LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1997
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances
rectificative pour 1997 (n° 156, 1997-1998), adopté par l'Assemblée
nationale.
[Rapport n° 168 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, préparé à
l'automne, ce projet de loi de finances rectificative traduit l'effet paradoxal
de deux gestions successives : cinq mois d'exécution du budget par le
gouvernement Juppé ; environ la même durée par le Gouvernement Jospin.
Le résultat, dont s'alarmaient volontiers, l'été dernier, le présent
Gouvernement et la nouvelle majorité se révèle être, comme le souligne lui-même
le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, «
une réduction sans précédent par son ampleur du déficit général du budget de
l'Etat », soit 14 milliards de francs.
Je formulerai cependant deux remarques à propos de l'expression « sans
précédent ».
Le dernier précédent de ce type remonte aux exercices budgétaires 1986, 1987
et 1988, les budgets ayant été exécutés ou préparés, faut-il le rappeler, sous
l'autorité du ministre du budget de l'époque, M. Alain Juppé.
Le résultat est en effet sans précédent au sens où il est difficile de voir
mises en oeuvre, au cours d'un même exercice budgétaire, deux politiques aussi
diamétralement opposées une réduction volontariste des dépenses marquée par un
gel des crédits au mois de mars, nous y reviendrons ; une augmentation des
impôts décidée, par le nouveau Gouvernement, dès sa prise de fonction.
Afin de bien appréhender le contraste, examinons les chiffres et la
chronologie.
En mars 1997, sont gelés 9,9 milliards de francs de crédits, ainsi que 7,2
milliards de francs en autorisations de programme.
En juillet 1997, le nouveau Gouvernement utilise immédiatement la totalité des
crédits gelés pour financer autant de dépenses nouvelles.
En octobre 1997, 2,9 milliards de francs de crédits supplémentaires sont
ouverts. Leur financement a, cette fois, été trouvé dans le budget de la
défense - 1,6 milliard de francs d'annulations - et à partir d'économies de
constatation.
En novembre 1997, les annulations de dépenses s'élèvent, cette fois, à 20,74
milliards de francs. Mais elles ne sont en rien comparables à celles qui ont
été opérées en mars 1997 et ne relèvent en rien d'une véritable politique de
rigueur dans les dépenses.
De quoi s'agit-il, en effet ?
Il s'agit, premièrement, d'une nouvelle réduction des dépenses militaires de
1,8 milliard de francs, qui nous éloigne encore un peu plus du respect de la
loi de programmation votée, voilà un an, par le Parlement.
Il s'agit, deuxièmement, d'une considérable économie de constatation sur la
charge brute de la dette publique - 0,3 milliard de francs - rendue possible
par la baisse des taux d'intérêt résultant de la politique courageuse du
précédent gouvernement.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il n'arrive pas à
le dire sans rire !
M. Claude Estier.
Il en rit lui-même !
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Je le dis parce que cela doit être su en France et
que l'on ne peut pas du jour au lendemain, au motif que l'on vient d'être nommé
au Gouvernement, faire des miracles.
M. Jean Chérioux.
Sauf les socialistes. Et ils le croient !
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Inévitablement, on perçoit ce qu'il y a de négatif
dans un héritage, mais il faut aussi récolter les fruits positifs.
Il s'agit, troisièmement, d'une non moins considérable économie de
constatation - 5 milliards de francs - sur les crédits alloués initialement au
fonds national pour l'emploi ; on me permettra de relever au passage que cela
relativise la portée des critiques émises à l'endroit du Sénat, il y a deux
semaines, lors de la réduction des crédits du ministère de Mme Aubry.
M. Philippe Marini.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Le reste, soit 3,8 milliards de francs, se répartit,
pour l'essentiel, entre d'autres économies de constatation : 570 millions de
francs annulés sur la subvention du budget général au BAPSA ; 776 millions de
francs d'annulations diverses sur le budget des charges communes, correspondant
à des crédits devenus sans objet ou « surprovisionnés » ; 372 millions de
francs sur le budget de la mer, correspondant à l'ajustement de la subvention
versée à l'Etablissement national des invalides de la marine.
Au total, à l'exception des crédits militaires, il n'aura été procédé
pratiquement qu'à des économies de constatation. Il n'est, dès lors, pas
justifié de parler de « rigueur renforcée ».
En revanche, il apparaît clairement qu'il existe une certaine marge de
surévaluation des besoins en loi de finances initiale, surévaluation qui
justifie bien, s'il en était besoin, les réductions opérées par le Sénat lors
de la discussion budgétaire qui vient de s'achever.
Face à ces économies de constatation, quelles sont les dépenses nouvelles que
le Gouvernement nous propose aujourd'hui de financer ? Il s'agit d'un peu plus
de 17 milliards de francs de dépenses dites « inéluctables », pour l'essentiel
sur le poste « remboursements et dégrèvements ».
A ce propos, le Gouvernement dénonce à l'envi des mesures non financées, telle
que la prime automobile, pour 470 millions de francs. Faut-il, sur ce point,
rappeler que leur financement était largement assuré par les gels de crédits
opérés en mars ? Faut-il, au surplus, rappeler que ces « mesures non financées
» sont sans commune mesure avec les constatations faites lors de la précédente
alternance ?
Souvenons-nous !
La commission Raynaud, en juin 1993, avait évalué à 54,5 milliards de francs
le montant des dépenses non provisionnées en loi de finances initiale, alors
qu'on nous reproche aujourd'hui 500 millions de francs non financés.
En 1992, les dépenses nettes du budget général ont dérapé de 104 milliards de
francs entre les montants aui avaient été inscrits en loi de finances initiale
et ceux qui furent constatés en loi de règlement.
C'est en 1997 que, pour la première fois, la loi de finances initiale a
procédé à un calibrage réaliste des crédits du revenu minimum d'insertion et de
l'allocation aux adultes handicapés, après tant d'années où des dérives de
plusieurs milliards de francs avaient été constatées.
Vraiment, lorsque l'on compare la situation des finances publiques à
l'occasion des deux dernières alternances, 1993 et 1997, le résultat honore le
gouvernement de M. Juppé !
J'aurais pu gloser sur quelques dépenses nouvelles qu'il nous est demandé
d'approuver, alors qu'elles sont liées à des décisions propres à l'actuel
gouvernement et que leur caractère
ad hominem
transparaît. Mais
restons-en à l'essentiel !
Ce qui est évident aujourd'hui, mes chers collègues, c'est que les dépenses
dites « inéluctables » sont, en définitive, sensiblement inférieures à celles
que pouvaient craindre MM. Bonnet et Nasse. Il est non moins patent que les
économies de constatation qui sont engrangées par le nouveau gouvernement
s'avèrent nettement supérieures aux prévisions, grâce aux annulations rendues
possibles sur la charge de la dette et sur l'emploi. On peut penser que ces
bonnes nouvelles n'ont pas été révélées aux ministres en exercice avant la
dissolution.
S'agissant de l'évaluation des recettes, la prétendue « erreur » est du même
ordre, en sens inverse ; les « pertes » de recettes atteignent en définitive
13,5 milliards de francs, contre les 15 milliards à 17 milliards annoncés dans
l'audit.
Face à ces chiffres, on ne peut que s'interroger sur ce qui a conduit le
Gouvernement à majorer de 24 milliards de francs les prélèvements sur les
entreprises, prenant le risque de compromettre la relance de l'investissement,
et donc de l'emploi.
En fait, vous n'avez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
tenu que peu compte des recommandations de l'audit que vous avez pourtant si
abondamment cité depuis sa publication. En effet, celui-ci vous recommandait
notamment :
« Pourtant, agir sur la dépense est le seul moyen de réduire les déficits,
comme la France s'y est engagée, sans accroître des prélèvements obligatoires
déjà très lourds. Ce résultat ne pourra donc être obtenu que par des actions de
fond...
« Enfin, certaines questions très délicates, telles que l'avenir des régimes
de retraites publiques, ne pourront pas être indéfiniment éludées, même si
elles ne peuvent être abordées qu'avec précaution. La compatibilité durable du
maintien d'un certain rôle régulateur et protecteur de l'Etat avec un niveau de
prélèvements obligatoires ne pénalisant pas notre économie par rapport à celle
de nos grands concurrents est à ce prix. »
Loin de réduire les dépenses, vous les augmentez. Et vous augmentez les
prélèvements davantage encore. Il n'est, dès lors, pas très étonnant que le
déficit soit amélioré ! Toutefois, si le déficit est amélioré, la gestion des
comptes publics, elle, ne l'est pas !
De fait, si le solde du budget de l'Etat est amélioré, c'est bien pour couvrir
la dégradation des comptes des régimes sociaux. Or il est tout à fait anormal,
et économiquement dangereux, que le relèvement supplémentaire du taux de
l'impôt sur les sociétés vienne servir
in fine
, pour près de la moitié
du produit attendu, à compenser les déficits des régimes sociaux. Ce n'est ni
sain ni responsabilisant pour ces régimes.
Voilà donc, mes chers collègues, comment s'explique cet ajustement sans
précédent sur le déficit de l'Etat : de courageuses mesures de réduction de
dépenses prises par le précédent gouvernement, d'importantes économies de fin
d'exercice permises par la prudence des prévisions faites en matière d'emploi
et des taux d'intérêt, et puis, au mois d'octobre, un prélèvement massif sur
les ressources des entreprises.
Il reste que nous devons rester très vigilants pour l'avenir. En effet, si
nous parvenons péniblement ainsi à respecter les critères de Maastricht, nous
restons les avant-derniers de la classe européenne, juste avant la Grèce !
C'est pourquoi je souhaite, avant de conclure, formuler à nouveau devant vous,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, plusieurs propositions
faites par la commission des finances du Sénat et qui permettraient au
Parlement de mieux exercer son rôle de contrôle des finances publiques et du
fonctionnement de l'Etat. Comme vous le savez, le Sénat ne se lasse jamais
d'être constructif !
Première proposition : institutionnaliser une distinction entre
l'investissement et le fonctionnement, même si, comme vous l'avez relevé devant
la commission, monsieur le ministre, la ligne de partage peut apparaître
parfois conventionnelle.
Il n'est plus tolérable que nous financions une partie de nos dépenses
courantes par l'emprunt, en renvoyant ainsi la facture de nos consommations
d'aujourd'hui à nos enfants. Cette atteinte inadmissible aux droits des
générations futures nous conduit à appeler à l'interdiction de tout financement
du fonctionnement par l'emprunt.
Deuxième proposition : certifier les méthodes comptables.
L'évolution rapide des phénomènes économiques ne permet plus de comparer des
projets de lois de finances à structure constante. Cette instabilité inévitable
doit être corrigée, par exemple par la présentation au Parlement, sous le
contrôle de la Cour des comptes, d'une annexe au projet de loi de finances
retraçant les principales modifications de présentation comptable.
Troisième proposition : accélérer la mise en oeuvre de la comptabilité
patrimoniale.
L'appréciation de la fidélité des documents budgétaires implique une
amélioration de la comptabilité patrimoniale de l'Etat. En effet, les
déclassements d'opérations budgétaires en opérations de trésorerie, la mise en
jeu de la responsabilité pécuniaire de l'Etat et les systèmes de vases
communicants entre le budget général et les comptes des entreprises publiques
ne sont finalement retranscrits que dans le compte de la dette, et non pas dans
les lois de finances. Les pertes en capital n'apparaissent pas, non plus que
les charges de retraite non provisionnées.
Quatrième proposition : moderniser les procédures de régulation budgétaire.
A cet égard, deux pistes méritent d'être explorées : la Cour des comptes
pourrait être saisie pour avis du projet de loi de finances, à l'instar du
Conseil d'Etat, et porter un jugement sur l'adéquation du niveau des dotations
inscrites ; les commissions des finances devraient être informées en temps réel
de toutes les régulations mises en oeuvre.
Cinquième et dernière proposition : fixer un nouveau rendez-vous budgétaire ;
vous avez d'ailleurs évoqué, monsieur le ministre, cette possibilité lors de
l'ouverture de la discussion budgétaire.
Les grandes entreprises arrêtent des comptes semestriels. L'Etat ne s'impose
pas cette discipline. Il convient donc que le Parlement soit saisi en fin de
premier semestre d'un état commenté de l'exécution des comptes publics -
analogue au travail commandé cette année à MM. Bonnet et Nasse -, dont
l'élaboration pourrait être confiée à la Cour dans l'esprit de l'article 47 de
la Constitution. Un jugement politique pourrait alors être porté sur la
pertinence de l'exécution du budget et de la loi de financement de la sécurité
sociale.
Ces cinq propositions visent à rétablir un équilibre indispensable à la
démocratie et à rendre au Parlement sa mission première : le consentement à
l'impôt et le contrôle de la dépense.
Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de quelques
modifications et d'observations solennelles que je serai amené à présenter au
nom de la commission des finances, celle-ci vous proposera, mes chers
collègues, d'adopter ce projet de loi de finances rectificative, qui aurait
fortement gagné, à nos yeux, à rester plus fidèle à la loi de finances initiale
pour 1997.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
De prime abord, nous devrions, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, oublier nos différences de sensibilité
politique et nous unir en un vaste élan d'unanimité républicaine...
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Très bien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... pour vous féliciter de nous
présenter un projet de loi de finances rectificative qui réduit de 14 milliards
de francs le déficit budgétaire.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
C'est un beau compliment !
M. Hubert Haenel.
Mais...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Attendez la suite !
(Sourires.)
M. Claude Estier.
Il y a forcément un mais !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Je vois que vous êtes bien
informé, monsieur Estier !
(Nouveaux sourires.)
Cette réduction, qui compense la dérive des comptes sociaux, maintient
notre déficit public, au sens maastrichien du terme, à 3,1 % du PIB et devrait
permettre à la France de se qualifier pour l'euro.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il y avait un bon
début !
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Malheureusement, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons céder à la tentation
d'un grand mouvement de réconciliation national autour du berceau de
l'euro,...
