M. le président. Par amendement n° II-112, M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 58, un article additionnel ainsi rédigé :
« La réduction prévue à l'article 885-V bis du code général des impôts n'est pas applicable dans le cas où un contribuable fait l'objet d'un redressement pour lequel sa bonne foi a été écartée. »
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Nous pensons que, lorsqu'un contribuable assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune fait l'objet d'un redressement fiscal dans lequel sa bonne foi n'a pas été retenue, il doit perdre le bénéfice du plafonnement dont bénéficient l'ensemble des redevables.
Il s'agit d'une mesure d'équité envers les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu qui, depuis 1994, perdent le bénéfice de leur abattement de 20 % en cas de fraude.
Ce qui est actuellement appliqué pour l'impôt sur le revenu devrait être également appliqué en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, car on sait bien que la fraude peut exister sur cet impôt.
Certains pourront prétendre que les deux avantages ne peuvent se comparer : pour l'impôt sur le revenu, l'abattement de 20 % est accordé au titre de la transparence fiscale ; pour l'impôt de solidarité sur la fortune, le plafonnement vise à limiter le poids de cet impôt dans l'hypothèse où les revenus sont faibles.
Même si, effectivement, ces deux avantages n'ont pas le même objet, je ne vois pas pourquoi les contribuables en perdraient le bénéfice en cas de dissimulation de revenus, alors que le titulaire d'un très important patrimoine ne subirait pas une pénalité analogue pour un agissement comparable.
On sait notamment qu'il est difficile d'appréhender les redevables potentiels à l'ISF qui, quelquefois, sont à la limite de la légalité - mais je n'en dirai pas plus car la presse s'en fait l'écho actuellement - et qui ont toujours dissimulé leur fortune en ne faisant pas de déclaration au fisc. Il serait bon, me semble-t-il, de prévoir des dispositions permettant de les décourager de continuer à agir ainsi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a considéré que le redressement fiscal comportait des sanctions très précisément définies par les textes. Elle n'a pas estimé qu'il convenait d'en modifier le contenu en prenant les dispositions les unes après les autres. C'est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'amendement présenté par M. Sergent est, si je puis dire, prématuré, puisque l'idée est de supprimer les effets du plafonnement pour les redevables ayant fait l'objet de redressements assortis de pénalités exclusives de bonne foi.
Cet amendement est prématuré parce que, animé par le même souci d'équité, le Gouvernement entend bien, durant l'année à venir, engager avec les parlementaires qui le souhaitent une réflexion d'ensemble sur la fiscalité du patrimoine, la question du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune faisant évidemment l'objet de cette réflexion.
Nous pourrons débattre de cette question à cette occasion, monsieur Sergent. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Sergent, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Sergent. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-112 est retiré.
Par amendement n° II-113, M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 58, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du c de l'article 44 septies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Cette exonération est accordée sur agrément du ministre chargé du budget. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Les sociétés créées afin de reprendre une entreprise industrielle en difficulté sont exonérées d'impôt sur les sociétés jusqu'au terme du vingt-troisième mois qui suit leur création.
On sait que, dans des cas non négligeables, ces entreprises sont faussement liquidées pour permettre, par le biais de prête-noms, une reprise de leur activité sous une forme nouvelle de manière à échapper à l'impôt.
Actuellement, les dispositions de l'article 44 septies prévoient, notamment si une procédure judiciaire n'est pas mise en oeuvre, que cette exonération peut être accordée sur agrément du ministre chargé du budget.
Il nous semble que cette possibilité doit être rendue obligatoire, dans la mesure où il est parfois difficile à l'administration des impôts de déterminer spontanément les cas où il y a une fausse mise en liquidation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Les liquidations font l'objet d'un examen et d'une décision d'une juridiction. La commission des finances n'a pas à imaginer que les juridictions peuvent se rendre complices des maquillages décrits par les auteurs de l'amendement, qui font valoir que de nombreuses entreprises se mettraient volontairement en liquidation pour bénéficier de l'exonération de l'impôt sur les sociétés, et cela, en quelque sorte, avec l'accord des juridictions qui statuent.
