M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 1998 s'élève à 14,39 milliards de francs. Vous conviendrez avec moi que ce budget n'est qu'un des éléments concourant à l'action extérieure de la France. Il me paraît donc opportun de le situer dans le cadre de cette action extérieure.
Les crédits qui sont consacrés à l'action extérieure de la France sont répartis sur vingt-huit budgets. Ils s'élèveront à 50,4 milliards de francs pour 1998, auxquels il me paraît judicieux d'ajouter les 6,47 milliards de francs qui correspondent à la contribution de la France à l'action extérieure de l'Union européenne.
Toutefois, je tiens à souligner que ces 6,47 milliards de francs correspondent exactement au double des crédits d'intervention directe du ministère des affaires étrangères, ce qui signifie que la capacité d'action de l'Union européenne, dans le domaine financier, est deux fois supérieure à la nôtre.
Je formulerai deux observations sur ces chiffres.
Tout d'abord, le volume des crédits gérés directement par le ministère des affaires étrangères est substantiellement inférieur au montant des crédits qui relèvent de la compétence du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il s'agit là d'un débat récurrent sur le rôle respectif de ces deux ministères dans la gestion de l'action extérieure de notre pays.
Ensuite, le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 se situe à son plus bas niveau relatif depuis quinze ans car, depuis 1993, l'effort de rigueur nécessaire pour la maîtrise des dépenses publiques a été anticipé.
La commission des finances considère, mes chers collègues, que ce budget en baisse correspond à l'une des fonctions régaliennes de l'Etat par excellence. Compte tenu des efforts déjà accomplis, elle vous propose donc d'exclure le budget des affaires étrangères de la réduction globale de 21 milliards de francs, qu'elle estime par ailleurs nécessaire pour parvenir à une réelle maîtrise des dépenses budgétaires en 1998.
Après cette analyse très sommaire, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement et du Sénat sur quelques points.
Le premier point concerne les rémunérations des personnels résidents. La rigueur à laquelle est soumis ce budget ne saurait se prolonger sans compromettre la capacité d'action et l'efficacité de nos services.
Transformer un certain nombre de postes d'expatriés en postes de résidents était une bonne idée. Cela a permis de réaliser des économies et d'échanger, dans un certain nombre de cas, deux postes de résidents pour un poste d'expatrié.
Toutefois, si l'on va trop loin dans cette voie, cela aura une incidence négative sur le fonctionnement de nos services, d'autant que, dans un grand nombre de pays, le personnel résident est victime d'une sous-rémunération chronique. Le niveau des traitements qui sont servis par la France est nettement inférieur à celui du marché du travail local et aux traitements qui sont versés par les ambassades des autres pays de l'Union européenne.
Il en résulte une démobilisation insidieuse du personnel résident, qui se traduit par le départ vers d'autres ambassades. Cette situation est particulièrement sensible et fâcheuse dans le cas du personnel qui est affecté au service des visas diplomatiques. Il s'agit, en effet, d'un service fondamental, et nous perdons, dans beaucoup de pays, les meilleurs de nos agents.
Par conséquent, il me paraît indispensable de débloquer la situation. Deux moyens d'action sont possibles, me semble-t-il.
En premier lieu, il faudrait aligner systématiquement les traitements des personnels du ministère sur ceux qui sont servis sur place par la direction des relations économiques extérieures, la DREE. Les fonds peuvent être trouvés à cet effet. Il me semble scandaleux de constater des écarts de traitement de 30 %, selon que le personnel est payé par le ministère des finances ou par le ministère des affaires étrangères.
En second lieu, il conviendrait, monsieur le ministre, de revoir la périodicité de la révision des salaires des personnels résidents : à l'heure actuelle, les salaires sont révisés une fois par an. L'idéal serait qu'ils soient révisés tous les trimestres compte tenu de l'inflation qui sévit dans un certain nombre de pays. Toutefois, une révision semestrielle permettrait d'éviter de trop grandes distorsions de traitements entre nos personnels et ceux qui occupent des postes équivalents.
J'en arrive au deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues.
Cette année, on constate une réduction considérable des crédits d'intervention. Si l'on ajoute aux crédits d'action culturelle et d'aide au développement les crédits de coopération de défense et les contributions volontaires aux dépenses internationales, la part des crédits des affaires étrangères réservée aux dépenses d'intervention atteint 3,3 milliards de francs, soit 23 % de votre budget.
En fait, tel est l'objet de notre discussion, puisque les autres dépenses de votre ministère sont incompressibles. Ces 3,3 milliards de francs constituent le fer de lance de votre action. Ils sont donc l'objet d'une attention particulière de notre part.
Cette année, les crédits de l'action culturelle et de l'aide au développement sont reconduits au niveau de 3 milliards de francs ; ils sont stables. Seules les dépenses consacrées à l'audiovisuel extérieur bénéficient de moyens nouveaux, pour un montant de 15 millions de francs.
La diminution la plus spectaculaire, mes chers collègues, concerne les contributions volontaires aux dépenses internationales. En cinq ans, les crédits correspondants sont passés de près de 700 millions de francs à 228 millions de francs cette année. La baisse est considérable !
Evidemment, un débat s'est instauré sur ce projet entre les moines soldats de l' « onusisme » et les défenseurs de la rigueur budgétaire.
En tout état de cause, depuis cinq ans, ces contributions volontaires font office de variable d'ajustement du budget des affaires étrangères, ce qui n'est pas leur vocation initiale.
Les réductions des contributions volontaires doivent être effectuées avec discernement, en fonction de trois critères essentiels. Auparavant, il convient de les notifier aux intéressés dans des délais suffisants, pour éviter qu'ils ne soient pris au dépourvu et conduits à prendre des mesures drastiques de licenciement ou à arrêter des projets.
Tout d'abord, il faut veiller - je sais que vous y êtes très sensible, monsieur le ministre - à la bonne gestion des organisations bénéficiaires. Il n'y a pas de raison, en effet, que le contribuable finance des agences de voyages ou des colloques.
Ensuite, il importe de prendre en compte l'importance des retours économiques pour notre pays sur les programmes financés. En effet, il est clair que, dans un certain nombre de domaines où nos entreprises sont leaders sur le plan mondial, par exemple ceux de la vaccination, des soins, ou de l'eau, le retour économique sur nos entreprises est très supérieur aux sommes que nous avons engagées.
Enfin, il faut tenir compte de la présence au sein des organisations que nous finançons au travers des Nations unies de ressortissants français ou francophones. Il s'agit d'une voie de réduction des contributions volontaires dans laquelle nous sommes engagés. Toutefois, compte tenu de la présence de la France, comme membre du Conseil de sécurité, au sein des Nations unies, il me semble que, dans l'avenir, les réductions ne pourront pas aller au-delà de celles qui ont été opérées au cours des cinq dernières années.
Le troisième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne la nécessité de redéfinir notre politique audiovisuelle extérieure. Cette année, près de 900 millions de francs seront consacrés à cette politique.
Votre gouvernement n'a pas encore arrêté ses orientations, monsieur le ministre. Il a confié une mission d'études à M. Imhaus. D'autres études ont déjà été réalisées. Il est devenu urgent d'agir sur ce poste de dépenses à la fois essentiel et susceptible d'être rationnalisé.
Ainsi, CFI devrait être recentrée sur sa mission initiale de banque de programmes, étant entendu que les émissions qu'elle diffusera devront être surveillées avec une attention particulière le samedi après-midi à partir de dix-sept heures, afin d'éviter le renouvellement d'incidents fâcheux. TV 5 deviendrait notre seule chaîne dans les régions du monde où elle est diffusée en réception directe, c'est-à-dire en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.
Les techniques nouvelles de diffusion pourraient certainement permettre d'améliorer l'étendue et la qualité de la diffusion de TV 5 et de RFI, en rendant surtout possible le développement de la politique des décrochages régionaux. Il est clair, en effet, que les Indonésiens préfèrent connaître la température qui règne à Djakarta plutôt que celle de Romorantin.
Bien entendu, ces mesures techniques ne sont qu'un support à l'indispensable réflexion sur le contenu des programmes. La véritable question est non seulement d'avoir la capacité de diffuser des programmes, mais également de savoir quels programmes nous entendons diffuser. De ce point de vue, on peut concevoir une télévision à l'usage des Français expatriés ou à destination des populations locales. Il faut tenir compte des goûts et des spécificités locales.
Même si on le déplore, Cantona et Hélène et les garçons ont plus de succès dans nombre de régions du monde que les derniers ouvrages de Philippe Sollers, Michel Serres, voire Claude Allègre. Par conséquent, il faut donc que les chaînes diffusent des programmes intéressants.
Personnellement - je n'engage que moi, car la commission n'est sûrement pas de mon avis - je rêve d'une chaîne qui s'appellerait Paris Première, parce que c'est un titre merveilleux- malheureusement, c'est déjà pris ! - et qui serait un mixage de Fashion TV, dont le concept a d'ailleurs été défini voilà deux ans par l'un de vos collaborateurs et qui connaît un succès considérable dans beaucoup de pays, d'ARTE et d'Eurosport.
J'attends avec impatience, monsieur le ministre, les résultats des propositions que vous formulerez après avoir pris connaissance du rapport de M. Imhaus.
Le quatrième point de mon intervention concerne l'enseignement français à l'étranger. Il s'agit d'un élément essentiel, car nos concitoyens n'acceptent de s'expatrier que s'ils ont la certitude de pouvoir offrir sur place une éducation de qualité à leurs enfants.
Nous disposons d'un réseau remarquable, puisque les 209 établissements recencés scolarisent 45 000 élèves français et 80 000 élèves étrangers. Mais nous sommes arrivés à un point où il y a deux blocages. Mme Cerisier-ben Guiga les a évoqués hier après-midi.
En premier lieu, se pose le problème des droits d'écolage. Dans la plupart des pays d'Asie, ceux-ci se situent entre 25 000 francs et 30 000 francs. Dans la mesure où ce ne sont plus les sociétés qui les paient car de nombreux expatriés sont installés à titre individuel, cette somme atteint des sommets. Il n'est pas possible d'aller au-delà.
En second lieu, se pose le problème des bâtiments. Certaines opérations intelligentes ont été menées comme à Singapour et à Manille, ou vont l'être comme à Kuala Lumpur où existent des écoles franco-allemandes. Mais certains établissements sont dans des états tels qu'ils seraient fermés s'ils étaient situés en France. Je pense à ceux de Bangkok qui sont dans un très mauvais état et qui ne fonctionnent que grâce à la débrouillardise des directeurs d'école ou des proviseurs. Mais ce n'est pas une solution à long terme. Il convient donc de rechercher de véritables solutions.
Peut-être cela remettrait-il en cause le rôle de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, mais je pense que l'Etat devrait investir dans la construction des lycées et d'établissements ; de son côté, le ministre de l'éducation nationale devrait prendre en charge la rémunération des professeurs expatriés. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, j'ai entendu, en même temps que vous, le Premier ministre déclarer à Moscou, devant la communauté française, que le meilleur investissement que la France pouvait faire à l'étranger était la construction de lycées et d'établissements scolaires. Malheureusement, M. Dominique Strauss-Kahn n'était pas à vos côtés (Sourires.) mais je pense que nous partageons tous la position du Premier ministre sur cette question fontamentale.
Il faut aussi mettre en place en ce domaine une programmation pluriannuelle. Je ne vois pas en effet comment des associations de parents d'élèves, dont les membres sont là pour trois ou quatre ans, peuvent contribuer davantage financièrement alors que ce seront leurs successeurs qui recueilleront, quelques années plus tard, les fruits de leur effort financier.
Enfin, il nous semble aujourd'hui indispensable de mener une réflexion à long terme sur les réseaux diplomatique et consulaire.
Le monde actuel n'est plus en situation de guerre idéologique ou de guerre froide, il est en guerre économique. A cet égard, le parachutage au mois de septembre dernier de 1 200 marines transportés depuis la Caroline du Nord et de dix-neuf parachutistes russes dans la région de la mer Caspienne est tout à fait symbolique de l'évolution du monde et des zones de richesse auxquelles s'intéressent les grandes puissances.
Qu'en est-il de notre réseau face à cette nouvelle situation ?
En 1998, dernière année d'application du schéma quinquennal, des décisions difficiles restent à prendre.
Un certain nombre de mes collègues se sont interrogés sur le coût, voire le luxe excessif de certaines ambassades, en particulier dans la région caucasienne.
La Cour des comptes a rendu public hier un rapport dans lequel elle s'étonnait des 400 millions de francs consacrés au projet avorté du centre de conférences international du Quai Branly. En 1994, la commission des finances s'était étonnée de ces dérives ; j'avais d'ailleurs consacré plusieurs pages à ce sujet.
J'avais tenté d'effectuer un contrôle sur pièces et sur place mais, seul face à de nombreuses caisses remplies de dossiers, cette tâche m'avait semblé au-dessus de mes forces. Je préfère donc que la Cour des comptes remplisse le rôle qui est le sien.
Dans cet esprit, il semble excessif de prévoir 400 millions de francs pour une ambassade à Pékin et 280 millions de francs pour notre représentation à Berlin. Je réitère à ce sujet les propos que j'ai tenus l'année dernière : dans la mesure où nous ignorons si une ambassade existera encore à Berlin dans vingt ans, il serait préférable de construire des bâtiments transformables, modulables plutôt que des bâtiments luxueux.
Il faut, dans ce domaine, être extrêmement vigilant. Même si la décision de construire une ambassade est prise au sommet de l'Etat, la réalisation de l'opération me semble relever d'une autre compétence.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Je conclurai en disant qu'il serait possible de rationaliser nos réseaux, de rapprocher le ministère de la coopération et celui des affaires étrangères, voire d'envisager des postes communs avec la DREF dans un certain nombre de pays.
Nous avons, monsieur le ministre, mes chers collègues, la chance d'avoir, par son importance, le deuxième réseau diplomatique du monde. Un consensus se dégage désormais pour que tout soit mis en oeuvre afin qu'il devienne le meilleur.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup d'excellentes choses ayant été dites par M. le rapporteur spécial, j'abrégerai mon propos.
Toutefois, je souhaite appeler votre attention sur deux points : il s'agit, tout d'abord, de la problématique générale dans laquelle se place le budget des affaires étrangères. La contrainte budgétaire qui est la nôtre ne saurait, à mon sens, se desserrer dans les années à venir. L'enjeu consiste, pour nous, à rendre plus dynamique ce deuxième réseau du monde par une présence plus intense dans des régions où celle-ci doit être développée, sans pour autant négliger les liens qui nous unissent à nos partenaires traditionnels.
Cette question nous renvoie, pour l'essentiel, à la baisse régulière des moyens en personnel du Quai d'Orsay depuis une dizaine d'années.
Entre 1980 et 1985, la déflation des effectifs du ministère des affaires étrangères s'est élevée à 17,5 % Notons, à cet égard, que le passage au volontariat de nos armées, corollaire de la professionnalisation, risque de se traduire par d'importantes incertitudes. Il n'est pas certain que nous puissions avoir, à l'avenir, le même nombre de volontaires que de coopérants du service national, compte tenu de la rémunération qui leur sera versée.
Comment dès lors, à effectifs décroissants, accompagner le déplacement de nos priorités, notamment vers l'Asie ou l'Amérique latine, où notre présence est notoirement insuffisante ?
L'une des pistes susceptibles de libérer des effectifs pour les affecter à ces régions pourrait consister à alléger les missions et donc les effectifs de nos ambassades dans les pays de l'Union européenne. Cette évolution respecterait la logique de la construction européenne.
En revanche - et j'en viens à un aspect important de notre politique extérieure - cette conception moins ambitieuse des missions de nos postes diplomatiques en Europe occidentale ne saurait conduire à réduire les moyens de nos postes consulaires.
En effet, alors que nous pourrions croire que la charge de travail de nos postes consulaires décroît dans l'ensemble de l'Europe, nous nous apercevons qu'il n'en est rien.
Cette charge croît tant quantitativement que qualitativement. Je vous renvoie, sur ce point, à mon rapport écrit.
Nos consulats, qu'il s'agisse de ceux qui sont situés en Europe ou des postes situés sur le continent africain, sont généralement, par ailleurs, assez mal équipés non seulement en personnels, mais aussi en moyens logistiques pour faire face à l'ensemble des tâches qui leur incombent.
La contraction de notre réseau diplomatique et consulaire est, bien évidemment, une bonne chose, car ce réseau doit s'adapter aux évolutions de la situation internationale, mais il ne faut pas que la fermeture, par ailleurs justifiée, de certains consulats se traduise, comme c'est trop souvent le cas, par un transfert de travail sur d'autres postes consulaires, sans que les moyens de ceux-ci soient réévalués en conséquence.
