M. le président. Par amendement n° II-21, M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 11-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner pour les budgets des collectivités territoriales des charges injustifiées ou excessives compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à l'article 2-2 de la présente loi. La collectivité locale concernée peut moduler l'objectif précité en fonction des catégories d'établissements visées à l'article 3 de la présente loi. »
Par amendement n° II-22 rectifié, M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 174-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 174-7-1. - Le montant total annuel des dépenses des établissements et services visés aux 6° et 8° de l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat et, corrélativement, le montant total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de fonctionnement de ces établissements ou services, est déterminé par le montant inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de l'exercice considéré.
« Ce montant total annuel est constitué en dotations régionales limitatives. Le montant de ces dotations régionales est fixé par le ministre chargé de l'action sociale, en fonction des priorités en matière de politique sociale, compte tenu des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction des inégalités d'allocation des ressources entre départements et établissements ou services.
« Chaque dotation régionale est répartie par le préfet de région, après avis des préfets de département, en dotations départementales, dont le montant tient compte des priorités locales, des orientations des schémas prévus à l'article 2-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction des inégalités d'allocation des ressources entre départements et établissements ou services.
« Pour chaque établissement ou service, le préfet de département compétent peut modifier le montant global des recettes et dépenses prévisionnelles visées au 5° de l'article 26-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat, compte tenu du montant des dotations régionales ou départementales définies ci-dessus ; la même procédure s'applique en cas de révision, au titre du même exercice, des dotations régionales ou départementales initiales.
« Le préfet de département peut également supprimer ou diminuer les prévisions de dépenses qu'il estime injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part, des conditions de satisfaction des besoins de la population, telles qu'elles résultent notamment des orientations des schémas prévus à l'article 2-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, d'autre part, de l'évolution de l'activité et des coûts des établissements et services appréciés par rapport au fonctionnement des autres équipements comparables dans le département ou la région.
« Des conventions conclues entre le préfet de région, les préfets de départements, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant, les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, précisent, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide sociale de l'Etat dans les établissements et services concernés. »
« II. - Le dernier alinéa de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale est abrogé. »
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, pour défendre les amendements n°s II-21 et II-22 rectifié.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Aujourd'hui, chacun des acteurs du système est déresponsabilisé : l'Etat et les départements, d'une part, car ils financent des établissements dont ils ne maîtrisent pas l'évolution des dépenses ; les établissements, d'autre part, parce qu'ils subissent le contrecoup de décisions qu'ils n'ont pas prises tout en sachant que la collectivité assurera en dernier ressort le solde des dépenses non couvertes.
Il faut stopper ce processus en instituant un taux directeur opposable aux dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat ou par l'aide sociale départementale.
Le Gouvernement avait proposé ce principe dans le projet de loi de finances pour 1997, puis l'avait retiré, en se donnant pour objectif de mettre en place le dispositif dans le cadre de la réforme de la loi du 30 juin 1975 qui devait être présentée au printemps 1997, et a été ajournée du fait de la dissolution.
M. Guy Fischer. A qui la faute ?
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Notre excellent collègue Charles Descours a fait adopter par la Haute Assemblée un dispositif analogue pour les institutions médico-sociales dépendant de l'assurance maladie lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Notre but n'est pas de mettre en oeuvre un taux unique d'évolution qui s'appliquerait de manière aveugle d'un établissement à un autre.
M. Guy Fischer. C'est ce qu'on dit !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cela figerait les situations acquises, donnerait une prime aux mauvais gestionnaires et pénaliserait au contraire les bons gestionnaires. Bien entendu, le taux directeur sera adapté à la situation et aux besoins de chaque établissement et de chaque catégorie d'établissement après évaluation.
Il faut restaurer un cercle vertueux où l'Etat assumera ses choix en toute cohérence et où les établissements seront incités à peser sur l'évolution de leurs facteurs structurels de dépenses.
S'agissant des dépenses de personnel en particulier, le taux directeur devrait obliger l'Etat à restaurer une cohérence entre les décisions qu'il prend en matière de revalorisation salariale pour certaines catégories de personnels et les objectifs généraux qu'il se doit de respecter en matière d'évolution de la dépense médico-sociale.
