M. le président. Par amendement n° II-130 rectifié, M. Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 62 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le titre de reconnaissance de la nation est accordé aux militaires ayant un minimum de quatre-vingt-dix jours en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 2 juillet 1964. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Cet amendement vise les militaires restés en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 2 juillet 1964.
A cette heure, je ne vais évidemment pas me livrer à des rappels historiques. Nous savons néanmoins tous qu'entre le 2 juillet 1962 et le 2 juillet 1964 se sont produits en Algérie des troubles extrêmement importants ayant présenté à l'époque pour les militaires présents - le fait est indéniable - de très grands risques.
M. Emmanuel Hamel. Des drames atroces !
M. Robert Pagès. Or, ces militaires ne peuvent bénéficier de la carte de combattant, ce qui peut se comprendre.
L'amendement n° II-130 rectifié vise à leur accorder le Titre de reconnaissance de la nation. Bien entendu, ce n'est pas innocent, et chacun le sait bien. Il s'agirait pour les titulaires de ce titre de pouvoir devenir ressortissants de l'ONAC et de pouvoir ainsi accéder au fonds de solidarité, par exemple, s'ils sont demandeurs d'emploi, et ce dans les conditions que nous avons déterminées tout à l'heure.
Tel est le sens de l'amendement n° II-130 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La mesure proposée est généreuse, il faut le dire, et, de surcroît, elle n'est pas inintéressante !
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, me plaçant de votre point de vue, pour votre budget, qui est aussi notre budget, et considérant que la réduction des déficits publics est l'ambition de tous, il me paraît difficile d'alourdir davantage nos dépenses.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas que l'on tire de conclusions hâtives du fait que je suis du même avis que M. le rapporteur spécial de la commission des finances ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Commission dont vous futes un membre éminent !
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. Etre d'accord avec la commission des finances ? Pourquoi pas ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. En effet, mais, par là, j'entendais un rapprochement politique ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur Pagès, sur cette question, mon opinion n'est pas encore arrêtée.
Certes, il est des considérations financières qui ne sont pas négligeables. Vous avez vous-même évoqué les droits qui sont en effet attachés au Titre de reconnaissance de la nation, et ils ne sont pas sans incidences budgétaires. Je pense, notamment, au bénéfice de la retraite mutualiste, c'est-à-dire des cotisations en franchise d'impôt et, en plus, une bonification de l'Etat. Vous avez cité également la possibilité de bénéficier du fonds de solidarité.
Je crois en effet que toute personne mérite une attention particulière lorsqu'elle se trouve dans une situation sociale difficile et que le pays se doit de lui témoigner de la solidarité.
Cependant, sur le plan strictement budgétaire, je n'ai pas, aujourd'hui, les moyens d'accepter votre amendement.
Sur le plan des principes, maintenant, je m'interroge. On me dit que ce qui s'est passé en Algérie, de 1962 à 1964, est un peu comparable à ce que certains soldats ont vécu quand ils sont intervenus, soit au Tchad, soit au Liban, soit en Bosnie-Herzégovine.
Je dois dire que ma religion n'est pas encore faite sur ce sujet. Je consulte des historiens, j'essaie vraiment d'avancer sérieusement sur la question. En janvier, je rencontrerai les représentants du monde ancien combattant et des associations concernées afin que nous déterminions si les conditions sont vraiment réunies pour accorder le Titre de reconnaissance de la nation pour une présence de quatre-vingt-dix jours en Algérie entre 1962 et 1964. Je n'en suis pas encore convaincu.
Je précise que ceux qui sont intervenus en Bosnie-Herzégovine l'ont fait dans le cadre d'une force d'interposition, ce qui n'était pas, me semble-t-il, la situation des soldats présents en Algérie entre 1962 et 1964.
Parce que ma position définitive de principe, au-delà des questions budgétaires, n'est pas encore arrêtée et parce que je ne peux pas vous demander de retirer cet amendement - vous ne le feriez pas, et je le comprendrais - j'invoque, j'en suis désolé, l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-130 rectifié n'est pas recevable.
Article 62 quater