grandit pas normalement dans les pays en développement ; 1,5 milliard d'êtres humains habitant les régions en voie de développement n'ont pas accès à l'eau potable ; 15 millions de personnes meurent de faim chaque année ; plus d'un milliard de personnes vivent aujourd'hui dans la pauvreté absolue ; 100 millions de personnes ont émigré dans le monde depuis une trentaine d'années, dans la plupart des cas pour des motifs économiques.
Aujourd'hui, la population mondiale s'élève à 5,8 milliards de personnes et elle sera de 8 milliards en 2025. Elle continuera probablement à s'accroître jusqu'en 2150, époque à laquelle elle se stabilisera entre 11 milliards et 12 milliards d'habitants. Or ce sont les pays en voie de développement qui supporteront la majeure partie de cette croissance. Comment ces nations, déjà appauvries, pourront-elles répondre aux besoins les plus élémentaires de leurs populations en produits alimentaires, en eau, en soins, en éducation, en logements et en emplois alors que cela leur manque déjà ?
Pourtant, nos compatriotes semblent encore peu sensibilisés à ces questions. La France est en effet restée trop longtemps à l'écart d'une réflexion sur l'évolution de la population mondiale qui, dans d'autres pays, n'est pas nouvelle et souvent très avancée. C'est pourquoi nous avions décidé, au Sénat, en avril 1997, de créer le groupe d'études « Démographie et population mondiale », rattaché à la commission des affaires sociales.
En collaboration avec l'Association internationale des parlementaires de langue française, l'AIPLF, ce groupe d'études sénatorial et le groupe d'études « Populations » de l'Assemblée nationale ont organisé les 22 et 23 septembre derniers, à l'Assemblée nationale, la première rencontre parlementaire francophone sur les politiques de population ; y participaient des parlementaires venus de tous les horizons de la francophonie.
A cette occasion, nous avons été plus d'une centaine de parlementaires francophones - et même deux représentants anglophones - à adopter, à l'unanimité, un texte intitulé L'Appel de Paris, qui énonce les mesures prioritaires à engager en matière de démographie et de développement.
Mais, surtout, et cela m'a frappé, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai constaté, à cette occasion, l'émergence, pour la première fois, d'une prise de conscience de la solidarité planétaire.
Cet appel confirme les principes déjà formulés lors de la conférence du Caire de 1994 et souligne la nécessité d'améliorer la santé de la reproduction et l'urgence de promouvoir le statut de la femme dans tous les domaines, notamment la maîtrise de sa fécondité. Nous avons également demandé à nos chefs d'Etat respectifs d'accorder davantage d'attention aux questions de population, notamment de les inscrire à l'ordre du jour du prochain sommet de la francophonie, qui aura lieu à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en 1999.
Cet appel, je l'ai, avec mon collègue député Jean-Michel Dubernard, porté personnellement au Président de la République, à la veille de son départ pour le sommet de Hanoi, où plusieurs de nos collègues, français, ivoiriens et canadiens, ont pu se rendre en délégation grâce au soutien de l'association Equilibres et populations.
Mes chers collègues, la France reste l'un des premiers contributeurs pour ce qui est de l'aide publique au développement et exerce, au titre notamment de la francophonie, des responsabilités particulières à l'égard de certaines régions du monde. Elle se doit donc de jouer un rôle important dans la mise en oeuvre de politiques d'aide au développement en faveur de la santé, de l'éducation et de la famille, susceptibles de limiter la croissance démographique de la planète.
La France, généreuse dans sa politique d'aide aux pays en développement, consacre des moyens très limités aux programmes en faveur de l'équilibre des populations.
Or, en 1994, à la conférence internationale du Caire sur la population et le développement, notre pays avait pris des engagements très précis, avec une première échéance en l'an 2000. A la lumière des travaux les plus récents du comité d'aide au développement de l'OCDE, je dois malheureusement vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que la France n'a, depuis 1994, pas esquissé la moindre initiative pour respecter ces engagements, qui ont d'ailleurs été réitérés en 1996 à Pékin, lors de la conférence internationale sur les femmes. En revanche, les pays en développement qui s'étaient fixé, eux, comme objectif d'investir 11 milliards de dollars en l'an 2000, soit les deux tiers du budget du plan d'action du Caire, consacrent déjà chaque année à cette action 7,5 milliards de dollars. Ils ont donc déjà rempli 66 % de leur objectif et sont très motivés pour aller encore plus loin. Il serait utile, monsieur le secrétaire d'Etat, de consacrer un débat au Parlement à ce sujet.
J'achèverai cette intervention sur une double question.
Quelles actions comptez-vous mener pour satisfaire aux engagements souscrits par la France en matière de politique de population ? Aiderez-vous la francophonie à jouer tout son rôle d'entraînement dans ce domaine ? Croyez-moi, l'objectif en vaut la peine ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le secrétaire d'Etat, du fait de mes activités professionnelles - celles de journaliste spécialisé dans les affaires africaines pendant longtemps, celles de sénateur des Français de l'étranger à présent - j'ai eu le privilège de fréquenter le ministère continûment depuis sa création, aux lendemains immédiats de l'indépendance de nos anciennes colonies. Au fur et à mesure que le temps passait, j'ai cependant vu ses activités se restreindre inexorablement.
Aujourd'hui, quand, par vieille habitude, de temps en temps je rends encore visite à vos services, rue Monsieur, j'ai, chaque fois, la triste impression d'entrer dans le moulin de maître Cornille, dont les ailes continuaient à tourner, alors qu'il n'avait plus de blé à moudre ! Les gros minotiers de Marseille, propriétaires de meules mécaniques électriques, plus coûteuses mais plus performantes, avaient ruiné le pauvre meunier, explique Alphonse Daudet. Votre moulin, monsieur le secrétaire d'Etat, ce sont les grands minotiers du quai d'Orsay et du quai de Bercy qui sont en passe d'en avoir raison. Et aussi, il faut bien le dire, comme pour celui de Fontvieille, l'air du temps ! (Sourires.)
M. Daniel Goulet. Oh !
M. Pierre Biarnès. Année après année, les crédits alloués à votre département ministériel ont été réduits méthodiquement, jusqu'à ne représenter aujourd'hui que moins de 10 % du total de notre aide publique au développement. Celle-ci demeure très élevée et on ne peut que s'en réjouir : avec plus de huit milliards de dollars par an, elle est la deuxième du monde. Mais elle passe de plus en plus par d'autres ministères, notamment par celui des affaires étrangères et, surtout, par celui des finances.