Comme M. le rapporteur spécial l'a excellemment souligné, le budget du ministère des affaires étrangères prévu dans la loi de finances pour 1998 ne concerne, pour l'essentiel, que le quart environ de nos interventions extérieures et il n'atteint pas 1 % du budget de la nation. Ce point méritait d'être souligné.
Par ailleurs, les crédits consacrés à la coopération militaire sont inférieurs, malgré la vocation mondiale du ministère des affaires étrangères, à 90 millions de francs ; il n'est pas inutile de comparer ce chiffre aux quelque 700 millions de francs consacrés à la coopération militaire franco-africaine. Il s'agit d'un vieux débat, mais il nous amène à nous interroger sur la nécessité de réunir à court ou à moyen terme, les moyens mis en oeuvre dans ce domaine par ces deux départements ministériels. Cette fusion serait probablement le seul moyen de renforcer le rayonnement de notre coopération militaire à l'étranger et de contrebalancer l'effort très substantiel entrepris dans ce domaine par certains de nos concurrents.
Que dire également des quelque 129 millions de francs qui seront consacrés à l'assistance aux Français de l'étranger ? Comment ne pas s'inquiéter de la diminution de ces crédits, alors même que nous constatons une augmentation régulière des besoins d'assistance, pour des Français de l'étranger qui subissent désormais le contrecoup de difficultés économiques et sociales assez largement réparties dans le monde ?
J'en viens à la contribution de la France au budget de l'ONU. Les délais de remboursement traditionnellement déplorés par la commission des affaires étrangères sont aggravés par la crise financière de cet organisme.
Comment, dès lors, ne pas s'interroger sur la pertinence de notre comportement exemplaire à l'égard de l'ONU, par rapport à l'attitude d'autres Etats contributeurs ? Compte tenu de ces retards de remboursements, pourquoi ne pas décaler l'acquittement de nos contributions financières au titre du budget ordinaire ?
En ce qui concerne les crédits d'équipement du ministère des affaires étrangères, nous estimons que l'on peut s'interroger sur la manière dont sont définis nos choix immobiliers.
Le choix de construire à Berlin une ambassade de prestige est très significatif de l'importance des symboles dans ce type de décision. Mais fallait-il vraiment, pour manifester concrètement le prix que nous attachons à l'amitié franco-allemande, édifier un bâtiment aussi coûteux, voire aussi luxueux ?
M. le président. Mon cher collègue, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Je conclus, monsieur le président.
De manière générale, nous constatons que les grandes opérations de prestige conduites pour des raisons principalement symboliques nuisent à l'ensemble des réalisations immobilières du Quai d'Orsay, où le niveau moyen de confort n'est pas à la hauteur de ce qui sera fait à Berlin ou à Pékin.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 afin de manifester le soutien de la représentation nationale à nos diplomates, dont nous tenons à souligner ici le dévouement, alors que leur métier les conduit de plus en plus fréquemment à affronter des situations particulièrement difficiles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas ici en détail les chiffres concernant la dotation de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques pour 1998. Je me bornerai à rappeler que sa légère hausse en francs courants, puisqu'elle n'est que de 0,5 %, masque en francs constants et hors effet « change-prix » une diminution de 1,9 % des crédits de l'action culturelle extérieure.
Au sein de cet ensemble, toutefois, des distinctions doivent être opérées. Le budget comprend de bonnes nouvelles pour notre réseau d'enseignement français à l'étranger ; il permet de modestes avancées pour l'audiovisuel extérieur ; il préserve l'essentiel en matière d'investissements mais sur une base, malheureusement, bien insuffisante ; il n'interrompt pas, même s'il la ralentit, la diminution chronique des crédits d'intervention.
Je voudrais surtout évoquer avec vous, monsieur le ministre, deux points d'ancrage principaux de notre action culturelle extérieure, à savoir l'audiovisuel extérieur et l'enseignement français, non pas que les autres domaines d'intervention de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques ne soient pas essentiels, mais parce que ces deux secteurs en sont précisément des leviers priviligiés.
En ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, tout d'abord, nous sommes dans l'attente d'une réforme programmée pour 1997 sur la base du rapport de M. Jean-Paul Cluzel, mais vous avez souhaité le revoir en demandant à M. Imhaus de formuler de nouvelles conclusions.
Compte tenu de l'importance que revêt ce secteur pour la promotion de notre langue et de notre culture, je vous serais reconnaissant de nous indiquer les pistes que vous entendez explorer.
Ainsi a-t-on souvent évoqué la nécessité d'une implication accrue de France Télévision, qui ne dépend pas de vous, dans l'action extérieure, qui, elle, vous concerne au premier chef. France Télévision dispose en effet de moyens et de compétences qu'il est dommage de ne pas voir s'exprimer davantage aux côtés de ceux de nos opérateurs publics traditionnels que sont TV 5 et CFI.
En d'autres termes, quelle formule administrative, si tant est que le salut vienne de là, ce qui n'est pas certain, pourrait être trouvée pour que les compétences respectives du ministère des affaires étrangères, de celui de la culture et de la communication ainsi que du secrétariat d'Etat à la coopération, sans parler de l'omniprésent Bercy, ne se traduisent par un éparpillement des responsabilités dommageable pour tout le monde ?
L'enjeu, comme vous le savez, monsieur le ministre, est important.
L'amélioration de nos programmes et leur régionalisation, la constitution des bouquets francophones, l'élargissement de la diffusion et l'idée d'une information internationale en français, l'exportation de nos programmes, tout cela conditionne la qualité, souvent très critiquée, de l'offre télévisuelle française qui doit occuper dans le monde sa juste place.
J'évoquerai ensuite l'enseignement français à l'étranger qui constitue un autre aspect positif du projet de loi de finances pour 1998, et ce à plusieurs titres : l'augmentation de la dotation de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, celle des bourses scolaires et, enfin, la création nette, dans le réseau, de 70 postes de résident sur un total de 120 créations.
Mais, par-delà ces éléments positifs, je souhaiterais attirer votre attention sur quelques-unes des difficultés du réseau.
Une première difficulté est liée à l'insuffisance de la dotation « investissements ». A l'évidence, les dotations prévues sont inférieures aux besoins tant des établissements en gestion directe que des établissements conventionnés. N'oublions pas que pour ces derniers les travaux indispensables ne peuvent être financés que par l'emprunt, charge qui ne manque pas de se répercuter sur les frais d'écolage. Pourtant, compte tenu de l'accroissement, déjà évoqué, de la fréquentation scolaire dans certaines régions, les extensions de locaux sont souvent incontournables.
Un deuxième sujet de préoccupation concerne certains personnels du réseau, sous deux volets différents : d'abord, l'avenir de la ressource en coopérants du service national après la suppression du service national obligatoire et, ensuite, la situation matérielle, à partir de l'an prochain, de certains recrutés locaux.
En 2002 au plus tard, avec l'épuisement du « stock » des sursitaires du service national, la ressource en CSN - coopérants du service national - sera tarie. Or, la disparition de ces postes de CSN, qui représentent 10 % des effectifs des enseignants titulaires du réseau, sera un véritable coup dur pour l'Agence. La préparation, par le Gouvernement, d'un projet de loi sur le volontariat civil est donc indispensable. Quand pourrez-vous, monsieur le ministre, nous présenter un texte sur ce dossier important ?
Je voudrais, enfin, évoquer l'inquiétude ressentie par quelque 600 enseignants recrutés locaux non titulaires du réseau qui, recevant des rémunérations particulièrement modestes dans certains pays comme le Mexique ou le Liban bénéficient, depuis 1993, d'allocations exceptionnelles représentant entre le tiers et la moitié de leurs revenus. Or, la Cour des comptes a relevé que le versement par l'Agence de ces allocations à des agents non titulaires n'était pas conforme à la loi. En conséquence, si aucune solution de substitution n'est trouvée, ces personnels seront privés de leur allocation au 31 août 1998.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous communiquer des informations sur ce que vous serez en mesure de faire ?
J'estime - je ne suis pas le seul à le penser dans cet hémicycle - qu'une implication financière du ministère de l'éducation nationale dans le fonctionnement du réseau d'enseignement français à l'étranger pourrait être envisagée. La scolarisation d'enfants français expatriés participe à la continuité du service public de l'éducation à une époque où, par ailleurs, l'expatriation des parents, en participant à l'activité économique nationale, est légitimement encouragée.
Enfin, monsieur le ministre, vous conduisez actuellement une réflexion sur l'aménagement de notre dispositif de coopération et d'aide au développement, avec le souci de rationaliser les moyens tout en préservant l'ambition. La Direction générale sera directement concernée par les propositions que vous formulerez.
C'est pourquoi nous vous serions reconnaissants de nous indiquer vos objectifs en la matière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le récent sommet de Hanoï a donné à l'ambition francophone des moyens et des objectifs rénovés sur la scène internationale. Ces horizons nouveaux ne doivent pas faire oublier les racines de la francophonie. Celle-ci, en rassemblant de multiples enjeux culturels, économiques et politiques, repose toujours en dernier ressort sur une langue et une façon partagée de voir le monde.
C'est un peu de ce capital qu'il s'agit, avec les 5 milliards de francs de la Direction générale, de préserver et de valoriser. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits concernant l'action culturelle extérieure pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bordas, rapporteur pour avis.
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me faut commencer ma présentation des crédits des relations culturelles extérieures en évoquant les gels et les régulations, qui obligent le Parlement à contrôler l'action du Gouvernement en fonction d'indices tirés des expériences passées, et non, comme il conviendrait, en fonction de critères financiers stables et francs.
Je crois donc nécessaire de mettre le Gouvernement solennellement en garde contre ces pratiques de plus en plus injustifiables.
Il faudra bien se décider à considérer l'action culturelle, scientifique et technique extérieure comme une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux régulateurs - j'y reviendrai.
Cela étant dit, qu'en est-il de ce projet de budget ?
J'en rappelle les grandes lignes en quelques mots.
Le budget de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères augmentera, en 1998, de 0,49 % par rapport à 1997. Hors effet change-prix, c'est-à-dire en francs constants, cela représente une diminution de 2,4 %.
Je ne vais pas évoquer le détail des annulations de crédits de 1997, mais simplement rappeler que la régulation répétitive des crédits d'intervention provoque un hiatus de plus en plus accentué entre les moyens de fonctionnement, relativement préservés, et les moyens d'intervention.
Le projet de budget de 1998 est loin d'amorcer un rééquilibrage. Les crédits du titre III augmenteront, en effet, de 3,4 % en francs courants alors que ceux du titre IV diminueront de 1,4 %.
Je voudrais, monsieur le ministre, insister sur le fait que si rien n'est réalisé pour corriger cette tendance, la Direction générale ressemblera de plus en plus à une machine administrative tournant à vide. Ce sera un beau sujet d'étude pour la science politique et une grande pitié pour l'image de la France.
L'évolution de la politique audiovisuelle extérieure me préoccupe aussi. En 1998, les mesures nouvelles seront limitées à quelque 31 millions de francs, contre les 52 millions de francs définis par le plan quinquennal arrêté en 1995.
La réforme lancée par les conseils audiovisuels extérieurs de la France en 1994 a connu des péripéties auxquelles le Gouvernement semble avoir l'intention de mettre fin. Je m'en réjouis : il faut achever la réforme et mettre l'audiovisuel extérieur en condition d'affronter une concurrence de plus en plus pléthorique.
Je tiens à souligner, à cet égard, combien il est indispensable d'inscrire la réforme de la télévision extérieure dans les tendances profondes de l'économie de l'audiovisuel.
En particulier, l'internationalisation croissante de l'offre télévisuelle va faire perdre à la télévision publique extérieure l'essentiel de sa spécificité par rapport aux autres chaînes publiques.
Par ailleurs, la raréfaction des moyens que l'Etat met à la disposition de l'audiovisuel public impose de maximiser l'utilisation des ressources existantes. Il faut surtout - et j'y insiste - accentuer les synergies entre les chaînes publiques ; c'est pourquoi France Télévision reste un acteur incontournable qu'il importe d'associer intimement au dispositif qui sera mis en place.
Je terminerai mon intervention en évoquant la situation de l'enseignement français à l'étranger. La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger progressera de 3,7 % en francs courants et de 0,46 % en francs constants. C'est un bon signal. Je me réjouis, en particulier, que les crédits des bourses scolaires augmentent de 12 millions de francs, ce qui représente une hausse de 6,7 % par rapport à 1997.
Cependant, nous savons tous que le coût des études dans les établissements du réseau reste dirimant pour de nombreuses familles, que les économies faites en infléchissant les modalités de recrutement des enseignants poseront, à terme, un problème de qualité de l'enseignement, que la politique d'enseignement français à l'étranger restera globalement dans une situation de stagnation peu encourageante pour les Français qui envisagent une expatriation.
En fonction de ces analyses, et en insistant sur la nécessité d'écarter toute régulation des crédits en 1998 ainsi que sur celle de mieux utiliser les crédits disponibles pour améliorer le fonctionnement du dispositif, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits des relations culturelles extérieures pour 1998. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 49 minutes ;
Groupe socialiste, 33 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 24 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de budget des affaires étrangères. Pour 1998, celui-ci s'élève à 0,91 % du budget général de l'Etat, c'est-à-dire 14,387 milliards de francs, soit une baisse de 0,52 % par rapport au budget voté en 1997.
Nous regrettons que ce projet de budget soit de nouveau marqué par les restrictions budgétaires. Dans le contexte actuel de mondialisation et de libéralisation des échanges, la place de la France comme grande puissance diplomatique doit, selon nous, être réaffirmée.
Aujourd'hui, notre pays dispose encore du deuxième réseau diplomatique et consulaire et présente un tissu culturel de grande qualité. Nous devons continuer nos efforts pour maintenir notre place, défendre nos intérêts, promouvoir notre culture et impulser une nouvelle conception de la diplomatie.
La suppression de quatre-vingts postes dans ces domaines et, cette année encore, la nouvelle réduction de 3 % des crédits pour la Direction générale de la recherche en coopération, la DGRC, ne semblent pas aller dans ce sens.
Certes, le projet de budget pour 1998 reflète une diminution moindre par rapport aux restrictions qui lui étaient imposées depuis quatre ans. Mais nous voulons obtenir des moyens à la hauteur de notre diplomatie et nous nous félicitons, monsieur le ministre, de la volonté du Gouvernement de faire en sorte que, à court terme, le budget des affaires étrangères représente 1 % du budget de l'Etat.
Il est en effet indispensable, aujourd'hui, d'inverser la tendance à l'érosion de ce budget, alors que notre présence dans le monde est sinon menacée, du moins fortement mise à mal, essentiellement par la toute-puissance américaine.
Pourtant, dans la plupart des pays où les parlementaires sont amenés à se rendre, de nombreux amis de la France souhaitent voir son rôle économique et culturel se renforcer.
La francophonie est à la recherche d'un nouvel élan porteur de sens. L'accroissement de 17 % des fonds peut favoriser son rayonnement et faire progresser une certaine conception des droits de l'homme et de la démocratie.
Dans un monde en pleine mutation, nous pouvons promouvoir une diplomatie française dynamique, capable de répondre aux attentes de dialogue et de partenariat.
Le monde méditerranéen retient à plus d'un titre notre attention.
Je prends acte des déclarations du gouvernement français sur la question palestinienne et de sa volonté affichée d'agir pour une paix juste et durable au Proche-Orient.
Selon nous, la France peut se donner les moyens d'oeuvrer encore plus dans ce sens. Elle se veut l'amie du peuple israélien mais aussi l'amie du peuple palestinien et entretient de bonnes relations avec tous les Etats de la région. Ses choix privilégiant l'action diplomatique, la négociation, le respect de la parole donnée peuvent avoir un grand écho. Mais ne peut-on plus clairement exprimer que M. Netanyahou, loin de défendre la sécurité et la paix pour son peuple, engendre lui-même, par sa politique, les conditions de l'insécurité et de l'explosion meurtrière ?
Ne peut-on, dans le cadre des accords de coopération en cours avec l'Union européenne, donner un signe fort pour obtenir, enfin, l'application concrète des accords d'Oslo ?
Après les attentats du Caire et de Louxor, et alors que l'Algérie continue de résister à la frénésie meurtrière de certains, il nous faut bien nous interroger sur l'existence de l'intégrisme.
Il est tout d'abord évidemment nécessaire de continuer à dénoncer cette barbarie qui fait tant de victimes. Mais sachons que ces activités sont souvent alimentées par des réseaux installés dans certains pays européens.
Ne nous trompons pas quant aux problèmes de fond. Certes, des mesures de sécurité sont à prendre au niveau national pour renforcer la protection, et nos concitoyens l'exigent légitimement. Mais la réponse sécuritaire, nous le savons, ne peut résoudre à elle seule un phénomène qui naît avant toute chose de la dégradation sociale et économique, du chômage des jeunes et du désespoir.
