M. le président. « Art. 5. _ Il est institué, pour 1997, au profit du budget de l'Etat, un prélèvement exceptionnel de 120 millions de francs sur les réserves de l'Institut national de la propriété industrielle. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 26 est déposé par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 5.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, le prélèvement sur les réserves de l'Institut national de la propriété industrielle prévu à l'article 5 serait le troisième en six ans, si le Sénat l'autorisait.
Quatre arguments plaident donc en faveur de la suppression de cet article.
Premier argument : la réduction des réserves disponibles de l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, rendrait plus difficile l'exécution de certains de ces projets.
Deuxième argument : les prélèvements précédents ont conduit à relever les tarifs de redevance, ce qui est préjudiciable à l'innovation.
Troisième argument : les disponibilités dégagées par l'INPI devraient plutôt être utilisées à le moderniser. Ce prélèvement est finalement une incitation à la mauvaise gestion, pour ne pas dire au gaspillage.
Quatrième argument : de telles réserves n'ont aucune raison d'être. Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dont nous ne partageons pas tous les avis,...
M. Philippe Marini. Pas tout à fait !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... a affirmé que l'INPI n'avait pas vocation à devenir une banque. De ce point de vue, il a tout à fait raison. L'absence de réserves devrait résulter, non pas de ponctions régulières au profit du budget de l'Etat, mais d'une diminution des tarifs de redevances qui ne pourrait qu'encourager le dépôt de brevets.
Je dois vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que, lorsqu'en 1995, la Haute Assemblée, après de longs débats, a finalement adopté l'article qui opérait un prélèvement de 215 millions de francs, j'avais indiqué, au nom de la commission des finances, que ce serait la dernière fois que celle-ci consentirait à une telle disposition. En toute logique, elle est donc défavorable à un nouveau prélèvement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 26.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous suggérons par le présent amendement la suppression pure et simple de l'article 5 du projet de loi instituant un prélèvement sur les réserves de l'Institut national de la propriété industrielle.
Nous pouvons, à l'appui de cette proposition, faire valoir plusieurs arguments.
On peut nous opposer que les ressources de l'INPI ne souffriront pas outre mesure des dispositions prises, puisque le fonds de roulement de l'établissement s'avère largement suffisant pour faire face aux dépenses prévisibles en 1998.
On peut aussi nous rétorquer que ces ressources ont un caractère fiscal marqué puisqu'il s'agit des redevances de dépôt, d'établissement de recherche pour antériorité et de délivrance des brevets d'invention.
En outre, l'INPI perçoit des redevances de maintien des brevets pour une durée de vingt ans sur chaque brevet.
La nature fiscale de ces ressources est donc assez clairement établie et on pourrait concevoir que l'Etat décide, d'une certaine façon, de reprendre par le biais de prélèvements exceptionnels ce que la loi institue par principe.
On ne peut oublier que l'INPI dispose également de recettes de caractère non fiscal, étant partie prenante d'un certain nombre de banques de données économiques et statistiques accessibles au grand public et dont l'usage se répand avec le développement des nouvelles technologies de l'information.
Cette mission d'information du public est d'ailleurs consubstantielle à l'établissement lui-même. Elle est donc tout à fait normalement valorisée.
Tout cela ne justifie pas, de notre point de vue, le prélèvement opéré, qui pose d'autres questions.
En effet, est-ce parce qu'un établissement public jouit d'une situation financière saine qu'il doit naturellement être ponctionné par le biais d'un collectif de fin d'année ?
Si l'on s'oriente dans cette direction - et nous regrettons qu'en la matière la pratique budgétaire n'ait pas profondément changé - on peut s'attendre encore à ce que, dans les années qui viennent, des décisions contestables, guidées par des considérations uniquement comptables, soient prises de nouveau.
Cela m'amène à poser une seconde question, celle du niveau des droits perçus par l'Institut.
Un examen comparatif avec les autres pays de l'Union européenne montre que les tarifs de l'INPI se situent plutôt dans la moyenne européenne.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Absolument !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On pourrait réfléchir, dans les années à venir, à une différenciation des tarifs en fonction de la nature des déposants, selon qu'il s'agit d'entreprises ou de particuliers, pour faciliter un développement de la recherche dans notre pays, un développement que chacun s'accorde à juger nécessaire.
On peut aussi concevoir une extension relative du champ de compétences de l'INPI : celui-ci pourrait participer au développement de programmes de recherche par la mobilisation de ses ressources, notamment lorsque ces programmes supposent des investissements à long terme.
Ce sont là quelques raisons parmi d'autres qui nous paraissent justifier la suppression de l'article 5.
Au demeurant, nous pensons que d'autres dispositions pouvaient être prises pour trouver 120 millions de francs et boucler ainsi le budget de 1997.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 6 et 26 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, et cela pour deux raisons.
D'une part, il n'est pas anormal qu'un établissement public administratif qui a accumulé des réserves apporte sa contribution à la réduction des déficits publics.
D'autre part, comme l'a indiqué Mme Beaudeau elle-même, les tarifs pratiqués en France ne sont pas pénalisants puisqu'ils se situent dans la moyenne européenne. Je précise qu'ils n'ont été relevés ni en 1994, ni en 1995, ni en 1997 et qu'en 1996 ils ne l'avaient été que de 0,9 %.