Cela est apparu quelque peu invraisemblable à la commission des finances, c'est pourquoi elle a émis un avis défavorable, d'autant que l'agrément du ministre chargé du budget est notamment prévu quand il n'y a pas de procédure de redressement judiciaire, et donc justement quand il n'y a pas de juridiction statuant sur la réalité de la mise en liquidation de l'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-113.
Tout d'abord, cet amendement a pour effet d'exclure du dispositif les reprises de branches complètes d'activités d'une société en redressement judiciaire ainsi que celles d'entreprises en difficulté qui ne sont pas en redressement judiciaire. Cette proposition pourrait contrarier les reprises de telles activités, lesquelles sont fréquemment celles qui peuvent le moins mal préserver l'emploi, ce qui est, pour vous comme pour nous, une priorité.
Ensuite, il ne me semble pas opportun de mettre en place une procédure d'agrément lorsque l'entreprise fait l'objet d'une cession dans le cadre d'un redressement judiciaire.
Monsieur le sénateur, vous soulignez la possibilité de détournement du dispositif, mais il semble que cette possibilité soit limitée, d'abord, du fait de l'interdiction faite aux anciens exploitants ou aux associés de participer au capital de la société créée pour la reprise, ensuite parce que les abus éventuels relèvent, sur le plan judiciaire, de sanctions pénales, et, sur le plan fiscal, de la procédure de répression des abus de droit.
Cela dit, si des cas particuliers étaient portés à ma connaissance, je ne manquerais pas d'examiner les conséquences qui devraient en être tirées. Ce sera fait au cas par cas. Si vraiment, ces exemples étaient aussi nombreux que vous le dites, nous en tirerions les conséquences sur le plan législatif.
Dans l'attente de cette vérification, je vous suggère de retirer cet amendement n° II-113, monsieur Angels.
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est la procédure de l'abus de droit !
M. le président. Monsieur Angels, l'amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Angels. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-113 est retiré.
Par amendement n° II-114, M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 58, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les majorations visées au dernier alinéa du 3 de l'article 1728, ainsi que celles visées aux articles 1729 et 1730 du code général des impôts ne font pas l'objet de remise de la part de l'administration. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Trop de redressements font l'objet aujourd'hui de remises de la part de l'administration fiscale.
Il est ici proposé que, dans les cas de refus de souscription de déclaration alors même qu'une deuxième mise en demeure a été notifiée par l'administration, dans les cas où la mauvaise foi du contribuable a été établie ou en cas de manoeuvre frauduleuse ou d'abus de droit, ainsi que dans les cas relevant de l'évaluation d'office, c'est-à-dire dans tous les cas pouvant être considérés comme des cas de fraude avérée, il soit rendu impossible de diminuer les majorations prévues en la matière. En effet, à quoi sert un arsenal législatif, en matière de pénalité, si c'est pour ne pas l'appliquer dans la pratique ?
Il s'agit de faire en sorte que les dispositions en matière de lutte contre la fraude puissent, en étant appliquées, être dissuasives. Elles auront moins de chance de l'être si les fraudeurs savent qu'ils ont toutes les chances de voir les pénalités réduites !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a estimé que le livre des procédures fiscales fixe très précisément les conditions dans lesquelles l'administration fiscale est autorisée à faire des remises.
Il ne lui paraît donc pas opportun de retirer à l'administration cette marge utile d'appréciation.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des finances est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un fait que l'article L. 247 du livre des procédures pénales autorise les services fiscaux à remettre ou à transiger en matière de pénalité sans distinguer selon la nature ou la gravité des manquements sanctionnés.
Cette possibilité présente une utilité certaine tant pour l'Etat que pour les contribuables. L'administration fiscale peut, en effet, prévenir d'éventuels contentieux et assurer un recouvrement plus rapide des sommes qui ont été maintenues.