L'éradication de l'intégrisme passe d'abord par celle de la pauvreté et de la corruption. Elle doit s'appuyer, dans le même mouvement, sur une démocratisation de la société.
La France, sans volonté hégémonique, a, en tant que grande puissance dirigée par un gouvernement de gauche, un rôle original à jouer dans ce sens : il nous faut instaurer de nouveaux rapports de partenariat et d'échanges avec ces pays pour leur offrir de réelles possibilités de développement.
Ce n'est qu'à ces conditions que cet ensemble régional peut devenir un espace de paix.
Concernant l'analyse de la politique africaine de la France, mon collègue Jean-Luc Bécart s'est exprimé lors de l'examen du budget de la coopération ; je me limiterai donc à poser une question.
Alors qu'en Afrique l'image de la France s'est sensiblement dégradée, la volonté affichée par le Gouvernement de redéfinir nos relations avec ce continent nous semble une bonne chose. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations dans ce domaine ?
Dans le même sens, la France doit revaloriser son aide publique au développement. Même si notre pays est déjà l'un des premiers contributeurs, les attentes sont considérables, et nous avons des responsabilités vis-à-vis des pays du Sud.
Cela implique que l'on dégage les moyens financiers et que l'on affirme notre autonomie face aux logiques ultralibérales du Fonds monétaire inernational, de la Banque mondiale ou de l'Organisation mondiale du commerce.
Ces logiques, par les critères d'ajustements structurels qu'elles imposent, entraînent des dégradations en matière sociale, en termes d'éducation et de santé, et favorisent l'accroissement des inégalités de richesse.
Nous voulons être les défenseurs d'une autre approche du développement, au niveau international comme au niveau européen. Partout, les ravages du libéralisme et de la dérégulation des mouvements de capitaux et des marchés financiers sont ressentis avec plus de force et suscitent le rejet. La crise boursière asiatique vient encore de nous apporter une preuve des dangers et de la fragilité de modèles de développement fondés essentiellement sur la spéculation et les investissements étrangers.
Certes, la France ne peut prétendre avoir les moyens d'agir seule dans ces domaines. Elle peut néanmoins faire connaître ses positions au sein des instances internationales, et nous pensons particulièrement à l'Organisation des Nations unies. Cet organisme pourrait être un outil plus pertinent dans un monde en proie aux conflits, aux guerres économiques et à des écarts de développement toujours plus grands entres les Etats. Encore faut-il que l'Organisation des Nations unies ait les moyens financiers d'exister et d'agir, qu'elle soit représentative de l'ensemble des pays membres et qu'elle soit à l'abri de toute pression.
Nous constatons, avec satisfaction, les interventions de la diplomatie française pour obtenir que les Etats débiteurs paient leurs dettes.
Sur le sujet des contributions, je souligne cependant notre inquiétude quant à la baisse sensible des contributions volontaires de notre pays aux organismes internationaux. Ne devrions-nous pas, au contraire, poursuivre notre aide tout en essayant de convaincre les autres Etats de faire de même et d'influencer les restructurations et réformes nécessaires ?
De manière plus globale, se pose la question du financement du développement. C'est, pour nous, une question vitale. Nous proposons qu'une session spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU y soit consacrée.
La question de la dette, dette qui asphyxie les pays du Sud, la nécessité de trouver de nouvelles ressources, notamment par la taxation des mouvements de capitaux, ne pourraient-elles pas faire l'objet de débats au niveau international ?
La France peut aider à cette prise de conscience. Elle peut et doit oeuvrer pour que se concrétisent vraiment les concepts de codéveloppement, de développement durable, de désarmement et de prévention des conflits.
A la veille du sommet d'Ottawa, nous apprécions l'engagement français en faveur de l'interdiction des mines antipersonnel, armes qui font de terribles dégâts au sein des populations civiles.
D'autres questions restent à traiter, comme celle de la non-prolifération nucléaire et celle du commerce des armes. Là encore, je me permets de rappeler notre proposition d'une conférence internationale sur le contrôle et la réduction du commerce des armes sous l'égide de l'Organisation des Nations unies.
La France doit jouer un rôle original au niveau international, nous l'avons dit. Elle doit également, dans le même sens, impulser une nouvelle dynamique au niveau européen.
Notre démarche est celle d'une réorientation de la construction européenne telle qu'elle est actuellement entreprise. Les politiques menées jusqu'à présent, dans le cadre de celle-ci, n'ont pas enrayé le chômage, loin de là. L'Europe compte actuellement plus de 20 millions de chômeurs et près de 50 millions de pauvres, mais les peuples européens supportent de plus en plus mal les restrictions et sacrifices imposés par la marche vers l'euro. Mon collègue Paul Loridant est déjà intervenu sur ce sujet lors de l'examen du budget des Communautés européennes.
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen soutiendront toutes les propositions contribuant à l'harmonisation des législations vers le haut, au recul de la précarité et à la réorientation de l'argent vers l'emploi et le progrès social.
Ces mesures nécessitent, évidemment, une volonté politique très forte. Nous sommes conscients des résistances et des divergences d'opinion que peuvent nous opposer certains de nos partenaires. Mais la France a les moyens de se faire entendre pour infléchir les orientations.
L'impact, dans l'ensemble des pays européens, et particulièrement en Italie, de la mesure prise par le gouvernement français concernant les trente-cinq heures en est un exemple évident.
Nous sommes convaincus qu'il existe une réelle contradiction entre la construction d'une Europe sociale et la mise en place de l'euro.
Les financiers et les banquiers ont déjà pris position pour cette monnaie unique. Ne refusons pas aux peuples le droit d'être également consultés.
Quant à la question de l'élargissement, les réformes contenues dans le cadre d'Agenda 2000 ne nous donnent pas satisfaction. Les objectifs de paix et de stabilité, qui en sont les arguments, sont louables. Mais la conception retenue d'une construction européenne en cercles concentriques autour d'un noyau fort plus ou moins hégémoniques est, selon nous, porteuse d'inégalités, et donc de tensions.
Nous souhaitons impulser une autre approche de l'élargissement, notamment autour de l'idée d'un « Forum des nations » fondé sur le dialogue. Ce forum pourrait rassembler l'ensemble des pays candidats et des pays membres autour d'un projet commun de construction européenne.
Les Etats y seraient considérés à égalité en vue d'un renforcement de la coopération européenne et non de la mise en concurrence des peuples.
En conclusion, je tiens à réaffirmer notre volonté de voir une véritable inflexion de tendance pour le règlement des problèmes tant au niveau international qu'à l'échelon européen.
Les parlementaires de mon groupe vous soutiendront dans ce choix, monsieur le ministre, et ils voteront donc votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un sujet très spécifique, à savoir la nécessité qu'il y a à reconsidérer la contribution française au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population, le FNUAP.
Le FNUAP fournit une assistance aux pays en développement et aux pays en transition. Il intervient principalement dans trois domaines : la promotion de l'accès universel aux soins de santé de la reproduction - la santé des femmes, la santé des enfants - notamment ceux qui ont trait à la planification familiale ; le soutien aux stratégies relatives à la population et au développement permettant un renforcement des capacités de programmation en matière de population ; la promotion de la prise de conscience de ces questions de population et de développement et de leur importance.
Participant, voilà quelques semaines, à une réunion commune des parlementaires de langue française et des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat des groupes « Démocratie et population mondiale », j'ai constaté, pour la première fois, l'émergence d'un sentiment nouveau, une sorte de prise de conscience de l'inexorabilité et de la nécessité d'une solidarité planétaire.
Je l'ai dit, le FNUAP est le principal organisme des Nations unies chargé du suivi et de la mise en oeuvre des recommandations du programme d'action de la conférence internationale sur la population et le développement, qui s'est tenue au Caire en 1994. Son rôle est tout à fait essentiel.
Programme des Nations unies, le FNUAP a la particularité de ne disposer pour seules ressources que des contributions volontaires des Etats. Il n'existe en effet pas de financement obligatoire ; seule la bonne volonté de certains Etats permet à ce programme de fonctionner.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de rappeler quelques chiffres, hélas ! très révélateurs de la modestie de notre contribution dans ce domaine essentiel.
Le budget du FNUAP s'élevait, en 1996, à 300 millions de dollars. Les principaux contributeurs sont le Japon, avec 54 millions de dollars, soit soixante fois la contribution française, les Pays-Bas, avec 39 millions de dollars, le Danemark, avec 32 millions de dollars, la Norvège, avec 28 millions de dollars, les Etats-Unis, avec 25 millions de dollars, et l'Allemagne, avec 24 millions de dollars.
Mesurée par habitant, la contribution française apparaît encore plus insignifiante. La contribution de la Norvège est ainsi 434 fois supérieure à la nôtre, celle du Danemark, 415 fois, celle de l'Allemagne, 20 fois, et celle des Etats-Unis, 6 fois.
En outre, les contributions volontaires de la France aux organisations internationales, qui s'étaient élevées à 345 millions de francs en 1997, ne devraient atteindre que 228 millions de francs en 1998, soit une baisse de 34 %. Qu'adviendra-t-il, alors, de notre contribution au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population ?
En 1994, à la conférence internationale du Caire sur la population et le développement, notre pays avait pris des engagements très précis, avec une première échéance en l'an 2000. A la lumière des travaux les plus récents du comité d'aide au développement de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, je dois malheureusement constater, monsieur le ministre, que la France n'a, depuis 1994, pas fait le moindre pas en direction du respect de ses engagements, engagements qui ont d'ailleurs été réitérés, en 1996, à Pékin, à la conférence internationale sur les femmes.
Nous avons tous conscience des contraintes budgétaires qui pèsent sur les crédits du ministère des affaires étrangères, et sur les autres aussi. Néanmoins, certaines priorités doivent être préservées ; l'action en faveur d'une évolution maîtrisée de la population mondiale doit figurer parmi celles-ci.
Or, la contribution de la France au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population est d'un montant dérisoire ; elle s'élève précisément à 0,9 million de dollars en 1997, soit 5,5 millions de francs ! Elle avait presque atteint les 2 millions de dollars en 1994, l'année de la conférence du Caire, mais s'est réduite progressivement depuis.
La France n'est aujourd'hui qu'au quatorzième rang mondial des contributeurs ! Le FNUAP a besoin de l'appui de la France. Notre contribution à ce programme n'est pas digne aujourd'hui du rôle que notre pays entend jouer en ce domaine. Tous les représentants de la francophonie, plus deux anglophones, sont unanimes sur ce point. Or, monsieur le ministre, c'est au sein de votre cabinet que se fait la répartition des contributions aux différents fonds. Pensez-y !
Conformément à la volonté des parlementaires francophones de trente-deux pays et aux souhaits du groupe d'études Démographie et population mondiale, je vous demande donc, monsieur le ministre, de faire en sorte que nos efforts soient réellement à la hauteur des enjeux.
Il y va de la crédibilité de la parole de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, mon intervention sera particulièrement ciblée et portera sur le fonds d'action sociale qui, au sein de votre ministère, a pour objet d'aider ceux de nos 1 700 000 compatriotes vivant à l'étranger qui sont les plus défavorisés.
Cette action me tient à coeur depuis que M. Raymond Barre, alors Premier ministre, a donné en 1977 l'impulsion qui a permis de créer, au sein de votre département ministériel, ce fonds d'action sociale. A l'origine, il avait pour mission de permettre aux Français expatriés âgés, handicapés ou dont les ressources étaient insuffisantes de percevoir des aides similaires à celles qui sont accordées en métropole.
Ce fonds avait été mis en place selon un plan quinquennal et la ligne budgétaire afférente devait progresser jusqu'à ce que les allocations versées à nos compatriotes atteignent un niveau comparable à ce que perçoivent en métropole, au titre de leur couverture sociale, les personnes âgées ou handicapées.
Or, force est de le constater, monsieur le ministre, on assiste aujourd'hui à un décrochage par rapport au concept initial. Ce fonds, qui a connu des hauts et des bas, indépendamment des gouvernements et de leur sensibilité politique, a pu augmenter de 7,5 % en 1994 et en 1995, alors que M. Juppé était ministre des affaires étrangères, mais son budget actuel stagne, c'est-à-dire qu'il régresse.
En 1997, les crédits d'assistance aux Français de l'étranger ont été reconduits au même niveau qu'en 1996. Or, déjà en 1996, la progression n'avait été que de 0,7 %, ce qui, en francs constants, correspond à une diminution de 1,4 %.
Pour 1998, je constate que les crédits du chapitre 46-94, qui sont consacrés à l'assistance et au fonds de secours pour les Français de l'étranger, sont en diminution, alors que l'on nous avait annoncé un simple gel.
La situation est paradoxale, car les demandes d'aide ne cessent de croître, comme, d'ailleurs, le nombre de personnes qui souhaitent être assistées. Les aides temporaires et occasionnelles qui demeurent le seul moyen de secourir nos compatriotes lorsqu'ils se trouvent dans une situation de crise, comme cela a été le cas récemment au Congo, au Zaïre et au Cambodge, pour ne citer que ces pays-là, en sont l'illustration tout à fait permanente et prouvent combien ce fonds est indispensable.
Les consulats ainsi que la commission permanente pour la protection sociale des Français au sein de laquelle je représente le Sénat et qui a son siège à votre ministère ont donc été contraints à appliquer de plus en plus strictement, voire de manière restrictive, les critères d'attribution des allocations, alors que les représentants des Français de l'étranger, qu'ils soient parlementaires ou membres désignés du Conseil supérieur des Français de l'étranger, mais aussi les membres de votre ministère eux-mêmes, constatent, à chacun de leur déplacement, la précarité croissante de certains de nos compatriotes expatriés.
Certes, nous sommes dans un contexte de rigueur budgétaire, et votre projet de budget, monsieur le ministre, n'échappe pas à cette contrainte : les crédits qui y sont inscrits enregistrent une baisse sensible. Cependant, devons-nous en faire subir les conséquences à nos compatriotes les plus démunis, quand, dans le même temps, en métropole, le Gouvernement agit en faveur des exclus ? Pourquoi cette disparité avec les Français qui résident à l'étranger ?
Je trouve une illustration de la discrimination dont sont victimes nos compatriotes expatriés dans le fait que, quand ils perçoivent des allocations de solidarité ou lorsqu'ils sont handicapés, quand ils reçoivent des allocations permanentes de votre fonds d'action sociale, contrairement à ce qui se passe en France pour les bénéficiaires du minimum vieillesse, de l'allocation aux adultes handicapés ou encore du RMI, ils ne perçoivent pas de couverture maladie. Monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement, je trouve cela choquant.
Pour y remédier et cherchant une issue, j'avais proposé à votre prédécesseur, M. Hervé de Charette, l'élaboration d'un nouveau plan quinquennal dans le même ordre d'idée que celui qui avait été mis en place par M. Raymond Barre, qui permettrait, grâce à une augmentation annuelle comprise entre 4 millions de francs et 5 millions de francs, de doter au bout de quatre ou cinq ans de 20 millions de francs, voire de 25 millions de francs supplémentaires les crédits du fonds d'assistance.
M. Lamassoure avait bien voulu prendre en considération cette suggestion et m'indiquer que les services du Quai d'Orsay allaient l'examiner et la chiffrer.
Je sais que la direction des Français à l'étranger est très attentive à ce sujet et qu'une première étude a été réalisée par ses soins répertoriant à peu près mille personnes susceptibles de bénéficier de la couverture maladie proposée par la Caisse des Français de l'étranger. Je vous rappelle que cette caisse, dont je préside le conseil d'administration, est prête à faire un effort exceptionnel vis-à-vis de nos compatriotes en les assurant dans la catégorie la plus basse des cotisants, pour laquelle le montant de la cotisation est le moins élevé, mais qui ouvre des droits à prestations identiques à ceux des première et seconde catégories, alors que nous savons fort bien que les allocataires que vous nous adresserez constituent une population à risque.
Il faut sans doute reprendre les différentes données, notamment chiffrées, mais je maintiens qu'en aboutissant à une augmentation substantielle du fonds, augmentation qui ne devrait pas peser trop lourd dans le budget global de votre ministère, nous manifesterions aux Français expatriés les plus déshérités la solidarité qu'ils sont en droit d'attendre de nous. C'est pourquoi j'insiste formellement, monsieur le ministre, pour que vous poursuiviez dans cette voie, car il s'agit d'un enjeu essentiel. Votre département ministériel s'honorerait en suivant la proposition que j'avais faite dès l'an dernier et en prenant les mesures nécessaires à son application.
Au-delà de ce sujet très important, je voudrais également évoquer devant vous mes préoccupations à l'égard des Français installés dans des pays qui ont eu à connaître des crises politiques graves, en Afrique et en Asie, qui ont entraîné, dans la plupart des cas, leur rapatriement en France.