(C'est dommage ! sur les travées socialistes.)
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Le mot est beau !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... qui constitue notre nouvelle
frontière et notre avenir.
Certes, je ne doute pas de la volonté du Gouvernement de réaliser l'euro. Mais
je considère que sa politique ne permettra pas à la France de tirer parti de
tous les avantages que la monnaie européenne pourrait apporter à notre
économie.
Réaliser l'euro, c'est bien, réussir la monnaie européenne, c'est mieux.
Or tout se passe comme si l'objectif de la participation de la France au
premier train des pays membres de l'union économique et monétaire constituait,
pour le Gouvernement, une foi en soi, dont la réalisation permettrait de faire
l'économie d'une réflexion sur les conséquences de l'après-euro.
Pourtant, nous le savons tous, au sein du futur espace monétaire européen, la
mobilité des facteurs de production ne connaîtra plus d'entraves : la
concurrence entre les pays membres pour attirer ces facteurs de production de
richesses se déplacera du terrain monétaire, puisque les dévaluations dites «
compétitives » ne seront plus possibles, vers sur le front de la compétition
fiscale, de la comparaison des charges sociales et, en définitive, de la
confrontation du coût du travail.
Or nous savons tous que, dans ces domaines, la France ne brille pas, hélas !
par sa compétitivité. Telle est d'ailleurs la conclusion d'une étude que la
commission des finances du Sénat a commandée à un institut de prévision.
C'est à l'aune de l'ardente obligation pour notre pays de se préparer au choc
de l'euro que je voudrais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
porter un jugement, certes rapide, sur le collectif budgétaire que vous
soumettez à notre appréciation et, au-delà de ce texte, sur la politique
conduite par le Gouvernement.
En effet, même si le Gouvernement parvient à conférer un supplément d'âme à la
construction européenne, à lui donner un visage plus social et à faire
prévaloir les objectifs de Luxembourg sur les critères de Maastricht, la France
ne pourra se dispenser, au risque de manquer son rendez-vous avec l'histoire,
de s'astreindre à un effort de compétitivité fiscale et sociale.
Or il m'apparaît, en premier lieu, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, que les moyens utilisés par le Gouvernement pour réduire le
déficit budgétaire, afin de compenser la dérive des comptes sociaux, ne
sauraient recueillir l'assentiment de la majorité de la commission des finances
du Sénat. En effet, ce résultat est obtenu non pas comme il devrait l'être,
c'est-à-dire par une réelle maîtrise des dépenses publiques, mais par la
solution de facilité que constitue le recours à l'impôt.
C'est ainsi que l'alourdissement de la fiscalité sur les entreprises vous a
rapporté 24 milliards de francs de recettes supplémentaires, qui vous ont
permis, d'une part, de financer des dépenses supplémentaires et, d'autre part,
de réduire le déficit budgétaire. Je n'insisterai pas sur ce point que M. le
rapporteur général a excellemment analysé, avec la compétence que nous lui
reconnaissons tous.
Je sais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez
me rétorquer que l'effort supplémentaire demandé aux entreprises n'a pas
aggravé le niveau global des prélèvements obligatoires puisque ces recettes
nouvelles se seraient substituées aux moins-values fiscales constatées en
1997.
Cependant, vous savez comme moi qu'une telle réponse n'est que partiellement
exacte, car le surcroît d'impôt exigé des entreprises, soit 24 milliards de
francs, excède largement les pertes de recettes fiscales, que vous estimez
vous-même à un peu plus de 15 milliards de francs.
Vous avez donc choisi d'accroître les prélèvements obligatoires, alors qu'avec
un niveau quasi confiscatoire de 46 % du produit intérieur brut ces ponctions
étouffent l'initiative privée, démotivent les forces vives de la nation et
poussent nos cadres à l'exil.
En deuxième lieu, je déplore, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, que le collectif budgétaire se borne, dans une large mesure, à
entériner des annulations de crédits permises par le gel opéré, en mars 1997,
par le gouvernement précédent, ou à ratifier des économies de constatation,
sans procéder à de véritables remises en cause des dépenses civiles, opération
qu'il vous faudra, tôt ou tard, réaliser.
Là encore, nous ne pouvons vous rejoindre, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat. Nous sommes en effet convaincus - vous avez pu mesurer notre
degré de détermination lors de la première lecture du projet de loi de finances
pour 1998 - que la source des maux dont souffre notre pays réside dans le
caractère excessif de nos dépenses publiques.
Dans un contexte de concurrence exacerbée, nous ne pouvons plus nous offrir le
luxe d'un montant de dépenses publiques qui représente 55 % de la richesse
produite, chaque année, par l'entreprise France. Ce taux de dépense publique
est supérieur à celui de tous les autres pays industrialisés.
A un niveau aussi exorbitant, la dépense publique ne peut qu'alimenter la
fuite en avant des prélèvements obligatoires, nourrir les déficits, grossir
l'endettement de l'Etat, gonfler la charge de la dette, obérer les marges
d'action des gouvernements et hypothéquer l'avenir de nos enfants et de nos
petits-enfants.
Seule une cure d'amaigrissement de nos dépenses publiques permettra d'alléger
la pression fiscale, de libérer les initiatives et de faire reculer le chômage
en rapprochant notre économie de son rythme de croissance potentielle.
Ce « dégraissage du mammouth » que constitue l'Etat passe, à l'évidence, par
une dépérissement salutaire de cette exception française que représente
l'hypertrophie du secteur public concurrentiel.
A cet égard, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, deux
dispositions du collectif budgétaire me paraissent préoccupantes.
Il s'agit, d'abord, d'une ouverture de crédits d'un montant de 29,5 milliards
de francs destinés à financer des dotations en capital aux entreprises
publiques. Cette somme, qui s'ajoute aux 27 milliards de francs prévus en loi
de finances initiale pour 1997, sera complétée par les 33 milliards de francs
inscrits, pour le même objet, dans le projet de loi de finances pour 1998.
Au total, pour la période 1997-1998, ce sont près de 90 milliards de francs,
qui seront versés aux entreprises publiques sous la forme de dotations en
capital et, pour certaines d'entre elles, sous la forme de véritables
subventions de survie.
Ce montant de 90 milliards de francs doit, pour reprendre une expression
consacrée, nous interpeller, mes chers collègues, car un tel chiffre démontre
que notre secteur public nous coûte trop cher.
En outre, une seconde mesure montre que ces dépenses sont appelées à se
perpétuer et que certaines « ardoises » - autorisez-moi le terme - peuvent
encore s'alourdir : il s'agit de l'engagement financier de l'Etat dans le plan
de restructuration du GAN
(M. Hubert Haenel s'exclame),
dont l'Assemblée nationale a fort
opportunément limité le montant. Sans doute, faudra-il aller plus loin et
circonscrire cet engagement dans le temps.
D'une manière générale, je m'interroge, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur la nécessité de continuer à renflouer, à grands frais,
des entreprises appelées à être privatisées.
Ne serait-il pas plus économe des deniers publics de vendre certaines de ces
entreprises en l'état et, le cas échéant, par appartements ?
Enfin, une dernière condition devra impérativement être remplie pour que la
France puisse affronter, avec des chances de succès, les défis de l'après-euro.
Il s'agit de l'indispensable stabilité des règles du jeu fiscal, donc de la
sécurité juridique du paysage fiscal français.
Nous savons tous que ce que l'on appelle maintenant communément le yoyo fiscal
brouille les choix des agents économiques, incite à l'attentisme - quelle sera
la fiscalité de demain par rapport à celle d'aujourd'hui ? - et risque de
dissuader les investisseurs étrangers, qu'il invite à la prudence.
Sans revenir sur les mesures de divergence fiscale ou les ruptures du contrat
de confiance récemment prises ou envisagées, je souhaite vous interroger,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur vos ultimes intentions
en matière de fiscalité de l'assurance-vie.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
A cet égard, il me semble plus
conforme à l'esprit et à la lettre de nos institutions que ce débat ait lieu au
Parlement plutôt que devant un organe de régulation, si prestigieux soit-il.
Je souhaite également vous interroger, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur l'état de vos réflexions s'agissant des fonds de
pension. Pour ma part, je considère qu'il est urgent de les laisser vivre -
pour reprendre une expression employée sur un autre sujet - afin de donner des
capitaux aux entepreneurs, créateurs de richesse, et de pouvoir conserver en
France les centres de décisions de nos grandes entreprises.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques brèves réflexions que je
souhaitais formuler à l'orée de la discussion de ce collectif budgétaire.
Réduire la dépense publique, desserrer l'étau des prélèvements obligatoires et
assurer la stabilité des règles du jeu fiscal, ces trois « commandements »
constituent la ligne directrice d'une indispensable pédagogie du réveil et du
sursaut qui permettra de promouvoir une France moderne et performante adossée à
un Etat modeste mais efficient.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le
rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai toujours plaisir à
venir au Sénat, car les discours des sénateurs sont toujours bien
intentionnés.
(Sourires.)
J'ai vu que, une fois encore, tant le rapporteur général que
le président de la commission des finances n'avaient pas échappé à la règle.
Ils ont commencé par nous faire part du plaisir qu'ils avaient eu, à la
lecture du collectif budgétaire, de constater que, pour la première fois depuis
longtemps, le déficit qui avait été adopté par le Parlement voilà un an se
trouvait minoré par le collectif budgétaire de fin d'année. Au bout d'un
moment, ils se sont rappelé qu'ils étaient dans l'opposition nationale et que,
par conséquent, il fallait critiquer. Dès lors, un certain nombre d'arguments
ont inévitablement suivi. Je vais m'attacher à montrer qu'ils ne reflètent
véritablement ni la pensée du président de la commission des finances ni celle
du rapporteur général, qui auraient dû rester sur leur idée initiale.
En effet, c'est la première fois depuis bien longtemps - c'est « sans
précédent », avez-vous dit, monsieur le rapporteur général - qu'en fin d'année
nous nous trouvons avec un déficit budgétaire diminué de 14 milliards de francs
par rapport à cetre, monsieur le secrétaire d'Etat, que le collectif budgétaire
se borne, dans une large mesure, à entériner des annulations de crédits
permises par le gel opéré, en mars 1997, par le gouvernement précédent, ou à
ratifier des économies de constatation, sans procéder à de véritables remises
en cause des dépenses civiles, opération qu'il vous faudra, tôt ou tard,
réaliser.
Là encore, nous ne pouvons vous rejoindre, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat. Nous sommes en effet convaincus - vous avez pu mesurer notre
degré de détermination lors de la première lecture du projet de loi de finances
pour 1998 - que la source des maux dont souffre notre pays réside dans le
caractère excessif de nos dépenses publiques.
Dans un contexte de concurrence exacerbée, nous ne pouvons plus nous offrir le
luxe d'un montant de dépenses publiques qui représente 55 % de la richesse
produite, chaque année, par l'entreprise France. Ce taux de dépense publique
est supérieur à celui de tous les autres pays industrialisés.
A un niveau aussi exorbitant, la dépense publique ne peut qu'alimenter la
fuite en avant des prélèvements obligatoires, nourrir les déficits, grossir
l'endettement de l'Etat, gonfler la charge de la dette, obérer les marges
d'action des gouvernements et hypothéquer l'avenir de nos enfants et de nos
petits-enfants.
Seule une cure d'amaigrissement de nos dépenses publiques permettra d'alléger
la pression fiscale, de libérer les initiatives et de faire reculer le chômage
en rapprochant notre économie de son rythme de croissance potentielle.
Ce « dégraissage du mammouth » que constitue l'Etat passe, à l'évidence, par
une dépérissement salutaire de cette exception française que représente
l'hypertrophie du secteur public concurrentiel.
A cet égard, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, deux
dispositions du collectif budgétaire me paraissent préoccupantes.
Il s'agit, d'abord, d'une ouverture de crédits d'un montant de 29,5 milliards
de francs destinés à financer des dotations en capital aux entreprises
publiques. Cette somme, qui s'ajoute aux 27 milliards de francs prévus en loi
de finances initiale pour 1997, sera complétée par les 33 milliards de francs
inscrits, pour le même objet, dans le projet de loi de finances pour 1998.
Au total, pour la période 1997-1998, ce sont près de 90 milliards de francs,
qui seront versés aux entreprises publiques sous la forme de dotations en
capital et, pour certaines d'entre elles, sous la forme de véritables
subventions de survie.
Ce montant de 90 milliards de francs doit, pour reprendre une expression
consacrée, nous interpeller, mes chers collègues, car un tel chiffre démontre
que notre secteur public nous coûte trop cher.
En outre, une seconde mesure montre que ces dépenses sont appelées à se
perpétuer et que certaines « ardoises » - autorisez-moi le terme - peuvent
encore s'alourdir : il s'agit de l'engagement financier de l'Etat dans le plan
de restructuration du GAN
(M. Hubert Haenel s'exclame),
dont l'Assemblée nationale a fort
opportunément limité le montant. Sans doute, faudra-il aller plus loin et
circonscrire cet engagement dans le temps.
D'une manière générale, je m'interroge, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur la nécessité de continuer à renflouer, à grands frais,
des entreprises appelées à être privatisées.
Ne serait-il pas plus économe des deniers publics de vendre certaines de ces
entreprises en l'état et, le cas échéant, par appartements ?
Enfin, une dernière condition devra impérativement être remplie pour que la
France puisse affronter, avec des chances de succès, les défis de l'après-euro.
Il s'agit de l'indispensable stabilité des règles du jeu fiscal, donc de la
sécurité juridique du paysage fiscal français.
Nous savons tous que ce que l'on appelle maintenant communément le yoyo fiscal
brouille les choix des agents économiques, incite à l'attentisme - quelle sera
la fiscalité de demain par rapport à celle d'aujourd'hui ? - et risque de
dissuader les investisseurs étrangers, qu'il invite à la prudence.