Je pense que, dans ces conditions, l'Institut national de la propriété industrielle pourra poursuivre sa grande oeuvre sans être handicapé par ce prélèvement de 120 millions de francs.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 6 et 26.
M. Marc Massion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Il nous paraît légitime que l'Institut national de la propriété industrielle contribue à l'effort de réduction des déficits publics qu'entreprend le Gouvernement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. Massion est un bon soldat !
M. Marc Massion. Au demeurant, ce n'est pas la première fois que sont ainsi prélevées des sommes sur les réserves de cet établissement public. Je ne comprends pas pourquoi ce qui était vrai hier ne le serait plus aujourd'hui. Je le comprends d'autant moins que les chiffres observés pour les premiers mois de 1997 laissent apparaître un excédent de trésorerie plus ample que celui qui avait été constaté l'année dernière pour la même période.
Ainsi, le prélèvement de 120 millions de francs que le Gouvernement nous propose n'empêchera ni le déménagement de l'établissement public à Lille ni son bon fonctionnement, étant entendu que le fonds de roulement pour 1997 en fin d'exercice est estimé à 300 millions de francs.
Nous voterons donc contre ces amendements.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je crois, au contraire de M. Massion, que nous commettrions une grave erreur en suivant la proposition du Gouvernement. S'il est concevable de se tromper une, voire deux fois, mieux vaut ne pas persévérer : perseverare diabolicum !
Sur le fond, il s'agit d'inciter les inventeurs, les développeurs de procédés, de services et de produits, à protéger leurs connaissances. C'est le rôle de l'INPI d'assurer, pour le compte de l'Etat, cette mission de protection. Celle-ci doit être aussi facilement accessible que possible.
A opérer ces ponctions de manière répétée, on va logiquement conduire cet établissement à relever le tarif des redevances ou du moins à ne pas l'abaisser, alors qu'il serait économiquement sain et utile, pour tout le tissu des entreprises, d'aboutir à des coûts plus bas en matière de dépôt de brevet et de protection des connaissances.
Il me semble également, monsieur le secrétaire d'Etat, que la mesure que vous nous proposez est une incitation à la mauvaise gestion. Gérant leur établissement comme on gère une entreprise, les directeurs généraux de l'INPI s'efforcent de combiner le mieux possible les moyens dont ils disposent pour dégager des résultats positifs. Mais quelle récompense en reçoivent-ils ? Dès que les fonds collectiés dépassent un certain niveau, l'Etat opère une ponction ! Ils ont ainsi l'assurance que leurs réserves seront « toisées » : cela leur est arrivé déjà deux fois ! Si cela leur arrive une troisième fois, je crains que cet établissement - je le connais bien, car il a une implantation significative à Compiègne - ne soit guère incité à dépenser mieux ou à rechercher l'efficacité maximale avec les moyens obtenus.
A procéder de la sorte, on risque fort de conduire l'INPI vers une voie purement administrative, purement budgétaire, qui est à l'opposé du dynamisme et de la bonne gestion. C'est l'une des raisons pour lesquelles je m'apprête à voter les amendements de suppression.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il nous semble que l'article 5 n'est pas tout à fait adapté à la situation budgétaire nouvelle. Il prévoit en effet, pour la troisième fois en six ans, un prélèvement sur les réserves de l'INPI : cette année, de 120 millions de francs.
De manière constante, notre groupe conteste l'ensemble des dispositions prises dans le cadre des collectifs de fin d'année qui tendent, de façon un peu artificielle, à boucher quelques trous budgétaires à partir de recettes de cet ordre. D'ailleurs, la discussion de l'article 4 a abondamment montré ce qu'il convenait de penser de ce procédé.
L'Institut national de la propriété industrielle est ainsi, depuis plusieurs années, régulièrement mis à contribution. En 1991, un collectif budgétaire de fin d'année l'avait « soulagé » de près de 550 millions de francs. A l'automne 1995, la loi de finances rectificative, qui avait par ailleurs soustrait 15 milliards de francs aux crédits destinés à financer les prêts HLM, avait opéré un prélèvement de 215 millions de francs.
Avec les 120 millions de francs qu'il est proposé de prélever aujourd'hui, c'est au total de 885 millions de francs que cet établissement se sera vu privé. Cela signifie que, en six ans, l'Institut aura contribué à la réduction des déficits publics pour un montant qui équivaut à ses dépenses de personnels sur la même période. Cela ne nous paraît pas nécessairement ressortir à de la bonne politique !
Il convient, selon nous, de réfléchir au devenir des missions de l'INPI, d'autant que celui-ci a dû, au cours de ces six dernières années, faire face à une opération de délocalisation dont les conditions demeurent pour le moins discutables.
Par ailleurs, nous ne pensons pas que notre pays souffre d'une présence excessive d'établissements publics de ce type.
S'agissant de l'information économique dont l'INPI est dépositaire, vous me permettrez de souligner que son accessibilité au plus grand nombre peut se révéler hautement souhaitable et qu'un effort mérite d'être accompli à cet égard.
Voilà pourquoi nous sommes convaincus de la nécessité de supprimer l'article 5.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 6 et 26, repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article additionnel après l'article 5