Je sais combien le Quai d'Orsay, la direction des Français à l'étranger et la cellule de crise ont à coeur de tout mettre en oeuvre pour aider nos compatriotes. Mais je voudrais appeler votre attention sur le fait que nombre d'entre eux font appel à nous, car ils se trouvent le plus souvent en France avec pour toute ressource le revenu minimum d'insertion - ils ont perdu tous leurs biens - et pour seul espoir quelques indemnisations.
Le dossier de l'indemnisation des Français victimes de troubles politiques à l'étranger est depuis longtemps dans tous les débats, et vous-même, monsieur le ministre, lors de l'ouverture solennelle de la cinquantième session de l'assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger, en septembre dernier, vous avez annoncé que vous aviez l'intention de vous en préoccuper et de l'aborder avec les dirigeants des principales compagnies d'assurances. Je ne peux que vous encourager dans cette voie - votre propos avait, je ne vous le cache pas, touché beaucoup de membres du Conseil supérieur - d'autant que les Français expatriés au titre de la coopération, je l'ai rappelé hier au secrétaire d'Etat à la coopération, M. Josselin, ont droit, quant à eux, à une indemnisation dont j'ai critiqué le montant, car il est minime, mais qui a cependant le mérite d'exister.
Monsieur le ministre, pour différents motifs qu'il serait trop long d'évoquer ici, la rigueur budgétaire est de mise, pour l'année 1998 et je le comprends. L'avancée européenne, la monnaie unique, tout cela entraîne des contraintes, mais ne croyez-vous pas qu'aider quelques milliers de Français qui sont dans une situation de détresse particulière à l'étranger est une nécessité pour votre ministère ?
Il y a là un devoir de solidarité et nous ne pouvons rester insensibles ni vous, ni moi, à la situation de ceux qui, tout au long de leur carrière, n'ont pas eu la possibilité de se constituer une retraite ou un capital pour assurer leurs vieux jours et qui ne survivent, pour certains, que grâce à la générosité et à la solidarité de la communauté française du lieu où ils résident.
Vraiment, monsieur le ministre, n'est-il pas possible, comme je vous l'ai proposé, de doter votre fonds d'action sociale de 4 millions de francs chaque année pendant cinq ans ? D'après nos estimations, cela permettrait de régler la quasi-totalité des dossiers les plus sensibles.
Attachez votre nom à cette action et, au-delà des clivages politiques, la communauté française expatriée, je vous le promets, vous en saura gré ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une diplomatie sans arme est comme une musique sans instrument ».
M. René Ballayer. Oh !
M. Hubert Durand-Chastel. Cette citation de Frédéric II de Prusse s'applique malheureusement à votre projet de budget, monsieur le ministre.
M. Claude Estier. Oh !
M. Hubert Durand-Chastel. Au cours de son histoire, notre pays a acquis dans le monde un prestige et une autorité morale que les autres nations nous envient ; votre département dispose aussi d'un corps exceptionnel de diplomates de grande qualité et leur réseau est le second du monde, après celui des Etats-Unis.
Or, le budget des affaires étrangères diminue régulièrement depuis plusieurs années et, à notre époque de mondialisation, il est devenu tout à fait inadéquat, avec un montant inférieur à deux millièmes de notre produit national brut. On ne peut se satisfaire de constater qu'il y a seulement une décélération des réductions annuelles, une réduction de la réduction, en somme !
La France a décidé, voilà quarante ans, de relever le défi de la mondialisation en participant en première étape à l'européanisation qui permettra, à travers l'Union, de maintenir la mission universelle de notre pays ; mais des moyens suffisants doivent être fournis pour réussir cette noble tâche, ce qui n'est pas le cas.
En effet, indépendamment de la réduction des effectifs de votre personnel et de la diminution des crédits des moyens matériels de fonctionnement, les dotations prévues pour les contributions obligatoires aux dépenses internationales ne correspondent pas à la consommation prévisible ; il en est de même pour les crédits d'intervention volontaire, qui placent notre pays entre le douzième et le vingtième rang des donateurs.
Ces prévisions vont nous exclure des conseils d'administration des grands programmes des Nations unies, qui procèdent actuellement à la réorganisation de leurs structures de base, dans une époque de crise où nos intérêts vitaux et notre influence traditionnelle sont en jeu.
Il convient de signaler également qu'une partie importante des dépenses du ministère, libellées en francs, est effectuée en devises étrangères et dépend donc, en fin de compte, des taux de change, ce qui constitue un élément d'incertitude qui ne peut être sous-estimé.
J'en viendrai maintenant à quelques points d'actions spécifiques à votre ministère.
Le premier réside dans l'insuffisance notoire de notre action audiovisuelle extérieure. Depuis plusieurs années, le problème a fait l'objet de nombreux rapports qui ont tous conclu à la gravité de la situation ; la crise de la francophonie que nous vivons en est tout simplement le reflet et la conséquence. En resterons-nous encore à un nouveau rapport ? Existe-t-il vraiment une volonté politique sur ce sujet fondamental pour notre action et notre image à l'étranger ? La faiblesse de notre présence audiovisuelle par rapport à la BBC ou à la Deutsche Welle, pour ne pas parler de CNN, est flagrante.
Je voudrais également évoquer le problème des volontaires à l'international. Avec la fin de la conscription, la formule des coopérants du service national, les CSN, va être supprimée. Ces CSN ont joué un rôle important pour le développement de notre commerce extérieur, pour notre présence à l'étranger et pour la formation des futurs cadres français à l'international. Nos compatriotes, considérant à juste titre la douce France comme un pays béni des dieux, perdent maintenant le goût du risque, le goût de l'aventure, en un mot le goût d'entreprendre, par suite de l'extrême sécurisation de notre système social que l'Etat providence leur procure. Je n'insisterai pas sur le nombre très insuffisant de nos ressortissants français à l'étranger, nombre qui se réduit sans cesse avec le retour de nos compatriotes d'Afrique et d'ailleurs.
Les CSN ont constitué un vivier efficace et dynamique pour l'expatriation. Il est important qu'une nouvelle formule soit rapidement mise en place, tant pour les entreprises que pour le secteur public ; en effet, de nombreux coopérants occupent actuellement des fonctions de service public à l'étranger, comme, par exemple, les 500 coopérants qui accomplissent leur service militaire dans les établissements d'enseignement français à l'étranger, les coopérants affectés aux chambres de commerce et d'industrie à l'étranger ou aux comités consulaires pour l'emploi et la formation. Je regrette à ce sujet que Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, ait ecxlu de la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes les postes de service public à l'étranger, comme ceux que je viens de mentionner.
Nous vous demandons, monsieur le ministre, d'appuyer le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour que soit rapidement mis en place le projet pour l'envoi de 10 000 volontaires à l'international ; des encouragements au départ sont à prévoir, maintenant que va se terminer l'alternative des conscrits : la caserne ou la coopération. Ces volontaires continueront à faire progresser notre commerce extérieur, dont la croissance dépasse sensiblement celle de notre production nationale ; ils contribuent ainsi puissamment à la création d'emplois en France pour la fabrication des marchandises à exporter.
En ce qui concerne l'action culturelle française à l'étranger, je tiens à souligner l'excellence et le rôle très bénéfique de nos établissements d'enseignement français à l'étranger.
M. Jacques Habert. Très juste !
M. Hubert Durand-Chastel. Je précise au passage que le montant total des subventions des deux ministères de tutelle - affaires étrangères et coopération - correspond au coût de la scolarisation des seuls élèves français de ces établissements, si elle s'effectuait en France même.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. Ainsi, la scolarisation des élèves étrangers, nationaux des pays d'accueil et étrangers tiers, qui, ensemble, représentent 60 % environ des effectifs totaux d'élèves, constitue un avantage supplémentaire considérable pour la francophonie et pour l'action culturelle, pour sans autre débours officiel.
Par ailleurs, monsieur le ministre, comme l'extrême médiocrité de votre projet de budget ne vous permet absolument pas de fournir à ces établissements français à l'étranger toute l'aide qui leur est nécessaire pour accroître leur action, il paraît souhaitable que le ministère de l'éducation nationale participe aussi à leur tutelle ; la situation actuelle est du reste particulièrement étrange et anormale puisque les budgets de fonctionnement de ces établissements scolaires correspondent, pour plus de 80 % de leurs montants, à des traitements et charges sociales, et que la très grande majorité des enseignants sont titulaires du ministère de l'éducation nationale, qui gère leurs carrières et décide seul de leurs rémunérations.
Cette nouvelle tutelle permettrait aussi de pallier l'insuffisance notoire des crédits d'investissements immobiliers de ces établissements, investissements qui, aujourd'hui, dépendent surtout des campagnes financières locales.
Par ailleurs, le règlement du problème récurrent des bourses versées aux élèves français dont les familles ne disposent pas de ressources suffisantes pour faire face aux frais de scolarisation de ces établissements payants serait facilité.
Je pense qu'il convient aussi, désormais, de tenir compte davantage de notre appartenance à l'Union européenne dans nos établissements scolaires à l'étranger. La formule d'établissements mixtes de plusieurs pays de l'Union doit être encouragée ; elle fonctionne déjà à Taïwan, aux Philippines, en Indonésie, en Australie, etc. Par ailleurs, dans les pays où l'enseignement national est d'un bon niveau - en Europe surtout - un système d'échanges nombre pour nombre de lecteurs et de professeurs de français et de la langue de l'autre nation, dans les établissements des deux pays, peut représenter une première solution économique à développer à notre époque d'austérité, avant de passer à la construction, toujours coûteuse, de nouveaux établissements à l'étranger.
Le dernier point que je voulais aborder concerne la protection des Français à l'étranger. Les autorités françaises assument avec succès la sécurité et le rapatriement de nos compatriotes en cas d'événements graves survenant dans leur pays d'accueil. En revanche, aucune solution juridique n'est proposée pour l'indemnisation des biens et pour la perte d'activité professionnelle des Français qui ne sont pas des agents de l'Etat, et la réinsertion en France de ces derniers reste toujours extrêmement difficile. Je pense en particulier à nos compatriotes du Congo-Brazzaville qui ont tout perdu et qui, six mois après les événements, n'ont pu redémarrer une activité faute de soutiens appropriés sous forme de prêts bonifiés, d'accès à des formations de reconversion ou d'aides au départ vers d'autres contrées. Monsieur le ministre, quand les Français expatriés trouveront-ils l'aide au redémarrage qu'ils sont en droit d'attendre de leur patrie ?
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Hubert Durand-Chastel. Tant qu'une protection complète ne sera pas véritablement définie, l'expatriation, si nécessaire au développement économique de la France, continuera à stagner, voire à régresser dans les zones réputées instables, et l'on sait que les conflits régionaux risquent de s'intensifier dans le monde.
Nous serons très attentifs à vos réponses, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Jacques Habert applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une crise vient à nouveau d'opposer l'Irak aux Nations unies ou plus exactement aux Etats-Unis. Il y a lieu, à cet égard, de faire quelques rappels.
Tout d'abord, la résolution des Nations unies n° 986 dite « pétrole contre nourriture » est elle-même peu équitable puisque, sur le produit des exportations de 2 milliards de dollars par semestre, 30 % de cette somme est versée au fonds de compensation des victimes de la guerre du Koweït et aux frais d'entretien de la commission spéciale de l'ONU chargée du désarmement de l'Irak, 150 millions de dollars étant affectés à la population du Kurdistan qui échappe à la souveraineté irakienne.
Selon le porte-parole de l'ONU à Bagdad, la ration alimentaire actuelle, qui ne comprend pas de viande, s'élève à 2 030 calories par personne et par jour, alors qu'il faudrait atteindre 2 500 calories.
En outre, pour 82 % de la population irakienne, la ration alimentaire ne dure pas plus de vingt-cinq jours et, pour les familles les plus démunies qui dépendent uniquement de l'assistance alimentaire, elle ne dure que seize jours. De surcroît, de graves carences dans le système sanitaire sont à déplorer du fait du manque d'équipement des hôpitaux et de l'insuffisance d'approvisionnement en médicaments, qui expliquent une élévation du taux de mortalité, en particulier chez les jeunes enfants, et je sais de quoi je parle.
Sur un plan plus général, on peut considérer que les conditions économiques collectives imposées à l'Irak, c'est-à-dire l'embargo décidé par l'ONU en 1991 à la suite du conflit du Koweït, devaient être levées après qu'il eut été fait usage de la force armée contre l'Irak. Pourtant, depuis six ans, le peuple irakien souffre toujours de façon extrêmement grave de l'embargo, dont la levée devait être liée à l'achèvement du travail de la commission spéciale des Nations unies pour le désarmement de l'Irak, l'UNSCOM.
Cette commission intervient en Irak depuis six ans et demi ; elle a détruit tous les bâtiments, les équipements et les armements considérés comme prohibés, parfois de façon arbitraire, car certaines installations pouvaient être utilisées à des fins civiles.
Ayant achevé son programme de destruction, l'UNSCOM a entrepris depuis 1994 d'installer un système de contrôle à long terme en plaçant des caméras vidéo dans des endroits considérés comme sensibles. Bien loin de signaler au Conseil de sécurité qu'il ne reste plus d'armes prohibées et que le système de surveillance fonctionne bien, la commission spéciale, dominée par les Américains, a décidé de maintenir à l'infini l'embargo.
Dans le même temps, les services de renseignements américains fournissaient des rapports peu fiables prétendant à l'existence d'armes cachées par l'Irak.
L'Irak maintient sa coopération avec l'UNSCOM, tout en étant bien conscient que les Américains dominent et manipulent cette commission dans laquelle le rôle des inspecteurs de nationalité américaine est prépondérant et est de nature à provoquer des incidents et des confrontations avec les autorités irakiennes.
Il n'est pas excessif de considérer que l'UNSCOM fournissait donc une couverture nécessaire aux services spéciaux américains pour espionner tranquillement un pays étranger.
La crise qui vient de survenir a constitué la goutte qui a fait déborder le vase tandis que l'effet de l'embargo touche dangereusement tous les aspects de la vie du peuple irakien, jusqu'à mettre en péril le secteur même de la société irakienne confrontée à l'intégrisme sunnite de l'Arabie saoudite et à l'intégrisme chiite de l'Iran. Les Américains n'ont de cesse d'exhiber leur hostilité contre ce pays, dont ils ne parviennent pas à accepter la personnalité du dirigeant.
En octobre dernier, lors de la discussion au Conseil de sécurité du rapport de l'UNSCOM et de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur l'Irak, le président de cette association a annoncé que le dossier nucléaire irakien était clos. M. Butler, président de l'UNSCOM, a annoncé, pour sa part, la fin des travaux concernant le dossier des missiles balistiques et a confirmé que le dossier chimique était sur le point d'être clos.
Mais bien loin de faire part des progrès réalisés grâce à la coopération entre l'Irak et l'UNSCOM, les pays anglo-saxons ont influencé le Conseil de sécurité de l'ONU en prétendant que l'Irak n'assure pas la coopération suffisante avec l'UNSCOM et entrave les travaux de ses inspecteurs.
Cela confirme que la politique des Etats-Unis est fondée sur l'objectif de diabolisation du régime irakien et de déstabilisation des forces politiques de ce pays. Si l'on en juge par la politique américaine qui domine le Conseil de sécurité, l'embargo ne serait donc jamais levé.
Face à cette situation et aux souffrances de la population irakienne que j'évoquais au début de mon exposé, l'Irak s'est vu contraint d'expulser les inspecteurs américains de l'UNSCOM ; cette décision a été motivée par un souci de protection contre les activités d'espionnage et les provocations exercées par les inspecteurs américains et par le souhait d'inviter la commission spéciale à plus d'impartialité et de professionnalisme dans un cadre juridique dénué de considération politique.
Les revendications de l'Irak sont claires : il est indispensable de fixer une date limite à la levée de l'embargo qui affame la population et accroît son taux de mortalité ; l'impartialité des membres de l'UNSCOM doit être sans ambiguïté et le mandat de ces derniers doit relever du Conseil de sécurité et non pas des objectifs de la politique américaine ; il est nécessaire de parvenir à une représentation plus équitable des fonctionnaires et des inspecteurs de l'UNSCOM qui reflète réellement la position du Conseil de sécurité, en particulier de ses membres permanents, pour garantir que les Etats-Unis ne continueront pas à y remplir un rôle prépondérant ; il est essentiel d'assurer le respect de la souveraineté et de la sécurité de l'Irak, comme le sptipulent le préambule et les résolutions des Nations unies concernant ce pays.
L'Irak est disposé à accueillir une commission d'experts neutres dans laquelle les pays membres du Conseil de sécurité seront représentés dans des conditions d'égalité et d'équité.
