M. le président. Mme Hélène Luc tient à attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation de la clinique de Choisy-le-Roi. Selon certaines informations, la fermeture prochaine de cet établissement, qui offre aux habitants de Choisy et des communes riveraines des soins de qualité, serait envisagée.
Elle tient à exprimer la grande émotion et la grande indignation qu'elle partage avec le personnel de cette clinique, ses usagers et le maire de Choisy.
C'est pourquoi elle lui demande de prendre toute disposition pour empêcher cette fermeture et assurer à cet établissement le développement indispensable d'activités et de soins durables qu'il doit apporter au service des populations et des malades. (N° 126.)
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, le devenir de la clinique de Choisy-le-Roi reflète avec force le divorce qu'il faut à tout prix arrêter entre les besoins de soins et de santé de nos concitoyens d'une part et, d'autre part, la logique purement financière des multinationales ayant investi ce secteur, que le plan Juppé est venu amplifier. Sa remise en cause est donc toujours justifiée comme le montre l'exemple de Choisy-le-Roi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette clinique, longtemps appelée clinique Léger - c'était une clinique familiale - est intimement liée à l'histoire de Choisy-le-Roi dont elle constitue le seul établissement hospitalier. Elle est intimement liée à la vie des 35 000 Choisyens de tous âges et de toutes générations pour qui cet établissement représente de longue date le service de proximité qui offre la sécurité en cas d'urgence, notamment pour les enfants. Je prends mon exemple : mes deux enfants y sont allés trois fois. Cet établissement propose des consultations de qualité dans de nombreuses spécialités, de pointe pour certaines, la possibilité en cas d'intervention chirurgicale d'une hospitalisation proche des siens, conduite par une équipe médicale et paramédicale à dimension humaine, efficace, entourant de tout son dévouement ses malades.
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, la clinique de Choisy-le-Roi, avec ses 3 500 urgences, ses 1 700 séjours hospitaliers, ses milliers de consultations, est ancrée dans le tissu profond de notre ville.
M'exprimant ainsi, je sais bien que je suis à mille lieues des préoccupations de ces groupes internationaux pour qui les établissements qu'ils rachètent et vendent au gré de leur taux de profit ne sont que les pions d'un vaste Monopoly dans lequel la santé des êtres humains n'est pas la règle du jeu essentielle. Le rachat, voilà trois ans, des cent lits de cette clinique par la Générale de santé et par le groupe anglais Sirven n'avait pour objet - inavoué au départ, bien sûr - qu'un véritable dépeçage pour mieux restructurer, déplacer, transférer ces potentiels dans d'autres unités, sans qu'un instant soient prises en compte dans ces froids calculs les réalités humaines de la sécurité morale et sanitaire des Choisyens.
Vous mesurez par mes propos, monsieur le secrétaire d'Etat, combien mon émotion et ma colère sont vives, comme le sont celles des personnels menacés dans leur emploi - je pense aux infirmières, aux aides soignantes, dont certaines sont d'ailleurs présentes dans les tribunes - celles des médecins, celles des Choisyens - dont 2 500, en quelques jours seulement, viennent de signer la pétition du personnel - celles du maire de Choisy, de la municipalité, du conseil général du Val-de-Marne - qui a voté hier après-midi un voeu pour le maintien de la clinique, tout comme le fera très certainement le conseil municipal de Choisy, ce soir même - et celles de nombreux acteurs de notre ville.
Avec eux, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande instamment d'intervenir fermement auprès des autorités compétentes et de vos administrations pour que l'activité chirurgicale qui, en fait, conditionne toutes les autres activités de l'établissement, soit maintenue, faute de quoi on aboutirait, à terme, à la fermeture de la clinique.
Je vous demande donc avant toute chose, monsieur le secrétaire d'Etat, d'user de votre autorité pour réunir autour d'une table ronde toutes les parties intéressées, afin d'étudier sérieusement le moyen d'assurer le devenir de la clinique de Choisy, conformément à l'intérêt des habitants, dans le respect de l'emploi et de la compétence des personnels.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Madame le sénateur, je comprends votre émotion ; la manière dont vous avez présenté ce dossier en témoigne une fois de plus.
Comme vous le savez, madame la présidente, la clinique privée de Choisy-le-Roi appartient au groupe de la Générale de santé. Antérieurement autorisée pour 83 lits de chirurgie et 29 lits de gynécologie-obstétrique, cet établissement a vu sa capacité ramenée, par arrêté préfectoral en date du 14 juin 1995, à 41 lits et à 5 places de chirurgie à la suite du transfert de lits à la clinique Claude-Galien à Quincy-sous-Sénart, qui appartient au même groupe.
C'est donc un petit établissement - et le fait que vos deux enfants y aient été traités me le rend encore plus sympathique - pratiquant une « petite chirurgie », de surcroît peu actif si je me réfère au taux d'occupation qui était de 63 % en 1996. Son activité de chirurgie ambulatoire est essentiellement une activité de fibroscopie et ne correspond pas à une véritable chirurgie de substitution.
