M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits demandés pour 1998 au titre du secrétariat général de la défense nationale, inscrits à hauteur de 119 millions de francs, subissent une diminution de 14,08 %, par rapport aux crédits votés pour 1997, après avoir déjà baissé en 1996 de 11,8 % et surtout en 1997 de 31,15 %.
Toutefois, ces diminutions ne correspondent, pour l'essentiel, qu'à la continuité de la restructuration du SGDN, entreprise en 1995 sous l'impulsion de M. Jean Picq et concrétisée durant l'exercice 1996. En effet, cette réforme a entraîné une forte réduction des effectifs ainsi qu'une diminution sensible des besoins de fonctionnement. Il convient d'y ajouter pour 1998 le transfert, en raison de sa transformation en établissement public administratif, des crédits destinés à l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, sur ceux des services généraux du Premier ministre. Cependant, l'augmentation à cette occasion, à hauteur de 10 millions de francs, des crédits alloués à l'IHEDN, s'est effectué au détriment de ceux qui sont demandés pour le secrétariat général de la défense nationale.
Ce prélèvement affecte principalement les autorisations de programme, dont les crédits sont réduits à 23 millions de francs pour 1998, soit une baisse de 19,58 %. Cette dotation, qui était de 68,79 millions de francs en 1995, a été successivement ramenée à 41 millions de francs en 1996, puis à 28,6 millions de francs en 1997, dans un objectif de recentrage de ces interventions du secrétariat général de la défense nationale.
La présentation par titre met en évidence une nette diminution tant des crédits de dépenses ordinaires que des dépenses d'investissement.
Ainsi, les dépenses ordinaires, limitées dans ce projet de budget au titre III, sont inscrite à hauteur de 94,9 millions de francs, en diminution de 13,63 %.
Les crédits de rémunération y évoluent de 49,2 millions de francs à 41,7 millions de francs, en réduction de 15,1 %, et les charges sociales diminuent de 6,2 millions de francs à 5,5 millions de francs, soit une baisse de 11,6 % qui doit toutefois être pondérée du transfert de 1,2 millions de francs de crédits de l'IHEDN.
Si les moyens destinés au matériel et au fonctionnement des services sont, eux aussi, en régression avec 47,7 milions de francs, après 54,5 millions de francs en 1997, soit une baisse de 12,5 %, celle-ci est liée principalement au transfert des crédits de l'IHEDN, pour un montant de 5,9 millions de francs. L'institut a, par ailleurs, bénéficié de 420 000 francs supplémentaires prélevés sur ce chapitre en conférence budgétaire. Hors transfert, ces crédits restent toutefois en diminution de 1,8 %.
Si cette évolution ne traduit pas, globalement, une détérioration des moyens de fonctionnement, l'absence de mesures nouvelles ne pourra que retarder les nécessaires travaux d'amélioration, à l'instar de ceux qui sont destinés à la sécurité incendie du centre de transmissions gouvernemental, le CTG.
L'importante réduction des emplois budgétaires, dont le nombre est passé de 503 en 1996 à 236 en 1997, n'a en fait entraîné que 87 suppressions nettes d'emploi. En effet, les 180 emplois du CTG ont été transférés au ministère de la défense.
La nouvelle diminution d'effectifs, appliquée en 1998, traduit le recentrage du secrétariat général de la défense nationale, puisque, sur les dix-huit emplois supprimés, seize concernent du personnel déjà mis à la disposition d'autres administrations et deux du personnel déjà affectés à l'IHEDN.
En ce qui concerne les dépenses en capital, au titre V, les crédits demandés pour 1998 atteignent 24,08 millions de francs, en crédits de paiement, en diminution de 15,8 % par rapport au budget voté de 1997, et 23 millions de francs en autorisations de programme, en réduction de 19,6 %.
Cette baisse des crédits concerne uniquement le programme civil de défense, le PCD, qui ne disposera plus que de 16,3 millions de francs de crédits de paiement et de 15 millions de francs en autorisations de programme, contre 21,6 millions de francs en 1997.
Ces dépenses recouvrent trois domaines d'intervention : la protection des populations, la continuité de l'action gouvernementale et la sécurité générale, enfin, l'action économique de défense.
Toutefois, les annulations de crédits en cours d'exercice succédant aux réductions ont eu pour conséquences le retard, le report, voire l'arrêt de certains programmes.