Il ne devrait plus être possible, comme cela a été le cas lors de l'extension du protocole Durieux-Durafour, qu'une simple circulaire prise en fin d'année, et confirmée ultérieurement par deux décrets, puisse bouleverser gravement l'équilibre des relations financières entre les établissements et les collectivités qui les financent.
Se doter d'un taux est devenu d'autant plus essentiel que le débat sur les trente-cinq heures peut se propager « par contagion » aux personnels du secteur social et médico-social pour lesquels les contraintes horaires pourtant se prêtent mal à une annualisation du temps de travail. Si les trente-cinq heures devaient être étendues au secteur social et médico-social, il en résulterait immédiatement un surcoût que certains évaluent entre 10 % et 12 % environ, hors gains de productivité. En tout état de cause, on sait que les gains de productivité dans ce secteur sont peu importants.
Le taux directeur obligerait aussi l'Etat à être cohérent et à tirer les conséquences financières des décisions qui sont prises en matière de renforcement des normes d'encadrement des établissements sociaux. La même démarche devrait être suivie pour la fixation des normes techniques de sécurité dont les révisions périodiques engendrent des coûts d'investissements importants dans ce secteur.
Simultanément, grâce au taux directeur, les établissements seraient mis en situation de relever le défi du glissement vieillesse-technicité de leurs personnels.
Les institutions médico-sociales qui ont été mises en place dans les années soixante-dix comprennent souvent des personnels qui arrivent maintenant à maturité dans leur carrière et induisent une forte progression des rémunérations du fait du glissement vieillesse-technicité.
Le taux directeur est donc un levier pour l'avenir : il ouvre la voie à une réflexion d'ensemble sur les conventions collectives qui régissent le secteur. Sans doute des progrès pourraient-ils être accomplis en termes de déroulement des carrières, d'effectif des établissements, et d'horaires, tout en assurant une meilleure formation des agents et en favorisant le recours à de nouveaux recrutements plus homogènes.
Il est urgent de rétablir un circuit de financement responsable dans le secteur social et médico-social. Cette préoccupation prime sur toutes les autres et peut parfaitement être lancée ce soir, sans pour autant réviser dans son ensemble la loi du 30 juin 1975. Parce qu'il est urgent et possible d'agir, la commission des affaires sociales a déposé ces deux amendements : l'amendement n° II-21, qui porte sur l'ensemble des établissements médico-sociaux financés par les départements, et l'amendement n° II-22 rectifié, qui est la stricte reprise de celui qui avait été prévu dans le projet de loi de finances pour 1997.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-21 et II-22 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le secteur social et médico-social, il est vrai, ne peut pas faire exception à la politique d'encadrement des dépenses. Cette discipline budgétaire est d'ailleurs la contrepartie des mesures nouvelles que nous prévoyons en termes de progression des capacités des établissements, notamment pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées.
Le principe de l'opposabilité des enveloppes de crédits est aujourd'hui arrêté. D'ores et déjà, un taux de progression est fixé pour ces dépenses, mais il n'est pas opposable puisqu'il est essentiellement prévu par circulaire.
Ce principe sera mis en oeuvre à l'occasion de la réforme, dont vous serez saisis l'an prochain, de la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales de façon à s'appliquer à toutes les structures quelle que soit la source de financement concernée : crédits de l'assurance maladie, du budget de l'Etat ou des conseils généraux.
Ce délai va nous permettre de faire suite aux demandes légitimes des secteurs concernés en mettant en place des outils plus fins d'allocation des ressources - tableau de bord, guide d'analyse financière et comptable, schémas - dont nous ne disposons actuellement que pour les établissements sociaux, CAT - centres d'aide par le travail - et CHRS - centres d'hébergement et de réadaptation sociale.
Deux missions de l'inspection générale des affaires sociales ont été diligentées, l'une sur le suivi des dépenses de l'assurance maladie et l'autre sur la gestion des enveloppes et des campagnes budgétaires. Elles viennent de me remettre leurs rapports. Ils confirment la nécessité de disposer, pour le secteur médico-social, d'outils juridiques appropriés ; nous allons les mettre en place.