Pendant ce temps, le nombre des coopérants et des assistants techniques n'a cessé, lui aussi, de diminuer, pour n'être plus que de l'ordre de 2 500 agents, toutes disciplines confondues. Qui plus est, à présent, la quasi-totalité d'entre eux sont affectés à ce que l'on appelait naguère le tiers monde, c'est-à-dire à un champ de déploiement considérablement plus vaste que celui, traditionnel, de l'Afrique noire francophone.
Près de quarante ans après les indépendances, quarante années durant lesquelles nous nous sommes attachés à former en grand nombre des cadres et des techniciens africains dans tous les domaines, cette réduction continue de nos effectifs de coopérants se comprend parfaitement, au moins dans une très large mesure. Cependant, le saupoudrage qui découle de cet élargissement de votre champ de compétence et de cette très forte réduction de vos effectifs pose problème. Il faut bien voir, notamment, que ces faibles effectifs, dispersés dans un aussi vaste champ d'action, ne sont plus suffisants désormais pour assurer un accompagnement d'expertise convenable à nos apports de capitaux.
Mais il est vain de regretter le passé et de vouloir remonter le temps. En tout état de cause, les évolutions qui viennent d'être évoquées sont, pour la plupart, irréversibles. C'est donc à partir de la situation nouvelle qu'elles ont créée qu'il faut imaginer l'avenir de notre politique de coopération, notamment les institutions rénovées qu'il faut mettre à présent en place, pour pérenniser cette politique, tout en la perfectionnant en vue de l'obtention de meilleurs résultats. Le Gouvernement poursuit depuis plusieurs mois, semble-t-il, une réflexion approfondie à ce sujet. Avant qu'il ait pris des décisions qui engageront notre action pour de nombreuses années, qu'il me soit permis d'avancer brièvement quelques avis et quelques suggestions.
La politique extérieure de la France ne saurait être tronçonnée à l'infini. Il faut, à ce sujet, se garder de retomber dans les erreurs du passé. Nos partenaires de l'hémisphère Sud, y compris ceux qui sont issus de notre ancienne administration coloniale, sont par ailleurs, des Etats comme les autres : ils doivent être traités comme tels et l'une des meilleures façons de marquer clairement notre intention à ce sujet est de maintenir le ministère de la coopération sous la tutelle de celui des affaires étrangères, comme c'est le cas actuellement.
Mais, sous cette importante condition, ce secrétariat d'Etat, que certains voudraient voir complètement et définitivement supprimé, doit, en revanche, être maintenu. C'est la seule façon d'afficher vraiment l'importance que la France, à la différence de bien d'autres Etats, continue à accorder au développement des pays pauvres, singulièrement ceux de l'Afrique subsaharienne. En outre, la spécificité de l'action publique en faveur du développement ne saurait être réduite à la conduite de notre diplomatie, même si elle doit lui être subordonnée, pas plus qu'aux impératifs de notre commerce extérieur, qui, lui aussi, a sa spécificité.
Le ministère de la coopération ainsi maintenu ne devrait plus être, sur le plan gouvernemental, que celui qui met au point la politique de la France en ce domaine, dans le cadre global défini par le ministère des affaires étrangères, en coordination avec celui des finances pour autant que cela s'impose. C'est lui aussi qui, toujours dans ce cadre, négocierait les actions de coopération de la France, occasionnelles ou de longue durée, et qui en assurerait la mise en oeuvre. Il n'aurait besoin pour cela que d'un dispositif administratif central restreint et de points d'appui très allégés sur le terrain. Finies la plupart des lourdes missions de coopération, installées dans près de trois douzaines de pays !
Ne disposant plus de budget propre, excepté celui qui est nécessaire au fonctionnement de ces structures minimales, il prendrait, cas par cas, les crédits dont il aurait besoin à la Caisse française de développement, réorganisée pour ce faire. Il prélèverait, par ailleurs, les personnels dont il aurait besoin, cas par cas également, dans un pool commun de coopérants, d'experts et de techniciens, à la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques de son ministère de tutelle, à qui incombe déjà et depuis très longtemps cette responsabilité pour ce qu'il est convenu d'appeler l'« étranger traditionnel ».
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques éléments que je me permets d'apporter à la réflexion en cours sur l'avenir des institutions de notre coopération.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, le resserrement du dispositif gouvernemental a conduit à vous confier, voilà quelques mois, une seconde responsabilité, à savoir celle de secrétaire d'Etat à la francophonie. A ce sujet, je voudrais vous dire à présent le scepticisme, et même l'inquiétude, que suscite en moi tout ce qui se met en place derrière ce vocable. Le récent sommet de Hanoi nous en donne l'occasion.
En une trentaine d'années, la France, qui n'était pas convaincue au départ de la pertinence de cette entreprise, et dont on ne jurerait pas que ses dirigeants le sont davantage aujourd'hui, s'est laissée entraîner néanmoins dans la mise en place d'institutions dont on peut se demander si elles sont vraiment aussi utiles à la défense et à l'illustration de notre langue et de notre culture que le prétendent leurs thuriféraires, pas toujours personnellement désintéressés.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il vise quelqu'un !
M. Pierre Biarnès. Ces institutions deviennent de plus en plus coûteuses, sans être pour autant dotées des crédits dont elles auraient besoin pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés et il n'y a que très peu de chances que cela évolue vraiment, car la France, qui est appelée à rester le principal bailleur de fonds de tout ce « schmilblick » - excusez mon mauvais parler francophone ! - ne dispose pas de moyens illimités. On peut dès lors se demander si le seul résultat qui va être atteint dans les années à venir ne sera pas uniquement la mise en place d'une nouvelle structure parasitaire du fonctionnariat international où vont aller se nicher, sauf rares exceptions, des éléments parmi les plus médiocres, mais dûment pistonnés, des fonctions publiques des pays adhérents, le nôtre n'étant pas appelé à être le dernier.
Les objectifs proclamés sont en train de devenir de plus en plus flous. Que veut-on dire exactement quand on parle, vocable à la mode, de « francophonie politique » ? Certains auraient-ils en tête de mettre en place une ONU francophone, une ONU du pauvre, qui s'opposerait à celle qui existe depuis cinquante ans déjà et qui serait trop dominée à notre goût par les Anglo-Saxons ? Bien des observateurs sont tentés de le penser, quand ils voient comment l'Elysée - c'est un secret de polichinelle - a imposé au poste nouvellement créé de secrétaire général de l'organisation - contre, qui plus est, la volonté de la plupart de nos amis africains - M. Boutros Boutros-Ghali, que Mme Albright, voilà moins d'un an, a chassé comme un malpropre des fonctions analogues qu'il occupait aux Nations unies, sans que - faut-il le rappeler ? - nous opposions alors notre veto.
