M. le président. La parole est à M. Marini, auteur de la question n° 44, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur un sujet voisin de celui qui a été opportunément soulevé, voilà un instant, par notre collègue M. Charles Revet.
En effet, je souhaitais vous interroger sur certaines conditions particulières que doivent remplir les personnes malvoyantes pour bénéficier soit de l'allocation compensatrice pour tierce personne, soit de la prestation spécifique dépendance.
J'ai été, au sein de la commission des affaires sociales du Sénat, l'un de ceux qui, à l'époque, autour de M. le président Fourcade et de M. Jean Chérioux, ont oeuvré pour que l'on mette en place une prestation spécifique dépendance. Cependant, je ne prétends pas que ce texte résolve tous les problèmes, et sans doute existe-t-il des situations de transition qu'il faudrait mieux prendre en compte, afin que nos concitoyens s'y retrouvent dans ce qui constitue, il faut bien en convenir, un maquis de textes et de réglementations.
En ce qui concerne plus particulièrement les handicapés visuels, il me semble important que vous précisiez, monsieur le secrétaire d'Etat, quel régime spécifique peut leur être réservé, notamment si ces personnes étaient jusque-là bénéficiaires, avant l'âge de soixante ans, de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP.
En outre, il serait important pour les associations qui regroupent les déficients visuels que vous puissiez nous dire quel est le régime applicable en matière d'effectivité de l'aide ménagère ou, plus exactement, de contrôle de l'effectivité de la rémunération versée à un tiers.
On me fait valoir, en effet, que, pour nombre de déficients visuels ou de personnes ayant totalement perdu la vue, il est fréquent qu'une partie de la somme versée au titre de l'ACTP soit consacrée à des petites aides de la vie quotidienne, s'agissant de lecture, de déplacements ou d'autres prestations du même type, qui peuvent nécessiter le recours, non pas à une seule personne, mais à un certain nombre de services souvent assurés dans le cadre des relations de voisinage ou des relations familiales.
C'est pourquoi les associations regroupant les personnes intéressées souhaitent que l'administration fasse preuve d'une certaine souplesse dans le contrôle de l'effectivité de l'allocation compensatrice pour tierce personne.
Je serais donc heureux, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez apporter, dans la situation législative et réglementaire complexe que nous connaissons, les éléments d'information et les précisions qu'attendent ces personnes, qui sont des accidentés de la vie lourdement touchés par le handicap et qui ont assurément besoin d'être rassurées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler dans quelles circonstances - il s'agit de la loi du 24 janvier 1997 - la prestation spécifique dépendance a été instituée. Vous avez eu raison de rappeler qu'elle n'était pas parfaite car lorsque des décrets d'application vous ont été soumis les corrections, sans doute nécessaires, n'ont pas été apportées ; peut-être était-ce dans le feu de l'action et en raison de la difficulté du débat législatif ?
Je sais les difficultés particulières que les personnes souffrant de déficience visuelle ou de cécité rencontrent. Cependant, je ne suis pas certain que le besoin d'aide d'une personne handicapée âgée puisse être déterminé en se référant exclusivement au type de handicap qui l'affecte. Nous connaissons tous des personnes atteintes de cécité tôt dans la vie dont la perte d'autonomie est beaucoup moins importante que celle de personnes qui sont atteintes d'autres types de handicap.
En revanche, les personnes qui sont atteintes de cécité après l'âge de soixante ans éprouvent plus de difficultés à compenser ce handicap, en toute hypothèse, de façon très partielle, par une certaine adaptation à l'accomplissement des actes essentiels de l'existence, et leur besoin d'assistance d'une tierce personne en est donc accru.
Tel est le sens, vous pourrez sans doute me le confirmer, monsieur le sénateur, des dispositions qui ont été retenues pour la prestation spécifique dépendance et que je voudrais rappeler.
La loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 instituant la PSD, la prestation spécifique dépendance, distingue le cas des personnes ayant bénéficié de l'ACTP, l'allocation compensatrice pour tierce personne, avant l'âge de soixante ans de celui des personnes qui ont obtenu cette prestation après cet âge.
Les premières peuvent choisir lorsqu'elles atteignent cet âge, et à chaque renouvellement de l'attribution de cette allocation, le maintien de celle-ci ou le bénéfice de la prestation spécifique dépendance. Cela vaut notamment pour les personnes atteintes de cécité, auxquelles l'ACTP est attribuée systématiquement au taux maximal de 80 % de la majoration pour aide constante d'une tierce personne, ainsi que cela est mentionné à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale. Les droits de ces personnes-là sont donc en tout état de cause préservés.