Il s'agit d'une réforme complexe, compte tenu notamment de la diversité des structures concernées dans le secteur médico-social. Mais je suis convaincue que nous allons y parvenir cette année.
Je ne souhaite donc pas que ces amendements soient adoptés, même si j'en partage largement les objectifs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission, que j'avais omis de consulter, sur les amendements n°s II-21 et II-22 rectifié ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Nous avons tous entendu les excellentes explications de notre collègue M. Chérioux, et Mme la ministre, à l'instant, a longuement insisté sur le bien-fondé de ces deux amendements en suggérant d'attendre un peu.
Même si la commission des finances ne s'est pas réunie pour les examiner au fond, ils vont dans le sens de la rigueur de cette rationalisation qui a été défendue à l'instant.
Dans ces conditions, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à ces deux amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-21.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Il faut y regarder à deux fois. Pour l'instant, les deux amendements présentés par M. Chérioux, dont l'un porte sur l'ensemble des établissement médico-sociaux financés par les départements et l'autre sur les établissements médico-sociaux financés sur crédits d'Etat, c'est-à-dire les centres d'aide par le travail et les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, remettraient gravement en cause le bon fonctionnement de ceux-ci. Il faudra donc un examen très attentif même dans l'avenir.
La brutalité des mesures financières proposées les menace directement dans leur mission de santé publique. Au lieu de viser la qualité des soins, elles mettent en péril leur fonctionnement.
Ces mesures auraient pour résultat de fermer des services que sollicitent les populations et qui n'ont pas failli.
Les hôpitaux de jour de psychiatrie infanto-juvénile souffrent déjà d'une telle logique comptable. A Paris, la réduction imposée depuis deux ans par la tutelle a déjà eu des effets dramatiques et va conduire à court terme, si rien n'est fait, à la cessation des activités de ces hôpitaux.
Pourtant, ces établissements assurent soins, scolarisation et maintien en milieu familial de plusieurs centaines d'enfants et d'adolescents souffrant de troubles mentaux graves. Il n'existe actuellement aucune alternative à leur action qui puisse donner à ces enfants et à ces adolescents la possibilité de se développer et de s'insérer dans la société.
Un quart des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile sont encore dépourvus de toute structure d'hospitalisation de jour.
Sur le plan des pathologies représentées dans ces structures, les psychotiques et les autistes constituent les deux tiers des malades.
Environ un tiers des demandes d'admission reçoit une réponse positive dans un délai compatible avec les besoins des malades. Dans plus de la moitié des cas, l'admission est refusée faute de place. Et c'est sur ce genre de dépenses que la droite veut encore faire des économies !
Cette « supermaîtrise » comptable est inadmissible et vaine : inadmissible, car elle s'attaque directement aux établissements accueillant des personnes handicapés ou connaissant de graves difficultés d'insertion sociale, vaine, car la seule régulation possible est celle de l'efficacité des interventions.
En fait, ces amendements sont les frères jumeaux de ceux dont nous avons déjà débattu lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils ont été balayés en nouvelle lecture. Je suis persuadée qu'ils connaîtront le même sort et le groupe communiste républicain et citoyen votera évidemment contre ces deux amendements. M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux. M. Borvo a complètement dénaturé mes propos et je veux lui répondre.
J'ai bien indiqué que le taux directeur devait être appliqué de façon très précautionneuse et que cela supposait une révision totale des conditions de fonctionnement des associations.
Mon but n'est pas du tout de faire disparaître ces établissements ; bien au contraire, il est d'amener ces établissements qui connaissent, chaque année, des augmentations de 4 à 5 % à revoir leurs conditions de fonctionnement, sinon les finances départementales et celles de l'Etat seront mises en péril.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Les dépenses des centres médico-sociaux doivent être encadrées, nous en sommes tous d'accord, mais de telle façon que cela ne nuise pas à leur fonctionnement.