Sans revenir sur les mesures de divergence fiscale ou les ruptures du contrat
de confiance récemment prises ou envisagées, je souhaite vous interroger,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur vos ultimes intentions
en matière de fiscalité de l'assurance-vie.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
A cet égard, il me semble plus
conforme à l'esprit et à la lettre de nos institutions que ce débat ait lieu au
Parlement plutôt que devant un organe de régulation, si prestigieux soit-il.
Je souhaite également vous interroger, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur l'état de vos réflexions s'agissant des fonds de
pension. Pour ma part, je considère qu'il est urgent de les laisser vivre -
pour reprendre une expression employée sur un autre sujet - afin de donner des
capitaux aux entepreneurs, créateurs de richesse, et de pouvoir conserver en
France les centres de décisions de nos grandes entreprises.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques brèves réflexions que je
souhaitais formuler à l'orée de la discussion de ce collectif budgétaire.
Réduire la dépense publique, desserrer l'étau des prélèvements obligatoires et
assurer la stabilité des règles du jeu fiscal, ces trois « commandements »
constituent la ligne directrice d'une indispensable pédagogie du réveil et du
sursaut qui permettra de promouvoir une France moderne et performante adossée à
un Etat modeste mais efficient.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le
rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai toujours plaisir à
venir au Sénat, car les discours des sénateurs sont toujours bien
intentionnés.
(Sourires.)
J'ai vu que, une fois encore, tant le rapporteur général que
le président de la commission des finances n'avaient pas échappé à la règle.
Ils ont commencé par nous faire part du plaisir qu'ils avaient eu, à la
lecture du collectif budgétaire, de constater que, pour la première fois depuis
longtemps, le déficit qui avait été adopté par le Parlement voilà un an se
trouvait minoré par le collectif budgétaire de fin d'année. Au bout d'un
moment, ils se sont rappelé qu'ils étaient dans l'opposition nationale et que,
par conséquent, il fallait critiquer. Dès lors, un certain nombre d'arguments
ont inévitablement suivi. Je vais m'attacher à montrer qu'ils ne reflètent
véritablement ni la pensée du président de la commission des finances ni celle
du rapporteur général, qui auraient dû rester sur leur idée initiale.
En effet, c'est la première fois depuis bien longtemps - c'est « sans
précédent », avez-vous dit, monsieur le rapporteur général - qu'en fin d'année
nous nous trouvons avec un déficit budgétaire diminué de 14 milliards de francs
par rapport à celui qui a été voté initialement. Dans cet hémicycle, chacun
devrait s'en rejouir, me semble-t-il, surtout ceux qui, depuis des années,
expliquaient la nécessité de réduire le déficit budgétaire face à des
gouvernements qui ne les entendaient pas et qui, chaque année, présentaient un
déficit budgétaire supérieur à celui qui avait été voté en début d'année.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne gâchez pas votre plaisir et accepter de
saluer ce gouvernement qui, cette année, bien qu'il n'ait eu que six mois de
gestion - vous avez raison, monsieur le président ! - a fait en sorte que le
déficit qui vous est proposé dans le projet de loi de finances rectificative
soit de 14 milliards de francs inférieur à celui qui avait été prévu
initialement.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Il s'agit de savoir comment !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N'anticipez pas,
monsieur le président ! Constatons déjà ce résultat ! Nous verrons ensuite
comment nous y sommes parvenus. Vous le savez, il n'existe que deux manières de
diminuer le déficit et les deux ont été employées.
J'ai relu des discours, très brillants d'ailleurs, que M. le président de la
commission des finances et M. le rapporteur général ont tenus à plusieurs
reprises, notamment sous des gouvernements immédiatement précédents, réclamant
à chaque fois que le déficit soit moins important que celui qui était
présenté.
Encore une fois, ne gâchez pas votre plaisir et appréciez le résultat,
d'autant que, au-delà du déficit budgétaire à proprement parler, les experts
que vous êtes, notamment ceux de la commission des finances, savent qu'il faut
considérer le déficit primaire.
Or, en 1998, le déficit primaire sera divisé par deux ; vous l'avez constaté
dans le projet de loi de finances pour 1998 qui est encore en discussion. Par
conséquent, en 1999, si nous continuons dans cette même voie, nous connaîtrons
un excédent primaire, ce qui n'est pas arrivé depuis 1993.
Ce n'est que lorsque nous aurons constaté cet excédent primaire que nous
pourrons véritablement dire que nos finances publiques ont été totalement
remises sur pied. Il faut revenir à l'année 1992 pour trouver une situation
analogue. Depuis, nous n'avons connu que des déficits primaires.
M. le président de la commission des finances s'est interrogé, à juste titre,
sur la façon dont nous sommes parvenus à ce résultat. J'y viens !
Ce qui est le plus remarquable dans ce projet de loi de finances rectificative
c'est le fait non pas tant que le déficit ait diminué de 14 milliards de
francs, mais que le niveau de la dépense totale qui vous est présentée est
exactement celui que vous avez voté. Par conséquent, pour la première fois -
depuis plus longtemps encore que le « sans précédent » que vous évoquiez tout à
l'heure, monsieur le rapporteur général - les crédits effectivement dépensés
par l'Etat pendant l'année 1997 correspondront aux crédits que vous avez votés.
Certes, des réaffectations ont été opérées chapitre par chapitre, mais, en fin
de compte, la masse totale des crédits dépensés par l'Etat en 1997 sera celle
que le Parlement a votée. Cela, mesdames, messieurs les sénateurs, ne s'était
pas vu depuis bien longtemps, d'autant que, selon l'audit réalisé par MM.
Bonnet et Nasse au mois de juillet et les confidences du Premier ministre
sortant, M. Juppé, au nouveau Premier ministre, M. Jospin, lors de la passation
de pouvoir, et dont la presse s'est fait l'écho, nous avions, au milieu de
l'année, dépassé le niveau des dépenses prévu.
Selon l'audit effectué par MM. Bonnet et Nasse, le dépassement prévisible des
dépenses se situait entre 27 milliards et 30 milliards de francs. Les économies
possibles étaient chiffrées entre 15 milliards et 20 milliards de francs soit,
au total, un trou d'une quinzaine de milliards de francs. Eh bien ! Ces 15
milliards de francs ont été effacés. En six mois nous avons donc réussi à faire
en sorte que, finalement, les dépenses de l'Etat soient au niveau de celles que
vous avez votées. Par conséquent, vous pouvez, je crois, faire confiance à la
majorité quand elle vous dit que, l'année prochaine, elle tiendra aussi cet
engagement. Il vaut mieux se fier à ceux qui ont déjà abouti à un résultat
plutôt qu'à ceux qui n'y sont jamais parvenus.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Il ne faut pas dépenser plus que ce que le Sénat a
voté pour 1998, monsieur le ministre, vous le savez bien !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'ai noté une
petite contradiction entre les propos de M. le rapporteur général et ceux de M.
le président de la commission.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Ce n'est pas possible !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Peut-être me
suis-je trompé ! Selon M. le rapporteur général, alors que la majorité
précédente avait eu le courage de geler des crédits, nous, nous les utilisons
pour financer nos dépenses. C'est bien ce que vous avez dit, monsieur le
rapporteur général ?
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
J'ai dit que vous les aviez consommés !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. le président
de la commission, quant à lui, a dit que la réduction du déficit, au bout du
compte, est due à l'annulation des crédits gelés par la majorité précédente.
Est-ce bien exact, monsieur le président ?
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
En partie, monsieur le
ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Eh bien ! Ou nous
avons annulé les crédits ou nous les avons consommés. Mais nous n'avons pas
fait les deux à la fois.
M. Philippe Marini.
Ce ne sont pas les mêmes crédits !
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
En les consommant, vous les avez annulés.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce sont les mêmes
crédits ! Neuf milliards de francs de crédits ont été gelés par la majorité
précédente.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
On ne peut pas les consommer deux fois !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ces crédits ont
été utilisés à d'autres fins ; chacun des décrets d'avance a été équilibré par
un redéploiement de dépenses ; de ce fait, nous retrouvons à la fin de l'année,
tout naturellement, le niveau de dépenses que vous aviez voté.
Je souhaite que, dans les prochaines années, le Gouvernement auquel
j'appartiens et ceux qui suivront puissent faire la même chose, contrairement
aux gouvernements précédents. Lorsqu'ils auront des dépenses nouvelles à
financer, telles que les opérations militaires à l'extérieur décidées
conjointement par le chef de l'Etat et ses Premiers ministres successifs ou les
dépenses non couvertes comme la fameuse « jupette », soit que ces dépenses
n'aient pas été financées, soit qu'elles n'aient pas été prévues, comme c'est
le cas pour les opérations militaires, je souhaite que les gouvernements
puissent financer ces dépenses par l'enveloppe que le Parlement a autorisée
sans la dépasser ne serait-ce que de 1 milliard de francs.
C'est ce que nous avons fait et, dans ces conditions, la présentation d'une
dépense de l'Etat égale à celle que vous avez votée est sans doute l'élément le
plus intéressant.
En outre, nous avons, en effet, prélevé quelques recettes supplémentaires
notamment parce que, comme le révélait ce fameux audit, certaines recettes
votées par le Parlement ne se traduisaient pas dans les résultats. Vous le
savez, ces recettes supplémentaires permettent de compenser ce qui manquait.
L'audit de MM. Bonnet et Nasse estimait entre 20 milliards et 22 milliards de
francs le manque de recettes prévu par rapport à ce qui avait été inscrit dans
la loi de finances. Nous l'avons donc compensé par un prélèvement
supplémentaire sur l'impôt sur les sociétés. Ainsi, en fin de compte, ces
recettes qui étaient initialement prévues mais dont la réalisation n'était pas
crédible ont été finalement remplacées par d'autres. Le niveau des prélèvements
obligatoires n'a donc pas été modifié.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Il y a une différence.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Là où les choses
deviennent particulièrement intéressantes, c'est lorsque nous examinons
ensemble les économies qui ont pu être réalisées. A ce propos, j'ai entendu
tout à l'heure M. le rapporteur général tenir un discours extrêmement
polémique,...
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Eh oui !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... puisqu'il a
dit qu'il s'agit là d'économies de constatation.
Comme je ne peux pas imaginer que M. le raporteur général ne fasse pas la
différence entre des économies constatées et des économies de constatation, la
confusion de vocabulaire qu'il a opérée n'avait donc qu'un objet polémique.
Dans le cas contraire, il s'agirait d'une erreur que je ne peux mettre dans la
bouche de M. Lambert.
En effet, on parle d'économies de constatation quand on s'aperçoit, à la fin
de l'année, que des dépenses avaient été initialement surestimées. En revanche,
les économies constatées, c'est, par exemple, ce qui s'est passé s'agissant des
dépenses en matière d'emploi.
En effet, nous avons dépensé moins pour les différents dispositifs pour
l'emploi qui avaient été mis en place en début d'année parce que nous en avons
créé d'autres, notamment les emplois-jeunes. Par conséquent, les dizaines de
milliers de jeunes qui ont obtenu un emploi-jeunes en fin d'année n'ont pas
bénéficié de contrats emploi-solidarité.
Si nous constatons 4,5 milliards de francs de dépenses en moins au titre du
financement des CES, c'est parce que nous avons substitué un instrument à un
autre.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Pour vous, les flux d'entrée restent les mêmes ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous constaterez
l'économie à la fin de l'année. Il ne s'agira pas d'une économie de
constatation au sens budgétaire du terme.
C'est bien parce que nous avons mené une politique différente avec d'autres
instruments que nous avons pu, milliard de francs par milliard de francs - vous
avez cité d'ailleurs de nombreux exemples, - rester, au bout du compte, dans
les limites de la dépense initialement prévue, même si celle-ci avait beaucoup
dérapé au milieu de l'année.
Je ne veux pas citer trop de chiffres car je risquerais de lasser le Sénat,
mais gardons quand même à l'esprit que cette année 1997 avait mal commencé.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur général, que deux politiques différentes
ont été menées entre le premier semestre et le second semestre, et vous avez
raison : le premier semestre s'est traduit par un dépassement des dépenses et
un manque de recettes. On ne peut quand même pas parler d'un budget bien
calibré.
Dans cette ligne, le déficit aurait attteint, à la fin de l'année, entre 3,5 %
et 3,7 % du PIB, ce qui se serait traduit par la disqualification européenne de
la France. Voilà pour la première moitié de l'année.
Pour la seconde moitié de l'année, des économies suffisantes pour ramener les
dépenses au niveau initialement prévu ont été réalisées et les recettes qui
manquaient ont été compensées par une mesure fiscale dont, certes, il aurait
été préférable de se passer, mais il fallait bien compenser les recettes mal
estimées.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Vous avez prélevé plus !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
A l'arrivée, le
déficit des comptes publics...
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Et les comptes sociaux ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... et pas
seulement du budget, comme l'a très bien dit le président de la commission des
finances, est inférieur au déficit prévisionnel ; les comptes de la sécurité
sociale sont meilleurs que prévu ; les comptes publics sont donc à un niveau
tel que nous pouvons satisfaire aux critères européens. Voilà le bilan du
second semestre.
A choisir entre les deux semestres, mesdames, messieurs les sénateurs,
préférez-vous le premier ou le second ?
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Nous, nous préférons le premier !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Tout le monde ici
préfère le second.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Non, non !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Personne ne peut
souhaiter un second semestre qui, à l'instar du premier, se serait traduit par
une augmentation de la dépense et un amoindrissement des recettes.
Un article particulier de ce collectif est consacré aux entreprises publiques.
Je me suis expliqué à ce sujet devant le Sénat lors d'une séance de questions
d'actualité. Je n'y reviens donc pas longuement. J'indiquerai simplement, pour
vous rassurer, mesdames, messieurs, les sénateurs que des prêts pour le GAN ont
été prévus jusqu'en 2008.