Et que dire de l'extension géographique continue de la francophonie, de plus en plus au-delà de son champ langagier et culturel initial ? Que viennent faire là dedans, si estimables soient-ils par ailleurs, les Moldo-Valaques et bientôt, pourquoi pas, les Patagons, dont, cas par cas, quelques milliers d'entre eux seulement pratiquent notre langue correctement et régulièrement ? Les Roumains, les Bulgares et les Moldaves viennent d'être admis. Voilà que s'annoncent les Polonais, les Albanais et les Macédoniens. Demain, n'en doutons pas, ce seront les Russes, au prétexte qu'autrefois on parlait le français à la cour de Saint-Pétersbourg. Quelle farce !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et les Bachi-Bouzouks !
M. Pierre Biarnès. « Le tigre ne proclame pas sa tigritude. Il se jette sur sa proie et il la mange », a dit un jour Wolé Soyinka, le prix Nobel nigérian de littérature, qui se moquait de Senghor et de sa négritude. De grâce, arrêtons de faire de la francophonie fantasmatique ! Contentons-nous de faire tout simplement du français ! Et consacrons l'argent que nous affectons à cette chimère envahissante à offrir quelques milliers de bourses supplémentaires à des étudiants étrangers et à étoffer notre réseau d'attachés linguisitiques de par le monde ! Ce sera beaucoup plus intelligent. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais pu commencer mon intervention en vous félicitant d'avoir su être raisonnable dans l'élaboration de votre projet de budget en sachant limiter votre demande de crédits, participant en cela à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. C'est vrai, j'aurais pu commencer de la sorte, car ce principe est tout à fait dans l'esprit de la politique courageuse qu'a menée Alain Juppé et qui a permis de redresser l'économie du pays, politique dont l'actuel gouvernement commence d'ailleurs à récolter les fruits.
J'aurais donc pu commencer de la sorte. Mais, tout de même, une diminution de 3,5 % des crédits de paiement, une diminution de 4,3 % des autorisations de programme, une diminution d'environ 4 % de notre coopération technique, c'est peut-être un peu trop pour mériter des félicitations !
Je me souviens que l'an dernier, lors de l'étude de ce même projet de budget, les parlementaires, de droite comme de gauche, s'étaient accordés pour signaler que le ministère de la coopération avait contribué plus qu'à son tour à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et que son budget arrivait au seuil au-dessous duquel la politique de coopération de la France serait mise à mal.
Eh bien ! mes chers collègues, nous y sommes, Nous sommes, avec ce projet de budget, au-dessous du niveau décent permettant à la France de maintenir sa place primordiale dans la politique de coopération mondiale. En effet, quoi que l'on ait pu dire, par le passé, de l'implication de notre pays, il est important de rappeler que la France occupe aujourd'hui, en volume, la deuxième place parmi les pays qui consacrent une aide au tiers monde, après le Japon, certes, mais devant l'Allemagne ou les Etats-Unis.
Oui, il est nécessaire de maîtriser les dépenses publiques, mais il est aussi important pour la France, pour son rayonnement culturel, sociologique et aussi économique, de continuer à mener une grande politique de coopération.
Nous le devons de par notre histoire, puisque nous avons toujours été très présents en Afrique. Nous nous devons de le faire aussi parce que la France doit avoir un rôle d'initiative vis-à-vis de l'Europe dans les actions d'aide au développement de la Communauté envers les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Nous le devons enfin en raison de la position prépondérante que nous occupons au Conseil de sécurité de l'ONU, en sachant que, grâce aux liens privilégiés tissés notamment avec les pays d'Afrique, ceux-ci ont pu soutenir nos décisions et voter de concert avec nous au cours des dernières décennies.
La France a donc une place prépondérante à maintenir dans le cadre de la coopération, qui est une vieille tradition de notre pays.
J'en profiterai d'ailleurs pour dire combien votre rôle, monsieur le secrétaire d'Etat, est important en tant qu'interlocuteur privilégié de tous ces pays amis, qui d'ailleurs ne comprendraient pas, j'en suis sûr, que le secrétariat d'Etat à la coopération soit noyé dans un autre ministère ; j'espère que tel ne sera pas le cas. Je suis persuadé que plusieurs parlementaires partagent mon propos. Nous en avons entendu quelques-uns ce soir. J'en veux aussi pour preuve le fait que, l'an dernier, un de nos collègues, sénateur socialiste, avait regretté à l'époque que le « ministère de la coopération ne soit pas encore un ministère à part entière ». Que dit-il aujourd'hui alors qu'il n'est plus qu'un secrétariat d'Etat et que dira-t-il demain s'il venait à disparaître ?
Nous avons un rôle à tenir : la France est un pays écouté, ses décisions sont attendues, ses conseils sont sollicités. Il faut continuer de la sorte.
De plus, la politique de coopération représente un enjeu décisif pour notre économie grâce aux parts de marché que nos entreprises peuvent conquérir à l'étranger.
A ce titre, il est important de souligner le rôle du chef de l'Etat qui, lors de ses déplacements à l'étranger, s'entoure régulièrement de chefs d'entreprise qui l'accompagnent justement en vue de signer des contrats. C'est pour nous une source de développement et d'amélioration de nos finances.
Cette coopération se traduit aussi par la francophonie qui, ainsi que l'a rappelé le Président de la République à Hanoi, le 14 novembre dernier, « nous rassemble dans l'espace de cinq continents ».
Il faut donc que nous affirmions notre politique dans ce domaine et que la France joue un rôle humanitaire. A cet égard, je me réjouis de voir tout ce qui est fait en matière de programmes de développement par les fonds d'aide et de coopération ou par la Caisse française de développement.
J'en viens à un second aspect de la politique de coopération, qui est à mon avis aussi fondamental.
En effet, outre les grands programmes des pays, il faut s'intéresser aux actions ponctuelles et ciblées menées sur le terrain par les acteurs locaux, que nous devons aider.
Je souhaiterais, si vous le permettez, monsieur le secrétaire d'Etat, rappeler le principe d'un projet, fort simple, que j'avais soumis en son temps à votre prédécesseur et à d'autres ministres.
Plusieurs fois dans mon département de la Seine-Saint-Denis, j'ai pu discuter avec de nombreux jeunes, ou de moins jeunes, qui ont envie de s'en sortir et qu'il faut aider. Ils sont étrangers ou français d'origine étrangère et veulent simplement réussir, retrouver leurs racines tout en aidant leur pays d'origine. Quel est leur objectif ? Y développer une action économique qui leur permettrait de vivre et qui permettrait aussi de générer des emplois, améliorant ainsi la bonne marche économique du pays.
Je pense qu'il faut aider ces jeunes et je suis persuadé qu'on peut le faire.
Le schéma serait le suivant : ces volontaires présenteraient un projet en France, projet qui serait instruit par les services de la coopération et de l'office des migrations internationales, s'appuyant sur leur mission locale ou sur les organisations non gouvernementales et sur les ambassades.