A plusieurs reprises, l'année dernière comme cette année lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Chérioux a tenté de faire adopter ces amendements mais, à chaque fois, le Gouvernement lui a indiqué que ses propositions s'appliquaient à la réforme de la loi de 1975.
J'en veux pour preuve la lettre que nous avons reçue les uns et les autres du président de l'UNIOPSS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés, sanitaires et sociaux, M. Lenoir, que vous connaissez bien puisqu'il a été ministre de M. Valéry Giscard d'Estaing et qu'il a été, et est peut-être encore, conseiller du Président de la République, M. Chirac. Cet homme que nous devons écouter tous avec beaucoup d'attention préconise d'attendre la modification de la loi de 1975 avant de prendre toute mesure visant à réglementer l'encadrement des dépenses des établissements médico-sociaux.
Par conséquent, nous voterons contre cet amendement, tout en demandant au Gouvernement qu'il nous propose de modifier la loi de 1975 le plus rapidement possible.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-21, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
Par amendement n° II-28, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du paragraphe I bis de l'article 6 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées est remplacé par les deux alinéas suivants :
« Cette disposition s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais résultant du maintien dans l'établissement d'éducation spéciale du jeune adulte handicapé. L'organisme ou la collectivité compétente est l'Etat si le jeune adulte a été orienté par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel vers un centre d'aide par le travail ou un atelier protégé sans hébergement ; les organismes d'assurance maladie en cas d'orientation vers une maison d'accueil spécialisée ; le département dans les autres cas.
« L'organisme ou la collectivité désignée ci-dessus prend en charge l'intégralité des dépenses occasionnées par la prolongation du placement du jeune adulte handicapé dans l'établissement d'éducation spéciale, selon les modalités précisées par décret en Conseil d'Etat. »
« II. - L'article 35 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les dépenses résultant de la prolongation du placement dans un établissement d'éducation spéciale d'une jeune adulte handicapé orienté par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel vers un centre d'aide par le travail ou un atelier protégé sans hébergement, dans les conditions prévues à l'article 6-I bis de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. »
« III. - Dans le quatrième alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts, la mention : "à la moitié" est remplacée par la mention : "au tiers". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'amendement que je vous demande d'adopter tend, dans l'attente de la réforme de la loi du 30 juin 1975, à désigner l'organisme ou la collectivité débitrice des frais de maintien des jeunes adultes handicapés au-delà de l'âge de vingt ans dans les institutions médico-éducatives et à lui confier la mission d'assurer l'entière prise en charge de ces dépenses.
Chacun sait que, pour une famille, garder un enfant ou un adulte handicapé peut être difficile. De plus, pour le bien-être et l'épanouissement de cette personne handicapée, la prise en charge par une institution spécialisée s'avère plus que nécessaire. Toutefois, les structures d'accueil demeurent insuffisantes tant pour les enfants que pour les adultes.
Pour parer au plus pressé et éviter que des jeunes adultes handicapés ne soient de fait exclus des structures existantes, la législation a dû être adaptée.
Ainsi, « très généreusement », l'article 22 de la loi du 13 janvier 1989, dit « amendement Creton », a permis le maintien des personnes adultes handicapées dans des établissements d'éducation spécialisée au-delà de l'âge limite d'agrément - vingt ans - lorsque celles-ci ne pouvaient être admises dans un établissement pour adulte désigné par la COTOREP.
Sous couvert de cette disposition, de nombreux adultes ont pu rester dans les structures destinées à accueillir des enfants et des adolescents.
Rapidement, le problème a été déplacé : les jeunes adultes relevant du « dispositif Creton » sont venus gonfler les effectifs des établissements destinés aux enfants, et les admissions de ces derniers ont été retardées, voire annulées, et les listes d'attente s'allongent.
De plus, cette mesure a engendré un important contentieux entre l'Etat, les conseils généraux et la Caisse nationale d'assurance maladie sur le point de savoir qui supporterait - et dans quelles mesure - la charge financière des adultes concernés.