Dans ces conditions, l'Irak peut ainsi accepter la participation des inspecteurs américains dans le cadre des activités de l'UNSCOM.
Je tiens à rendre hommage à l'action de conciliation qui a été menée par la France, la Russie et la Chine qui sont les pays les mieux placés pour assurer une application juridique équitable des relations des Nations unies.
La France, à cet égard, a joué un rôle déterminant dans sa requête pour que les sanctions collectives soient déterminées de manière que l'on puisse connaître les raisons du maintien de l'imposition des sanctions ainsi que les conditions de la levée desdites sanctions et leur date limite.
Il est bien clair que la position des Etats-Unis est dictée par les intérêts des pays pétroliers du Moyen-Orient ; c'est ainsi que l'Arabie Saoudite dispose toujours du quota de trois millions de barils de pétrole par jour soustraits à l'Irak en 1990.
Je confirme que les Nations unies ne doivent pas être utilisées comme une couverture pour une politique dictée par les Etats-Unis et leurs alliés du Proche-Orient.
Monsieur le ministre, je vous invite à sensibiliser le Gouvernement français sur la nécessité d'une levée rapide de l'embargo puisque l'Irak s'est conformé aux résolutions des Nations unies et que les sanctions collectives qui continuent à lui être appliquées affament littéralement un peuple et déstabilisent une société tout entière. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 peut être considéré comme un budget de stabilisation avec une légère diminution des crédits après les très sévères réductions intervenues ces dernières années. Ce projet de budget pour 1998 peut même apparaître comme étant un cru prometteur. Va-t-il bien vieillir ou sera-t-il victime des gels de crédits ou autres régulations budgétaires que l'on a connus dans le passé ? Dans l'état, il est acceptable ; amputé, il deviendrait nettement insuffisant.
La part du budget des affaires étrangères dans le budget général de l'Etat, je le rappelle, était de 1,09 % en 1993. Elle est passée de 1,03 % en 1995 à 0,93 % en 1997. En 1998, elle se situera à 0,91 %. Nous souhaiterions que, dès le prochain budget, les crédits des affaires étrangères atteignent, à nouveau, 1 % du budget de l'Etat.
Cela étant dit, je précise que nous approuvons les priorités de la politique extérieure française telles qu'elles ont été exposées par le Premier ministre et par vous-même, monsieur le ministre, aux ambassadeurs de France réunis à Paris en septembre dernier, priorités qu'on pourrait synthétiser ainsi qu'il suit.
Première priorité : promotion des droits de l'homme et de la démocratie avec, notamment, le réexamen des instruments internationaux en matière des droits de l'homme auxquels la France n'est pas encore partie prenante.
Deuxième priorité : défense de la paix passant par une diplomatie bilatérale qui sera d'autant plus efficace qu'elle sera relayée par des mécanismes multilatéraux renforcés, ce qui passe par la défense de la légitimité et des moyens de l'Organisation des Nations unies et par le soutien à la politique internationale de désarmement et de non-prolifération.
Troisième priorité : coopération pour le développement, en particulier avec les pays liés à l'Union européenne par la convention de Lomé, ce qui nécessite une réforme des instruments techniques et financiers consacrés aujourd'hui à cet effort.
Quatrième priorité : participation aux débats sur les défis globaux, tels que l'environnement, l'éradication des épidémies, la maîtrise du développement urbain, la lutte contre la drogue et le crime organisé.
Enfin, cinquième priorité : soutien à la francophonie. Sur ce plan, il y beaucoup à faire.
Je ne peux évidemment, faute de temps, évoquer tous les problèmes qui retiennent l'attention de notre diplomatie. Je m'en tiendrai donc à quelques uns d'entre eux, qui sont de grands sujets de préoccupation.
Je commencerai par l'Algérie.
Nous nous sommes réjouis du succès des initiatives organisées ces dernières semaines pour exprimer la solidarité du peuple français avec le peuple algérien. Il ne s'agit pas là, comme certains nous le reprochent, d'une ingérence dans les affaires intérieures algériennes, mais de l'affirmation que nous ne pouvons pas demeurer indifférents devant le terrorisme sanguinaire qui frappe ce pays si proche de nous par l'histoire, la géographie, la culture, les relations humaines. On ne doit pas qualifier d'ingérence la volonté de savoir ce qui se passe réellement en Algérie et quels moyens sont mis en oeuvre par les autorités algériennes pour ramener la paix civile indispensable pour que le peuple algérien puisse enfin bénéficier des richesses potentielles que possède ce pays.
Nous devons veiller aussi à stopper la dégradation préoccupante des relations entre la France et l'Algérie. Je souhaite, pour ma part, qu'un vrai dialogue puisse redevenir possible avec tous les éléments de la société algérienne, que ce soit au niveau politique, économique ou culturel. Il semble qu'une initiative en ce sens va être prise par le Parlement européen. C'est une bonne chose même si c'est encore peu.
Le groupe d'amitié France-Algérie du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, est disponible pour contribuer à un tel dialogue, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer voilà quelques jours au nouvel ambassadeur d'Algérie, M. Goualmi, que j'a reçu ici même.
Enfin, je voudrais vous demander, monsieur le ministre, qu'un effort soit fait pour mieux accueillir en France les Algériennes et les Algériens menacés par le terrorisme. Le nombre des visas accordés a considérablement diminué ces dernières années, vous le savez bien. Je sais qu'il y a un problème de personnel aussi bien à l'annexe de Nantes qu'au consulat d'Alger, mais il y a aussi un problème de compréhension à l'égard des demandes présentées. Je sais que vous y êtes attentif et je compte sur vous, M. le ministre, pour qu'il y soit remédié et que la France se montre plus généreuse.
Monsieur le ministre, vous revenez d'un voyage au Proche-Orient où vous avez pu constater que le processus de paix est en grand danger. La violence née du désespoir et de l'intransigeance risque à nouveau de submerger Israéliens et Palestiniens.
La France doit prendre des initiatives, en liaison avec les Etats-Unis si nécessaire, mais surtout pour tenter d'entraîner l'Europe pour qu'elle assume pleinement dans cette région le rôle politique majeur qui lui revient. Actuellement, il est prouvé que, si l'intervention américaine est indispensable, elle n'est pas suffisante.
Votre voyage montre précisément la volonté du Gouvernement de ne pas baisser les bras et de ne pas laisser à d'autres la responsabilité majeure d'une présence positive dans la région.
Si le processus de paix est gravement affaibli, cela est dû en bonne partie, vous l'avez vous-même rappelé souvent, à la politique du gouvernement de M. Netanyahou à laquelle répondent naturellement les surenchères extrémistes d'une fraction palestinienne. C'est ainsi que l'engrenage de la violence s'enclenche à nouveau pour détruire l'espoir de paix.
Le gouvernement israélien parle aujourd'hui de quelques gestes mais, outre qu'ils demeurent imprécis, l'écart semble rester grand avec ce que les Palestiniens sont en droit d'attendre.
Pour rétablir la confiance, il faut un processus politique et pas seulement des mesures ponctuelles. L'existence d'un Etat palestinien est bien au coeur de la relance du processus de paix. Aujourd'hui, les droits politiques reconnus aux Palestiniens leur sont déniés dans la pratique. Toute les mesures qui ont pour effet de rendre la vie quotidienne intolérable aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza risquent de conduire le Proche-Orient vers une nouvelle explosion majeure.
Les accords d'Oslo partaient implicitement de l'idée qu'un Etat palestinien homogène et maître de sa sécurité, loin de constituer une menace pour Israël, était au contraire la condition d'une paix durable. Fragiliser l'autorité palestinienne et poursuivre les provocations, ne peut, à court et à moyen terme, qu'accroître l'insécurité d'Israël.
Bien d'autres sujets, monsieur le ministre, pourraient trouver place dans mon intervention auxquels je dois renoncer faute de temps.
Je ne parle pas de l'Europe puisque nous avons pu nous exprimer avant-hier sur ce sujet à l'occasion du budget communautaire.
Je dirai quelques mots seulement sur l'Organisation des Nations unies, où je me trouvais voilà trois semaines et où j'ai pu constater que la question du financement de l'Organisation continue à peser lourd sur son avenir. Les Etats-Unis, bien qu'ils aient obtenu le remplacement du secrétaire général n'ont toujours pas réglé leur énorme dette, ce qui a aussi, bien évidemment, une signification politique quant à leur comportement dans plusieurs régions du monde.
Je dirai également quelques mots du traité d'Ottawa d'interdiction des mines antipersonnel qui va être ouvert dans les jours prochains à la signature de tous les Etats. Notre gouvernement a d'ores et déjà décidé d'interdire la fabrication et tout usage de ces mines par notre pays, au plus tard en 1999. De son côté, le Sénat a déjà adopté la loi de ratification du protocole n° 2 de la Convention de 1980.
Nous aimerions que tous les textes se rapportant à ce fléau insupportable que sont les mines antipersonnel puissent être débattus et votés par le Parlement dans les prochains mois. Il y aurait là un signal fort donné par la France à l'adresse des Etats récalcitrants en la matière.
Monsieur le ministre, vous nous parlerez peut-être tout à l'heure de la situation en Bosnie et de vos récentes visites à Moscou avec le Président de la République, puis avec le Premier ministre, visites qui me semblent relancer de façon heureuse la relation entre la France et la Russie, qui constitue une dimension essentielle de notre politique internationale.
Je m'arrête là, monsieur le ministre, en vous confirmant que le groupe socialiste du Sénat soutient totalement l'action que vous menez à la tête de la diplomatie française et que, bien entendu, il votera les crédits de votre ministère en espérant qu'ils marqueront un nouveau progrès dans le budget pour 1999. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à titre de propos liminaire, j'évoquerai les paroles d'un de nos philosophes dits contemporains, qui considère notre xxe siècle comme l'un des moins violents de l'histoire de l'humanité. Angoissante estimation, quand on sait les massacres guerriers et les effroyables génocides perpétrés dans cette période. Cet auteur estime cependant que « l'une des caractéristiques de l'humanité est de jouer son destin et sa dignité sur le respect du plus faible », ce qu'on ne peut que souhaiter.
Mission première des affaires étrangères, mission parmi les plus difficiles mais aussi parmi les plus motivantes, le destin et la dignité de la France dans le monde doivent continuer à faire l'objet de toute notre attention.
En considérant les moyens alloués au Quai d'Orsay pour maintenir l'influence de la France sur la scène internationale, force m'est de constater que la part du budget global des affaires étrangères dans le budget de l'Etat continuera à décroître en 1998 dans la même proportion qu'en 1997.
Ce projet de budget est au demeurant parmi les plus modestes, puisqu'il s'élève en effet à 14,387 milliards de francs. Cette baisse doit s'intégrer dans les ambitions que notre pays s'est forgées en matière de réduction des déficits publics.
Le référendum de septembre 1992 a montré que le peuple français souverain acceptait l'ensemble du processus qui permettrait à la France de figurer au rang des Etats européens participant à la mise en oeuvre de l'euro. L'heure est donc à la définition des priorités.
Il faut, de plus, relativiser la modestie des montants alloués au projet du budget du ministère des affaires étrangères pour 1998, qui ne tiennent pas compte des opérations de politique extérieure financées par l'Etat. Si l'on réintègre ces sommes au budget du Quai d'Orsay, on arrive alors à un total de 50,3 milliards de francs pour 1998, par rapport à 47,92 milliards de francs l'année précédente, soit finalement une augmentation de 4,96 %, augmentation qui démontre la volonté de maintenir, sinon d'améliorer la présence diplomatique de la France dans le monde.
Nous pouvons tous nous enorgueillir de disposer du deuxième réseau diplomatique dans le monde, après les Etats-Unis. Doit-on cependant en déduire que l'importance de la présence française peut être mesurée au nombre de ses représentations diplomatiques ?
Toute la question est de positionner les représentations là où elles sont les plus utiles, je pense en particulier aux nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale, à ces Etats où la France peut construire des coopérations fructueuses, comme vous venez de le faire à Canton.
Le 28 août dernier, vous présidiez, monsieur le ministre, la cinquième conférence des ambassadeurs. A cette occasion, vous avez énuméré les priorités que rappelait tout à l'heure M. Estier, priorités que la France entendait suivre en matière de diplomatie, à savoir : assurer la protection des droits de l'homme et de la démocratie, défendre la paix, veiller à la coopération pour le développement, soutenir la francophonie et promouvoir la protection de l'environnement et de la santé publique.
Les affaires étrangères ont également pour mission de favoriser les relations économiques et commerciales des entrepreneurs français à l'étranger et de participer à la diffusion la plus large possible de la culture française et de l'enseignement du français.
Tout en étant conscient que les objectifs fixés nécessiteraient un effort budgétaire très important, voire trop important pour atteindre un niveau de réalisations à la hauteur de l'ambition, on pourrait considérer que le projet de budget pour 1998 marque néanmoins une progression qu'il conviendrait d'inscrire dans une programmation afin de la consolider lors du prochain budget.
Dans la même ligne, je ne peux que me réjouir de constater que les moyens des services augmentent de 2,83 %, ce qui implique un accroissement significatif des subventions de fonctionnement allouées à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Je ne suis pas hostile a priori au grands sommets de la francophonie. Toutefois, je n'en connais pas les incidences financières.
Je crois cependant que l'atout essentiel demeure d'apprendre à l'étranger la pratique de notre langue, de diffuser notre littérature, de développer notre rayonnement audiovisuel dans le monde, d'être présent en notre langue sur les réseaux informatiques, et je vous renvoie sur ce sujet au rapport de notre collègue M. Laffitte.
La nostalgie de la francophonie d'antan doit être remplacée par une volonté d'atteindre la jeunesse en utilisant au mieux les méthodes actuelles et d'apprendre nous-mêmes les langues étrangères pour promouvoir le français. Ne soyons pas pessimistes !
Je vais vous confier une anecdote. Président d'un comité mondial de neurotraumatologie, j'étais obligé, d'après les statuts de cet organisme, de m'exprimer en anglais devant des spécialistes de tous les pays du monde. Jugez de ma satisfaction quand, à la demande de la moitié des participants, je dus ensuite traduire mes propos en français !
Grâce aux technologies modernes, nos attachés culturels peuvent diffuser plus aisément notre apport et, en retour, nous transmettre, transmettre à nos écoliers en France la culture des autres, car la culture est celle de tous, celle que nous donnons, mais aussi celle que nous recevons, du fait de la mondialisation d'un passé si riche, et d'un présent si prometteur.
Sans faire de science-fiction, comment l'entrevoir, sinon dans une présence affirmée par des cours interactifs entre enseignants et élèves, quel que soit le pays où ils se trouvent, la présentation mutuelle d'événements artistiques, les visites virtuelles, des formes de discussions nouvelles.
N'avons-nous pas un retard à rattraper vite, très vite, car les années ne sont plus ce qu'elles étaient ? Elles se compteront peut-être désormais en fonction des centres multimédia, diffuseurs de notre culture et récepteurs de celle des autres. Il s'agit d'un échange, car la culture est plurielle.
Il en est de même pour le commerce international, mais si la première se partage, le second se défend et s'arrache !
Notre système est-il encore adapté ? Les contacts de nos attachés officiels sont-ils en adéquation avec les intérêts de nos sociétés publiques et privées ? La rigueur, bien sûr, est de mise ! Quelle est celle des autres, de nos concurrents ? Où se situe la limite du dynamisme ?
S'agissant de la suppression graduelle des effectifs de coopérants, j'approuve pleinement la création annoncée d'un volontariat international. J'émettrai à cet égard une mise en garde quant à la qualité et au volume des effectifs qui doivent rester au moins aussi importants pour maintenir la cohérence de l'action de la France dans le monde. Mais une formation sérieuse n'est-elle pas indispensable ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Europe se crée, en une bien longue gestation. Les historiens du futur en étudieront les causes et dénonceront peut-être les prédateurs.
Les différents piliers de cette Europe se bétonnent, dans le temps qui passe, les uns après les autres. Porteront-ils un jour la plate-forme d'actions communes dans le domaine de la défense, dans le domaine des affaires étrangères aussi, où l'addition des moyens deviendra une somme prépondérante à l'échelle mondiale, au-delà des diversités de nos histoires, de nos identités conservées, de nos langues, de l'amour de nos terroirs et de nos modes de vie ?
Notre coopération, notre cohésion européenne, celle de nos peuples, prendraient alors une autre dimension, une autre efficacité vis-à-vis du reste du monde.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce présent et confiant dans l'avenir européen, au moment où la structure géopolitique mondiale est en cours de recomposition, il nous faut impérativement relever les nouveaux défis qui s'offrent à nous.
La France doit continuer à assumer le rôle diplomatique qui a toujours été le sien en politique internationale. Mais il faut lui en donner les moyens.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen estime qu'il est indispensable d'inscrire la modération du budget pour 1998 des affaires étrangères dans une programmation qui permettra à celui-ci d'être revu à la hausse, nous l'espérons, lors des prochains budgets.