Face à cette situation, la Générale de santé a entrepris un plan de restructuration de ses trois établissements du Val-de-Marne visant à regrouper ses établissements de Vitry et d'Ivry sur le site de Vitry. Cette opération de restructuration est déjà autorisée. Cela m'amène aussi à préciser que les lits de la clinique de Choisy-le-Roi devraient être convertis en lits de soins de suite.
Je parle au conditionnel, madame la présidente, car cette opération de conversion a fait l'objet d'une demande qui sera examinée par le comité régional de l'organisation sanitaire et sociale, le CROSS, au début de l'année 1998. En ce qui me concerne, sous réserve des avis qui seront formulés, il n'y a aucune raison pour que cette opération ne soit pas validée, justement pour permettre la suite.
Ma réponse ne serait pas complète si je ne vous parlais pas du devenir des 5 places de chirurgie ambulatoire. Sur ce point, la décision appartient à l'agence régionale de l'hospitalisation. Je serai évidemment tenu au courant.
Madame la présidente, j'ai bien noté votre préoccupation relative à l'accès, pour la population de Choisy-le-Roi, à des soins de qualité. Aussi, je demanderai à l'agence régionale de l'hospitalisation de veiller, en concertation avec les autorités locales, je vous ai bien entendue, à ce que la répartition des activités médicales et chirurgicales, sur la commune de Choisy-le-Roi comme sur les communes avoisinantes, réponde aux besoins de la population et garantisse une prise en charge satisfaisante, notamment en ce qui concerne les urgences, j'insiste sur ce point.
Pour résumer, je vous indique qu'il n'y a aucune volonté des pouvoirs publics de fermer cet établissement, que le groupe privé qui possède cette clinique a manifesté l'intention non pas de la fermer, mais de reconvertir une partie de son activité dans des conditions qui seront soumises aux différentes instances amenées à émettre un avis sur l'évolution de cet établissement et, enfin, que les pouvoirs publics seront particulièrement attentifs à ce que l'accès à des soins de qualité soit assuré.
J'ajoute, madame Luc, que si ces mesures, qui nous prendront quelques jours au début de 1998, ne sont pas satisfaisantes, je suis tout à fait prêt à réunir cette table ronde dont vous avez parlé.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc. Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, par votre réponse, vous me faites part de toute l'attention que vous portez à la situation de la clinique de Choisy-le-Roi et je vous en remercie.
Je note bien, mais je le pensais, qu'il n'existe aucune volonté de la part des pouvoirs publics de fermer cet établissement. Ils souhaitent au contraire le voir poursuivre son activité.
Je reconnais votre préoccupation pour que ne soient pas prises à l'emporte-pièce ou de façon bureaucratique, comme je crains que cela ne soit le cas actuellement, des décisions qui, de surcroît, sont coupées des intérêts de la population et des professionnels de la santé.
Ainsi, pour contrer des conséquences négatives du plan Juppé, vous avez exprimé, avec Mme Aubry, votre volonté de réviser les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale qui ont été élaborés sans réelle étude des besoins ni concertation. C'est une bonne chose, et le cas de Choisy-le-Roi est exemplaire, vous avez pu le constater, monsieur le secrétaire d'Etat.
Vous allez demander à l'agence régionale de l'hospitalisation d'examiner de près la situation, avez-vous dit. Fort bien. Il faut absolument y associer - mais puisque vous l'avez proposé il n'y a aucune raison que cela ne se fasse pas - tous ceux qui sont sur le terrain et qui connaissent bien les besoins.
Dans la situation présente pèsent fortement des intérêts commerciaux puisqu'il s'agit d'une clinique contrôlée par un groupe privé. Mais, même en tenant compte de cette réalité, notre système de protection sociale, qui nourrit l'activité de ces entreprises, relève principalement, par son financement et par son histoire, du domaine public.
La gestion de tels établissements ne peut donc pas être soumise au seul bon vouloir des actionnaires et des décideurs, totalement étrangers aux questions de la santé, et je peux vous dire que la population de Choisy le leur fera savoir avec le personnel. Elle le peut d'autant moins qu'il ne s'agit tout de même pas d'un quelconque bien de production lambda. Il s'agit du bien le plus précieux, celui de la santé et de la vie, et il faut le préserver comme tel.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, avec toutes celles et tous ceux qui se battent pour préserver cette dimension humaine fondamentale, à Choisy comme ailleurs, je n'accepterai pas ce bradage. Je le redis avec le maire, avec les élus, avec les personnels et avec les Choisyens : « Nous ne voulons pas des méthodes à l'anglaise pour notre santé » ; « nous voulons une discussion entre tous les acteurs », et « nous voulons garder notre clinique ».
Réforme du réseau national
de la Banque de France