M. le président. M. Michel Charzat attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les congés-ventes donnés par des grandes compagnies d'assurances ou des banques à leurs locataires, dans le cadre du 1 % patronal.
Dans les arrondissements de l'est parisien, des immeubles entiers sont concernés par ces congés-ventes. Il s'agit le plus souvent d'immeubles construits dans les années soixante, grâce à des aides importantes de l'Etat, via le Crédit foncier.
Les locataires qui n'ont pas les moyens d'acheter leurs logements sont nombreux : à peu près deux tiers des personnes concernées. Les propriétaires institutionnels disposent pourtant de nombreux logements, à d'autres endroits, qui sont en location.
En conséquence, il lui demande comment il compte garantir le droit au logement pour tous ? (N° 131.)
La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis deux ans environ, près de dix mille locataires parisiens ont reçu une « offre de vente » de leur propriétaire ; il s'agit, le plus souvent, de compagnies d'assurances et de banques, ainsi que de collecteurs du 1 % logement. C'est le cas, notamment, de l'immeuble du groupe SCIC, financé par la Caisse d'allocations familiales de Paris et la Caisse des dépôts et consignations, situé rue du Repos, dans le vingtième arrondissement.
Dans ce cas comme dans beaucoup d'autres, si les locataires ne sont pas en mesure d'acheter le logement qu'ils occupent, ils seront sommés de quitter leur domicile à l'échéance de leur bail. Dans les arrondissements périphériques, particulièrement ceux de l'est parisien, des immeubles entiers sont concernés par ce congé-vente ; par exemple, dans le secteur du XIIe et du XXe arrondissements, situé porte de Vincennes, plus de quatre cents locataires sont menacés par cette mesure.
Ce probème, qui n'est pas nouveau, prend désormais une acuité particulière dans la capitale, puisque la plupart des immeubles concernés ont été construits dans les années soixante et soixante-dix grâce à des aides importantes de l'Etat, via le Crédit foncier.
Au bout de trente ans, les propriétaires qui ne sont plus tenus par les conventions avec l'Etat souhaitent céder ces logements, de qualité moyenne, et en tirer profit dans une logique exclusivement comptable.
En outre, de nombreux baux arrivent à échéance en 1998, conséquence de la loi du 6 juillet 1989 qui a fait passer les baux de trois à six ans.
Le congé-vente doit être proposé six mois avant l'expiration du bail. Par conséquent, des lettres sont d'ores et déjà prêtes à partir.
Les institutions qui possèdent ces immeubles les proposent à la vente maintenant, car, du fait de leur âge, ceux-ci nécessiteraient des travaux d'entretien qu'ils ne veulent pas assumer.
Des solutions concrètes existent pourtant pour répondre aux besoins de ces locataires qui ne peuvent acquérir leur logement. Les propriétaires institutionnels disposent, en effet, de nombreux logements à d'autres endroits, qu'ils mettent en location.
Pourquoi ne pas envisager que, pour chaque logement vendu au moyen de la procédure du congé-vente, un autre logement soit proposé par le même propriétaire dans son parc, à des conditions de loyer identiques ?
Cette situation d'urgence place de nombreux locataires dans l'incertitude, puisque seulement un tiers d'entre eux, je le rappelle, ont la possibilité d'acquérir leur logement. Ils sont donc, pour la plupart, menacés d'expulsion.
Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour garantir le droit au logement et pour éviter que de nouvelles situations d'urgence ne se créent ? Quels sont le contenu, le but et les moyens de la mission que vous venez de nommer ? Les locataires des immeubles concernés attendent des réponses concrètes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez indiqué, les modalités de la vente du patrimoine des bailleurs privés institutionnels sont précisées par les dispositions de l'article 15, paragraphe II, de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.
Lorsqu'un bailleur donne congé pour vendre à son locataire, il ne peut le faire qu'au terme du bail en respectant un délai de préavis de six mois. Le locataire bénéficie alors d'un double droit de préemption.
Ainsi, le congé doit indiquer le prix et les conditions de la vente et vaut offre de vente au profit du locataire. Celui-ci dispose alors de deux mois pour accepter l'offre, et de quatre mois supplémentaires pour réaliser la vente s'il doit recourir à un prêt.
Puis, lorsque le locataire n'a pas accepté l'offre de vente et que le propriétaire trouve un acquéreur pour un prix inférieur à celui qui était proposé au locataire dans l'offre initiale, le propriétaire doit en informer le locataire, qui bénéficie alors de son deuxième droit de préemption.
En outre, si le bailleur donne congé à un locataire âgé de plus de soixante-dix ans dont les ressources sont inférieures à une fois et demie le SMIC, il doit lui faire une proposition de relogement. Ce nouveau logement doit correspondre aux besoins et aux possibilités du locataire âgé et être situé dans le même arrondissement, dans un arrondissement limitrophe ou dans une commune limitrophe de cet arrondissement. Ainsi, le législateur a souhaité apporter une protection particulière aux locataires les plus vulnérables.
Naturellement, le congé pour vente ne peut s'appliquer dans le cas d'une vente en bloc de l'immeuble, les logements étant alors vendus occupés et le nouveau bailleur se substituant à l'ancien dans ses droits et obligations. Les fraudes à la loi peuvent exister, mais elles sont sévèrement sanctionnées par la justice.
Il n'en demeure pas moins que la mise en vente de ces logements ne va pas sans poser de problèmes aux locataires, surtout lorsqu'ils ne bénéficient pas des protections particulières auxquelles j'ai fait allusion.
C'est la raison pour laquelle j'ai confié une mission à M. Marc Prevot, haut fonctionnaire du ministère du logement, sur les congés-ventes collectifs. Cette mission a pour objet de faire des suggestions pour l'avenir de parcs de logements locatifs des investisseurs institutionnels et des organismes collecteurs du 1 % dont la constitution a bénéficié d'aides financières de l'Etat.
Je n'exclus pas que M. Prevot puisse, dans son rapport, indépendamment de toute proposition d'ordre général sur le devenir de ces parcs, présenter d'autres suggestions pour compléter les protections dont bénéficient d'ores et déjà certaines catégories de locataires.
Parallèlement, le Gouvernement a décidé d'ouvrir une réflexion sur les modifications éventuelles à apporter au statut de bailleurs qui, tout en étant des propriétaires privés, ont bénéficié d'aides publiques. Ce travail s'inscrira dans une logique d'équilibre entre les aides de l'Etat et les contreparties à en attendre des bailleurs.
Dans ce double cadre, vous observations seront, monsieur le sénateur, une utile contribution aux travaux qui sont engagés.
M. Michel Charzat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir rappelé les droits des locataires qui sont protégés par le législateur lorsqu'ils se trouvent dans une situation de vulnérabilité. Nous devons, bien sûr, aider les associations de locataires à faire respecter ces droits.
J'enregistre avec satisfaction l'extension de la mission de M. Prevot à des propositions qui pourraient concerner les locataires qui ne sont pas protégés par la législation actuelle. Je note également que vous souhaitez bénéficier des remarques ou des suggestions des élus de Paris que nous sommes.
Plus généralement, il est temps, monsieur le secrétaire d'Etat, de rétablir dans la capitale l'équilibre nécessaire entre le maintien du secteur locatif à des conditions ouvertes au plus grand nombre et le développement, souhaitable, de l'accession à la propriété. C'est aussi un point sur lequel nous aurons sans doute l'occasion de continuer à travailler de manière très positive.
Statut des maires des communes rurales