Ces projets pourraient vraisemblablement être financés sur des crédits du FAC ou sur des crédits déconcentrés du ministère.
Au final, toutes ces personnes qui « galèrent » dans nos banlieues pourraient y gagner une autonomie financière et réaliser un projet dans leur pays.
Soutenir les grands projets d'Etat à Etat c'est bien, mais s'intéresser aux capacités des individus à créer des richesses, c'est très bien aussi, d'autant que cela peut souvent se faire à des coûts bien moindres et avec une mise en oeuvre beaucoup plus souple.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ne pouvez qu'y être sensible puisque vous disiez vous-même à l'Assemblée nationale, le 5 novembre dernier, qu'« il faut aller à la recherche de partenariats véritables... » et surtout que « nous devons être capables de déléguer davantage l'exécution de projets aux nationaux eux-mêmes ».
Je souhaiterais que l'on puisse passer à la phase active et je vous propose, si vous permettez cette digression dans le débat de cette nuit, de la mener à titre expérimental, par exemple dans le département de la Seine-Saint-Denis qui a, on le sait, une forte population immigrée dont de nombreux membres souhaitent s'en sortir et dont certains en ont la volonté, le courage et les idées.
Alors, ne pourrait-on pas envisager, par exemple, une enveloppe de 1 million de francs pour engager une expérience dans ce département ? Je suis certain que cela ne peut qu'aller vers l'objectif d'une meilleure politique de coopération de la France. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, même si le conseil des ministres du développement qui va se tenir dans quelques heures à Bruxelles va considérablement raccourcir ma nuit, je veux remercier le Sénat - l'Assemblée nationale a fait un autre choix - d'avoir préserver cette tradition républicaine des séances de nuit qui s'inscrit profondément dans l'histoire de la démocratie parlementaire.
Je le dis sans ironie, car c'est probablement à l'occasion de ces séances-là que j'ai personnellement vécu les meilleurs moments de ma presque longue vie de député !
Et je vois comme un signe d'amitié le fait que le projet de budget de la coopération soit examiné à cette heure matinale. C'est quand même avec les gens que l'on aime bien que, généralement, on passe la nuit ! (Sourires.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il ne faudrait pas que cela soit mal interprété !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il est des moments où le mariage est une contrainte !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Malgré donc l'heure matinale, je n'hésiterai pas à prolonger mon propos tant les interventions des différents orateurs me sont apparues riches et exprimées en un français de qualité.
Mais nous avons déjà eu de nombreux échanges lors de mes auditions par la commission des finances, par la commission des affaires étrangères et par la commission des affaires culturelles ; je pense sur la politique de coopération que la plupart d'entre vous en savent déjà beaucoup plus donc que les questions qu'ils ont posées ne le laissent le supposer.
J'admets volontiers que la politique de coopération est complexe, que les mécanismes qui la structurent le sont aussi et que les projets de réforme ne sont pas encore précisés. Je comprends donc les interrogations qui se sont exprimées ici.
Je voudrais d'abord indiquer qu'il ne s'agit en aucun cas de faire disparaître ce secrétariat d'Etat et que, au minimum, il y aura toujours une fonction ministérielle identifiée,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Avec des moyens ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. ... avec des services spécifiques et un budget également spécifique, même si elle doit être à l'intérieur du ministère des affaires étrangères.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle horreur !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Aïe, aïe, aïe !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. C'est en effet dans cette direction que la réflexion semble s'orienter.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est une impasse !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est dit avec des roses !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Mais la décision ne sera arrêtée par le Premier ministre qu'après les discussions qui vont se poursuivre entre le secrétariat d'Etat à la coopération et les ministères des affaires étrangères et des finances. Il y aura sans doute aussi quelques conversations avec d'autres autorités responsables, puisqu'il s'agit, d'aucuns l'ont rappelé, du domaine partagé.
M. Alain Gournac. Et avec le Parlement ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. J'ai bien noté que le Parlement - le Sénat sûrement et l'Assemblée nationale aussi dans une large mesure - entendait aider à préserver cette « identité ministérielle »...
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées. Absolument !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. ...et la spécificité des métiers de la coopération, qui ne peuvent pas se confondre avec ceux des diplomates.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité qu'il y ait de meilleures relations entre les diplomates et les responsables de la coopération, que l'on évite les redondances et que l'on essaye évidemment de faire mieux avec des moyens nécessairement contraints.
Si nous en avions eu le temps, nous aurions pu rappeler les fondements presque philosophiques de cette coopération, nous aurions pu rappeler aussi que c'est, dans notre histoire, en particulier notre histoire coloniale, que l'on peut trouver les racines de cette résonance si particulière qui existe en France par rapport au continent africain. Nous aurions pu rappeler sans doute que c'est dans l'histoire de la décolonisation que la coopération à la française a trouvé ses caractéristiques.
En sommes-nous totalement sortis ? C'est la question que l'on peut parfois se poser. Ce qui est certain, c'est que les mutations auxquelles nous assistons sur le plan économique, avec la mondialisation, et sur le plan politique, avec la fin de la bipolarisation, constituent une donnée totalement nouvelle qui oblige à une autre politique de coopération au développement.
C'est la volonté du Gouvernement. J'ai le sentiment que c'est aussi le constat du Président de la République, si j'en juge par les propos qu'il a adressés aux ambassadeurs lors de la conférence annuelle, voilà quelques semaines.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, et M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. A cet égard, je ne pense pas qu'il puisse y avoir de difficultés dans la gestion de ce domaine partagé.
Que dire encore, pour m'en tenir à des généralités, avant d'évoquer plus particulièrement ce budget et d'essayer de répondre aux questions qui m'ont été posées ?
Que la France doit accepter qu'il n'y ait plus de territoire africain qui lui soit réservé, même pas le « pré carré », car les Africains, dans ces pays-là aussi, entendent bien avoir d'autres partenaires que la France. Nous le vérifions année après année, et ce n'est pas forcément parce que nous aurions mal fait ce que nous avions à faire. Nous ne sommes évidemment pas exempts de quelques reproches, notamment du fait que nous avons parfois entretenu de manière quelque peu trop systématique des situations acquises, alors que le mouvement était déjà engagé, ce qui explique, pour partie, les difficultés de relations que nous connaissons avec certaines régions d'Afrique.
J'espère que les conditions diplomatiques, en particulier avec les pays des Grands Lacs, nous permettront de rétablir rapidement des coopérations d'Etat à Etat normales dans ces pays, où nous avons aussi notre propre histoire et où l'on n'imagine pas que le développement s'opère en notre absence.