Dans ces conditions, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera, dans sa grande majorité, le projet de budget pour 1998 que vous nous présentez.
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre. (MM. Charles de Cuttoli et Paul d'Ornano applaudissent.)
Mme Paulette Brisepierre. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur les détails du présent projet de budget, qui a été excellemment analysé par nos rapporteurs.
Toutefois, en tant que sénateur des Français à l'étranger, je survolerai rapidement certains points.
En premier lieu, je relève l'importance pour nos compatriotes de la direction des Francais de l'étranger.
Je tiens à saluer tout particulièrement la qualité, le professionnalisme et le sens humain des services de cette direction à tous les échelons. Dans des circonstances particulièrement difficiles comme celles que nos compatriotes ont vécues ces derniers mois au Congo, la direction des Français à l'étranger a témoigné une fois de plus de sa disponibilité et de sa capacité de gestion des crises.
Cette direction, de plus en plus performante et efficace, est indispensable pour les Français à l'étranger.
Son budget devrait être renforcé, notamment pour tout ce qui a trait au fonds d'action sociale et d'aide à nos compatriotes en difficulté, comme l'a si bien souligné M. Cantegrit.
En ce qui concerne l'Agence de l'enseignement du français à l'étranger, celle-ci tient une place de premier plan, et j'estime que la plus grande réussite de la France dans le monde est justement la qualité de son enseignement.
Cela dit, je dois ajouter un bémol : le coût de cet enseignement pour les Français de l'étranger. La mission de l'Agence est essentielle, puisqu'elle gère 150 000 élèves à travers le monde, dont 41 % de Français. Mais ses charges sont de plus en plus lourdes et l'Etat - contrairement aux engagements pris en séance publique, en 1990, par M. Thierry de Beaucé - ne peut faire face à ces charges et en transfère une partie de plus en plus importante aux parents d'élèves.
J'ai encore en mémoire les engagements pris par M. de Beaucé lors de cette séance publique alors que tous les sénateurs de l'opposition gouvernementale étaient contre la création de l'Agence, sachant parfaitement que celle-ci générerait des charges très lourdes pour les parents : « La création de l'Agence, madame Brisepierre, est faite, dans un premier temps, pour stabiliser les frais d'écolage, dans un deuxième temps pour diminuer la charge actuelle des parents ». On sait ce qu'il en est de ces engagements pris, pourtant, au nom du gouvernement de l'époque !
Certes, l'augmentation régulière de l'enveloppe des bourses est un palliatif, et je vous remercie monsieur le ministre, de l'effort réalisé cette année, effort que nous apprécions tout particulièrement dans le contexte actuel.
Mais je tiens à mettre en évidence la course perpétuelle que se livrent les droits d'écolage et l'enveloppe des bourses. Les premiers prennent l'ascenseur, les seconds un escalier raide et en colimaçon. Quand y aura-t-il deux ascenseurs ?
Enfin, une part importante du budget du ministère des affaires étrangères étant soit réglée en devises, soit consacrée à des rémunérations de personnel en service à l'étranger, est soumise à la variabilité des taux de change et à l'évolution des prix dans le monde.
Le projet de budget qui nous est soumis pour 1998 est fondé sur un taux de change d'un dollar américain pour 5,66 francs. Or la plupart des prévisions macro-économiques - notamment celles qui sont retenues par votre Gouvernement - table sur un dollar à six francs.
Si cette dernière hypothèse était confirmée dans les faits, il en résulterait une réduction sensible des moyens réels pour les services à l'étranger. N'avez-vous pas d'inquiétude à ce sujet, monsieur le ministre ?
J'en viens maintenant à un sujet qui a déjà été abordé et sur lequel nous attendons des précisions, je veux parler de l'avenir des postes occupés aujourd'hui par des jeunes appelés et dont le remplacement, à la suite de la réforme du service national, reste actuellement un grand point d'interrogation, tant sur le plan quantitatif que sur celui de la qualité de ceux qui prendront la relève. Aujourd'hui, sur 4 766 jeunes appelés en 1995, près de 3 000 appartiennent au volontariat en entreprise. Or, faut-il le rappeler, tous ces jeunes sont de haut niveau, minimum bac + 4 et souvent bien plus.
La réforme mise en oeuvre par votre Gouvernement ne répond pas aux inquiétudes quant au remplacement des appelés par un volontariat dont ni les conditions financières, ni les conséquences sur la gestion humaine des effectifs ne sont évaluées.
Dans l'état actuel des choses, les perspectives élaborées dans le cadre de la réforme du service national font état d'une perspective de 3 000 volontaires c'est-à-dire à peine plus de la moitié des effectifs actuels des jeunes gens qui effectuent leur service national dans la coopération ou l'aide technique.
En particulier, comment remplacerez-vous la centaine de postes occupés aujourd'hui par des appelés qui contribuent au fonctionnement de nos ambassades et consulats ? De toute manière, vous le savez, ce type de postes n'est pas compatible avec l'esprit d'un service volontaire. Comment allez-vous combler ce déficit humain au sein de notre réseau diplomatique ?
Par ailleurs, vous mettez régulièrement à la disposition des Alliances françaises et des centres culturels des coopérants volontaires. Comment les paierez-vous ? L'intérêt est évident en terme de rayonnement culturel.
Il en est de même pour les coopérants qui sont aujourd'hui affectés aux établissements de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Ces jeunes enseignants, plus de 250 aujourd'hui, permettent en effet de maintenir un enseignement français de qualité dans des pays où l'éducation nationale ne parvient pas à recruter les personnels nécessaires, jouant ainsi un rôle décisif, non seulement pour le rayonnement de notre langue et de notre culture, mais aussi pour le service de nos compatriotes expatriés. Ils représentent aujourd'hui 10 % de l'ensemble des enseignants de l'Agence.
Si, dans l'hypothèse optimiste, la moitié des enseignants sont remplacés par de jeunes volontaires, comment pensez-vous pallier une telle carence de professionnels et, surtout, comment pourrez-vous obtenir les moyens financiers nécessaires pour y remédier ? L'échéance est dans deux ans. Avez-vous anticipé les conséquences budgétaires et humaines de ce bouleversement ?
Et, surtout, comment attirer des jeunes titulaires d'un bac + 5 ou d'un bac + 6 pour assurer les missions aujourd'hui dévolues à des appelés ? L'aspect financier pèsera lourd, demain, dans votre budget pour assurer ce remplacement. Il est urgent qu'une solution soit trouvée.
Enfin, comme tous mes collègues, je suis particulièrement préoccupée par la situation de mes compatriotes du Zaïre, hier, du Congo, aujourd'hui, qui se trouvent totalement ruinés par des faits politiques dans lesquels ils n'ont aucune responsabilité et qui devraient pratiquement être assimilés à des catastrophes naturelles.
Je sais que le problème est pour vous plus que difficile : je sais que vous l'étudiez et que vous n'avez pas trouvé de solution, mais c'est l'honneur de la France que d'aider ses enfants quand ils sont en difficulté. Le cardinal de Richelieu ne disait-il pas que la politique n'est pas l'art du possible, mais l'art de rendre possible ce qui est nécessaire ?
Nous comptons sur vous pour cela, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'estime que les questions de notre politique étrangère et de sécurité doivent être traitées de concert avec nos partenaires de l'Union européenne, et que, lorsqu'il le faut, nous devons prendre nos distances vis-à-vis d'une politique américaine qui n'est pas toujours très cohérente. Les Américains se veulent intraitables avec l'Irak, la Libye ou Cuba, et très accommodants avec la Chine et l'ex-Zaïre.
Cela est valable, par exemple, pour la question des embargos souhaités et menés par les Etats-Unis, qui touchent un tiers de l'humanité. Ces politiques unilatérales n'ont pour résultat que la misère des peuples frappés et, paradoxalement, la pérennité des dirigeants qu'on disait vouloir écarter.
Il est important de disposer de moyens suffisants, certes, mais nous avons atteint la cote d'alerte en ce qui concerne le recrutement du personnel local dans nos postes à l'étranger.
A quoi cela sert-il de s'accrocher à la proclamation que notre réseau diplomatique et consulaire est le deuxième de la planète ? Il ne suffit pas de défendre cette médaille d'argent. Il faut voir dans quel état nous serons pour nous maintenir sur la deuxième marche du podium ! Les effectifs en constante régression sont compensés par des contractuels locaux, à qui nous n'accordons qu'un salaire réduit, sans garantie d'emploi et sans formation.
Je traiterai à présent de l'importance des contributions volontaires pour maintenir le rayonnement de la France à l'étranger.
Depuis 1990, les dotations du chapitre correspondant aux contributions volontaires ont baissé de 67,3 %. Cette véritable dégringolade a des conséquences sévères pour notre action extérieure.
Il faut savoir que les principaux bénéficiaires de nos contributions volontaires ont été, en 1995 : le programme des Nations unies pour le développement - le PNUD -, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés - le HCR -, le programme alimentaire mondial - le PAM -, l'Organisation mondiale de la santé - l'OMS -, le Fonds des Nations unies pour l'enfance - l'UNICEF -, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentaire et l'agriculture - la FAO -, le Programme des Nations unies pour l'environnement - le PNUE -, le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population - le FNUAP -, et l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel - l'ONUDI.
Depuis quelques années, la présence française dans ces organisations s'amenuise et, en conséquence, nous avons assisté, depuis le début de l'année 1997, à des revers électoraux importants à la tête d'organisations internationales.
Certains organismes pourraient même exclure la France de leur conseil d'administration, faute de financement français.
Une autre conséquence de cet abandon financier français est que les experts et techniciens français sont moins recrutés que naguère. La place du français dans les instances internationales s'affaiblit et, même dans le domaine de l'humanitaire, nous avons perdu beaucoup de positions. On pourrait donc avoir des retombées avec une possible fuite de sièges d'organisations internationales qui quitteraient la France, et nous perdrons de plus en plus de marchés pour nos entreprises.
J'en reviens à l'importance qu'il y a de doter l'Europe d'une identité propre sur la scène internationale.
Nous savons que l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, est, depuis le traité de Maastricht, à la fois la composante de défense de l'Union européenne et le pilier européen de l'Alliance atlantique. Elle est chargée d'exprimer la volonté des Européens, d'affirmer leur identité en matière de sécurité et de défense.
Sur le plan institutionnel, l'UEO a les moyens d'agir, mais elle ne les utilise que fort peu.
A côté des enjeux économiques et culturels, il faut veiller à la préservation, à la consolidation d'une base industrielle européenne en matière d'armement.
Or la notion française de « préférence européenne » n'est pas, dans ce domaine, partagée par tous les membres de l'Union.
Le traité d'Amsterdam a apporté quelques améliorations, mais le pilier de défense, qui doit être obtenu grâce au resserrement des relations entre l'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale, tarde à se concrétiser.
Unis et forts, ou faibles et dominés : voilà l'enjeu de la construction d'une architecture de sécurité européenne pour le XXIe siècle.
Je souhaiterais maintenant évoquer quelques points particuliers.
Après la fermeture des consultats à Florence et Mons, on annonce Venise. Ces fermetures seront-elles qualitativement compensées par des consultats communs avec l'Allemagne ?
Ne pensez-vous pas que pour les services de Nantes il y a urgence à déclencher une véritable opération SAMU ?
Je rappellerai les dysfonctionnements courriers : délais de délivrance des actes, soixante-dix postes de permanents occupés par des contractuels depuis plus de dix ans...
Enfin, de retour d'Hanoï, de Bangkok et de Phnom-Penh, je souhaite maintenant évoquer quelques points qui m'ont été signalés au cours de ce voyage.
A Bangkok, après la chute de la monnaie thaïe, des problèmes urgents de frais d'écolage et de bourses se posent. Pour l'école, la chancellerie, l'aménagement d'un terrain, quels sont vos choix d'investissement ?
Le Cambodge, pays en transition, doit encore, quatre ans après les élections organisées sous l'égide des Nations unies, en mai-juin 1993, trouver les formes de sa stabilité.
Notre objectif d'assise de la stabilité du pays passe notamment par un effort d'assistance dans le domaine de la construction de l'Etat de droit. Cet effort s'accompagne d'actions de coopération dans les domaines des infrastructures, de la santé, de la formation des hommes et du développement rural, actions propres à créer les conditions du développement et de l'avènement de la démocratie. Le succès de nos actions de coopération montrent que la francophonie y est parfaitement vivante.
Présence culturelle avec l'Ecole française d'Extrême-Orient, au musée de Phnom-Penh, et renforcement que je sollicite pour l'équipe pédagogique du lycée français Descartes ; il s'agit de la seule petite augmentation de crédits qui pourrait intéresser le Cambodge.
C'est en ce sens que nous avons maintenu intégralement notre appareil de coopération après les événements de juillet, alors que certains contributeurs choisissaient, pour des raisons politiques immédiates, d'arrêter leurs programmes.
Nous avons soutenu le processus visant à la tenue d'élections générales en mai 1998, conformément à la Constitution de 1993 et à l'esprit des accords de paix de Paris. Nos actions spécifiques dans ce domaine ont été relayées par l'Union européenne. Je souhaite que vous les souteniez pour que les prochains scrutins puissent être organisés dans de bonnes conditions.
Pour conclure, monsieur le ministre, ces élections nous paraissent très importantes, car elles témoigneront du souci que m'ont exprimé les membres - dont nombreux sont francophones - du bureau de l'assemblée nationale khmère, où j'ai été reçu, d'engager leur pays, à terme, sur la voie d'une véritable démocratie. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, depuis quinze ans, et surtout au cours des cinq dernières années, le « budget » a fait observer au ministère des affaires étrangères « des jeûnes si austères » que j'en étais venue à demander à votre prédécesseur s'il ne craignait pas de devenir le chef « d'une idée, d'un fantôme, d'une façon de ministère des affaires étrangères » pour paraphraser Maître Jacques.
Mais je sais, monsieur le ministre, que vous refusez la fatalité qui, de restrictions de moyens en réductions de personnel, mènerait votre administration à l'impotence. Vous avez pris la direction des affaires alors que la préparation du budget se terminait, et vous avez réussi, d'une part, à limiter la baisse prévue des crédits et, d'autre part, à opérer des choix qui raniment l'espoir : le maintien des crédits de l'action culturelle extérieure au-dessus de 3 milliards de francs, la relance de l'informatisation du service central de l'état civil, l'augmentation de 3,5 % de la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et, dans ce cadre, l'augmentation de 6 % du budget des bourses scolaires.
Et pourtant, c'est encore une année difficile qui va commencer tant pour le ministère et ses personnels que pour les Français établis à l'étranger.
La réduction excessive des personnels dans les dernières années, et surtout celle des agents de catégorie C, partiellement remplacés par des agents de recrutement local, au statut précaire, souvent privés de protection sociale, entrave le fonctionnement des services centraux et extérieurs. J'ai visité plus de quarante communautés françaises en 1997 et je puis vous assurer qu'il n'est guère de poste où les services fonctionnent bien, quels que soient la compétence et le dévouement des personnels, toutes catégories confondues.
Permettez-moi d'apporter quelques exemples, limités aux consulats, mais j'en aurais bien d'autres sur les chancelleries diplomatiques et les services culturels.
A Brazzaville, en décembre 1996, un bureau d'état civil est fermé depuis six mois, faute d'agent, et un plan de sécurité est mis en chantier. Ce plan n'est pas à jour quand la guerre civile éclate en juin 1997 : le consul dévoué, mais surmené, contraint d'exécuter lui-même les tâches de ses agents, n'avait pas pu y consacrer le temps nécessaire.
Londres, le 16 octobre 1997, à 9 heures du matin : 150 étrangers attendent sur le trottoir de Cromwell Road. Ce sera le premier jour, depuis le 1er septembre, où tous seront reçus. La suppression des postes de vacataires, faute de crédits pour les rémunérer, avait conduit à fermer des guichets et à refouler, chaque jour pendant six semaines, des dizaines de demandeurs.
Je ne parlerai d'Alger, poste très difficile où la France maintient avec ténacité sa présence diplomatique et consulaire, que pour rendre hommage au courage du personnel de l'ambassade et des gendarmes chargés d'assurer la protection.
Monsieur le ministre, vos personnels ont réellement à souffrir d'une situation de pénurie nuisible au service public, à notre diplomatie, à notre action culturelle extérieure comme aux Français établis à l'étranger. Il n'est vraiment pas possible de continuer à faire fonctionner des services extérieurs de l'Etat comme des entreprises délocalisées. La réputation de la France en est ternie, malgré tous les efforts déployés par ailleurs pour redorer son prestige.
Monsieur le ministre, je vous poserai seulement quelques questions sur les missions du ministère.
Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que la mission de l'adoption internationale soit en mesure de remplir les nouvelles fonctions nées de la mise en oeuvre de la convention de La Haye que nous nous apprêtons à ratifier ?
Quels sont les projets du ministère sur le volontariat international ?
Ne pourriez-vous envisager une transposition des emplois-jeunes, dont j'avais défendu en vain l'extension à l'étranger, avec une validation de l'expérience acquise pour préparer le retour en France et selon une formule plus ouverte à l'ensemble de la jeunesse que l'actuel système des coopérants du service national ?
Comment va-t-on remplacer les allocations exceptionnelles des personnels français recrutés locaux des instituts et de l'AEFE ? Ne pourrait-on pas faire de la préparation de leur réinsertion en France la base légale d'un indispensable complément de rémunération ?
Quant à l'aide sociale aux Français à l'étranger, nous ne pouvons pas accepter qu'elle diminue, car la crise les frappe souvent plus durement qu'en France. D'ailleurs, s'ils vivent hors d'Europe, ils ne disposent d'aucun filet de sécurité. Je préciserai mon propos en défendant l'amendement que mon groupe a déposé.
Enfin, monsieur le ministre, que ferons-nous en faveur des Français de l'étranger qui perdent tout dans des crises politiques telle que celle du Congo ?
Monsieur le ministre, nombreux sont les Français de l'étranger qui vous font confiance pour réorienter le ministère des affaires étrangères vers plus d'efficacité diplomatique, d'une part, et vers plus de justice envers les personnels et les Français de l'étranger, d'autre part.
Cela suppose que le Gouvernement prenne enfin conscience de la dimension internationale de toutes ses actions et qu'il donne à votre ministère les moyens de les coordonner. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà fait à maintes reprises avec vos prédécesseurs successifs, mais en vain, je souhaite profiter de l'examen de votre budget pour vous entretenir des graves problèmes de l'enseignement français à l'étranger, que plusieurs de mes collègues ont déjà évoqués.
Nous sommes assez unanimes sur ce point. Cet enseignement ne relève, hélas ! jusqu'à présent que de votre ministère, alors qu'il devrait relever aussi, vous le savez, de celui de l'éducation nationale, dont c'est en fait plus la vocation que la vôtre.
Avec ses quelque 300 établissements répartis sur les cinq continents, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui assure cet enseignement, poursuit deux missions différentes, également légitimes : d'une part, scolariser les enfants des Français de l'étranger selon les normes métropolitaines et, d'autre part, contribuer à la diffusion de notre langue et de notre culture à l'étranger, en complément, capital dans de nombreux pays, de l'action de nos instituts et de nos centres culturels, ainsi que de celle des alliances françaises.
Mais, si la seconde de ces missions est clairement de la vocation du ministère des affaires étrangères, la première, en effet, ne l'est pas nécessairement et relève plutôt de celle du ministère de l'éducation nationale, car c'est une affaire avant tout franco-française.
Ainsi que l'avaient reconnu M. Valéry Giscard d'Estaing voilà plus de vingt-cinq ans déjà, François Mitterrand par la suite - ils n'ont malheureusement tenu, l'un et l'autre, que très imparfaitement leurs promesses - les enfants français de l'étranger ont droit, non seulement à un enseignement de même qualité que celui qui leur serait dispensé en France, mais aussi à la gratuité de cet enseignement.
La première de ces exigences est aujourd'hui pour l'essentiel satisfaite ; on est encore très loin de compte pour ce qui est de la seconde.
Alors qu'il prend en charge la totalité des coûts de scolarité en France, l'Etat ne contribue que pour moins de la moitié - par des subventions à la construction de quelques bâtiments, par la mise à disposition, à ses frais, de certains personnels et par l'octroi de bourses - à la couverture des coûts de scolarité des enfants français à l'étranger. La situation tend d'année en année à s'aggraver : de moins en moins de constructions sont financées par lui ; le nombre des personnels « expatriés » - qui sont les seuls totalement à sa charge, à la différence des « résidents », qui ne le sont que pour partie, et des « recrutés locaux », qui sont totalement payés par les parents - diminue régulièrement ; le volume des bourses demeure à un niveau assez bas, malgré quelques relèvements intervenant de temps à autre, comme cette année, ce dont nous vous remercions.
Au total, le réseau scolaire français à l'étranger tend inexorablement à devenir un réseau d'écoles pour les riches.
En moyenne internationale et tous cycles confondus, les familles doivent payer actuellement plus de 1 200 francs par élève et par mois ! Sont tout particulièrement touchées les familles de classe moyenne, qui n'ont pas droit aux bourses sans être pour autant vraiment à l'aise et, parmi elles, les familles binationales, qui constituent plus de la moitié de l'expatriation française.
Un nombre grandissant d'enfants de ces familles-là sont, en fait, exclus du réseau, ce qui est tout à fait injuste, mais aussi profondément contraire à nos intérêts nationaux les plus évidents : cette perte de locuteurs français d'origine franco-étrangère constitue, en effet, à moyen et long termes, un gâchis culturel, commercial et politique.
Le fait que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger soit sous la tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères - ce que symbolise la présidence ès qualités du directeur général des relations culturelles, scientifiques et techniques - et, donc, que son financement public ne dépend par voie de conséquence que du budget, bien trop insuffisant, de ce ministère éminemment pauvre - et, secondairement, de son « annexe », le ministère de la coopération, qui est encore beaucoup plus mal loti - est la cause fondamentale de cette situation de plus en plus intolérable.
Comme il est difficile d'imaginer que les crédits alloués aux affaires étrangères seront augmentés de façon substantielle dans le futur ni que la part de ceux-ci qui est affectée à l'enseignement français à l'étranger augmentera de façon suffisante dans les prochaines années, il en découle que, pour assurer son avenir, l'Agence doit être libérée de cette tutelle exclusive et impécunieuse, et le plus tôt sera le mieux !
L'idée d'une cotutelle affaires étrangères-éducation nationale, que nombre de mes collègues ont déjà évoquée - Mme Cerisier-ben Guiga, voilà quelques jours encore, dans une question au Gouvernement - vient immédiatement à l'esprit.
La tutelle des affaires étrangères doit être maintenue, du seul fait qu'il s'agit d'activités françaises à l'étranger qui s'exercent dans le cadre de conventions internationales. Mais l'éducation nationale doit être beaucoup plus impliquée qu'aujourd'hui, où elle n'a en charge que la responsabilité pédagogique du réseau ; en fait, la charge financière de celui-ci doit également lui être confiée progressivement, au moins jusqu'à un certain point. En contrepartie, la cotutelle devrait lui être attribuée, par modification de la loi de 1990, qui régit l'Agence.
Il s'agirait là d'une décision éminemment politique, dont le Premier ministre devrait faire son affaire, avec l'appui, s'il se révélait nécessaire, du chef de l'Etat, afin que soient mis au pas les tenants de toutes les vieilles routines corporatistes qui ont fait jusqu'à présent obstacle à une telle solution.
En effet, comment l'enseignement primaire et secondaire est-il gratuit en France, si ce n'est grâce à la prise en charge, par le ministère de l'éducation nationale, qui en a les moyens budgétaires, des personnels dans leurs catégories statutaires respectives, des bâtiments - construction et entretien - et des fournitures, et non grâce à un système de bourses ?
Dans un budget qui représente à peu près 20 % du budget total de la nation, dont environ 17 % au seul titre de l'enseignement primaire et secondaire, contre 0,91 % pour le ministère des affaires étrangères, le financement, au moins pour partie, de l'enseignement des enfants français à l'étranger ne représenterait vraiment pas un montant excessif.
Pour en arriver là, peut-être faudrait-il admettre, enfin et une fois pour toutes, que les enfants des Français de l'étranger ont le droit d'être traités comme des enfants français à part entière, même si leurs parents, du fait de leur situation géographique, n'ont pas la possibilité de bloquer les routes de l'Hexagone ou de paralyser le métro parisien !
Monsieur le ministre, je sais que, à la différence de vos prédécesseurs, de gauche comme de droite, vous êtes personnellement ouvert aux propositions que je viens d'évoquer. Je sais que, en revanche, M. le ministre de l'éducation nationale, après avoir hésité un peu, s'est finalement rallié, ces temps-ci, à la position traditionnellement négative de ses services. Je n'ignore pas, non plus, qu'il faut être deux pour danser le tango. (Sourires.) Mais, même si l'exercice, j'en conviens, risque d'être un peu cocasse, vous, qui êtes un diplomate, ne pouvez-vous vraiment pas convaincre M. Allègre d'accepter de se lancer sur la piste pour un premier pas de deux ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
MM. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, et Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien ! Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions des rapporteurs du budget des affaires étrangères, puis les différents orateurs.
Je les remercie de la qualité de leurs analyses, de leurs remarques, de leurs suggestions, qui m'ont appris beaucoup de choses extrêmement utiles à la poursuite de mon action. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise, la Haute Assemblée disposant, avec sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec les sénateurs représentant les Français de l'étranger, d'une capacité d'expertise reconnue et que je tiens à saluer.
Plusieurs des observations qui ont été faites, y compris certains des regrets qui ont été formulés sur l'insuffisance des moyens, m'ont paru très justifiées.
Je constate une large et prometteuse convergence de vues entre nous sur ce que doit être notre outil diplomatique et sur les moyens que le budget de l'Etat doit ou devrait lui réserver.
Je vais maintenant m'efforcer de répondre aux principales remarques qui m'ont été faites, mais je commencerai par rappeler quel est le monde d'aujourd'hui ; j'en déduirai ce que doivent être notre diplomatie et le budget sur lequel elle doit pouvoir s'appuyer.
Nous vivons désormais dans un monde composé de 185 Etats, monde non plus bipolaire depuis 1991 mais global, dans lequel ces Etats plus interdépendants que jamais négocient, s'accordent, se regroupent ou se concurrencent en permanence, dans des combinaisons plus ou moins stables.
Dans ce monde, une seule puissance, les Etats-Unis, dispose de l'ensemble des attributs de la superpuissance : prédominance économique, monétaire, militaire, industrielle, technologique, culturelle et médiatique... C'est un fait perceptible dans le monde entier.
Par ailleurs, les très grandes entreprises, les marchés et, au sein de ceux-ci, les fonds de pensions, les lobbies, les médias, les organisations non gouvernementales jouent un rôle international croissant, ce qui est malheureusement le cas aussi de toutes les forces qui vivent du crime organisé et se jouent des frontières, encore plus que les autres.
Comment se situe notre pays dans ce nouveau contexte à la fois plus compétitif et plus coopératif, ce qui entraîne dans les deux cas des contraintes nouvelles ?
Nous ne sommes ni la superpuissance du moment - il n'y en a qu'une - ni une « puissance moyenne », terme impropre que, pour ma part, je n'emploie jamais, car nous ne sommes pas le quatre-vingt-treizième pays du monde, ni même une puissance quelconque parmi les vingt à trente pays qui peuvent mériter ce qualificatif.
La réalité est que nous faisons partie des quelque six à sept puissances d'influence mondiale, et cela grâce au prestige hérité de notre histoire, à notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité, à notre appartenance au G 8, à notre force de dissuasion, à nos capacités militaires d'intervention hors de notre territoire, à notre économie très ouverte et très dynamique sur le marché mondial, à nos technologies avancées, à la francophonie.
Dans ce monde très concurrentiel, où il n'y a plus aucun statut diplomatique protégé, ce n'est pas rien de disposer de tous ces éléments, dès lors que nous savons les employer.
Mais, précisément, comment défendre dans ce monde-là nos intérêts et nos valeurs, comment promouvoir nos projets et nos conceptions ?
J'insisterai, sans revenir sur l'ensemble des cas particuliers, crises et problèmes extrêmement intéressants qui ont été relevés par de nombreux orateurs, sur cinq impératifs.
Premier impératif : nous devons développer notre capacité à parler et à dialoguer avec tous les acteurs du jeu international sans exception, car il n'y en a aucun, si minime soit-il en apparence, qui ne soit appelé, à un moment où à un autre, à prendre part à une décision importante pour nous. Cela implique non seulement d'innombrables relations bilatérales, mais aussi de consacrer plus de temps et d'attention à toutes les organisations et enceintes internationales pour y affirmer constamment notre influence et y défendre nos intérêts, à commencer par l'ONU et ses organisations spécialisées.
Deuxième impératif : il nous faut avoir vis-à-vis des Etats-Unis une attitude claire, que je résumerai de la façon suivante : nous sommes naturellement leurs amis ; nous sommes leurs alliés, mais nous devons être capables d'exprimer nos accords comme nos désaccords chaque fois que cela se révèle nécessaire, et ce avec franchise et dans le cadre d'un dialogue véritable et constant.
Troisième impératif : un dialogue intense doit être également mené avec les autres principales puissances du monde, qu'il s'agisse des grands acteurs du monde multipolaire dont nous soutenons l'émergence - Russie, Chine, Japon, Inde, Mercosur - ou de nos autres partenaires au sein du Conseil de sécurité, du Sommet des huit, de l'Union européenne.
Quatrième impératif : nous devons faire de l'Union européenne un des futurs pôles de ce monde en gestation. Je dirai seulement à ce sujet que nous oeuvrons de façon à exercer l'influence la plus forte possible dans une Europe la plus puissante possible. Nous avons besoin d'une Europe qui soit le lieu où se reconstitue et se reconstituera de plus en plus la souveraineté aujourd'hui malmenée, le lieu où peut se développer le volontarisme politique. Cela suppose, notamment, de veiller, à chaque nouvelle étape de son évolution, à ce que les facteurs de renforcement l'emportent sur les facteurs de dilution et que l'Europe de la croissance et de l'emploi, celle que nous avons dessinée à Luxembourg il y a une semaine, vienne compléter celle de la monnaie unique...
M. Maurice Schumann. La compléter et la précéder.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... qui, déjà, changera le rapport de forces dans le monde. Tel sera le souci constant du Gouvernement dans les années à venir ; Pierre Moscovici et moi-même travaillons constamment dans cette direction.
Enfin, cinquième impératif : cela suppose une méthode adaptée. Dans ce monde, plus rien n'est acquis ; rien ne se défend plus par la proclamation ou la simple incantation ; tout se conquiert par la volonté, la ténacité, la négociation, le compromis constructif, et cela dans les domaines les plus divers qu'englobe la diplomatie d'aujourd'hui : la politique, bien sûr, mais aussi le commerce, la culture, les technologies, l'espace, l'environnement, la démographie, dont parlait M. Neuwirth tout à l'heure, etc.
Pour conduire cette diplomatie nécessairement diversifiée, rapide, mobile, à la fois réactive et prévoyante, il nous faut renforcer la capacité de coordination du ministère des affaires étrangères, ce qui impose de le moderniser tout en préservant les outils de notre diplomatie culturelle.
Je n'ai pas de plan de réforme préconçu, mais j'ai la volonté d'agir avec persévérance dans un certain nombre de domaines.
J'entends, tout d'abord, renforcer la capacité de coordination du ministère des affaires étrangères. Cette administration est la seule qui soit en mesure de rassembler et de synthétiser à tout instant l'ensemble des données venues de son réseau planétaire, données dont notre pays a besoin pour éclairer ses choix, lesquels doivent s'insérer dans un contexte toujours plus large. C'est la raison d'être de ce réseau. Je souhaite valoriser encore cette capacité de collecte et d'analyse, servie par un personnel dont plusieurs d'entre vous ont salué la compétence et le dévouement, ce qui m'a profondément réjoui car je mesure moi-même chaque jour l'étendue de ses qualités.
Plus les diverses administrations développent leurs propres relations internationales, plus une coordination est indispensable afin que notre action extérieure, dans ses multiples dimensions, en soit renforcée, au lieu d'être éparpillée et, par là même, affaiblie.
Pour relancer cette coordination interministérielle, j'ai pris l'initiative de resserrer les relations entre le ministère des affaires étrangères et les autres départements qui contribuent à notre action extérieure, à commencer par l'économie et les finances, la culture, l'éducation et la recherche, mais aussi l'intérieur, la défense, la justice et l'environnement. J'ai d'ailleurs demandé au Premier ministre de réunir le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger, le CIMEE, cadre propice à cette mise en cohérence.
Pour qu'il soit en mesure de remplir cette fonction de cohérence et de coordination, le ministère des affaires étrangères doit s'ouvrir davantage. Dans cet esprit, j'ai décidé de stimuler la mobilité externe des agents diplomatiques, de façon à mieux diffuser à l'extérieur du ministère la compétence diplomatique et à favoriser la diversification des expériences individuelles. A cette fin, une mission sur le rayonnement sera prochainement constituée dans mes services. Cette tâche de longue haleine n'a évidemment pas commencé avec moi, mais j'entends la poursuivre et l'intersifier.