Bien qu'incomplète, n'appréhendant pas le cas du jeune adulte handicapé orienté vers les centres d'aide par le travail ou les ateliers protégés fonctionnant en externat et ne permettant qu'une couverture partielle des frais, la circulaire du 27 janvier 1995 avait réglé la répartition des charges entre les différents financeurs : assurance maladie et conseils généraux.
Aujourd'hui, le problème est posé dans toute son acuité, le Conseil d'Etat ayant annulé la circulaire de 1995. Il est donc urgent non seulement de réaffirmer notre volonté de développer les capacités d'accueil des structures destinées aux adultes handicapés, mais aussi de combler ce vide juridique pour éviter qu'à partir du 1er janvier 1998 certaines personnes ne soient pas prises en charge.
C'est l'objet de notre amendement, qui remédie aux principales difficultés d'application de la circulaire de 1985 en garantissant que toutes les décisions de maintien en établissement seront financées, en désignant même la collectivité débitrice et en prévoyant que l'ensemble des dépenses supportées par les établissements d'éducation spécialisés seront prises en charge, et pas seulement les frais d'hébergement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement tend à clarifier les conséquences financières de « l'amendement Creton », comme vient de le rappeler M. Fischer, en prévoyant que les dépenses occasionnées par le maintien d'un jeune adulte handicapé en établissement d'éducation spécialisée soient prises en charge, selon le cas, par l'Etat, l'assurance maladie ou le département.
Votre commission des finances ne s'est pas non plus réunie pour examiner cet amendement. Néanmoins, je ne crois pas qu'elle aurait pu lui donner un avis favorable, car il est gagé par une réduction de l'avoir fiscal, et vous connaissez la position de la commission des finances en la matière.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement fait suite à l'annulation de la circulaire relative à la mise en oeuvre de « l'amendement Creton ».
J'ai moi-même renoncé à déposer un amendement en ce sens car il aurait sans doute été qualifié de cavalier social ; il s'agit donc ici d'un cavalier budgétaire.
Je souhaite dire à M. Fischer et aux membres de son groupe qui ont présenté cet amendement que je compte proposer, lors de l'examen du prochain DMOS, qui viendra en discussion au début de l'année 1998, une disposition législative pour donner une base certaine au financement du placement des personnes handicapées actuellement prises en charge et qui se trouvent en situation délicate en raison de l'annulation de cette circulaire.
Je souligne toutefois que cette annulation ne remet pas en cause la prise en charge des jeunes adultes concernés, mais qu'elle fragilise les modalités financières de répartition des frais.
Je souhaiterais donc que cet amendement puisse être retiré au profit de l'engagement du Gouvernement de proposer un tel dispositif à l'occasion de la discussion du prochain DMOS.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Je ne décrirai pas le système selon lequel fonctionnent les établissements sociaux et médico-sociaux - cela nous permettra de gagner un peu de temps.
Je veux seulement faire remarquer qu'avec ce système chacun des acteurs est déresponsabilisé : l'Etat et les départements, d'une part parce qu'ils financent des établissements dont ils ne maîtrisent pas l'évolution des dépenses, d'autre part parce qu'ils subissent le contrecoup de décisions qu'ils n'ont pas prises tout en sachant que la collectivité assurera en dernier ressort le solde des dépenses non couvertes.
C'est pourquoi il faut stopper ce processus en instituant un taux directeur opposable aux dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat ou par l'aide sociale départementale.
M. le président. Monsieur Fischer, maintenez-vous votre amendement ?
M. Guy Fischer. Je crois que Mme le ministre vient de nous donner une garantie quant à l'avenir de ce dispositif.
Nous souhaitions ardemment nous faire les interprètes de toutes les familles qui vivent dans l'angoisse puisqu'elles sont 4 000 à avoir, aujourd'hui, des enfants placés sous ce régime. Mais, dans la mesure où il n'y aura pas de vide juridique et à la condition qu'une proposition soit formulée dès le début de l'année 1998, nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-28 est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé et la solidarité.
Avant d'entamer l'examen des crédits relatifs à la ville et à l'intégration, je vous propose madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues d'interrompre nos travaux pendant quelques minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mardi 2 décembre 1997 à une heure cinq, est reprise à une heure quinze.)