Le Sénat souhaite que les comptes soient apurés plus rapidement et il a
raison. Nous avons bel et bien l'intention de faire en sorte, comme le souhaite
la commission des finances, que, en 2003, toutes ces opérations soient
achevées.
Pour autant, je ne souhaite pas que l'amendement qui a été déposé soit adopté,
car il créerait une sorte d'insécurité juridique pour les prêteurs dans la
mesure où deux dates apparaîtraient : la première, 2008, qui est celle de la
fin des prêts, et que nous ne pouvons plus changer, les prêts étant maintenant
négociés, et la seconde, 2003, qui est souhaitée pour la fin de l'opération.
Je puis donc assurer au Sénat que nous mènerons cette opération de telle sorte
que, en 2003, tout soit terminé. En conséquence, si je soutiens cet amendement
dans son esprit, je souhaite qu'il ne soit pas adopté afin de ne pas créer une
insécurité juridique pour les prêteurs.
M. le président de la commission des finances a abordé les conséquences sur le
plan européen. Il ne suffit pas, dit-il, de se préoccuper de l'entrée dans
l'euro, il faut encore savoir ce qui se passera après. Il a raison. Je
constate, pour ma part, que, pendant de nombreuses années, nous nous sommes
beaucoup trop consacrés à ce qui se passait avant, c'est-à-dire à ce fameux
débat sur les critères. Je me permets de rappeler au Sénat, mais il l'a
constaté comme moi, que, depuis les mois de juillet et d'août, période au cours
de laquelle le Gouvernement a indiqué comment il entendait satisfaire à ces
critères, le débat a disparu en France comme ailleurs.
En effet, depuis plusieurs mois, nous débattons de ce que nous allons faire
après. Voilà deux jours à Luxembourg, et c'est un grand succès pour notre pays,
dont chacun ici doit se réjouir puisqu'il est dû à la fois à M. le Président de
la République et à M. le Premier ministre, la France a obtenu de ses
partenaires la coordination des politiques économiques au titre des articles
103 et 109 du traité ainsi que la création du Conseil de l'euro après une
longue bataille contre les pays qui seront probablement en dehors de l'euro. Je
pense notamment à nos amis britanniques qui cherchaient à éviter que ne se crée
ce conseil, qui est nécessaire pour gérer l'euro mais qui ne leur plaisait pas
parce qu'ils n'en feront pas partie.
La France, après l'avoir demandé à Amsterdam, l'a obtenu à Luxembourg, six
mois plus tard, et a beaucoup fait progresser la façon dont nous allons
travailler après le 1er janvier 1999 quand l'euro sera mis en place. Voilà qui
doit apaiser les craintes de M. le président de la commission des finances.
Je veux le rassurer aussi d'un mot sur l'attractivité de notre territoire.
Face à la compétition mondiale, notre territoire doit, a-t-il dits vers la CSG,
à faciliter l'option à l'impôt sur les sociétés pour les professions libérales
qui exercent leur activité dans le cadre de sociétés de personnes. Vous
trouverez, dans l'article 17, des mesures visant à favoriser cette transition,
en autorisant l'étalement sur cinq ans des impositions dues à l'occasion de ce
passage.
Enfin, l'exonération de la taxe sur les salaires décidée en faveur des
emplois-jeunes est une promesse du Gouvernement, qui va favoriser l'extension
de ces emplois.
Plusieurs dispositions ont pour objet de corriger certaines imperfections de
notre droit fiscal. Il en est ainsi de l'harmonisation en cas de pluriactivité
rurale.
De même, l'assouplissement des conditions de détention de capital pour les
sociétés dans lesquelles investissent les fonds communs de placement dans
l'innovation, les FCPI, s'inscrit dans la politique que le Gouvernement mène en
faveur des entreprises du secteur des hautes technologies.
Enfin, nous vous proposons - ce n'est pas la coutume - de supprimer un impôt :
la taxe spéciale sur les aéronefs.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Dont le rendement est faible
!
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Il est effectivement très faible.
Nous espérons que, après avoir recensé tous les impôts à fort coût de
prélèvement et à faible rendement, nous pourrons vous faire d'autres
propositions à l'avenir.
Le collectif comporte, par ailleurs, un volet important visant à mettre en
conformité notre droit interne avec le droit communautaire. Il s'agit, d'abord,
de la suppression de la retenue à la source pour les bénéfices réalisés en
France par les établissements stables de sociétés résidentes d'un autre Etat
membre de la Communauté. Il s'agit, ensuite, de la mise en conformité avec le
droit communautaire des dispositions du code des douanes relatives à la
représentation en douane. Il s'agit, enfin, de l'aménagement du régime
d'exonération de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers,
applicable aux biocarburants afin d'en élargir le bénéfice aux producteurs
d'autres Etats membres de la Communauté.
L'Assemblée nationale a ajouté une disposition prévoyant que la déductibilité
des frais commerciaux exceptionnels, terme pudique utilisé pour désigner les
commissions versées à des agents publics étrangers pour obtenir des marchés
internationaux, ne serait plus admise à compter de l'entrée en vigueur de la
convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans
les transactions commerciales internationales, qui a été négociée dans le cadre
de l'OCDE et que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
ainsi que Mme le garde des sceaux vont signer après-demain.
Par ailleurs, ce collectif comporte deux mesures diverses.
La première vise à légaliser des dispositions réglementaires relatives à la
liquidation et au recouvrement de la taxe communale sur les appareils
automatiques, que le Conseil d'Etat a jugé illégales par une décision du 4
juillet 1997. Il s'agit d'un enjeu important pour les communes, j'espère que
vous tiendrez, avec l'Etat, à ce que ces ressources soient sécurisées.
La seconde mesure a pour objet d'apporter plusieurs modifications à la taxe
sur les services de télévision, de façon à en renforcer l'acceptabilité par ses
redevables et à en faciliter le recouvrement, qui sera désormais confié à la
direction générale des impôts.
J'ajouterai une dernière remarque, qui s'adresse sans doute plus
particulièrement à M. le président de la commission des finances. L'exécution
du budget, c'est-à-dire ce que l'on constatera en février prochain et qui
servira de base à la mesure des déficits pour l'entrée dans l'euro, sera très
proche des chiffres figurant dans le présent collectif budgétaire. Je
rappellerai pour mémoire que, l'an dernier, était intervenu un dérapage de 7
milliards de francs entre le collectif de fin d'année et l'exécution budgétaire
constatée au début de l'année suivante. Je prends l'engagement devant vous,
monsieur le président Poncelet, que l'exécution budgétaire sera en conformité
avec le présent collectif, sur lequel je souhaite donc que la Haute Assemblée
se prononce favorablement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
collectif budgétaire pour 1997 a d'abord pour objet, comme tout collectif
examiné chaque année à la même époque, de tirer les conséquences sur les
finances publiques des évolutions de l'année. Dans ce cadre, il est clair,
monsieur le secrétaire d'Etat, que l'année 1997 sera un bon cru. En effet, le
déficit est ramené à 270,4 milliards de francs, soit 14,1 milliards de francs
de moins que celui qui avait été voté dans la loi de finances initiale. En
pourcentage du PIB, sa part est ramenée de 3,53 % à 3,35 %. C'est la première
fois depuis de nombreuses années - cela a déjà été dit - que nous avons à
constater, lors de l'examen d'un collectif, une réduction du déficit importante
et vraie.
Pour apprécier pleinement ces résultats, il convient de procéder à un certain
nombre de rappels.
Les prévisions de déficit de la loi de finances pour 1997 n'étaient pas
sincères. Mon groupe l'avait démontré à cette tribune dès l'examen du projet de
loi, en pointant en particulier la surévaluation des recettes et le caractère
souvent factice des réductions de dépenses.
Le déficit public devait donc, selon nous, être supérieur dans la réalité à 4
% du PIB, 3,5 % une fois prise en compte l'opération sur France Télécom.
Ce budget virtuel était en fait destiné à masquer l'échec de la politique
budgétaire des gouvernements de MM. Balladur et Juppé qui, depuis 1993, en
dépit de la manne des privatisations et d'augmentations d'impôts sans précédent
- environ 200 milliards de francs, ce n'est pas rien ! - enregistrait toujours
un déficit public supérieur à celui de 1992 et un quasi-doublement de la dette,
avec une augmentation de 81 %, soit 1 700 milliards de francs, c'est-à-dire 30
000 francs par Français. Notons que, dans le même temps, la plupart de nos
partenaires avaient réduit plus fortement leur déficit et maîtrisé leur dette
publique.
La dérive des comptes, après avoir été soigneusement cachée pendant la
campagne électorale, avait été reconnue par M. Juppé lui-même, dans une note
remise au nouveau Premier ministre. L'audit budgétaire rendu public le 21
juillet dernier avait confirmé cette dérive dangereuse de nos comptes publics :
le déficit 1997 des administrations publiques partait sur une fourchette allant
de 3,5 à 3,7 % du PIB, y compris la prise en compte de la soulte de France
Télécom pour un montant de l'ordre de 0,5 % du PIB, du fait d'un dérapage
compris entre 32 milliards et 44 milliards de francs.
La principale dérive, confirmée par l'audit, provenait du déficit budgétaire,
évalué entre 312 milliards et 322 milliards de francs, soit un creusement du
déficit de 27 milliards à 37 milliards de francs en six mois. Cet écart
résultait de deux facteurs : d'une part, des pertes de recettes fiscales de 15
milliards à 17 milliards de francs et, d'autre part, des dérapages sur les
dépenses de l'Etat de 27 milliards à 30 milliards de francs, soit après mesures
de correction inéluctables, de 12 milliards à 20 milliards de francs.
S'agissant de cet audit, je ne comprends pas bien les déclarations de certains
membres de l'opposition nationale, majorité dans cette enceinte, qui persistent
à récuser cette dérive, constatée par tous et même par l'ancien Premier
ministre. D'ailleurs, s'il n'y avait pas eu cette dérive et les difficultés à
l'endiguer, quelle aurait été la raison de la dissolution ? Quant à la
croissance qui aurait permis naturellement de combler les pertes, je rappelle
qu'elle sera en gros celle qui avait été prévue initialement. Il n'y a donc pas
eu de recettes miracles.
Par conséquent, le nouveau gouvernement devait réagir. C'était indispensable
pour que la France respecte les conditions du passage à la monnaie unique.
C'était également indispensable pour casser l'enchaînement inéluctable
déficit-dette. Le 21 juillet dernier, le Gouvernement a donc annoncé une série
de mesures visant à réduire le déficit de l'Etat de 0,4 % du PIB, soit la
correction des dérapages du budget 1997.
La première action a porté sur la compensation des pertes de recettes
fiscales. Le choix a consisté à faire porter l'effort sur les entreprises afin
d'épargner les ménages sur lesquels les efforts antérieurs avaient été
concentrés par les précédents gouvernements, ce qui avait entraîné un
incontestable déficit de la demande intérieure. Cet effort a consisté en un
relèvement temporaire de l'impôt sur les sociétés, une réforme des plus-values
à long terme et un premier versement d'impôt sur les sociétés par EDF.
La seconde action a consisté dans une stricte maîtrise et une grande rigueur
des dépenses. Le 9 juillet, les mesures associées au décret d'avance ont
procédé à une réorientation des dépenses afin de soutenir les priorités du
Gouvernement. Ainsi, 10 milliards de francs d'ouvertures de crédits ont été
réalisés : 6,4 milliards de francs pour le triplement de l'allocation scolaire,
2 milliards de francs pour le financement du plan emploi-jeunes, 800 millions
de francs pour le logement social, 300 millions de francs pour les cantines
scolaires, etc. Parallèlement, 10 milliards de francs d'annulations de crédits
ont été réalisés : 1,8 milliard de francs sur la défense et 8,1 milliards de
francs sur les budgets civils.
Le 17 octobre 1997, un nouveau décret d'avance a ouvert 2,9 milliards de
francs de crédits gagés, là encore, par des annulations.
Enfin, le présent collectif budgétaire prévoit seulement 16,7 milliards de
francs d'ouvertures de crédits, provenant en grande partie - pardonnez-moi
l'expression - « d'ardoises » laissées par le précédent gouvernement, sur le
financement de la ristourne dégressive, sur les aides à la personne, sur les
pensions, sur la jupette, etc. L'arrêté du 19 novembre annexé au collectif
annule 23,9 milliards de francs dont 20,8 milliards de francs sur le budget
général.
Ce rappel permet d'illustrer la bonne gestion des finances publiques réalisée
par le nouveau gouvernement.
Premièrement, le Gouvernement agit avec une extrême rigueur sur l'évolution
des dépenses de l'Etat. Pour la première fois depuis longtemps, il n'y a pas eu
de dérapage sur les dépenses, puisque, au contraire, celles-ci sont, en
définitive, inférieures de 4 milliards de francs aux dépenses prévues
initialement : 1 milliard de francs en moins pour les dépenses civiles
ordinaires et 3 milliards de francs en moins pour les dépenses militaires. En
effet, si 29,6 milliards de francs de crédits nouveaux ont été enregistrés
cette année sur le budget général, il y a eu parallèlement 33,5 milliards de
francs d'annulations de crédits. Cette stricte gestion des dépenses doit être
saluée, notamment quand on sait que le nouveau gouvernement était confronté
initialement à une dérive des dépenses.
J'ajouterai que cette maîtrise nous paraît d'autant plus remarquable que le
nouveau gouvernement, en plus des « ardoises » que lui a laissées le précédent
gouvernement et qu'il a dû honorer, a su trouver les ressources nécessaires au
financement des actions nouvelles souhaitées par le peuple français en juin
dernier, et ce par des annulations de crédits judicieuses.