Il est vrai que nous avons aussi notre position à préserver en matière de droits de l'homme et de démocratie. C'est en effet l'honneur de la France de faire entendre ce discours-là, même si j'admets, dans le même temps, que, lorsqu'on parle de démocratie, d'état de droit, il faut évidemment tenir compte de réalités qui sont si éloignées des nôtres que nous courons toujours le risque d'avoir une attitude moralisatrice là où il faut avoir une présence critique.
Telle est la direction que, personnellement, j'incite le Gouvernement à prendre.
Plusieurs d'entre vous l'ont dit, les Africains avec lesquels nous sommes amenés à dialoguer aujourd'hui n'ont pas la même histoire avec la France que leurs pères. Ils n'ont pas, oserai-je dire en jouant sur les mots, la même « filiation » par rapport à la France. Il faut prendre la mesure de cette nouvelle donnée.
Le souci qui est le leur d'affirmer leur indépendance par rapport à nous ne doit pas forcément être vécu comme un signe d'hostilité. C'est l'expression d'une volonté d'exister librement, nous le vérifions dans presque tous les territoires africains. En tout cas, c'est avec ces Africains-là qu'il nous faut aujourd'hui dialoguer, ce qui implique un dialogue plus libre et plus exigeant.
Je disais tout à l'heure qu'il n'y a pas de territoire africain qui nous soit réservé. A contrario, il n'y a pas non plus de territoire africain qui nous soit interdit, et il nous faut être prêts à nouer des relations avec de nouveaux pays qui regardent dans notre direction. Je pense ainsi aux pays lusophones ou aux pays anglophones, y compris pour y faire de la francophonie. C'est une donnée positive, sur laquelle il me paraît important d'insister.
Bref, selon la formule que j'ai souvent employée, il faut éviter de regarder l'Afrique dans le rétroviseur. Il faut la regarder dans sa réalité d'aujourd'hui ; il faut essayer de voir ce qu'elle est susceptible de devenir et prendre en compte, comme M. Neuwirth nous y a invités, les bouleversements que la démographie, par exemple, est en train de produire.
Voici une bonne nouvelle : pour la première fois depuis longtemps, si l'on s'en tient aux grands indicateurs - même s'ils ne reflètent pas toujours, hélas ! les réalités sociales - la croissance économique a dépassé la croissance démographique. Cela ne fait pas tout, mais c'est malgré toute une bonne nouvelle et prenons-la pour telle.
J'aimerais bien que l'on arrive à « positiver » l'Afrique, si j'ose dire, car elle est trop souvent présentée sous ses aspects les plus négatifs.
Une réunion sera organisée à Libreville entre les Etats de la zone franc, une réunion où nous parlerons de la relation à l'euro. Nous serons alors en mesure, - puisque nous serons largement engagés sur la voie de la monnaie unique européenne - de confirmer que la relation entre le franc et le franc CFA ne sera pas être affectée par le passage à la monnaie unique.
La France a pris des engagements pour préserver la convertibilité du franc CFA. Les conditions techniques de cette garantie apparaissant sur les comptes du Trésor et non pas sur ceux de la Banque de France, le passage à la monnaie unique n'infirme pas cette garantie.
Il est important de le dire aux Africains et nous le leur confirmerons à cette occasion.
J'aimerais donc que nous saisissions cette occasion pour présenter l'Afrique telle qu'elle est, avec ses aspects négatifs, mais aussi avec ses aspects positifs, car si nous ne sommes pas capables de communiquer positivement sur l'Afrique, ce n'est pas la peine de parler du développement de l'Afrique, ce n'est pas la peine non plus d'y inviter les investisseurs.
A cet égard, j'ai apprécié la formule de M. Bécart, quand il a déclaré qu'il valait mieux organiser des charters d'investisseurs que des charters d'expulsés. Nous sommes complètement d'accord avec vous, monsieur le sénateur.
Je le répète, si nous ne sommes pas capables de dire un peu de bien de l'Afrique, ce n'est pas la peine d'espérer l'aider à se développer.
Plusieurs questions m'ont été posées s'agissant de la francophonie.
Je regrette les incertitudes qui ont régné ces dernières années quant à son rattachement à l'organigramme gouvernemental. Il y a eu à peu près tous les cas de figures : rattachement au Premier ministre, rattachement au ministère de la culture, voire ministère propre.
Monsieur Legendre, je ne sais pas si nous arriverons à mettre en place un jour le ministère de la francophonie et de l'audiovisuel extérieur que vous appelez de vos voeux. Pour l'instant, nous avons un Gouvernement très compact, nous sommes vingt-six, et ce n'est pas possible.
On m'a demandé de prendre en charge la francophonie et j'ai accepté parce qu'il existe une relation forte entre la coopération et la francophonie, tant pour des raisons géographiques que parce que le secrétariat d'Etat à la coopération apporte quelque 200 millions de francs à la francophonie, non compris les crédits affectés à TV 5 ce n'est pas négligeable. C'est dire la part que nous prenons dans cette aventure !
Je regrette que les journalistes n'aient relaté du sommet d'Hanoï que les réactions entendues ou exprimées lors de la conférence ministérielle. Certains ministres, qui ne comprenaient pas que l'on revienne sur les positions prises à Marrakech - il faut bien reconnaître qu'il y avait une certaine contradiction, qu'il nous a fallu la gérer, ce qui n'était pas facile - ont voulu exprimer les réserves que leur inspirait la candidature de M. Boutros Boutros-Ghali.
Ces réserves sont une réalité. J'ai cependant pu observer, au cours des mois qui ont précédé le sommet de Hanoï, que plusieurs responsables africains, y compris des chefs d'Etat qui étaient au départ opposés à cette candidature, s'y sont progressivement ralliés, parfois par défaut de candidat issu de leurs rangs.
Quoi qu'il en soit, c'est tout de même bien un large consensus qui a présidé à l'installation du nouveau secrétaire général M. Boutros Boutros-Ghali. Cela, on a un peu trop oublié de le dire.
On a aussi oublié de rappeler qu'au sommet de Hanoi a été mise en place une autre architecture de la francophonie, garantissant une meilleure cohérence et, j'espère, une plus grande efficacité. Il reste maintenant au nouveau secrétaire général à faire la preuve - et nous sommes prêts à l'y aider - que sa désignation répondait bien aux besoins de la politique de la francophonie.
A ceux qui s'interrogent sur cette dimension politique, je rappellerai que la francophonie peut être un moyen pour nous d'exister mieux, notamment dans les organisations multilatérales, dont l'importance est croissante en matière de coopération au développement et où la France, isolée, a beaucoup de mal à se faire entendre.