Ainsi, en 1998, seuls pourront être financés la poursuite de l'installation du réseau téléphonique protégé RIMBAUD, des moyens d'intervention contre les actes terroristes et la contribution au système de messagerie NATO-WIDE, pour l'OTAN, dont le paiement a pris deux années de retard. Ce n'est pas, à l'évidence, votre faute, monsieur le secrétaire d'Etat.
Les crédits du CTG sont, dans le même temps, légèrement réévalués, passant de 7 millions de francs en 1997 à 7,8 millions de francs en crédits de paiement et à 8 millions de francs en autorisations de programme en 1998. Ils restent cependant insuffisants pour assurer le renouvellement des matériels de ce centre. La priorité sera donnée à la réalisation de la partie française de la liaison Elysée-Kremlin, puis à la modernisation des transmissions avec les attachés de défense à l'étranger.
Si l'effort budgétaire destiné à la défense civile de la nation comprend les modestes crédits du SGDN, il est surtout abondé par ceux que les ministères civils lui consacrent. Ces dépenses, qui permettent d'assurer la continuité de l'action gouvernementale, le maintien de l'ordre public et qui concourent à la protection des populations et à la défense économique, sont récapitulées dans un « jaune » budgétaire.
L'ensemble des crédits de paiement s'y élève, en 1998, à 8 483 millions de francs - soit une augmentation de 1 % - et les autorisations de programme y sont en nette progression : 21 %.
L'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, a été érigé en établissement public administratif par un décret du 5 septembre 1997. Si l'objectif de cette tranformation était de doter l'Institut d'une autonomie de gestion et de permettre une clarification de son financement, il convient de souligner que les 10,6 millions de francs de moyens de fonctionnement qui lui seront attribués pour 1998 - soit 10 millions de francs en provenance du SGDN et 0,6 million de francs du ministère de la défense - ne couvrent qu'une part modeste des dépenses de l'institut. En effet, s'il est prévu que des postes budgétaires seront créés en propre dès 1998, le ministère de la défense continuera de mettre à la disposition de l'IHEDN quarante militaires et vingt-trois fonctionnaires civils et d'assurer sur ses crédits un grand nombre de déplacements. Le coût budgétaire réel de l'Institut est ainsi estimé à 35 millions de francs.
Le rattachement de l'institut au Premier ministre est confirmé, afin de marquer l'intérêt de l'Etat pour un organisme dont le rôle et le rayonnement sont appelés à s'accroître dans le cadre du futur dispositif de défense français. C'est à ce titre que le SGDN exercera la tutelle de l'IHEDN et siégera parmi les dix-sept membres constituant le futur conseil d'administration, dont un représentant du Sénat et un représentant de l'Assemblée nationale.
L'institut s'est d'ores et déjà réorganisé et dispose désormais d'une direction générale et de trois directions spécialisées. Enfin, il a, depuis 1995, développé ses activités tout en recevant de nouveaux auditeurs venant d'horizons très variés. Ainsi, les sessions de 1996 et de 1997 et les séminaires spécifiques ont permis d'accueillir 571 auditeurs supplémentaires, soit un accroissement très significatif, de l'ordre de 32 %. Au total, l'activité de l'IHEDN a représenté 16 931 journées-auditeurs, soit une progression de 35 %
J'en arrive à mes principales observations, en commençant par la réforme du SGDN dont l'objectif majeur était le recentrage de la mission d'assistance au Premier ministre dans ses responsabilités de direction générale de la défense et de son rôle de secrétariat interministériel.
Pour remplir pleinement ces objectifs, le SGDN doit être en mesure d'exercer trois fonctions : synthèse et arbitrage, pour que soit mieux assurée la cohérence de l'action gouvernementale, veille, afin d'apporter une vision prospective très large, et sécurité, pour contribuer à la protection des intérêts nationaux fondamentaux.
Ce recentrage devait également dégager une économie budgétaire tout en maintenant l'efficacité nécessaire à l'accomplissement des missions.
Cette réforme est aujourd'hui réalisée, semble-t-il, même si sa mise en oeuvre se fera sentir, en ce qui concerne les effectifs, jusqu'en 1999. L'organisation du SGDN s'articule désormais autour de cinq grands « pôles » de compétence, issus de sa restructuration, dont l'un à vocation transversale, qui ont remplacé quatorze directions et sous-directions et cinquante bureaux. Il dispose désormais d'une organisation plus légère et plus souple et travaillant en équipes, en équipes moins hiérarchisées et très cloisonnées, composées de personnels de cultures plus différentes.