Mes chers collègues, on pouvait penser que la majorité sénatoriale, si friande
de la réduction des dépenses - elle l'est en théorie tout au moins, car, en
pratique, il faut se rappeler les dérapages de 1995, par exemple - aurait la
sagesse de reconnaître ce fait. En effet, on ne peut se répandre dans les
journaux sur la nécessité de contrôler les dépenses, faire adopter un
contre-budget reposant sur une réduction forte et d'ailleurs inconsidérée des
dépenses, et ne pas soutenir un gouvernement qui réalise effectivement cette
maîtrise, sauf à être en parfaite contradiction avec soi-même.
Nous n'avons pas « la religion de la dépense », comme certains ont osé le
dire.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Une propension...
M. Marc Massion.
Nous pensons autant que vous qu'il faut éviter les augmentations
incontrôlées.
Quant à l'argument selon lequel le nouveau gouvernement romprait avec la
politique de réduction de la dépense publique réalisée par le précédent
gouvernement et réhabiliterait ainsi la dépense, il est évidemment totalement
faux.
Premièrement, il est faux, car les gouvernements de MM. Balladur et Juppé
n'ont pas été exemplaires, loin s'en faut : de 1992 à 1994, le poids des
dépenses effectives s'est accru d'un point de produit intérieur brut. En 1995,
les dépenses en exécution ont augmenté encore de 3,1 %. En 1996, elles ont
progressé encore de plus 1,1 %. Où est la politique de réduction de la dépense
?
Deuxièmement, cet argument est faux, car c'est oublier ce fait incontournable
que les dépenses constatées dans ce collectif sont inférieures de 4 milliards
de francs aux prévisions. Cette rigueur dans la gestion n'a pas été enregistrée
sous la législature précédente ; si l'on compare les dépenses ordinaires du
collectif à celles qui étaient prévues initialement, on constate un dépassement
de 31 milliards de francs en 1994, de 45 milliards de francs en 1995 de 14
milliards de francs en 1996 : là encore, où est la saine gestion ? Cette année
ou bien les années précédentes ? Avant de critiquer, il faut ne pas oublier sa
propre gestion.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
C'est vrai ! Rappelez-vous 1992 !
M. Marc Massion.
J'ajouterai que votre
credo
idéologique du « dépenser moins », qui
constitue votre seule ligne directrice en matière d'action publique, est une
idée d'un autre temps, qui pénalise l'activité économique, et donc l'emploi.
L'avenir, c'est la dépense efficace, ce que l'on appelle le « dépenser mieux ».
Savez-vous que plusieurs études et réflexions ont montré que certaines dépenses
d'infrastructure ou des dépenses permettant de maintenir la cohésion sociale
apportaient à l'économie dans son ensemble un « plus » sans commune mesure avec
la dépense effectuée ? C'est ce que les économistes appellent les «
externalités ». Plutôt que d'entamer cette croisade idéologique et de ressortir
ces anathèmes dépassés, la majorité sénatoriale ferait mieux de se joindre à
nous dans la bataille pour l'efficacité de la dépense et pour une meilleure
évaluation des dépenses publiques.
M. Jean Chérioux.
Comme avec le ministre Charasse et le gouvernement Bérégovoy ? C'est un bel
exemple !
M. Marc Massion.
Si la gestion des dépenses nous paraît exemplaire, celle des recettes l'est
également. En effet, les ressources du budget général ont augmenté cette année
de 10,5 milliards de francs. Mais s'il avait été largement recouru aux
prélèvements divers ces dernières années avec 18,3 milliards de francs en 1995
et 20 milliards de francs en 1996, le gouvernement actuel n'a que peu utilisé
cet expédient, puisque 3,6 milliards de francs sont inscrits à ce titre dans ce
collectif.
L'essentiel du faible gain sur les ressources provient donc d'une plus-value
de 8,4 milliards de francs en matière de recettes fiscales nettes. Comme a été
enregistrée une perte de plus de 15 milliards de francs sur le produit de la
TVA nette, de 1,8 milliard de francs sur celui de l'impôt sur le revenu et de
1,3 milliard de francs sur les recettes au titre de la taxe intérieure sur les
produits pétroliers, les plus-values proviennent essentiellement de l'impôt sur
les sociétés, du fait des dispositions de la loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier, le MUFF.
Sans ces mesures de correction, les recettes fiscales nettes auraient baissé
de 1 %, soit 15,7 milliards de francs de moins-values fiscales. Il est donc
incontestable qu'il y avait des pertes de recettes, d'ailleurs rigoureusement
égales à la baisse d'impôt sur le revenu et totalement en phase avec les
prévisions de l'audit. La critique de la majorité sénatoriale sur l'inutilité
des mesures de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier
est donc infondée : il s'agissait bien de compenser des pertes de recettes
fiscales.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Le déficit des comptes sociaux !
M. Marc Massion.
Et, je ne prends pas en compte les dérapages sur les comptes sociaux, qu'il
fallait bien également compenser pour rester dans l'objectif du seuil des 3 %
de déficit public !
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Ça, c'est vrai !
M. Marc Massion.
Là encore, l'argumentation de l'opposition nationale est malheureusement
idéologique. Les mesures de compensation étaient obligatoires, sauf à prendre
un risque énorme quant à la qualification de la France pour l'euro. Pensez-vous
qu'avec un déficit supérieur à 3,4 % la France aurait été acceptée ?
Les discours sur le matraquage fiscal sont donc également déplacés de la part
de ceux qui nous éloignaient de l'Europe, et encore plus lorsqu'on se rappelle
que la précédente majorité avait réussi le tour de force d'augmenter de deux
points les prélèvements obligatoires !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez compris : face aux critiques qui ne
reposent que sur l'idéologie et non sur l'examen des faits, nous sommes à vos
côtés. Comme un examen impartial de ce collectif démontre au contraire
l'excellence de votre gestion des finances publiques, nous voterons donc le
texte qui nous est proposé.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Avec enthousiasme !
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous commerçons à avoir l'habitude de ce type de rendez-vous : nous entendons
d'abord les excellents propos de M. le rapporteur général, confirmés et
amplifiés par ceux de M. le président de la commission des finances, puis M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient quelques instants
dans cet hémicycle pour se livrer à un exposé extrêmement habile,...
Mme Danièle Pourtaud.
C'est vrai !
M. Jean Chérioux.
Un numéro de prestidigitation !
(Sourires.)
M. Philippe Marini.
... qui dure quelques minutes ; enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
avons le plaisir de vous voir...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est un plaisir partagé !
M. Philippe Marini.
... pendant l'ensemble de la discussion du texte, et c'est vous qui, en
général, entendez la plupart des réactions aux propos du ministre ou des
objections présentées à leur encontre.
Les propos de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
comme ceux de notre collègue M. Massion, voilà un instant, nous présentent une
réalité que j'oserai qualifier d'« idéale »,...
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Ça c'est vrai !
M. Philippe Marini.
... une vision extrêmement idyllique, presque séraphique des choses. A
entendre ces propos, on a un peu l'impression de contempler une fresque de
Puvis de Chavannes, marquée par l'harmonie, le calme, la volupté, la symétrie,
le classicisme, l'habileté du dessin, l'acuité du trait, etc.
M. Marc Massion.
Vous faites un numéro !
M. Philippe Marini.
Mais malgré tout, quelle est la réalité ?
Je voudrais pour ma part, sans lasser votre attention,...
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Mais non ! Tout va très bien !
M. Philippe Marini.
... centrer mon propos sur trois éléments : l'exécution budgétaire ainsi
habilement présentée, les dispositions nouvelles du collectif budgétaire et,
enfin, la politique économique dans le cadre de laquelle s'inscrit ce texte.
En ce qui concerne l'exécution budgétaire, qu'y a-t-il au delà de l'habileté
et de la présentation astucieuse des choses ? A mon avis, pour l'essentiel,
quatre éléments.
On trouve tout d'abord un heureux contexte économique
(Exclamations sur les
travées socialistes)
, amorcé vraisemblablement par la politique conduite
jusqu'au milieu de cette année. Si cette situation ne résulte certainement pas
de la responsabilité exclusive du précédent gouvernement, sans doute nous
trouvons-nous néanmoins sur une phase ascendante du cycle, qui permet quelques
marges de manoeuvre. Je prendrai à cet égard l'exemple le plus arithmétique et
le plus clair qui soit : l'abaissement des charges financières, pour 7
milliards de francs.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Les taux d'intérêt !
M. Philippe Marini.
Je ne sais s'il s'agit d'économies constatées ou d'économies de constatation.
Mais enfin, la réalité est là : ce sont les marchés et l'amélioration des
conditions de gestion de la dette qui sont à l'origine de cette variation
positive de 7 milliards de francs, soit un montant supérieur à l'amélioration
du solde - 4 milliards de francs - à laquelle il a été très justement fait
allusion tout à l'heure.
Par ailleurs, certains dispositifs d'aide à l'emploi ont nécessité, c'est
vrai, moins de crédits. Là aussi, on s'est borné, en bons gestionnaires, à
prendre en compte ces économies.
A la vérité, cette évolution favorable, qui s'inscrit dans le solde probable
de la loi de finances de 1997, n'est pas sans rappeler - certains de nos
collègues ayant voulu procéder à quelques rappels historiques, je ferai de même
- ce qui s'est passé voilà près de dix ans, à la charnière des années 1988 et
1989. En effet, mes chers collègues, au petit jeu des rappels et des
références, on trouve toujours des arguments et des chiffres pour appuyer les
démonstrations des uns ou des autres !
Néanmoins, n'est-ce-pas une réalité tangible que cette exécution du budget de
1988, qui avait fait apparaître un excédent de recettes de 93 milliards de
francs, ce qui a permis à la majorité présidentielle issue du scrutin de 1988
de mettre en oeuvre sa politique dite de « réhabilitation de la dépense
publique » ?
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Philippe Marini.
D'ailleurs, un an après, lorsque l'on a fait le point sur l'exécution du
budget de 1989, on a constaté de nouveau une conjoncture porteuse puisque 50
milliards de francs de recettes supplémentaires ont été dégagés. Mais, en
contrepartie, une majoration de crédits de 76 milliards de francs a été engagée
et une dégradation du solde de 17 milliards de francs a été enregistrée.
Bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vous fais pas grief de la
gestion de vos prédécesseurs d'il y a huit ou dix ans. Mais au petit jeu des
alternances, des rappels et des chiffres, personne ne peut se targuer d'avoir
la palme exclusive de la bonne gestion, les autres ayant le déshonneur d'une
gestion dispendieuse. Tout à l'heure, à l'écoute des propos de notre collègue
Marc Massion, j'avais l'impression qu'il y avait vérité au-delà du 1er juin,
erreur en deçà !
M. Marc Massion.
Oui !
M. Philippe Marini.
Je crois - mais chacun le sait - que les choses sont un peu plus compliquées
et qu'elles devraient appeler plus de réserve dans la présentation de nos
observations.
M. Jean Chérioux.
Et de modestie !
M. Philippe Marini.
Effectivement !
M. Claude Estier.
Alors, pourquoi la dissolution ?
M. Philippe Marini.
Monsieur Estier, j'évoque le projet de loi de finances rectificative, et je
tâche d'en rester à mon propos !
Comment voulez-vous que je vous suive sur ce terrain, s'agissant d'un modeste
examen d'exécution de la loi de finances ?
M. Claude Estier.
Si tout allait bien, alors, pourquoi la dissolution ?
M. Philippe Marini.
A vous entendre, j'ai l'impression que, aujourd'hui, tout va bien, ...
Mme Danièle Pourtaud.
C'est ce que pensent les Français !
M. Philippe Marini.
... alors qu'il n'est pas évident que, dans les mois qui viennent, vous
n'ayez, vous aussi, quelques surprises et quelques difficultés.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
La croissance, par exemple !
M. Philippe Marini.
Sans doute est-il préférable, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu des
prévisions économiques dont nous savons d'ores et déjà qu'elles sont quelque
peu au-delà de la réalité probable - et cela ne fera, hélas ! que s'accentuer
-...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Eh oui !
M. Philippe Marini.
... d'être un peu plus modeste, comme l'indiquait fort opportunément l'un de
nos collègues. Nous savons bien, en effet, que les 3 % de croissance, les
hypothèses d'investissement et de consommation qui sous-tendent votre loi de
finances initiale pour 1998 relèvent de ce que nos amis anglo-saxons appellent
le
wishful thinking
, c'est-à-dire ce que l'on aimerait bien qui soit,
mais ce qui ne sera pas nécessairement.
M. Claude Estier.
Elles viennent d'être confirmées par l'OCDE !
M. Philippe Marini.
Ce n'est qu'une citation d'un propos dont je crains qu'il ne doive s'appliquer
à la période que nous allons vivre.
J'en viens au deuxième élément de cette exécution budgétaire : il y a eu
consommation des crédits gelés par l'ancien gouvernement. Les 10 milliards de
francs qui avaient été mis en réserve ont été consacrés, comme c'était votre
droit le plus entier, monsieur le secrétaire d'Etat, au financement de mesures
issues de votre politique et de vos engagements électoraux. On a donc dégelé ce
qui était gelé.
Troisième élément, on a prélevé de la fiscalité supplémentaire sur les
entreprises. Là encore, c'était votre choix, c'était votre légitimité, c'était
la politique que vous souhaitiez appliquer. Voilà donc 24 milliards de francs
de recettes supplémentaires qui sont quand même bien pour quelque chose dans
l'équilibre que l'on va constater
ex post
, au moment de dresser le bilan
de l'année 1997.
M. Claude Estier.
Bien sûr !
M. Philippe Marini.
Quatrième élément, vous avez une variable d'ajustement, et c'est heureux pour
la gestion que vous représentez, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez
vous-même fait état des chiffres, reconnaissant que, bien souvent, les
gouvernements cèdent à la tentation d'écorner la programmation militaire. Or,
cette année, par le jeu cumulé des arrêtés d'annulation des 9 juillet, 17
octobre et 19 novembre 1997, un peu plus de 5 milliards de francs de crédits
ont été annulés, soit 5,6 % des crédits votés et, par rapport à l'annuité
prévue de la programmation militaire, 4,5 milliards de francs manquent à
l'appel. Sans doute les années précédentes des libertés ont-elles été prises
avec les engagements pluriannuels de la programmation militaire,...