Au sein de ces organisations, on pourrait dégager, sinon une majorité, du moins des groupes pouvant influer sur les perspectives politiques et accompagner la mutation que j'observe aussi bien au sein du Fonds monétaire international qu'au sein de la Banque mondiale, qui, l'un et l'autre, essaient désormais de mieux prendre en compte les besoins sociaux des populations. Ils se sont en effet rendu compte que les contraintes monétaires ou financières imposées se traduisaient souvent par des tensions sociales, dont étaient d'abord victimes les pays qui s'exercent à la démocratie, parce que, de ce point de vue, ce sont les plus fragiles.
La francophonie politique peut avoir une réalité, en tout cas nous l'espérons. J'insiste sur ce point, parce que nous savons bien que le besoin d'aide publique est considérable, plusieurs d'entre vous l'ont souligné à juste titre. Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent qu'il suffit de favoriser le commerce pour permettre le développement. Certes, il ne faut pas opposer l'un à l'autre, mais le besoin d'aide publique demeurera longtemps considérable.
Elle est nécessaire pour remédier aux inégalités que plusieurs d'entre vous ont mises en évidence et pour éviter la dégradation que nous constatons. Aujourd'hui, les enfants sont souvent moins scolarisés que ne l'étaient leurs pères - et la situation est pire pour les filles. En matière de santé, l'accès aux soins est, dans certaines régions, moins satisfaisant qu'il y a cinquante ans.
La situation est catastrophique. Aussi, je regrette le mouvement général de diminution de l'aide publique que l'on observe sur la dernière période. Si la France n'y échappe pas complètement, on me permettra de faire observer - certains d'entre vous l'ont noté - que nous restons malgré tout à un niveau encore très honorable. Nous sommes dans le peloton de tête s'agissant de l'aide publique rapportée au PNB. Seuls quelques pays nordiques font mieux que nous. En revanche, les Etats-Unis consentent un effort beaucoup moins important.
A cet égard, la contradiction apparaît extraordinaire quand on observe le peu d'efforts faits par les Etats-Unis en matière d'aide publique au développement et l'influence considérable qu'ils exercent au travers d'organismes internationaux, y compris ceux vis-à-vis desquels ils n'honorent pas leurs engagements financiers.
Ce n'est pas normal. On a le sentiment que les Américains font des « coups » par le biais de contributions volontaires financées avec l'argent qu'ils n'ont pas dépensé pour leurs contributions obligatoires !
Je préciserai à l'intention de M. Biarnès que la question du veto ne s'est pas posée. Il s'agissait de désigner le secrétaire général de l'ONU, et nous n'étions pas en mesure d'opposer un veto.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il était en fin de mandat !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Cependant, je ne pense pas que ce soit à ce propos que nous ayons le plus de choses à dire à Mme Albright. Il est d'autres sujets dont nous pourrions discuter.
S'agissant de mon budget, j'ai entendu certains d'entre vous manifester une sévérité un peu sélective.
En effet, je crois que, l'an dernier, la diminution du budget de la coopération atteignait 7 %, contre 3,5 % cette année. Je ne me félicite pas de cette diminution, mais on sait quelles sont les raisons de cette situation et, si l'on fait abstraction de la baisse touchant aux ajustements structurels ou aux aides budgétaires, on observe que, en réalité, cette diminution est de 240 millions de francs. En réalité, à budget constant, nous obtenons cette année 1 million de francs de plus que l'an dernier. Certes, ce n'est pas satisfaisant, mais nous avons essayé, dans un contexte budgétaire très difficile, de retrouver quelques marges de manoeuvre.
Cela a été rendu possible par la diminution de l'assistance technique, qui a poursuivi une déflation sur laquelle il faut s'interroger. Il est clair que en-deça d'un certain niveau d'assistance technique, il faut envisager un autre mode de présence. Or je ne suis pas sûr que l'on sache l'inventer.
Il est vrai, cependant, que cette diminution de l'assistance technique, notamment par l'abandon de la « substitution », pour utiliser un jargon que vous connaissez aussi bien que moi, a permis d'augmenter les crédits du FAC. Je ne comprends pas M. Cantegrit, qui évoquait tout à l'heure une baisse de ce fonds car, s'il y a une bonne nouvelle dans ce budget, c'est justement son augmentation, qui nous permettra de faire plus d'aides-projets. Cela correspond bien à ce qui était attendu par tout le monde.
Dans le domaine de la coopération militaire, la diminution de l'assistance technique sera également profitable.
Ainsi, les crédits dévolus à la formation augmentent de près de 14 %. Ils sont destinés à la formation dispensée sur place, dans des écoles régionales. L'intérêt est d'inciter des cadres venant d'armées différentes à se former ensemble au maintien de la paix.
Je le répète, on ne peut pas nous reprocher d'avoir fait les mauvais choix au sein d'un budget nécessairement trop limité.
J'émettrai toutefois le regret que la part de ce budget dans le montant total de l'aide publique au développement ne soit pas très importante, même si elle représente non pas 10 % comme quelqu'un l'a dit - je crois que c'était M. Biarnès - mais environ 15 %, ce qui n'est pas beaucoup mieux, j'en conviens. Mais autant citer les bons chiffres !
La dispersion des crédits rend d'ailleurs difficile la lisibilité de la politique de coopération française, d'autant que cette dispersion - dont je suis le premier à souffrir - se retrouve chaque année.
J'ai l'espoir que, dans le cadre de la réforme, nous obtiendrons un budget spécifique. L'ensemble des aides publiques consacrées aux politiques de développement seraient alors regroupées.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. N'avez-vous pas la crainte qu'une mesure de régulation qui pourrait intervenir en janvier ou en février, comme l'année dernière, n'ait pour effet de supprimer quelques crédits à votre secrétariat d'Etat ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Tous les ministres craignent cette procédure !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ah oui ? (Sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez pu vérifier comme moi que les gouvernements passent mais que les régulations demeurent.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. J'espère cependant que, compte tenu de la situation budgétaire que vous avez abondamment décrite les uns et les autres, mon ministère échappera à cette régulation !
M. Christian Poncelet, président le la commission des finances. C'est un espoir !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Au moment où je vous parle, je peux seulement vous dire mon espoir, car je n'ai aucune certitude sinon celle d'être soutenu avec fermeté par votre assemblée pour éviter que cette mésaventure ne survienne.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous voudrions bien vous soutenir, mais, malheureusement, nous ne sommes informés qu'après que la décision a été prise. Il nous est alors difficile d'intervenir.
D'ores et déjà, je vous alerte et je ne manquerai pas de demander au ministre qu'il évite d'amputer vos maigres crédits.
M. le président. Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le président de la commission.
J'en viens au budget de la francophonie, que j'ai qualifié d'introuvable parce qu'il est encore plus dispersé que celui de la coopération.
Cette année encore, les crédits du service des affaires francophones n'atteignent que 62 millions de francs. Il est vrai que ce n'est pas dans ce cadre que l'essentiel des actions sont conduites.