Elle peut aussi effectuer des remises en fonction du comportement spécifique du contribuable, en distinguant s'il s'agit d'une première infraction, s'il y a eu absence de nouvelles infractions entre la demande de remise et la notification de redressement.
Cette faculté permet, enfin, de tenir compte de la situation financière du contribuable.
Je voudrais rassurer les auteurs de l'amendement en leur indiquant - mais ils le savent probablement - que les transactions qui portent sur des sommes supérieures à 1,1 million de francs sont soumises à l'avis préablable d'un comité composé de conseillers d'Etat, de conseillers de la Cour de cassation et de conseillers maîtres à la Cour des comptes.
Toutes les garanties sont donc prises pour que l'Etat n'abuse pas de cette faculté. C'est pourquoi je vous suggère, monsieur Angels, de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Angels, l'amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Angels. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-114 est retiré.
Par amendement n° II-135, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 58, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement revient sur l'une de nos positions fondamentales concernant la nécessaire lutte contre la fraude fiscale.
Nous sommes en effet attachés - nous ne sommes pas les seuls - au développement de l'action contre la fraude fiscale pour quelques raisons de fond.
La première est que la justice fiscale commence quand chaque contribuable, quel que soit l'impôt auquel il est assujetti, assume la part de sa contribution aux charges publiques.
La seconde, tout aussi fondamentale, consiste à appréhender la question de la fraude fiscale comme un obstacle essentiel à la réduction du poids relatif des impôts, dans le revenu des ménages comme des entreprises.
On disposerait sans doute de marges de réduction des prélèvements obligatoires s'il existait, vis-à-vis de l'impôt, un véritable comportement citoyen.
Force est de constater, à cet égard, que la nature de la fraude fiscale n'a, de façon générale, que peu de rapport avec le poids respectif de nos différents impôts.
En matière d'impôt sur le revenu, alors que les salaires, traitements, pensions et retraites constituent la grande majorité des éléments d'assiette, c'est sur les autres revenus que portent le plus souvent les redressements.
Comment également ne pas souligner la persistance d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, particulièrement préoccupante, et qui tend à se développer, d'autant que le taux normal de cette taxe est, à notre sens, trop élevé ?
Comment ne pas souligner également la fraude dont l'impôt sur les sociétés est l'objet, alors que son rendement est largement bridé par des dispositions correctrices d'un coût élevé pour le budget de l'Etat ?
Nous souhaitons donc - et c'est le sens de notre amendement - que le présent projet de loi marque une évolution en matière de lutte contre la fraude fiscale en allongeant le délai de reprise des droits omis d'une année supplémentaire, ce qui pourra, dans les faits, nous semble-t-il, favoriser des rentrées fiscales complémentaires et valider l'action nécessaire des services de recouvrement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances souhaite qu'en cas de découverte d'une activité occulte le délai de reprise soit étendu jusqu'à la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
Il lui a semblé que le dispositif était donc complet et qu'il ne méritait pas de modification.
En conséquence, elle est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, le délai de reprise a été ramené de quatre ans à trois ans en 1986, et cela avec un double but : d'une part, faciliter l'acceptation des contrôles par les contribuables et, d'autre part - et c'est important pour l'Etat -, améliorer le recouvrement effectif des sommes rappelées. Cette mesure a permis de maintenir la fréquence des interventions de l'administration et d'accentuer l'approfondissement de ses investigations.
Un allongement du délai risquerait de remettre en cause un équilibre qui conditionne la qualité du contrôle.
De plus, comme l'a dit M. le rapporteur général, la loi de finances pour 1997 prévoit de porter le délai de reprise à six ans dans l'hypothèse où l'activité est exercée de manière occulte. Mais la loi prévoit aussi que le délai de reprise peut dépasser trois ans dans les cas les plus graves, notamment en cas de dépôt de plainte pour fraude fiscale ou lorsqu'une instance devant les tribunaux révèle une fraude.
Madame le sénateur, le délai de trois ans pour les cas ordinaires et le délai de six ans pour les cas aggravés constituent donc une bonne disposition. Aussi je vous suggère de retirer votre amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-135, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 59