M. Claude Estier.
Oui !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Des licences !
M. Philippe Marini.
... mais nous nous situons aujourd'hui dans un cadre beaucoup plus contraint,
avec des objectifs plus difficiles à tenir encore, raison pour laquelle il eût
été nécessaire de respecter la parole donnée, dont le Président de la
République est garant, et ce d'autant plus au moment où l'armée vit la
révolution de la professionnalisation.
S'agissant d'ailleurs de la défense et singulièrement de la force nucléaire
stratégique, nous pouvons être légitiment inquiets, monsieur le secrétaire
d'Etat
(M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation),
car, nous le
savons bien, les essais étant désormais impossibles, tout dépend des programmes
de simulation. Or ces derniers risquent d'être étalés dans le temps, ce qui
pourrait poser à notre pays un vrai problème de crédibilité si l'on devait
poursuivre ainsi pendant les années à venir. Je rappelle, en effet, que la
durée de vie ou la durée de crédibilité internationale des têtes nucléaires
dont nous disposons n'est pas illimitée et que, pour les renouveler, il nous
faut réaliser les investissements en lasers de très haute puissance et en
moyens de simulation, avec tous les équipements et l'instrumentation associés.
Il s'agit là d'une urgente priorité nationale avec laquelle nous ne saurions
transiger.
Voilà sur l'exécution budgétaire.
J'en viens maintenant à quelques-unes des dispositions nouvelles du collectif
et aux effets pervers qu'elles comportent.
En premier lieu, et pour rester dans le domaine militaire, je relève, monsieur
le secrétaire d'Etat, que vous avez trouvé, à votre arrivée, une heureuse «
trésorerie dormante », puisque c'est en ces termes que vous aviez désigné, au
mois de juillet dernier, les économies que vous étiez susceptible de dégager
ici ou là afin de les remettre « au pot » et d'assurer la poursuite de votre
politique.
Dans cette « trésorerie dormante », il est une somme tout à fait
significative, de 1,4 milliard de francs, qui représente le produit des avances
versées par un client étranger au titre d'un contrat de livraison de frégates.
On aura reconnu ici l'opération dite « Bali-Bravo », c'est-à-dire la fourniture
de matériels maritimes à Taïwan. Bien entendu, vous étiez en droit, monsieur le
secrétaire d'Etat, de récupérer ces produits résultant des versements
financiers opérés par le client, mais je m'interroge : si l'on veut
véritablement moderniser nos arsenaux, responsabiliser des unités industrielles
telles que la Direction des constructions navales, faut-il vraiment procéder
ainsi ? Servez-vous la modernisation de l'outil industriel de défense en
opérant un tel prélèvement ? Pour ma part, j'en doute.
Sachant qu'il est indispensable de restructurer en profondeur cet outil, de
lui apporter la compétitivité et le dynamisme nécessaires, on comprend mal que
lui ôter le produit de son activité et le produit de ses succès internationaux
puisse être une façon de dynamiser les initiatives, d'inciter les ingénieurs et
les dirigeants à prospecter avec ardeur et à vendre dans des conditions
économiques et financières satisfaisantes.
En deuxième lieu, toujours au titre de cette trésorerie dormante, j'ai noté,
ainsi que nos collègues, le prélèvement de 2 milliards de francs sur la Caisse
de garantie du logement social, ce qui me semble appeler, de la part du
Gouvernement, quelques précisions sur les conséquences susceptibles d'en
résulter. J'y trouve un certain paradoxe. En effet, dans les dispositions
prises au mois de juillet, monsieur le secrétaire d'Etat, il y avait, si ma
mémoire est bonne, des crédits supplémentaires pour le logement social. J'avoue
être un peu surpris de ce procédé : d'un côté, au mois de juillet, vous
annoncez un plan de relance de la construction sociale, et il vient assurément
à bon escient ; de l'autre côté, en fin d'année, vous annulez 2 milliards de
francs sur la Caisse de garantie du logement social. Je me demande si cette
succession d'opérations est bien cohérente.
En troisième lieu, je reviens sur l'exonération de taxe professionnelle pour
certains matériels de transport, en particulier pour les camions neufs, que
vous avez vous-même évoquée, monsieur le secrétaire d'Etat. Certes, on ne peut
que se réjouir pour les entreprises de transport, notamment pour les plus
petites d'entre elles, mais on est aussi conduit à se demander si chaque
corporation, si chaque profession, ne devrait pas, chacune à leur tour, suivre
le chemin ouvert par les quelques personnes qui se sont mises en travers des
routes de France. En définitive, une politique fiscale qui se fait en fonction
de mouvements sur la voie publique n'est certainement ni très claire ni très
lisible !
Sans doute y a-t-il d'excellentes raisons pour que les transporteurs,
notamment les PME de transport, fassent l'objet d'une aide du Gouvernement,
mais faut-il vraiment considérer que la meilleure façon d'obtenir satisfaction
soit de se mettre à barrer les routes et à empêcher un fonctionnement normal de
l'économie ?
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est, au minimum, un point d'interrogation que je me permettrai de tracer sur
votre épure budgétaire, monsieur le secrétaire d'Etat, car vous avez donné, à
cet égard, l'exemple d'une recette un peu facile, qui risque, dans l'hypothèse
où d'autres professions décideraient des mouvements du même genre, de se
traduire par des petits cadeaux qu'il sera difficile de refuser aux uns quand
on les aura donnés aux autres.
De surcroît, la question est de savoir si ces exonérations de taxe
professionnelle sont bien compensées au profit des budgets locaux, ce que j'ai
cru comprendre, mais ce qui ne ressort clairement ni du texte ni du rapport de
la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
On va faire payer les
collectivités territoriales !
M. Philippe Marini.
Enfin, en quatrième lieu, je remarque les moyens supplémentaires accordés aux
entreprises publiques, soit une trentaine de milliards de francs, grâce au
succès de l'ouverture du capital de France Télécom et malgré certaines réserves
idéologiques que l'opération avait suscitées à un moment donné. Nous
souhaiterions savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, concernant les emplois de
ces sommes, quelle va être la politique vis-à-vis d'un certain nombre
d'entreprises du secteur public. Peut-être le saurons-nous progressivement, au
fil du temps. Reste que, si ma mémoire est bonne, un certain nombre de
procédures sont en cours d'examen devant la commission de l'Union européenne et
que les différentes aides ont été apportées pour « la dernière fois », avec
toutes sortes de problèmes pour faire admettre aux autorités de Bruxelles que
ces aides se situent bien dans le cadre de l'effort que ferait normalement
l'actionnaire d'une entreprise placée dans un contexte de compétition.
Voilà donc 29,5 milliards de francs de plus pour les entreprises publiques.
Très bien ! Mais quels sont les efforts qu'il faut réaliser pour les
entreprises qui doivent toujours être tenues à bout de bras par l'Etat
actionnaire ? Les informations qui nous avaient été communiquées, je parle sous
le contrôle du rapporteur général, lors de la discussion de la loi de finances
initiale pour 1998, m'ont, pour ma part, laissé un goût d'inachevé et je n'ai
pas eu le sentiment que nous ayons obtenu des réponses à toutes nos
questions.
Pour terminer, j'évoquerai très brièvement la politique économique dans le
cadre de laquelle s'inscrit ce collectif budgétaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre politique économique est peu lisible et
je vous en donnerai trois exemples.
Premièrement, j'évoquerai la fiscalité de l'épargne et le dossier, très
révélateur, de l'assurance-vie.
Celle-ci a suscité toutes sortes de controverses, y compris au sein de votre
majorité. Elle a donné lieu à diverses études techniques. Les services du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie conçoivent une formule,
puis une deuxième, puis une troisième ; on en discute avec les professionnels.
Enfin, le fléau de la balance s'arrête. On nous présente le projet de loi de
finances initiale et, tout d'un coup, on sort du chapeau l'idée, à laquelle je
souscris, bien sûr, qu'il serait opportun de mieux traiter les produits
investis en actions. L'Assemblée nationale se prononce en première lecture et
après de longues délibérations, le Sénat également ; la commission mixte
paritaire se réunit, brièvement il est vrai, et nous apprenons dans la presse,
monsieur le secrétaire d'Etat, que les mêmes dispositions sur lesquelles nous
nous sommes longuement penchés, qui nous ont conduits à vous poser les
questions les plus variées, qui vous ont amené à nous répondre et à argumenter,
sont, en fait, incomplètes et doivent être modifiées
in extremis
par un
amendement du Gouvernement. Ce n'est pas si fréquent dans les annales des lois
de finances ou même dans les annales du Parlement ! Peut-être avez-vous eu le
sentiment que l'épargne méritait autre chose que le traitement que vous lui
aviez réservé !
(M. Jean Chérioux applaudit.)
Deuxièmement, s'agissant de l'épargne, et de l'épargne à long terme, nous
voyons ressurgir le dossier, au demeurant tout à fait excellent, des fonds
d'épargne-retraite ou fonds de pension.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Cela s'arrange !
M. Philippe Marini.
Certes, on ne peut que s'en réjouir, mais encore faudra-t-il apprécier le
texte que vous nous présenterez !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Oui !
M. Philippe Marini.
En ce qui nous concerne, nous estimons que beaucoup de temps a déjà été perdu
dans cette affaire et que cela est de la responsabilité de tous les
gouvernements successifs : celui de 1993, qui aurait pu compléter le dispositif
de la loi Veil ; celui de 1995, qui aurait pu se saisir de ce sujet dès le
lendemain des élections présidentielles, et puis, bien sûr, le vôtre. Il eût
été si simple, en effet, de signer les textes d'application qui étaient déjà
prêts dans vos services et qui permettaient l'application de la loi de mars
1997 ! Cette loi, qui enfin vit le jour, au terme d'une législature ne se
sachant pas si proche de sa fin, fournit un cadre et a le mérite d'exister.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous réjouissons que le dossier revienne
ainsi à la surface, mais nous craignons quelque peu une conception qui serait
limitée aux seuls accords obligatoires et qui accorderait un droit de veto aux
organisations syndicales. Nous sommes également en droit de redouter un
dispositif qui ne comporterait plus d'incitations pour les abondements des
employeurs et qui se retournerait ainsi contre la qualité du dialogue social
dans l'entreprise, sachant que les fonds d'épargne-retraite peuvent devenir un
élément vital de ce dialogue.
J'en terminerai, monsieur le secrétaire d'Etat, par la convergence européenne,
objectif que vous cherchez à atteindre, dites-vous.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a évoqué les très
récentes dispositions prises à Luxembourg. Nous voyons ainsi s'ébaucher un
organe informel, le Conseil de l'euro, doté d'un statut spécifique pour les «
auditeurs extérieurs », si je puis les qualifier ainsi. Je reste cependant
dubitatif, voire inquiet, lorsque j'observe la politique fiscale qui est
conduite, chez nous, à l'égard des entreprises comme à l'égard de l'épargne,
lorsque j'observe aussi la volatilité de cette épargne, lorsque j'observe la
facilité avec laquelle on délocalise aujourd'hui une activité ou une
entreprise.
J'ai l'impression, monsieur le secrétaire d'Etat, que, lorsque l'euro sera
devenu une réalité, pour qu'il produise des effets bénéfiques pour notre
économie, et non pas des effets maléfiques, ce qui n'est pas impossible, il
vous faudra réviser très sérieusement un certain nombre de conceptions, de
méthodes et de principes qui se sont traduits, en 1997, dans votre politique
fiscale.
A ce moment de vérité, vous aurez sans doute quelques explications difficiles
avec certains de vos amis. Mais ce n'est pas mon affaire ! C'est un sujet qu'il
vous appartiendra de traiter en son temps - un temps qui viendra sans doute
rapidement ! - sachant qu'il vaut mieux anticiper les vérités et les assumer
avec courage plutôt que repousser sans cesse les échéances et se complaire dans
une présentation certes agréable et non conflictuelle mais, hélas ! pas du tout
conforme, me semble-t-il, à la réalité d'aujourd'hui et probablement pas à
celle des années à venir.
Compte tenu de toutes ces considérations et de l'examen auquel il a procédé,
le groupe du Rassemblement pour la République se prononcera sur le projet de
loi de finances rectificative en fonction des amendements qui seront retenus et
en suivant les conclusions de la commission, auxquelles il adhère.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
début de la session, il ne semblait pas à certains qu'un collectif budgétaire
soit nécessaire. Mais le collectif s'impose pour équilibrer les comptes de la
nation.
Cette année, l'opération est délicate, car elle fait référence à la fois aux
prévisions votées lors de la loi de finances de 1997, donc établies par
l'ancien gouvernement, ainsi qu'aux adaptations et corrections décidées par le
gouvernement d'hier et par celui qui a été élu en juin dernier. Il existe donc
des correspondances, des interférences, des compléments.
Le 10 décembre 1996, le ministre de l'économie et des finances de l'époque, M.
Arthuis, concluait par ces mots la discussion de la loi de finances pour 1997 :
« Le budget qu'une majorité d'entre vous s'apprête à voter concilie trois
objectifs vitaux : le premier est de réduire la dépense publique, le deuxième
est de réduire le déficit public, le troisième est d'alléger le poids de
l'impôt.
« C'est dire si ce budget est exemplaire pour assurer le redressement de la
France et contribuer à l'emploi.
« Ce qu'il faut maintenant, c'est que tous nos compatriotes se mobilisent.
« Je confirme que, sur le plan macroéconomique, les indications sont
encourageantes.
« Les hypothèses de croissance en 1997 seront de 2,3 %. Nous avons aujourd'hui
un faisceau d'indications qui confirment ces bonnes perspectives. »
Etait-ce la fièvre du vote au dernier soir de la discussion budgétaire ? Le
discours est étonnant !