L'ensemble des contributions françaises à la francophonie multilatérale s'élèvent, elles, à 620 millions de francs, ce qui n'est pas négligeable.
Les postes les plus importants sont l'agence de la francophonie, l'ancienne ACCT, l'agence de coopération culturelle et technique, que vous connaissez, l'AUPELF-UREF, réseau des universités, qui monte beaucoup en puissance, mais aussi l'audiovisuel extérieur, qui est en train de prendre une part très importante des crédits, et nous en sommes heureux.
Je rappelais devant la commission des finances que, dans quelques jours, TV 5-USA allait être lancée ; cette chaîne permettra de couvrir désormais, au moins pratiquement, tout le continent américain d'une télévision en langue française. Nous espérons, évidemment, sa réussite. C'est un effort qu'il fallait entreprendre.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. On a peu parlé de l'action humanitaire internationale - vous savez que je suis également chargé de ce secteur.
Les moyens spécifiques sont très limités. Nous faisons surtout appel à ceux qui existent, ceux de la défense nationale ou, parfois, ceux des sapeurs-pompiers.
Le service travaille bien. Nous avons le mérite d'intervenir très vite. C'est ce qui s'est passé à Brazzaville, lorsqu'il s'est agi d'envoyer une équipe médicale aéromobile. C'est également ce que nous faisons actuellement à la frontière de la Somalie, du côté de l'Ethiopie, où nous aidons les populations se trouvant dans une situation très difficile en leur envoyant des vivres, des médicaments et de quoi se couvrir.
D'autres opérations ont également réussi. Je pense à la lutte contre les inondations en Pologne, mais aussi à l'aide apportée à Anjouan dans la crise difficile que cette île a rencontrée dans sa relation avec le gouvernement fédéral.
Le financement de l'action humanitaire, normalement confiée au secrétariat d'Etat à la coopération, figure au budget des affaires étrangères. Nous n'avons pas eu le temps, cette année, compte tenu du calendrier budgétaire, de procéder à une restructuration. J'espère que nous pourrons faire mieux l'an prochain.
Le montant des bourses et les crédits de formation restent stables : 245 millions de francs.
Je dirai simplement qu'à l'intérieur de cette enveloppe nous pensons réduire les crédits destinés aux bourses de stages et augmenter ceux qui sont affectés aux bourses d'études, pour mieux répondre aux besoins de formation des élites africaines.
Les chiffres donnés tout à l'heure sont tout à fait préoccupants : 75 % des étudiants ivoiriens auraient fait le choix des universités nord-américaines. Je pense qu'il s'agit de 75 % des étudiants qui ont quitté la Côte d'Ivoire. Cela correspond tout de même à une proportion pratiquement inverse de celle que l'on connaissait il y a une vingtaine d'années. Cette situation nous préoccupe.
La question des visas devrait être en voie de résolution. Les instructions que nous avons envoyées aux postes consulaires pour demander que l'on prenne mieux en compte les besoins des étudiants, des professeurs et des acteurs économiques sont en train de prendre effet, semble-t-il. Si vous prenez connaissance de dysfonctionnements, n'hésitez pas à nous les signaler, nous essaierons d'y remédier.
Il s'agit en effet d'une question très préoccupante, et les Américains - je ne voudrait pas courir le risque d'être accusé de paranoïa anti-américaine, mais il faut bien le dire - savent utiliser les difficultés que nous connaissons pour attirer à eux des étudiants en leur octroyant des diplômes dont le niveau n'est pas toujours vérifié. Pour notre part, nous refusons une telle pratique, et nous avons raison, je crois, de tenir bon.
Je vous rends également attentifs au problème du retour dans leur pays des étudiants formés chez nous, certains d'entre eux étant fortement tentés de rester en France. Il y aurait ainsi plus de médecins béninois à Paris qu'il n'y en a au Bénin ! C'est évidemment préoccupant.
La coopération décentralisée est, nous semble-t-il, un moyen de faire plus avec des moyens limités. Le partenariat des collectivités territoriales nous paraît très riche, et il ne s'agit pas ici pour moi de jouer sur les mots. En tout cas, c'est une forme de coopération qui a beaucoup de vertus. Elle a le grand mérite de perdurer au-delà des alternances politiques ; je parle, bien sûr, des alternances politiques dans les autres pays ; chez nous, cela va de soi. Elle peut aider à enraciner la démocratie locale, donc la démocratie tout court. Elle colle au plus près des réalités.
Nous avons donc l'intention d'aider la coopération décentralisée à se développer en essayant de mettre un peu de cohérence dans le foisonnement des initiatives et des bonnes volontés. On constate en effet de grandes disparités géographiques, des centaines d'initiatives se concentrant sur certains pays, alors que d'autres pays sont laissés à un complet abandon, malgré des besoins immenses.
Nous allons, par conséquent, nous efforcer de répartir mieux les différentes actions, avec aussi un souci d'information systématique non seulement de l'ambassadeur concerné mais aussi, au niveau local, du préfet concerné.
Le Viêt Nam pourrait-il profiter du fonds d'aide et de coopération ? La réponse est oui. Certes, les chiffres ne seront pas très importants, surtout au début : on peut évoquer une dizaine de millions de francs. En tout cas, le fait d'avoir mis fin à la distinction entre pays du champ et pays hors champ permet désormais à certains pays comme le Viêt Nam et ses voisins de bénéficier de quelques projets FAC, étant précisé que le Cambodge est déjà considéré comme appartenant au nouveau champ.
Les projets intéressant le Viêt Nam pourraient constituer une sorte de champ d'expérience de l'extension du FAC à ces pays. On peut également imaginer d'autres expérimentations du côté de la Caraïbe.
Je sais que le fait d'abandonner la distinction champ-hors champ peut paraître contradictoire avec un budget quelque peu limité. Cependant, si la France veut jouer son rôle en matière de coopération au développement, notamment au sein de structures multilatérales, il nous faut sortir de la distinction traditionnelle ; d'où le choix que nous avons fait.
Ce ne sont évidemment pas les seuls crédits consacrés à l'aide bilatérale qui nous permettraient de couvrir l'ensemble des pays qui ont des besoins. L'aide multilatérale, en particulier européenne, doit aussi être mobilisée.
Je rappelle, s'agissant de l'Europe, que la convention de Lomé est en cours de renégociation. Plusieurs d'entre vous ont évoqué les résistances de certains de nos partenaires quant au renouvellement de la convention ACP. Tout à l'heure, j'en saurai davantage à ce sujet puisque les ministres du développement concernés doivent se réunir aujourd'hui à Bruxelles.
