M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Les habitants de la région Poitou-Charentes, notamment ceux du département de la Charente, ont été très sensibles à l'engagement du Gouvernement en faveur de la route nationale 10, qui constitue également, il faut le rappeler, l'axe européen E 606.
Cependant, ils trouvent inacceptable que son intérêt pour cette nationale se limite au tronçon situé au sud de Bordeaux, dans le département des Landes, là où la RN 10 comporte déjà deux fois deux voies. Même s'il faut reconnaître que des améliorations importantes restent encore à réaliser, l'annonce d'un crédit de 100 millions de francs supplémentaires en faveur du département des Landes les a scandalisés, toutes sensibilités politiques confondues.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est vrai !
M. Philippe Arnaud. La RN 10 traverse le département de la Charente sur 102 kilomètres de son parcours, assurant un trafic moyen de 20 000 véhicules par jour avec des pointes à 30 000, dont 35 % de poids lourds, ce qui correspond à 6 000 poids lourds par jour, chiffre deux fois supérieur au trafic drainé par l'autoroute A 10. Une très forte proportion de ces poids lourds provient de la péninsule ibérique ou de l'Europe du Nord.
Or, sur les 194 kilomètres séparant Poitiers de Bordeaux, 72 kilomètres, dont la presque totalité sont situés en Charente, sont encore soit à deux voies, soit à trois voies. Il n'est donc pas étonnant que ce soit sur son parcours charentais que la RN 10 est la plus meurtrière.
Comme la dangerosité ne se mesure pas à l'aune des rapports politiques, du moins en République, je me permets d'attirer à nouveau l'attention du Gouvernement sur les éléments suivants : les poids lourds sont impliqués dans 38 % des accidents survenant sur la RN 10 en Charente, contre 10 % pour le reste de la France ; le taux de gravité 1, qui mesure le nombre de tués pour 100 accidents, est trois fois supérieur à celui qui est constaté pour l'ensemble des routes nationales, et de 10 % supérieur à celui de la RN 10 dans la traversée des Landes ; il en va de même pour le taux 2, qui tient compte des tués et des blessés graves, avec un triste record au sud d'Angoulême.
Cette triste et pénible comptabilité permet de montrer ce que nous vivons au quotidien sur le territoire charentais.
Sur les tronçons à deux fois deux voies traversant les Landes, les accidents sont dus, pour l'essentiel, à l'imprudence et à la perte de contrôle du véhicule par l'automobiliste. En Charente, c'est la route qui tue.
Après complète exécution du XIe plan, il reste 1,3 milliard de francs à investir en Charente sur la RN 10, c'est-à-dire que, au rythme actuel, la réalisation des travaux nécessitera cinq nouveaux plans, soit vingt-cinq ans ! Cette échéance est tout simplement inacceptable !
Le conseil régional de Poitou-Charentes est prêt à mettre 500 millions de francs sur la table. L'Etat est-il prêt à s'engager, hors plan, en mobilisant des crédits nationaux et européens pour régler une bonne fois pour toutes ce dossier douloureux et récurrent de la route nationale 10 en Charente ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot, qui représente aujourd'hui la France au Conseil des ministres européens des transports, m'a demandé de répondre à sa place à votre question.
Je puis vous assurer en son nom, monsieur le sénateur, que la sécurité routière est l'une des préoccupations essentielles du Gouvernement. La France est encore aujourd'hui, avec plus de 8 000 morts sur ses routes par an, mal classée sur le plan européen, loin derrière le Royaume-Uni ou les pays du nord de l'Europe. Cette situation intolérable justifie que nous réagissions avec vigueur.
C'est pourquoi, à l'issue de la dernière réunion du comité interministériel sur la sécurité routière, le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire de moitié en cinq ans le nombre des morts sur nos routes et dans nos rues, en développant notamment l'éducation et la prévention routières.
Aujourd'hui, les accidents de la route sont la première cause de mortalité des moins de vingt-quatre ans et on peut relever qu'ils ont lieu pour l'essentiel à proximité du domicile, sur des itinéraires familiers.
Si l'action gouvernementale et celle des services de l'Etat sur le terrain doivent porter prioritairement sur l'éducation, la prévention et la régulation, des efforts sont à faire pour résorber des « points noirs », en ville et en rase campagne. Malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement a également décidé, sur proposition de M. Gayssot, de redéployer des crédits sur deux sections particulièrement dangereuses de la route nationale 7, sur une section de la route nationale 10 et pour l'accélération de la résorption des passages à niveaux.
Monsieur le sénateur, votre propos ayant été très dur, je me permettrai de vous rappeler que le gouvernement au nom duquel je m'exprime en remplacement de M. Gayssot n'a que six mois d'existence. Il ne peut donc, à lui seul, porter la responsabilité de la situation que vous avez décrite.
Notamment, cette situation ne pouvait être méconnue lors de l'élaboration du contrat de plan en cours, lequel intègre, bien évidemment, le caractère « accidentogène » de certaines sections de routes.
Les retards accumulés ces dernières années dans la réalisation des volets routiers des contrats de plan Etat-régions sont considérables. Mais c'est M. Alain Juppé lui-même, alors Premier ministre - je le dis sans esprit polémique - qui avait annoncé que les volets routiers de ces programmes seraient réalisés au minimum en six ans, peut-être même en sept ans, alors qu'ils étaient prévus initialement sur cinq ans.
M. Jean-Pierre Raffarin. Sauf pour la RN 10 !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Pour résorber les « points noirs », il faut donc mobiliser les financements. J'ai bien noté, monsieur Arnaud, et j'en ferai part à M. Gayssot, que le conseil régional de Poitou-Charentes est prêt à engager 500 millions de francs pour la RN 10. (Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin. A condition qu'on les réalise !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Il n'est pas exact, monsieur le sénateur, d'affirmer que l'Etat se désintéresse de la RN 10 au nord de Bordeaux.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous prie de conclure.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Plus de 690 millions de francs sont en effet consacrés à la RN 10 entre Bordeaux et Poitiers, dont plus de 480 millions de francs dans la région Poitou-Charentes. C'est sans doute insuffisant, mais permettez-moi de vous donner cette précision, puisque votre question pouvait laisser penser que la situation était alarmante.
Le Gouvernement, dans cette affaire, veut non pas opposer les Charentais et les Landais, mais travailler à satisfaire l'intérêt général. Le Gouvernement est décidé à poursuivre les efforts nécessaires sur l'ensemble du tracé de la RN 10.
Une enquête publique se déroule actuellement sur la section au sud d'Angoulême, comprenant notamment la déviation de Roullet, afin de déclarer d'utilité publique les derniers travaux d'aménagement à deux fois deux voies et de mise en conformité géométrique et environnementale.
Une enquête similaire pour les sections situées au nord d'Angoulême, comprenant notamment la déviation des Chauvauds et l'échangeur de Translemaine - RN 10/RN 141 - sera lancée d'ici à la fin de l'année.
Voici, monsieur le sénateur, les éléments de réponse dans lesquels je souhaite que vous puissiez trouver le témoignage que le Gouvernement partage l'attention que vous portez à cette route nationale en effet répertoriée comme axe européen. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
INQUIÉTUDES DES AGRICULTEURS
FACE À LA POLITIQUE EUROPÉENNE