Toujours est-il que la vision optimiste que M. le ministre de l'économie et
des finances prodiguait à notre Haute Assemblée a difficilement résisté à
l'épreuve des faits.
Pour ce qui est de la réduction de la dépense publique, pas de problème ! Vous
auriez souhaité encore plus d'audace dans ce domaine, mesdames, messieurs de la
majorité sénatoriale.
Dès janvier, un exercice bien connu, celui de la régulation budgétaire,
tournant le dos au droit même du Parlement de fixer le niveau des recettes et
des dépenses publiques, mettait un terme, à hauteur d'environ 20 milliards de
francs, à toute nouvelle orientation budgétaire.
En ce qui concerne la réduction des déficits publics, en revanche, cela s'est
sérieusement gâté !
Regardons les faits. Sans l'adoption, contre l'avis de la majorité du Sénat,
arc-boutée sur sa défense idéologique des intérêts du capital, du texte de loi
portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, nous ne serions pas
dans la situation la plus idéale.
Le produit de l'impôt sur le revenu est, dans ce collectif, inférieur encore
de près de 2 milliards de francs à celui qui avait été inscrit en loi de
finances initiale.
Il faudrait d'ailleurs nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour quelles
raisons cette évaluation de l'impôt sur le revenu est encore revue à la
baisse.
Est-ce la permanence d'un niveau global de salaires sans commune mesure avec
la réalité des capacités financières des entreprises ?
Est-ce une conséquence du gel des rémunérations des agents du secteur public
?
Est-ce une nouvelle progression du coût de certains dispositifs fiscaux comme
l'avoir fiscal, dont la progression est constante et suit assez précisément
celle des dividendes versés ?
Peut-être est-ce un peu de tout cela qui explique la tendance à la baisse.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Peut-être est-ce parce que les contribuables se
sauvent !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
S'agisant de la taxe sur la valeur ajoutée, son produit net est en baisse
sensible par rapport aux prévisions. Le montant de recettes non encaissées
atteint en effet 15,2 milliards de francs, soit l'équivalent d'un demi point de
TVA.
Faut-il voir là un effet d'une évolution erratique de la consommation ou
l'effet pervers d'une croissance tirée par les exportations et qui souffre de
l'atonie du marché intérieur ?
Est-ce que, tout simplement, les consommateurs ne finissent pas par remettre
certains achats - je pense, par exemple, aux automobiles - uniquement parce que
la TVA pèse trop lourd dans le prix des biens et services ?
A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux revenir sur la fixation du
taux de la TVA sur le chocolat. L'époque me semble t-il, s'y prête !
Au cours du débat sur la loi de finances pour 1998, vous avez refusé de fixer
ce taux à 5,5 %, comme le propose notre collègue M. Barbier dans une
proposition adoptée à l'unanimité de la commission des finances. Il faudrait,
monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement soit moins obstiné. Le
chocolat est un produit de consommation courante ; toutes les familles de
France sont concernées.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Surtout à cette période de l'année !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
A l'encontre de cette disposition, vous ne pourriez pas opposer l'Europe,
puisque celle-ci serait « eurocompatible ». Tout le monde est favorable à cet
abaissement de la TVA.
Le geste que nous demandons serait un beau cadeau de fin d'année dont vous
seraient reconnaissants les nombreux amateurs de ce produit, dont les qualités
ne sont plus à prouver.
Vous nous avez répondu que le coût budgétaire serait de trois milliards de
francs. De 1986 à 1996, la consommation de chocolat s'est accrue de 50 %. Avec
une TVA de 5,5 %, de combien la consommation aurait-elle pu s'élever ? Ne
pensez-vous pas que l'accroissement de la consommation compenserait une bonne
partie du coût de cette mesure, de ces trois milliards de francs ? Je vous fais
observer également que des concurrences fortes se manifestent avec des produits
importés de pays tiers ou d'Europe pratiquant un taux de TVA bien inférieur au
nôtre.
La baisse du taux de la TVA sur le chocolat serait ainsi un élément de
croissance pour la production nationale, et donc une mesure favorable à
l'emploi.
Je vous fais, enfin, observer que, parmi tous les débouchés importants de
sucre surtaxés, seuls le chocolat et la confiserie, d'une part, et les boissons
spiritueuses, d'autre part, sont encore à un taux de 20,6 %.
Nous sommes, dans ce domaine, « euro-anachroniques ». Il suffit de comparer
les taux avec d'autres pays. Ils s'élèvent en Suisse à 2 %, en Belgique et aux
Pays-Bas à 6 %, en Allemagne et en Espagne à 7 %, en Grèce à 8 %, en Italie et
en Autriche à 10 %, au Portugal, en Finlande et au Royaume-Uni à 17 %.
Il ne faut donc pas prétendre que baisser le taux de TVA réduirait les
recettes. Ce serait même tout le contraire.
Le mouvement de baisse relevé pour la TVA affecte aussi le produit de la taxe
intérieure sur les produits pétroliers. Cela montre que fonder un équilibre
budgétaire sur la perception d'impôts frappant la consommation est
définitivement un mauvais choix.
La modernité de la TVA, que vantent certains, ne résiste manifestement pas à
l'épreuve des faits et éloigne, en particulier, notre pays de la voie du
redressement des comptes publics.
Sans le MUFF, je l'ai dit, nous serions sans doute confrontés à un déficit de
plus ou moins 300 milliards de francs. Et on peut penser, messieurs de la
majorité, que, si vous aviez conservé la responsabilité des affaires, vous
auriez encore frappé beaucoup plus fort pour réduire dépenses publiques,
consommation, production et emplois.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Mais pas sur le chocolat !
(Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je me permets de rappeler ici que, pour ce qui nous concerne, nous ne sommes
pas partisans de la réduction des déficits publics pour faciliter l'entrée de
notre pays dans le carcan de l'Union économique et monétaire. Cette mesure est
trop grave pour le développement de la production.
Nous sommes, en revanche, partisans d'une réduction du déficit qui passe par
une réforme de la fiscalité et qui permette dans les faits de libérer le
salarié et le consommateur du poids des prélèvements qu'on lui fait subir, au
seul profit de ceux que leurs facultés contributives devraient pourtant
permettre de solliciter un peu plus.
Le poids des déficits lie notre pays à la loi des marchés financiers, alors
même que l'Etat se doit, d'abord, dans son intervention, de répondre aux
besoins de la collectivité nationale et de nos compatriotes.
Quant à la réduction du poids de l'impôt, nous avons déjà dit ce qu'il en
était.
Dès la discussion de la loi de finances initiale, nous avions souligné que,
contre toute logique, c'étaient les revenus les plus élevés et les entreprises,
pourtant en excellente santé financière, qui bénéficiaient des allégements
d'impôts, tandis que les salariés et les familles modestes subissaient la
baisse de la décote, le gel des prestations sociales ou encore la hausse de la
TVA et des prélèvements sociaux les plus injustes.
La démonstration en a été abondamment faite ; il ne me semble pas utile d'y
revenir.
C'est donc un collectif fortement marqué par les conséquences des choix
politiques et idéologiques d'il y a un an et insuffisamment corrigé par le
budget actuel que l'on nous propose aujourd'hui d'examiner.
Il a en effet fallu corriger à la fois les sous-estimations de dépenses et les
surestimations de recettes du texte initial pour parvenir au solde - encore
préoccupant - qui apparaît dans l'article d'équilibre.
Les mesures de la première partie du collectif appellent plusieurs
observations.
Nous pouvons d'emblée souligner que le fait que ce collectif ne soit discuté
qu'en fin d'année pèse incontestablement sur les mesures qui l'accompagnent.
S'agissant de la première partie, donc, nous tenons à souligner notre position
de principe.
Nous ne sommes pas partisans des prélèvements autoritaires dans ce que l'on
appelle, à tort ou à raison, les « trésoreries dormantes » pour solder les
comptes de l'Etat.
Nous estimons même que l'Etat devrait, plus tôt dans l'année, recourir à la
procédure de la loi de finances rectificative et mettre notamment en oeuvre des
dispositions fiscales destinées à ajuster les comptes.
C'est ainsi que nous ne considérons pas positivement les prélèvements
effectués dans le cadre de ce collectif sur les fonds de la caisse de garantie
du logement social et sur ceux de l'Institut national de la propriété
industrielle.
Nous aurons l'occasion de réaffirmer, comme nous avons eu l'occasion de le
faire par le passé à MM. Juppé, Balladur, Alphandéry, Sarkozy ou Arthuis, notre
désaccord sur ces prélèvements autoritaires qui finissent pas s'apparenter à de
la spoliation.
S'agissant des dispositions de la deuxième partie, vous me permettrez
d'indiquer dès à présent que certaines d'entre elles appelleront, le moment
venu, des observations de notre groupe.
Je pense, en particulier, à l'article relatif à la répartition de la redevance
audiovisuelle, à celui qui concerne la distribution des titres France Télécom
ou encore à celui qui a trait à la participation de l'Etat au plan de
redressement du Groupe des assurances nationales.
Permettez-moi, sur ce point, de rappeler que nous ne sommes pas convaincus que
les difficultés du GAN-CIC soient uniquement et indissolublement liées au fait
que le groupe d'assurances est une entreprise publique.
D'aucuns tirent en effet prétexte des révélations sur la situation critique du
groupe pour tirer à boulets rouges sur l'actionnariat public dans le secteur
concurrentiel, en rappelant à l'envi le cas du Crédit lyonnais ou celui du
Crédit foncier.
Je me dois de rappeler que, dès lors que le dispositif des prêts aidés pour
l'accession à la propriété, les PAP, a été anéanti par le plan Périssol, on a
créé les conditions des difficultés du Crédit foncier.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
La disparition des PAP avait été annoncée avant !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Quant à l'affaire du Crédit lyonnais, force est de constater que les erreurs
de gestion de Jean-Yves Haberer ont été couvertes, ne l'oublions pas, par les
commissaires du gouvernement de l'époque, dont certains sont promis, selon
toute vraisemblance, à un bel avenir !
Soulignons aussi que, pendant que le Consortium de réalisation accomplit ses
missions - sans être exempt de critiques sur la valeur de cession de certains
des actifs cantonnés - il est d'autres établissements financiers ou compagnies
d'assurances privées ou privatisées qui épongent comme elles peuvent des dettes
importantes et s'assoient sur des créances immobilières particulièrement
importantes.
J'observe d'ailleurs que M. Arthuis avait trouvé une solution à ce problème en
remettant en cause le décret de 1937 sur les banques et en approuvant
l'attitude de l'Association française des banques visant à dénoncer la
convention collective de la profession.
Qui aurait imaginé en 1986 qu'Indosuez deviendrait un jour une filiale du
Crédit agricole ?
Et que dire de la situation de Paribas ?
On pourrait en la matière multiplier les exemples attestant que la logique
spéculative qui a gangrené la place de Paris pendant plusieurs années au début
des années quatre-vingt-dix est encore aujourd'hui d'un effet dévastateur sur
la situation même de nos établissements financiers et de nos compagnies
d'assurances.
S'il en fallait une preuve, ne viendrait-elle pas de ce subit désir de
nombreuses filiales immobilières de nos compagnies d'assurance, banques et
compagnies financières, de se délester de logements occupés par des locataires
modestes ou issus des classes moyennes pour réaliser un actif utilisable pour
amortir le poids des provisions sur actifs douteux ?
On dit ainsi que 10 000 logements, qui n'appartiennent pas au parc HLM mais
qui ont bénéficié, pour leur construction, de financements publics, seraient
concernés par ce processus !
Nous ne sommes donc pas convaincus du caractère néfaste de l'actionnariat
public, mais bien plutôt du caractère néfaste de stratégies d'entreprise qui
privilégient les coups spéculatifs plutôt que le développement de la société
dans son ensemble.
Les mesures portant annulations, ouvertures et transferts de crédits
appelleront le moment venu nos observations.
Je me permets simplement de souligner que, en ce qui nous concerne, la logique
du redéploiement rencontre vite ses limites en matière de régulation
budgétaire.
Nous estimons même que, si l'on peut interpréter comme positive l'ouverture de
crédits indispensable au bon fonctionnement des services publics - je pense par
exemple à la réembauche des maîtres auxiliaires - ou que l'on peut saluer
l'ouverture des crédits nécessaires à la signature des premiers contrats
emplois-jeunes, on ne peut que regretter que de nombreux crédits d'intervention
soient corrigés par des mesures d'annulation, ce qui illustre fort souvent des
problèmes d'exécution budgétaire qu'il faudra bien un jour résoudre par un
contrôle plus régulier, voire plus permanent.
Nous pensons en particulier que, en matière de dépenses du titre IV comme du
titre VI, on doit s'interroger sur la pertinence du processus des financements
croisés dès lors que le niveau des engagements de l'Etat se révèle, dans de
nombreux cas, largement insuffisant pour déclencher le mécanisme de
l'utilisation des ressources.
Il importe à notre sens, dans le cadre d'une véritable rénovation de la
discussion budgétaire, de mettre en place les conditions d'une optimisation de
l'intervention publique dans tous les domaines.
C'est là une des voies à explorer pour la satisfaction des besoins du pays, en
vue notamment de mobiliser les énergies pour répondre aux aspirations des
Français.
Nous aurions voté ce collectif budgétaire, bien qu'il présente encore, à notre
avis, des insuffisances, s'il n'était pas promis à être profondément transformé
par la majorité sénatoriale.
Dans ces conditions, nous serons donc dans l'obligation de rejeter le texte
tel qu'il ressortira des travaux de la Haute Assemblée.
M. Philippe Marini.
Ne préjugeons pas ! Attendons de voir !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je veux répondre brièvement aux
trois orateurs qui se sont exprimés.
M. Massion a, me semble-t-il, parfaitement résumé la situation.
(Sourires
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
« Parfaitement » !
M. Michel Caldaguès.
On s'en doute !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est un bon cru ! On ne peut pas faire compliment
plus juste et plus sincère.