Quant à l'évolution des crédits en cours d'exercice, après des annulations de l'ordre de 8,8 % pour les crédits de paiement et de près de 36 % pour les autorisations de programme en 1995, l'exercice 1996 a été frappé par les annulations de 8,5 % des crédits de paiement et de 30 % des autorisations de programme. Pour l'exercice en cours, les crédits votés ont été réduits par l'arrêté d'annulation du 9 juillet 1997 de 6 % en crédits de paiement et de 25 % en autorisations de programme.
A l'occasion de sa réforme, le SGDN s'est engagé dans un important programme d'économies. Toutefois, pour un budget ainsi resserré, la pleine exécution de ses missions, mêmes recentrées, ne pourra être maintenue en dessous d'un minimum de moyens. Il serait donc raisonnable que cette baisse générale des crédits du SGDN, depuis plusieurs années, soit limitée au niveau actuel et que de nouvelles mesures générales d'annulation de crédits n'interviennent pas, autant que faire se peut, en cours d'exercice.
Votre rapporteur se doit ainsi, à l'instar de son prédécesseur M. Michel Sergent, de rappeler qu'il serait regrettable que le SGDN, après avoir innové en matière de réforme de l'Etat, soit, en fin de compte, victime de la discipline financière qu'il s'est imposée.
Par exemple, sur les deux millions de francs demandés pour 1998 au titre des investissements en matière de transmission, seul 0,8 million de francs ont pu être obtenus lors de l'arbitrage budgétaire. Votre rapporteur espère que cette stagnation des crédits du centre de transmission gouvernemental n'aura pas de conséquences fâcheuses. Par ailleurs, l'inscription dans les dépenses du programme civil de défense pour 1998 d'une contribution de 2,9 millions de francs au système de messagerie NATO-WIDE correspond à la contribution française au réseau de liaison avec l'OTAN, dont le paiement, je l'ai déjà dit, accuse deux années de retard.
A l'évidence, de tels retards de réalisation ou de paiement ne peuvent qu'être pour le moins « préjudiciables » - c'est le seul adjectif qui me semble convenir.
En ce qui concerne le renoncement à certains programmes du programme civil de défense du fait des diminutions successives de crédits, si l'intervention du SGDN a été limitée à ces actions, c'est, d'une part, que celles-ci relevaient bien de la défense civile et, d'autre part, que ce moyen avait été jugé plus efficace qu'une attribution de crédits aux départements ministériels concernés. Ces derniers finissent en effet par être dilués dans les masses budgétaires sans que les investissements nécessaires soient effectivement mis en oeuvre. Il conviendrait donc de trancher sur la nécessité de ces programmes et, le cas échéant, de maintenir leurs dotations à un seuil suffisant ou de transférer leur réalisation aux ministères dont ils relèvent.
Si la transformation du statut de l'IHEDN en établissement public administratif est plus compatible avec la vocation très générale de cet institut, celui-ci continuera, pour la majeure partie de ses moyens de fonctionnement, de dépendre du ministère de la défense.
Enfin, je répondrai aux parlementaires qui, lors du débat sur la loi de finances pour 1997, s'interrogeaient sur la coordination du renseignement en France, que si le SGDN est bien impliqué dans l'élaboration du plan national de renseignement, sa mission ne recouvre ni la coordination de la recherche du renseignement ni celle de l'action quotidienne des services. Il est important de le préciser.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, la commission des finances a décidé de s'en remettre à l'appréciation de la Haute Assemblée pour l'adoption des crédits du secrétariat général de la défense nationale, qu'à titre personnel je vous demanderai d'adopter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 4 novembre 1997, la conférence des présidents à fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du budget des services du Premier ministre nous conduit à poser la question des missions du Secrétariat général de la défense nationale.
Organe permanent de conseil et d'exécution placé auprès du Premier ministre pour l'exercice de ses responsabilités interministérielles en matière de direction générale de la défense, le SGDN doit contribuer à l'élaboration de la politique générale de défense et garantir la continuité de l'action gouvernementale.