M. Dulait, comme plusieurs d'entre vous, m'a interrogé sur d'éventuelles fermetures de nos postes. Il n'y a pas de liste cachée de postes promis à la fermeture. Mais, il ne faut pas le dissimuler, des ouvertures, des fermetures, des regroupements sont nécessaires en permanence, parce que le monde change, parce que les activités et les concentrations humaines se déplacent, parce que la localisation à l'étranger de nos entreprises et de nos compatriotes varie : celle-ci n'est évidemment plus ce qu'elle était au xviiie siècle, au xixe siècle ou même il y a une vingtaine d'années. Plusieurs d'entre vous ont parlé de ce problème avec la justesse que leur autorise la grande connaissance qu'ils ont du monde.
J'ajoute qu'il faut tenir compte de ces évolutions en liaison avec les autres administrations présentes à l'étranger. Il faut cesser d'exporter nos rivalités sur ce plan. Il convient plutôt d'exporter notre synergie.
Le ministre de l'économie et des finances et moi-même comptons, par exemple, accroître le nombre des postes mixtes, combinant les fonctions consulaire et commerciale.
J'ai demandé par ailleurs à mes services de réfléchir à ce que pourrait être notre réseau diplomatique d'ici à vingt ans, afin que l'horizon soit clair et que nous ne traitions pas de ces sujets seulement année après année, suivant le rythme budgétaire.
Je compte aussi mettre nos consulats à l'heure de l'unification européenne, de la nouvelle politique des visas et de l'adaptation de la politique africaine, ce qui suppose une formation nouvelle des agents et une gestion des carrières différente. De nouvelles formules de coopération consulaire verront le jour, notamment entre la France et l'Allemagne.
J'ai décidé également, en prolongeant des initiatives antérieures, de déconcentrer les crédits, de renforcer les pouvoirs de coordination financière et administrative de nos ambassadeurs, d'innover radicalement dans la gestion de notre patrimoine immobilier et de réformer notre système du chiffre et des communications. D'autres actions suivront. Je veillerai méthodiquement à la mise en oeuvre de ces réformes, car elles conditionnent à terme l'efficacité future de l'ensemble de l'outil diplomatique.
Bien entendu, la modernisation que j'évoque est, par nature, un processus permanent. Un important travail de réforme a déjà été entrepris. Je vous disais que j'avais l'intention de l'intensifier, de sorte que le ministère des affaires étrangères, loin des vieux clichés anachroniques sur le métier de diplomate, donne l'exemple d'une grande administration, certes régalienne - et elle restera telle - mais aussi performante, adaptable, efficace, capable de se nourrir des apports les plus divers et de mieux diffuser elle-même son savoir-faire.
Enfin, j'entends naturellement préserver les moyens et les outils culturels de la politique extérieure et de l'influence française dans le monde.
J'ai pu vérifier une nouvelle fois cet après-midi, combien votre assemblée était légitimement attachée à notre action culturelle et artistique, à nos établissements d'enseignement du français, à notre coopération scientifique et technique. Les interventions de MM. Guy Penne et James Bordas, notamment, démontrent la sensibilité de la Haute Assemblée sur ces dossiers.
Or, depuis de nombreuses années, les moyens consacrés à notre diplomatie n'avaient cessé de baisser.
Je le dis clairement devant vous : ç'aurait été une erreur très dommageable que de poursuivre dans cette voie et de ne pas maintenir un effort substantiel en faveur de l'action culturelle et de la francophonie. Personne n'est en effet en mesure de porter partout dans le monde, à la place de l'Etat, nos intérêts dans ces domaines.
Les autres moyens souvent invoqués - l'initiative privée, le mécénat, les financements multilatéraux, notamment ceux de l'Union européenne -, pour précieux qu'ils soient, ne peuvent suffire. Seul le maintien d'un niveau élevé des engagements publics garantira, demain, une place majeure pour notre culture, nos idées, notre langue, notre façon de voir le monde.
Certes, des adaptations sont nécessaires. Il faut sans aucun doute mieux identifier nos priorités de coopération, avoir une approche géographique plus différenciée en fonction de nos objectifs politiques, ce qui suppose de la souplesse et un certain redéploiement de nos moyens. Un effort de rationalisation de nos structures et de nos opérateurs devra également être conduit dans ce domaine.
Je voudrais maintenant évoquer l'audiovisuel extérieur, sur lequel plusieurs d'entre vous, notamment MM. Chaumont, Durand-Chastel et Penne, m'ont interrogé, cette question étant naturellement au coeur des préoccupations de tous ceux qui s'intéressent à notre influence extérieure.
A l'évidence, cet outil audiovisuel est aujourd'hui indispensable ; cela ne se discute même pas. Toutefois, l'organisation actuelle est trop éclatée ; les synergies entre les intervenant sont insuffisantes. Le Gouvernement, au vu des conclusions des études effectuées à ce sujet, décidera, dans les prochaines semaines, des choix à faire pour que nous exercions une influence audiovisuelle extérieure accrue. J'y travaille activement en ce moment même.
Le Gouvernement a également décidé de repenser l'aide de la France au développement, ce qui englobe tous les aspects de notre politique de coopération, y compris la coopération militaire, sur laquelle, d'ailleurs, une action avait été entreprise par le gouvernement précédent, peu avant les élections.
Le Premier ministre m'a demandé de mener cette réflexion sur la réforme de l'aide au développement avec le ministre de l'économie et des finances ainsi que, naturellement, le secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie.
Ces nouvelles orientations seront, avec la réduction de notre présence militaire et l'assouplissement contrôlé de la politique des visas, un des éléments de la nouvelle politique que nous entendons mener à l'égard de l'Afrique.
J'ai eu l'occasion, il y a quelque temps, durant les quatre étapes de mon voyage africain, de formuler le triptyque suivant : fidélité à l'égard des pays africains francophones, auxquels nous demeurons liés par une longue histoire et une solidarité non démentie ; adaptation de notre soutien, de notre engagement à leurs côtés et des formes diverses de notre présence en Afrique ; enfin, dialogue avec les pays d'Afrique anglophone et lusophone dans le cadre d'une relation sans exclusive avec l'ensemble du continent africain, dialogue dont j'ai pu vérifier sur place qu'il était souhaité aussi bien par les uns que par les autres.
Cette nouvelle politique de la coopération sera prochainement arrêtée par le Gouvernement et donnera lieu à une communication en conseil des ministres, probablement au début de l'année 1998.
Il ne s'agit en aucun cas de se désengager ; il s'agit de rester présent sous des formes adaptées aux réalités d'aujourd'hui et de demain.
J'en viens maintenant aux principales orientations du projet de budget de mon ministère pour 1998.
Il s'agit d'un budget de stabilisation. S'établissant à 14,37 milliards de francs, il reconduit pratiquement à l'identique les moyens de fonctionnement, d'intervention et d'investissement dont disposera l'an prochain mon administration. Hors crédits du budget civil de recherche et de développement inscrit sur le budget des affaires étrangères, ces crédits sont en effet stables, en progression de 0,05 % par rapport aux crédits votés en 1997.
Après plusieurs années de baisse marquée, notamment en 1996 et en 1997, le Gouvernement a reconnu, comme je le demandais, que la décroissance continue des moyens affectés à notre diplomatie devait être enrayée. C'était pour moi un préalable.
J'ai relevé avec intérêt la convergence de vues entre les rapporteurs et les différents orateurs sur les moyens que le budget de l'Etat devrait réserver à sa diplomatie. J'ai même entendu plusieurs d'entre vous estimer que ce budget devrait représenter 1 % du budget de l'Etat. A vrai dire, cela ne serait pas déraisonnable, compte tenu de la mondialisation, de ses enjeux, de la multiplicité des terrains où, jour après jour, nous défendons nos intérêts et nos conceptions et où chacun attend que le ministère des affaires étrangères remplisse sans cesse de nouvelles missions, tout en continuant d'assumer l'ensemble de ses attributions traditionnelles.
Dans mon esprit, le budget que je vous présente, qui s'établit à 0,91 % du budget de l'Etat, s'inscrit dans une dynamique de reconquête. J'aborderai succinctement deux axes de ce budget.
D'abord, ce projet de budget garantit que nos postes diplomatiques et consulaires ainsi que notre administration centrale pourront disposer des moyens leur permettant de répondre au développement continu de l'activité internationale de notre pays.
J'ai déjà cité plusieurs axes de modernisation. Je voudrais maintenant répondre à d'autres observations que plusieurs d'entre vous m'ont adressées.
M. le rapporteur spécial, M. Chaumont, ainsi que Mme Brisepierre se sont inquiétés de l'effet-change. De fait, plus de la moitié des dépenses effectuées par le ministère des affaires étrangères sont opérées en devises.
Mon budget a été bâti sur l'hypothèse d'un dollar à 5,66 francs, en moyenne, pour l'année 1998. Vous avez relevé à juste titre que cette valeur diffère de celle qui est retenue dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances, qui est, elle, fixée à 6 francs.
M. le ministre de l'économie et des finances m'a donné l'assurance que les éventuelles pertes de change que subirait mon administration seraient compensées en cours d'année, dans la limite des 6 francs retenus comme hypothèse générale pour le budget de l'Etat.
Vos rapporteurs ont mentionné aussi la question de l'évolution des effectifs diplomatiques et consulaires. Vous l'avez noté, le projet de budget prévoit l'achèvement en 1998 du schéma pluriannuel d'adaptation du réseau diplomatique et consulaire, que mon département a appliqué avec beaucoup de zèle et de vertu. Compte tenu des contraintes d'emploi de mon administration, la cinquième et dernière tranche de ce schéma sera d'ampleur moindre que ce qui était initialement prévu puisque quatre-vingt-dix emplois seront en définitive supprimés, au lieu des cent trente-sept inscrits dans ces schémas.
J'estime que les effectifs du ministère des affaires étrangères, qui auront décru de plus de 8 % au terme de ce plan, doivent maintenant être vraiment stabilisés.
J'ajoute, pour répondre à certaines de vos interventions, que je suis conscient des limites dorénavant atteintes en matière de recrutement de personnel local dans nos postes à l'étranger, car un équilibre doit être conservé entre personnels titulaires et personnels locaux. Il faut, en outre, veiller à définir d'une manière plus précise les règles qui s'appliquent aux personnels recrutés localement. J'ai d'ailleurs décidé de confier à une personnalité du ministère une mission d'étude et de proposition sur ce dossier complexe.
Je vous indique enfin que ce projet de budget pour 1998 permet d'engager la réforme des communications et du chiffre. Confronté à d'inexorables mutations technologiques, le métier traditionnel de chiffreur doit évoluer profondément. Pour lui ouvrir de nouvelles perspectives, un nouveau corps de catégorie A sera constitué à partir de 1998. Des discussions sont, en outre, en cours pour revaloriser les carrières des spécialistes des communications de catégorie B.
Cette réforme d'ensemble, que j'ai engagée dès mon arrivée, permettra d'organiser une filière technique rénovée, offrant aux agents concernés de réelles améliorations de carrière. Elle sera prolongée par une accentuation de l'effort de modernisation informatique de mes services, pour lesquels j'ai demandé qu'ils puissent être systématiquement connectés à Internet.
Plusieurs d'entre vous, M. Durand-Chastel, Mme Brisepierre et d'autres encore, s'inquiètent de la disparition du service national de coopération. Chacun, ici, sait qu'il s'agit d'un problème tout à fait sérieux.
Le Gouvernement présentera au Parlement, dans le courant de l'année 1998, un projet de loi, auquel M. Alain Richard et moi-même avons commencé de travailler, tendant à instituer un volontariat international. Il est indispensable que nous trouvions une formule aussi attractive pour les jeunes que l'actuel service de coopération. Dans le cas contraire, nous ne saurions pas comment faire face aux conséquences de la disparition de ce service dans ce domaine particulier.
J'indiquerai, enfin, que les crédits d'investissement immobilier seront reconduits l'an prochain. Nos grands chantiers et les constructions d'ambassades, qui monteront en puissance dans les prochaines années, pourront ainsi être engagés à temps, tandis que nous encouragerons les montages innovants auxquels M. le rapporteur spécial a fait allusion tout à l'heure.
M. Dulait, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur notre politique immobilière et sur le coût élevé de certains projets de construction. Il est effectivement souhaitable de contrôler de manière encore plus stricte chacun de ces projets, afin d'éviter des opérations de prestige qui seraient trop dispendieuses.
J'ajoute que, dans la plupart des cas qui ont été cités, les décisions ont été prises après un examen attentif du rôle qui devait être celui de la France, y compris dans sa dimension symbolique dans chacun des pays concernés.
En deuxième lieu, le budget des affaires étrangères traduit, notamment au profit de nos compatriotes expatriés, plusieurs choix nationaux du Gouvernement.
De ce point de vue, je suis convaincu que votre Haute Assemblée, en particulier les sénateurs représentant les Français établis hors de France dont je connais le souci constant, approuveront la priorité nette de mon budget en faveur de l'enseigement français à l'étranger : les crédits que mon ministère consacre à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger l'AEFE croîtront, l'an prochain, de plus de 3 %.
J'ai souhaité que cet effort substantiel soit affecté à une relance de notre politique des bourses, de sorte que les familles françaises à l'étranger qui éprouvent des difficultés puissent continuer de scolariser leurs enfants dans le système éducatif français.
De même, un effort sera consenti en matière d'emplois, puisque, en contrepartie de cinquante suppressions de postes d'expatriés, l'Agence pour l'enseignement français à l'étrangersera autorisée à recruter cent vingts personnels enseignants résidents.
Plusieurs orateurs, notamment Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Penne et Biarnès, ont souhaité une implication plus active du ministère de l'éducation nationale en matière de scolarisation à l'étranger.
Je souhaite vous indiquer mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai évoqué ces derniers jours, avec M. Claude Allègre, la contribution que son ministère pourrait apporter au fonctionnement de l'AEFE. Un groupe de travail commun a été mis en place afin d'étudier ces questions. Nous allons poursuivre nos travaux sur ce point. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aboutir sur ce sujet.
Cette politique doit également s'appliquer à nos actions de coopération culturelle, scientifique et technique.
Le projet de budget que je vous présente aujourd'hui maintient, au-dessus de la barre des 3 milliards de francs, les moyens d'intervention de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques.
Nos engagements à l'égard de nos partenaires étrangers pourront ainsi être tenus, de même que pourront être financés les projets annoncés par le Président de la République ou par le Gouvernement : année de l'Egypte, année de la France au Japon, lancement décidé à Weimar en septembre de l'université franco-allemande, installation à Paris du nouveau secrétaire général de la francophonie, pour les principaux.
Les moyens de notre politique audiovisuelle extérieure seront globalement reconduits dans l'attente des décisions prochaines du Gouvernement, que j'ai évoquées tout à l'heure.
Je souhaite qu'à l'avenir l'effort de relance voulu par le Gouvernement au profit du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et du ministère de la culture s'applique également à nos actions culturelles extérieures. Ce ne serait que logique !
Il nous faudra, en outre, veiller à prendre en compte les besoins de nos compatriotes de l'étranger en matière d'assistance sociale. Vos collègues Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Cantegrit et Durand-Chastel se sont exprimés avec beaucoup de conviction à ce sujet.
La reconduction, en 1998, des crédits gérés par la direction des Français de l'étranger ne permettra probablement pas de répondre à toutes les situations d'urgence et de détresse que risquent de connaître les Français de l'étranger. Malheureusement, on ne peut pas écarter cette hypothèse ! Un effort accru en ce domaine sera donc l'une de mes priorités pour les années à venir et, dès à présent, pour la négociation du prochain budget.
Vous avez évoqué, en outre, la question de l'indemnisation des Français victimes de situations de crise à l'étranger.
Sachez que j'ai déjà saisi mon collègue Dominique Strauss-Kahn pour constituer un groupe de travail avec des représentants des assureurs. Il s'agit d'une partie importante de ce problème.
J'aurai besoin, là encore, du soutien de la Haute Assemblée pour assurer la traduction dans mon budget des priorités que le Gouvernement met en oeuvre pour la collectivité nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons aisément nous retrouver autour d'un commun dénominateur : redonner sa pleine place dans le budget de l'Etat à cette grande administration qu'est le ministère des affaires étrangères et rénover notre outil diplomatique pour en faire un instrument plus mobile, plus réactif, plus adapté à une vie internationale très compétitive. Il nous faut défendre nos intérêts constamment, tous les jours et de toutes les façons.
Telle est l'ambition que je souhaite vous faire partager et pour la réalisation de laquelle j'ai besoin de votre soutien. Le projet de budget des affaires étrangères que je vous propose constitue une première étape vers cet objectif. Je vous remercie donc, si tel est votre choix, de l'adopter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 157 289 002 francs. »