Dans son remarquable exposé, M. Massion a insisté sur un certain nombre de
points que je reprendrai.
J'évoquerai la soulte de France Télécom, dont nous ne parlons plus mais qui,
en 1997, a été bien utile au gouvernement précédent pour boucler un exercice
déjà périlleux.
M. Massion a également relevé la surévaluation des recettes. A cet égard, dans
l'excellente chronologie de M. le rapporteur général, qu'il a fait débuter au
mois de mars par un gel, je dois dire qu'il a oublié - par inadvertance sans
doute - qu'au mois de janvier, à peine achevé le débat budgétaire, le
gouvernement précédent avait décidé de réviser à la baisse les recettes
fiscales, notamment celles qui résultent de la TVA. Or c'est par rapport à ces
recettes fiscales révisées à la baisse que l'exécution du budget de 1997 se
fait avec une parfaite régularité.
M. Michel Caldaguès.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne jurez de rien, les temps sont durs !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je ne jure de rien, monsieur le sénateur ! Je constate
simplement que, dès le mois de janvier dernier, les recettes fiscales avaient
été révisées de 15 milliards de francs à la baisse.
Je répondrai maintenant à Mme Beaudeau qui a exprimé son soutien vigilant au
collectif budgétaire présenté par le Gouvernement.
Je m'attarderai peut-être quelque peu sur le taux de TVA applicable au
chocolat - question sérieuse et en même temps de saison.
(Sourires.)
Une partie seulement du chocolat et des autres produits de confiserie est
taxée au taux de 20,6 %. Le chocolat noir - qui est délicieux, mais qui n'est
pas forcément le produit préféré de nos enfants - est taxé au taux de 5,5 %
quand sa composition respecte un certain nombre de conditions.
Madame Beaudeau, vous avez souligné à juste titre que le passage au taux
réduit de TVA à 5,5 % était eurocompatible.
Je ne peux que vous répéter l'argument que j'ai déjà avancé devant la Haute
Assemblée : le coût serait de l'ordre de 2,5 milliards de francs et non de 3
milliards de francs. Or ce coût n'est pas facile à supporter dans le cadre du
collectif pour 1997 ou même du budget pour 1998.
Cela dit, vous avez remarqué, madame le sénateur, que nous avons déjà, dans le
budget pour 1998, fait des pas vers une diminution de la TVA, notamment en ce
qui concerne les travaux de réhabilitation et de gros entretiens des logements
sociaux, mais également, par un canal indirect, pour les travaux de
réhabilitation et de gros entretiens réalisés par les particuliers, locataires
ou propriétaires, dans leur maison.
Nous nous orienterons donc vers une diminution des taux de TVA, qui avaient
particulièrement augmenté en 1995, lorsque la situation de nos finances
publiques le permettra.
Vous avez dit que le secteur public n'avait pas le monopole des déficits. Il
est clair, en ce qui concerne l'immobilier, que si le GAN, par sa filiale UIC,
a subi une perte de l'ordre de 30 milliards de francs, sur laquelle nous aurons
l'occasion de revenir, dans le groupe des institutions financières qui ont
perdu plus de 10 milliards de francs sur l'immobilier, on compte également
Suez, Paribas, la Société générale et la banque Pallas-Stern, qui, d'ailleurs,
y a laissé sa vie.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Dans ces cas, ce ne sont pas les contribuables qui
paient !
M. Philippe Marini.
Pour la Société générale, c'est beaucoup moins !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Non, pour la Société générale c'est un peu plus de 10
milliards de francs !
M. Philippe Marini.
Qui ne coûtent rien aux contribuables !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mais, compte tenu de son bilan, c'était aisément
supportable.
J'en arrive aux propos de M. Marini que j'ai pris comme des critiques. En
utilisant l'expression « vision idéale », je pense qu'il avait commencé - comme
l'a dit M. Strauss-Kahn - par un compliment ; s'il avait dit « idéaliste »,
j'avoue que j'aurais été inquiet mais il a dit « idéale ». Nous ne prétendons
pas réconcilier l'idéal et le réel, bien que Jaurès ait dit des choses
immortelles en la matière.
Plus sérieusement, monsieur Marini, la conjoncture dont vous avez parlé
n'était pas inattendue. Mme Beaudeau a rappelé que M. Arthuis avait prévu une
croissance de 2,3 % pour l'année 1997, qui va d'ailleurs, grosso modo, se
réaliser.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Oui !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement actuel n'a donc pas bénéficié d'une
aubaine imprévue s'agissant de la conjoncture. La conjoncture - une fois n'est
pas coutume - a été celle qui avait été prévue.
Vous avez parlé des 7 milliards de francs de moindres dépenses des services de
la dette. Je rappelle qu'en 1996 le gouvernement précédent avait bénéficié
d'une économie comparable de 6,4 milliards de francs.
Vous avez, vous aussi, monsieur Marini, le goût des références historiques, et
vous avez notamment mentionné l'année 1988. Il est rare qu'on remonte aussi
loin...
Je voudrais rappeler que le déficit de l'Etat a été diminué de 125 milliards
de francs en 1988, soit 2,2 % du PIB, à 93 milliards de francs en 1990, soit
1,3 % du PIB. Il me semble donc que votre référence en la matière est un peu
audacieuse.
M. Philippe Marini.
Il faudra qu'on en reparle !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
On en reparlera si vous le souhaitez !
Vous avez également évoqué les 24 milliards de francs de recettes
supplémentaires.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est vrai !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je ne peux que répéter ce qu'a déjà dit M.
Strauss-Kahn : il ne s'agit pas de recettes supplémentaires ; ce sont des
recettes de compensation des insuffisances - qui avaient été constatées dès le
mois de janvier dernier - d'impôts d'Etat de l'ordre de 15 milliards de francs.
Sans les mesures prises dans le MUFF, auxquelles M. le rapporteur général a
fait allusion, il nous aurait manqué 15,7 milliards de francs sur l'année
1997.
Ce sont donc des recettes à la place de recettes annoncées mais qui ne sont
pas concrétisées pour l'Etat. Il en est de même pour la sécurité sociale. Il
n'y a donc pas eu d'accroissement des prélèvements obligatoires ni en
pourcentage ni même en niveau.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Des comptes sociaux !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous vous êtes inquiété du budget de la défense. Je
rappelle tout de même que l'Etat a affecté 3,7 milliards de francs à GIAT
Industries. Cette somme était attendue depuis longtemps pour permettre à ce
groupement de reprendre un peu son souffle.
M. Philippe Marini.
Pour pallier des erreurs de gestion !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je dois reconnaître, monsieur Marini, que vous avez
fait preuve d'une grande imagination en ce qui concerne notre arme nucléaire.
Je peux vous dire d'une façon assez solennelle, car il s'agit là d'un sujet
dont on ne peut pas parler d'une façon trop allusive, que l'indépendance de
notre pays n'est en rien mise en cause, ni par le collectif pour 1997 dont je
vous ai montré qu'au total il était bénéfique à la défense contrairement à
celui de 1996, ni par le projet de loi de finances pour 1998.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat,
me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances, avec
l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat,
tout à l'heure, vous avez fait référence à la possibilité pour le gouvernement
précédent de boucler son budget 1997 à partir d'une soulte de France Télécom.
Reconnaissez que vous, vous avez pu boucler votre budget en raison d'une
économie excessive sur le budget de la défense nationale de l'ordre de 9
milliards de francs !
Je souhaite qu'une telle économie ne se renouvelle pas l'an prochain. Par
conséquent, vous avez bien amputé fortement, c'est-à-dire à hauteur de 9
milliards de francs, les crédits de la défense nationale.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais signaler à M. le président de la
commission des finances qu'il y a, d'une part, l'année 1997 et, d'autre part,
l'année 1998. En l'occurrence, nous parlons du collectif pour 1997 et, au
total, entre les annulations de crédits et les ajouts, c'est-à-dire le
financement des opérations extérieures, la prise en charge du coût financier
d'un contentieux relatif aux services rendus par les gendarmes sur les
autoroutes, qui avait été promise par le gouvernement précédent mais non
financée, et les crédits de GIAT Industries, dont j'ai parlé, le budget de la
défense pour 1997 est
grosso modo
très proche de celui qui avait été
initialement voté.
En 1998, et nous avons eu longuement l'occasion d'en débattre, une économie a
été faite sur les prévisions d'investissement du budget militaire. M. le
ministre de la défense s'est exprimé sur ce point avec beaucoup plus de talent
que moi, mais les économies proposées ne remettent en cause ni la force de
frappe ni la professionnalisation de nos armées, que M. Marini a qualifiée, à
très juste titre, de révolution.
Le pari, pris en s'appuyant sur les constatations de la Cour des comptes,
c'est que l'on peut, avec moins de crédits en autorisations de programme,
engager à peu près les mêmes dépenses effectives dans le domaine des
investissements militaires. Nous verrons ce qu'il en sera à la fin de l'année
1998.
Par ailleurs, monsieur Marini, vous avez fait allusion aux contrats
Boli-Bravo. A cet égard, il faut distinguer les produits financiers de la marge
bénéficiaire industrielle de la Direction des constructions navales. La
totalité des bénéfices industriels de ce contrat a été conservée par cet
établissement, ce qui signifie que l'incitation à conclure des contrats
bénéficiaires n'a été en rien réduite.
Je ne parle pas des mesures additionnelles qui ont été prises. Ce qui est en
cause, ce sont les produits financiers réalisés sur ces contrats. Les produits
industriels, eux, sont donc intégralement gardés par la DCN, l'Etat ne
récupérant que les produits financiers, ce qui est tout à fait légitime.
A propos de la Caisse de garantie du logement social, la CGLS, vous avez dit
qu'il y avait un paradoxe en la matière. Il est clair - le Gouvernement l'a
fait dès 1997 avec le décret d'avance et l'a poursuivi en 1998 - que le
logement social est une priorité absolue. Ce dont il s'agit là, c'est d'un
prélèvement sur un encours dont la CGLS dispose ; et dont l'Etat estime que si
cet encours est réduit de 2 milliards de francs, le rôle de garantie de cette
caisse ne sera pas affecté.
Si, par hasard, au cours de l'année 1998, on constate qu'il y a des
difficultés, l'Etat s'engage à maintenir la pérennité des garanties qui sont
apportées aux organismes de logements sociaux.
Je pense donc que vos inquiétudes en la matière sont mal fondées.
S'agissant des transporteurs, je ne ferai pas de comparaison qui, à mon avis,
serait cruelle pour certains, entre le conflit de 1996 et le conflit de
1997.
Le conflit de 1997 a été dû à des promesses qui avaient été faites il y a un
an et qui n'ont pas été tenues. Or le Gouvernement, pour résoudre ce problème
dans des délais plus courts que l'année précédente et, certainement, de façon
plus favorable, a su concilier la fermeté et le dialogue. La mesure qui vous
est proposée est de ce point de vue tout à fait justifiée.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Est-elle compensée ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Puisqu'elle figure dans la loi de finances, c'est bien
qu'elle est compensée, donc prise en compte par l'Etat comme toujours lorsque
sont en jeu des dégrèvements d'impôts locaux. Je vous remercie, monsieur le
président de la commission de m'avoir donné l'occasion d'apporter cette
précision à M. Marini.
J'en viens aux entreprises publiques. Je voudrais sur ce point, puisque nous
nous battons sur les chiffres, comparer deux périodes homogènes, c'est-à-dire
des périodes pendant lequelles la même majorité a exercé des responsabilités.
En 1994, 1995 et 1996, au total, les résultats nets consolidés du secteur
public ont été négatifs de 47 milliards de francs. Pendant la période
précédente, tout aussi homogène, c'est-à-dire les années 1989, 1990, 1991 et
1992, les résultats nets consolidés du secteur public ont été positifs de 46
milliards de francs.
Sans en tirer de conclusions excessives, reconnaissez, messieurs les
sénateurs, que, entre 1989 et 1992, l'excédent était de 46 milliards de francs
alors qu'entre 1994 et 1996 la perte s'élevait à 47 milliards de francs. En
cette matière, il convient donc de garder le sens de la mesure !
(M. Philippe Marini s'exclame.)
J'en viens à la fiscalité de l'épargne, notamment à la question de
l'assurance-vie. La Haute Assemblée a eu la primeur d'un débat portant sur la
façon dont les contrats d'assurance-vie pourraient être ouverts aux détenteurs
d'actions, puisque M. Loridant a proposé un amendement en ce sens qui a été
longuement débattu et auquel le Gouvernement a apporté son soutien.
Il me semble que la démocratie a été parfaitement respectée et que la Haute
Assemblée a plutôt été honorée, puisque c'est en son sein que le débat a
commencé...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Mais vous l'avez refusé, cet
amendement, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Non ! Le Gouvernement a émis un avis favorable sur
l'amendement de M. Loridant. La Haute Assemblée n'a pas voulu l'adopter ! C'est
son choix !
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Elle n'a pas voulu être en contradiction avec
elle-même !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est son choix souverain, et je respecte tout à fait
son vote !
Je veux dire simplement que le débat démocratique sur la façon d'incorporer
davantage d'actions dans les contrats d'assurance-vie a été initié devant la
Haute Assemblée.
Vous avez parlé, monsieur Marini, de moment de vérité à propos de l'euro. Nous
avons effectivement vécu un moment de vérité, c'était au mois de juillet, au
moment où la France était en train de diverger de la cible qu'il faut
atteindre.
L'action du Gouvernement, que je ne veux ni surestimer ni sous-estimer non
plus, a remis notre pays au coeur de l'euro, ce dont nous pouvons tous nous
réjouir.
Je crois que notre pays est prêt, et je pense qu'il jouera, au sein du conseil
de l'euro, dont le Conseil de Luxembourg a décidé la création, et dans l'Europe
du xxie siècle le rôle central qui doit être le sien.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
Article 1er