Depuis la réforme pionnière engagée en 1995, le SGDN s'est structuré autour de cinq grands pôles de compétence : défense et nation, affaires internationales et stratégiques, économie et défense, technologies et transferts sensibles.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, dresser un bilan de cette réforme au terme de deux années de fonctionnement et nous dire si le Secrétariat général de la défense nationale répond effectivement à ses missions de prospective, de recherche et de veille pour mener à bien son objectif d'élaboration de la politique générale de défense et de garantie de la continuité de l'action gouvernementale ?
Deux sujets me préoccupent : le terrorisme et ce que l'on appelle « l'intelligence économique ».
Aujourd'hui, les menaces sont certainement davantage à rechercher à l'intérieur de notre pays du fait du risque terroriste, qui est lui-même lié aux risques civils. En effet, le développement industriel conduit aux grandes concentrations des outils de production et au stockage de volumes considérables de produits chimiques. Ces produits représentent un danger permanent pour les populations, qui sont elles-mêmes largement rassemblées dans des cités, en général proches des lieux de production. On voit bien que la sécurité civile ne peut être séparée des menaces qui pèsent sur notre nation. Ne devrait-on pas davantage cultiver l'esprit de défense civile chez nos compatriotes et consacrer plus de moyens à la protection des populations ?
L'intelligence économique est un sujet majeur pour notre temps. La croissance économique est aujourd'hui possible, du fait non pas tant de la consommation intérieure, qui stagne globalement, que de nos exportations.
La compétition internationale se situe à un tel niveau que certains parlent de « guerre économique ». Sommes-nous suffisamment « armés » pour affronter les défis de la mondialisation ?
L'intelligence économique doit être au coeur de nos réflexions et au centre d'un plan d'action en faveur de nos entreprises et de nos hautes technologies. En observant ce qui se passe aujourd'hui, on peut conclure que la dispersion des moyens et des réflexions nous fragilise. La dispersion des actions se situe au niveau de l'Etat, les ministères travaillant chacun pour soi, mais aussi à l'échelon des grandes entreprises, les plus petites n'intégrant pas toujours cette notion dans leur démarche. Ne serait-il pas temps de mieux structurer ce domaine d'activité, d'en faire un instrument de notre volonté affichée de développement économique et technologique, un levier de « l'esprit de conquête » que réclame à juste titre M. le Président de la République ?
Au-delà du comité pour la sécurité et la compétitivité économique, n'est-il pas temps de créer un véritable service de l'intelligence économique avec une mission nationale et des missions régionales où tous les partenaires prendraient leur place : l'Etat bien sûr, à travers ses ministères qui parleraient d'une même voix, qui pratiqueraient effectivement le décloisonnement des informations, et les entreprises qui demeurent les acteurs de la création, de l'innovation, du développement ?
La France, grande nation économique, doit être renforcée et protégée pour qu'elle continue à prospérer. Elle mérite d'entrer dans le XXIe siècle avec les moyens et les armes qu'impose notre temps.
Enfin, mes chers collègues, vous me permettrez de saluer le travail effectué par le Secrétariat général de la défense nationale dans la préparation du traité sur l'interdiction des mines anti-personnel que la France s'honore de signer et de souhaiter que l'institut des hautes études de défense nationale rattaché désormais aux services du Premier ministre, mais sous tutelle du SGDN, continue de mener sa noble mission de rapprochement de la nation avec sa défense. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette intervention, je la fais au nom de mon collègue M. Loridant, qui a été appelé hors de l'hémicycle.
Il est des domaines dans la loi de finances qui font malheureusement l'objet d'un examen par trop rapide de la représentation nationale. Il en va ainsi du budget du Secrétariat général de la défense nationale, malgré l'importance de ses missions.
Le peu de temps dont je dispose me conduit à limiter mon intervention à deux domaines de compétences du Secrétariat général de la défense nationale.
En premier lieu, je souhaiterais une nouvelle fois attirer l'attention de mes collègues et du Gouvernement sur la question de l'intelligence économique. En effet, la défense économique est, vous le savez, l'une des missions dévolue au SGDN. Néanmoins notre pays souffre cruellement d'un retard dans la prise en compte de l'importance des phénomènes d'intelligence économique, et ce pour deux raisons essentiellement.