Les contacts que j'ai déjà eus avec mes collègues suédois, danois et belge ont été tout à fait encourageants. Avec mon collègue anglais, alors que nous étions un peu inquiets, tout s'est également bien passé. Je me suis aussi entretenu avec mon collègue allemand, à Bonn, voilà quelques jours.
Sur le principe d'un renouvellement de ce lien un peu spécifique entre l'Europe et les pays ACP, nous serons d'accord. Sur le montant des enveloppes, je pense que nous parviendrons à nous entendre. C'est sur le périmètre que la discussion sera peut-être plus délicate, certains de nos paretenaires voulant étendre le bénéfice des relations ACP à d'autres pays. Nous souhaiterions que la cohérence soit préservée, même si nous comprenons que le critère de la pauvreté puisse être déterminant.
Je voudrais réitérer devant le Sénat le souhait que j'ai exprimé à l'Assemblée nationale tendant à ce que, chaque année, se tienne au Parlement, en dehors de la période budgétaire, un débat sur les politiques de coopération au développement.
MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, et Daniel Goulet. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. L'échange que nous avons eu ce soir m'a en effet paru très riche et je serais heureux qu'il puisse se prolonger en d'autres occasions. J'ai beaucoup apprécié votre solide connaissance de dossiers fort complexes.
La perspective de nous rencontrer de nouveau ne m'empêchera pas, au demeurant, de répondre par écrit à celles de vos questions qui seraient restées en suspens.
S'agissant de l'assurance-vieillesse des Français expatriés, question à laquelle plusieurs d'entre nous sont attentifs, une réunion de la commission des suites s'est tenue le 4 novembre dernier, sur l'initiative de l'inspection générale des affaires sociales. Le dossier est donc en quelque sorte rouvert dans un cadre interministériel, la direction des Français de l'étranger au ministère des affaires étrangères étant toutefois mieux à même de le centraliser.
En ce qui concerne la zone franc, j'ajoute à ce que j'ai déjà indiqué que l'article 109 du traité de Maastricht contient des dispositions très claires : « Sans préjudice des compétences et des accords communautaires dans le domaine de l'union économique et des accords internationaux, les Etats membres peuvent négocier dans les instances internationales et conclure des accords internationaux. »
C'est en quelque sorte à l'abri juridique de cet article 109 que nous pouvons défendre le lien de la zone franc.
Monsieur Charasse, vous avez souhaité, sur un mode plaisant, que l'on aille moins souvent bronzer à l'île Maurice ou aux Seychelles. Je suis convaincu que l'on peut certainement le faire aussi bien à Puy-Guillaume. (Sourires.)
M. Michel Charasse. Le bronzage me semblait être la raison pour laquelle ces missions avaient été maintenues plus longtemps qu'il n'aurait été nécessaire ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Il faut effectivement éviter les abus ! Chacun sait que l'abus de soleil nuit gravement à la santé ! (Nouveaux sourires.)
Sur les indemnisations, nous avons eu l'occasion de dire que les seuils fixés par le ministère des finances auraient mérité d'être un peu plus élevés. Evidemment, cela ne vaut que pour ceux qui ont eu droit aux indemnisations, c'est-à-dire les fonctionnaires et les personnes sous contrat avec l'Etat.
Pour les autres, quand ils ont subi de lourdes pertes, la question de l'indemnisation reste ouverte. S'il s'agit de salariés d'entreprises importantes, celles-ci règlent généralement elles-mêmes le problème. La question se pose donc surtout pour les travailleurs indépendants et les professions libérales. Malheureusement, en l'absence d'une disposition législative - puisqu'une telle disposition n'a pas été votée, certains d'entre vous l'ont rappelé -, je ne suis pas en mesure de leur promettre une indemnisation. Je peux seulement les encourager à se signaler et à faire l'estimation de leurs pertes, dans l'hypothèse de négociations qui pourraient s'engager avec les gouvernements des pays concernés. En tout cas, au ministère des affaires étrangères, un service est chargé de les accueillir. J'espère qu'ils pourront recevoir un jour une compensation.
Pour en revenir à Lomé, monsieur Bécart, nous entendons effectivement donner au dialogue politique une plus grande importance. Là aussi, la préoccupation de l'état de droit et de la démocratie doit prendre plus de poids.
De la même manière, nous aurons à réfléchir à la rénovation des outils de Lomé qui ne font pas, aujourd'hui, suffisamment la preuve de leur efficacité. La question vaut pour le STABEX, le SISMINX. Mais c'est aussi le fonctionnement de la Commission elle-même et la lourdeur de ses procédures qui sont en cause.
De tout cela, nous allons discuter. Je rappelle que nous aurons toute l'année pour le faire puisque c'est en l'an 2000 que la nouvelle convention doit entrer en vigueur.
Monsieur Demuynck, vous avez évoqué l'immigration et c'est un peu le codéveloppement que vous avez réinventé. Le mot « codéveloppement » n'est pas forcément le plus approprié, mais c'est ainsi que nous appelons, dans notre jargon, les politiques sur lesquelles nous sommes en train de travailler et qui consistent bien à aider le retour au pays.
C'est le ministère de l'intérieur qui pilote cette opération. Cependant, le secrétariat d'Etat à la coopération y est très impliqué et, en partenariat avec les pays qui sont les plus gros pourvoyeurs de population immigrée - le Mali, le Sénégal - nous étudions les moyens d'aménager chez eux des structures d'accueil, de la même manière que nous réfléchissons à la possibilité de mettre en place chez nous des structures de préparation au retour, avec les moyens financiers que cela implique et qui ne peuvent, je ne vous le cache pas, qu'être très importants.
Nos partenaires de la coopération décentralisée peuvent nous aider à réussir l'opération, aussi bien au départ qu'à l'arrivée.
Je conclurai en disant que, parmi les ambitions qui nous guident en ce qui concerne cette réforme, il y a un souci de plus grande cohérence et de meilleure lisibilité.
Il me paraît tout à fait essentiel que nous puissions mobiliser l'opinion française sur ces politiques de coopération au développement. Nous n'y parviendrons que si nos compatriotes peuvent facilement savoir ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons.
Il a été rappelé que cela concernait, ne serait-ce que pour l'Afrique, 150 000 emplois directs et 2 000 entreprises. Il faut que les Français le sachent. Il faut que nous sortions le coopération au développement de sa position parfois trop souterraine, qui nuit à son image dans l'opinion française. Nous avons un devoir de communication à cet égard.
Il y a, dans notre pays, des gisements de générosité et de compétence qu'il nous reste à mobiliser pour que la France joue complètement le rôle que son histoire et peut-être aussi la géographie lui assignent dans la lutte contre les inégalités à l'échelle de la planète, si préoccupantes pour l'équilibre du monde. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères et la coopération : II. Coopération.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 9 831 233 francs. »