Le régime juridique de la PSD ne s'applique obligatoirement et sans exclusive, aux termes de la loi que vous avez votée, qu'aux secondes, c'est-à-dire aux personnes âgées de plus de soixante ans n'ayant pas jusque-là bénéficié de l'ACTP. Je reconnais que tout cela est d'une complexité pour le moins rébarbative.
M. Charles Revet. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le montant de la PSD attribuée - qui peut être supérieur au montant maximal de l'ACTP - est déterminé principalement en fonction du besoin d'aide de la personne, besoin évalué par une équipe médico-sociale, compte tenu notamment de l'environnement de la personne et des aides publiques ou à titre gracieux dont elle disposera, c'est-à-dire compte tenu notamment de l'aide des bénévoles qui n'auront pas souhaité être salariés au titre du plan d'aide. Aussi, la prestation accordée devrait théoriquement être adaptée aux besoins d'aide réels de la personne.
Ainsi, le montant de la prestation accordée, qui tient compte du besoin de surveillance et d'aide requis par l'état de dépendance de la personne, permettra de financer les services qui sont liés à la spécificité de son handicap tels qu'ils auront été définis par cette équipe médico-sociale pour le plan d'aide.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la PSD peut servir à financer des dépenses autres que les dépenses de personnel, pour 10 % au maximum du plafond de cette prestation, soit, par exemple, 560 francs par mois dans un département ayant fixé ce plafond au niveau de la MTP, la majoration pour tierce personne. Ainsi peuvent être pris en charge les frais de téléphone ou de taxi que vous évoquez. L'autre partie de la prestation doit être consacrée à la rémunération de personnel. Mais la loi permet de rémunérer tous types de personnels et non les seules aides ménagères, contrairement à ce que vous semblez indiquer dans votre question. Je me permets d'insister sur le fait que la profession d'aide ménagère inclut l'obligation de confidentialité et, d'une manière générale, offre des garanties de professionnalisme qui paraissent indéniables.
Je vous rappellerai également que l'institution de la PSD vise, dans l'esprit de ses promoteurs, à mettre fin à des pratiques, jugées trop fréquentes, de thésaurisation de l'ACTP qui ne profitaient pas toujours à la personne la plus concernée, c'est-à-dire l'allocataire.
Ce nouveau dispositif juridique qui est entré en vigueur au milieu de l'année 1997 fera l'objet, comme Mme Aubry l'a indiqué lors de l'installation du comité national de la coordination gérontologique, le CNCG, d'une analyse très approfondie de sa première année d'application. Au vu des dysfonctionnements qui, selon moi, ne manqueront pas d'être relevés, le Gouvernement prendra par voie réglementaire ou proposera au Parlement les modifications jugées nécessaires.
J'ai d'ailleurs demandé aux départements, représentés au CNCG, de faire en sorte que les anomalies qui seront constatées dans la fixation des montants de la prestation spécifique dépendance en établissement par certains d'entre eux soient corrigées d'ici au début du printemps.
Pardonnez-moi d'avoir été aussi long mais, en cette matière, nous avions besoin de ces précisions, qui n'éclaircissent d'ailleurs pas complètement la question.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces précisions. Si l'éclaircissement n'est pas complet, néanmoins c'est un bon début ; c'est en tout cas un exposé de méthode qui sera certainement utile pour les concertations futures.
J'ai, en effet, compris que, au terme d'une année d'application de la loi sur la PSD, vous alliez prendre l'initiative de rencontrer des acteurs de terrain, les associations représentatives des différentes catégories d'utilisateurs tant de l'ACTP, loi de 1975, que de la PSD, loi de 1997.
J'ai également cru comprendre que, à la suite de cet examen, vous alliez tâcher d'identifier les aspects les plus délicats qui nécessiteraient des évolutions réglementaires ou législatives. Cette clarification sera en tout état de cause utile. Il me semble, en effet, que le Parlement, lorsqu'il a souhaité l'instauration de la PSD, n'a pu régler du premier coup toutes les difficultés susceptibles d'apparaître, en particulier dans les situations transitoires existant entre le handicap et la vieillesse ou la grande vieillesse : le handicap non lié à la vieillesse qui est aggravé par cette dernière et le handicap qui n'apparaît que du fait du grand ou du très grand âge.
Ce sont évidemment des sujets sociaux, thérapeutiques, voire moraux, qui sont très délicats et extrêmement importants dans notre société.
J'attends donc avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, les résultats des concertations auxquelles il sera procédé et les mesures nouvelles que vous envisageriez de présenter dans l'esprit de ce que vous avez annoncé, c'est-à-dire dans un esprit de clarification : d'un côté, le régime spécifique du handicap, de l'autre, le régime d'aide à la personne nécessitée par l'état de grande dépendance propre à la vieillesse ou à la grande vieillesse avec, bien évidemment, des phases transitoires ou des situations qu'il faut gérer au mieux et dans l'esprit le plus empirique.
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