En premier lieu, la confrontation Est-Ouest a semé l'illusion d'un monde occidental pacifié. Or, mes chers collègues, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. La fin de la compétition économique et politique entre les deux blocs a ravivé la compétition entre les nations et les prétentions hégémoniques en Europe et dans le monde.
Nous sommes en guerre ! Une guerre feutrée, sans morts, sans luttes pour un territoire, je veux parler de la guerre économique qui s'appuiera de plus en plus sur la maîtrise de la collecte et du traitement de l'information.
Par ailleurs, nous vivons sur l'idée fausse que cette intelligence économique porte uniquement sur les secteurs de haute technologie alors qu'aujourd'hui la connaissance des marchés et des stratégies des entreprises est devenue fondamentale.
En second lieu, nous n'avons pas encore pris conscience des progrès fulgurants réalisés dans les méthodes de transmission, de traitement et de tri des informations.
La diffusion de plus en plus large des travaux des chercheurs du monde entier, notamment via Internet, la circulation de plus en plus rapide des données, la médiatisation des entreprises et de leurs dirigeants ouvrent au renseignement économique des possibilités inconnues voilà vingt ans à peine. Des pays comme le Japon ont bien intégré cette donnée. Ainsi, la dépense publique que ce pays consacre à la veille technologique est supérieure à 1 milliard de dollars par an et représente dans les entreprises en moyenne 1,5 % du chiffre d'affaires contre moins de 0,2 % en France.
Il est donc d'une grande urgence pour les Etats qui veulent préserver leur potentiel économique de venir en aide à leurs entreprises afin qu'elles puissent défendre leurs chances dans la compétition mondiale. Les Américains ne s'y sont pas trompés et ont su, sous l'administration Clinton, mettre en place le National Economical Council, le NEC, pour coordonner l'ensemble des actions de tous les départements ministériels dans le domaine économique à caractère stratégique. De ce point de vue, ils n'ont fait que copier le fameux MITI japonais, ministère de l'industrie et du commerce extérieur, au sein duquel de nombreux services s'occupent du renseignement économique et de la veille technologique dans plus de 80 pays.
Il me semble que le renseignement français n'occupe pas la place qui conviendrait dans le contexte actuel que j'ai décrit au début de mon intervention.
C'est pourquoi il me paraît extrêmement opportun que le secrétariat général de la défense nationale devienne le pivot national autour duquel serait menée à bien une réflexion globale sur l'intelligence économique, quitte à ce que, par la suite, il revienne à d'autres organismes la charge d'exercer un suivi de ce qui pourrait devenir une sorte de conseil national du renseignement, qui travaillerait en étroite collaboration avec les ministères du commerce extérieur et de l'industrie.
Le pays doit prendre conscience que la défense de la compétitivité et de l'emploi passe nécessairement aujourd'hui par une gestion stratégique de l'information. C'est une question de volonté politique qui passe par une réévaluation des moyens.
Enfin, je conclurai mon propos sur le devenir de l'Institut des hautes études de défense nationale, qui s'est vu doté d'un statut d'établissement public et donc d'une autonomie administrative.
L'Institut des hautes études de défense nationale reste l'une de nos rares institutions à cultiver l'esprit de défense et la rencontre entre les armées et la société civile.
La disparition de la conscription, que les membres du groupe communiste républicain et citoyen ont combattue, doit nécessairement nous conduire à repenser les missions de cet institut.
L'Institut des hautes études de défense nationale doit développer son ouverture sur la société, notamment accueillir nos jeunes concitoyens, afin de sensibiliser les générations futures de décideurs économiques et politiques aux questions de défense. Cela exige de lui attribuer les crédits nécessaires, à commencer par le maintien des dotations parlementaires.
Veillons à ne pas casser une institution hautement utile à la nation !
M. le président. La parole est à M. le sécretaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord remercier M. Michel Moreigne pour le rapport très complet et très précis qu'il a présenté sur un budget qui ne s'élève qu'à 119 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement et à 23 millions de francs en autorisations de programme. Toutefois, on vient de voir, par le débat qui s'est engagé, combien il était important et combien il soulevait au fond des problèmes de société qui dépassent sans doute sa stricte ampleur financière.
Je veux également rendre hommage au travail qui a été accompli par M. Jean Picq en vue de la réorganisation du secrétariat général de la défense nationale, travail entrepris en 1995 et qui se trouve maintenant bien avancé. La réorganisation du secrétariat général de la défense nationale a donné lieu au transfert de plusieurs responsabilités exercées par le SGDN et par d'autres ministères, principalement au ministère de la défense : je pense à celui du centre de transmission gouvernementale, dont le SGDN demeure l'autorité d'emploi, et à celui de la mission centrale de liaison avec les armées alliées.
Pour 1998, l'Institut des hautes études de défense nationale prend en charge la mission d'étude sur les enseignements de défense.
L'institut est devenu le 1er juillet 1997, vous le savez, un établissement public administratif, qui reste placé sous la tutelle du Premier ministre.
Il bénéficie maintenant d'une autonomie plus grande et de moyens clairement identifiés - vous aviez fait des réclamations en ce sens, et je pense qu'elles sont aujourd'hui satisfaites. Ces moyens vont lui permettre de mieux organiser ses activités et de mieux cerner ses coûts.
A compter du 1er juillet 1998, l'institut disposera d'un budget propre.
Après la mise en oeuvre de ces mesures, les effectifs du secrétariat général de la défense nationale en 1998 seront stabilisés à 214 agents.
A l'intérieur du budget du SGDN, les crédits concernant la coordination du renseignement sont maintenus.
A cet égard, j'ai bien noté les remarques formulées par plusieurs d'entre vous, notamment M. Vinçon et Mme Terrade.
Ces remarques me donnent l'occasion de signaler que le Gouvernement fait naturellement siens les objectifs décrits par M. Vinçon en matière de lutte contre le terrorisme et qu'il est comme lui convaincu de l'importance de l'armement de la nation dans ses fibres mêmes, d'où l'importance de la défense civile.
Mme Terrade et M. Vinçon ont également insisté à fort juste titre sur l'importance dans la guerre économique mondiale du renseignement économique et de la veille économique, mais aussi de la veille technologique sur les innovations de nos pays concurrents.
C'est une question qui touche à l'industrie et sur laquelle nous aurons peut-être l'occasion de revenir cette nuit, lors de la discussion du budget réservé à ce département.
En tout état de cause, je note avec un grand intérêt l'insistance que vous mettez à voir la France plus vigilante et plus active dans ces domaines.
Les crédits alloués au programme civil de défense s'élèveront à 17,7 millions de francs pour 1998. Je souscris totalement à l'avis de M. Vinçon d'éviter une dispersion de ces crédits et je partage son souci de voir se « réconcilier la nation avec sa défense », qui est un véritable objectif.
Ces crédits sont destinés à un nombre limité d'opérations qui correspondent à des impératifs gouvernementaux et qui ont un caractère totalement interministériel.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez posé une question sur le programme NATO-WIDE, qui est un système de transmission auquel la France a adhéré en 1997, si je ne me trompe.
La part de la France dans le financement de ce système est de 17 %. Les réductions de crédit, qui ont conduit à régler avec retard les cotisations dues par notre pays, ne se poursuivront pas, je l'espère. Nous envisageons, dès 1998, de combler une grande partie du retard.
Vous aurez donc satisfaction : la cotisation de la France va progressivement rattraper les engagements qui étaient les nôtres dans le programme NATO-WIDE qui concerne l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.
Comme vous l'avez souligné également, monsieur le rapporteur spécial, le secrétariat général de la défense nationale est maintenant recentré sur sa mission d'assistance du Premier ministre et de véritable secrétariat interministériel.
Les préoccupations de la défense sont par exemple partagées par le ministère de l'industrie.
L'intelligence économique touche à la capacité compétitive de l'économie et de l'industrie françaises. Il faut donc lui accorder une grande importance même si ce domaine n'est pas très connu du grand public ; Mme Terrade a eu raison de le souligner.
Les missions et les objectifs du SGDN sont maintenant mieux définis, mieux ciblés : ils sont, certes, en nombre restreint, mais l'organisation du SGDN est resserrée et plus efficace.
La réforme qui a été entreprise en 1995 et, je le répète, que le Gouvernement approuve, a déjà donné des résultats satisfaisants. Il nous reste à poursuivre dans la même voie.
Je remercie celles et ceux qui sont intervenus à cette tribune pour souligner l'importance qui doit être attachée aux travaux et aux missions du secrétariat général de la défense nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 16 098 640 francs. »